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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 7 novembre 1996

.0941

[Traduction]

La présidente: Ce matin, nous accueillons le conseiller de l'Ontario Criminal Code Review Board, Richard Schneider, dans le cadre de l'étude du projet de loi C-17, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois.

Je vous souhaite la bienvenue. Je crois savoir que vous avez un exposé ou des observations à nous présenter.

M. Richard D. Schneider (conseiller, Ontario Criminal Code Review Board): Oui. Nous avons un mémoire qui a d'ailleurs été distribué. Je vais limiter mes observations aux 10 ou15 minutes recommandées.

En guise d'entrée en matière, je vous signale que l'Ontario Criminal Code Review Board est l'organisme qui remplace le Conseil de révision du lieutenant-gouverneur. Il a vu le jour à la proclamation du projet de loi C-30, en 1992.

Notre organisme a maintenant un pouvoir de décision au lieu d'avoir un rôle consultatif. Autrefois, nous conseillions le lieutenant-gouverneur, qui prenait les décisions au sujet des prévenus que les tribunaux avaient considérés comme inaptes à subir leur procès ou non criminellement responsables en raison de troubles mentaux. Ce sont là les deux groupes d'accusés dont nous avons à nous occuper.

En ce qui concerne les «prévenus inaptes à subir leur procès», nous conservons la compétence à leur égard jusqu'au moment où ils sont aptes à subir leur procès. Ils relèvent alors de nouveau des tribunaux. Quant aux «prévenus non criminellement responsables», nous conservons notre compétence à leur égard jusqu'à ce qu'ils ne semblent plus présenter une menace importante pour la sécurité du public. Les prévenus obtiennent alors l'absolution inconditionnelle. Nous tenons un millier d'audiences par année, et leur nombre est à la hausse.

Il va sans dire que les dispositions dont je vais parler sont celles qui portent sur le traitement. Il y a là une vaste gamme de possibilités, depuis les méthodes les plus bénignes comme le counselling jusqu'au traitement par électrochocs et à la psychochirurgie.

Les traitements extrêmes, dans cet éventail, sont expressément exclus. Généralement, ce dont il s'agit ici ou ce sur quoi portent ces dispositions, peut-on présumer, sont l'utilisation de médicaments psychotropes par ingestion forcée ou par injection intramusculaire.

Actuellement, la loi ne prévoit qu'une seule possibilité limitée de traitement, soit lorsque le tribunal déclare un prévenu inapte à subir son procès, avant la prise de dispositions aux termes de l'article 672.54. On reconnaît qu'il y a lieu ou qu'il est justifiable de recourir à un traitement seulement dans le cas d'un prévenu qui pourrait, au moyen d'un traitement, devenir apte à subir son procès et pourrait donc comparaître de nouveau devant les tribunaux pour la suite des procédures.

Ce que nous croyons, de façon générale, c'est que les dispositions du Code criminel sur le traitement, dans leur état actuel, sont dans l'ensemble extrêmement sous-utilisées. Les tribunaux sont la seule instance habilitée à prendre une ordonnance de traitement contre la volonté de la personne. Nous constatons que les tribunaux hésitent beaucoup, en général, à s'engager dans cette voie et préféreraient, une fois rendu le verdict d'inaptitude à subir un procès, céder à la commission d'examen la juridiction à l'égard du prévenu. C'est alors qu'entrerait en jeu la loi provinciale pour assurer le traitement nécessaire.

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Notre première réaction aux dispositions sur le traitement en général, c'est que les commissions d'examen devraient, au même titre que les tribunaux, avoir le pouvoir de prendre des ordonnances. Il y a deux raisons à cela. Tout d'abord, au moment où le prévenu lui est renvoyé, la commission d'examen a généralement plus de renseignements et de données cliniques pour prendre une décision en matière de traitement. Le deuxième avantage de la commission d'examen est que, par définition, elle est composée d'experts. Au moins un de ses membres est psychiatre.

Nous croyons être fort bien équipés à ces deux points de vue pour prendre des ordonnances en matière de traitement. Si nous pensons qu'il faut procéder de cette manière, c'est bien sûr parce que nous conservons la compétence à l'égard du prévenu tant qu'il demeure inapte à subir son procès. Généralement, la façon de redevenir apte est de répondre à un type spécifique de traitement psychiatrique, à un traitement par neuroleptiques. Par conséquent, plus rapidement les prévenus sont traités et retrouvent leur niveau d'aptitude, plus brève est la période pendant laquelle ils relèvent de nous et moins longtemps ils occupent un lit dans les services médico-légaux, lits dont il y a une grave pénurie, au moins en Ontario.

Nous demandons également au gouvernement d'envisager la possibilité de reconnaître comme objectifs valables non seulement le rétablissement du niveau d'aptitude, mais peut-être aussi le fait d'atténuer la menace que le prévenu peut présenter pour la société.

Il faut faire remarquer qu'environ 85 p. 100 des prévenus dont nous avons la charge sont détenus parce qu'ils ont été reconnus non criminellement responsables et qu'ils sont considérés comme une menace non négligeable pour la sécurité du public. Si le traitement pouvait atténuer la gravité de la menace qu'ils représentent, le système pourrait réaliser des économies phénoménales, car des prévenus pourraient obtenir l'absolution inconditionnelle ou être gardés dans des établissements où la sécurité est moins rigoureuse.

En ce qui concerne la modification proposée au paragraphe 672.55(1), nous nous demandons quelle sera l'utilité d'un élargissement de la disposition qui permettra le traitement avec consentement de l'accusé. Les traitements administrés avec le consentement du prévenu sont pour ainsi dire toujours disponibles.

Selon nous, il n'est guère utile de permettre au tribunal ou à la commission d'examen d'ordonner un traitement si on pose comme hypothèse que le prévenu doit y consentir. On peut présumer que, dès que le consentement est refusé, la condition n'est plus respectée. Alors, cette disposition ou l'ordonnance qui se fonde sur elle perd toute raison d'être.

Un autre élément de la modification proposée nous inquiète. C'est l'emploi du terme «notamment». Par définition, pour ainsi dire, tout traitement qu'on peut prescrire à un prévenu pour qu'il devienne apte à subir son procès - seule situation où un traitement serait prescrit - est un traitement psychiatrique. Nous croyons que, étant donné le peu de latitude laissé en matière de traitement, il n'y a pas beaucoup de place pour d'autres formes d'intervention. Cela est expliqué un peu plus en détail dans le mémoire.

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Nous nous inquiétons également du passage suivant: «elle, c'est-à-dire la décision, peut toutefois comporter une condition relative à un traitement que le tribunal ou la commission d'examen estime raisonnable et nécessaire aux intérêts de l'accusé et à laquelle celui-ci consent». Le critère «raisonnable et nécessaire aux intérêts de l'accusé» nous semble extrêmement vague. Autrement dit, il faudrait prescrire un traitement seulement lorsque l'accusé est inapte à subir son procès et que l'ordonnance est prise pour le rendre apte, ou, autre possibilité, lorsque l'accusé présente une menace grave pour la sécurité du public et que le traitement aurait pour objet second spécifique d'atténuer la gravité de la menace qu'il présente pour la sécurité du public.

Voilà donc, brièvement, ce que nous recommandons. Je devrais ajouter aux recommandations de la page 3 que nous demandons au gouvernement d'envisager que la demande d'ordonnance de traitement puisse être faite soit par le ministère public, soit par l'administrateur de l'hôpital. Pourquoi? Parce qu'il arrive souvent que, aux audiences initiales, il n'y ait aucun représentant du procureur de la Couronne. Ce serait donc le représentant, l'administrateur de l'hôpital qui agirait. En général, l'avocat vient du ministère de la Santé pour faire la demande de traitement au nom de l'administrateur.

Nous demandons donc au gouvernement d'envisager d'élargir la portée des ordonnances de traitement pour que celles-ci puissent être prises par les commissions d'examen provinciales aussi bien que par les tribunaux. La diminution de la gravité de la menace doit être reconnue comme un motif ou une justification pour prendre une ordonnance. Les ordonnances de traitement devraient être autorisées comme condition dans le cadre d'une disposition générale aux termes de l'article 672.54 pourvu que soient respectés l'avis de preuve et les autres critères des articles 672.58 à 672.62 du Code criminel. De plus, soit dit avec le plus grand respect, nous ne voyons pas à quoi peut servir une disposition permettant de prescrire un traitement si le consentement de l'accusé est exigé au préalable.

Voilà mes observations, en toute déférence, et je suis prêt à répondre aux questions.

La présidente: Monsieur Ramsay, dix minutes.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, madame la présidente. Je tiens à remercier le témoin d'être venu nous faire part de ses réflexions sur le projet de loi C-17.

Dans la modification proposée au paragraphe 672.55(1), avez-vous des préoccupations au sujet de l'emploi du terme «notamment»?

M. Schneider: Oui.

M. Ramsay: Est-ce parce qu'on ne définit pas quels peuvent être les autres traitements?

M. Schneider: Il n'y a pas que cela. Selon le libellé actuel, le Parlement ne reconnaît qu'une condition permettant un traitement quelconque, soit lorsque le prévenu n'est pas apte à subir son procès en raison de troubles mentaux. On peut présumer que tout traitement qui serait prescrit pour remédier à la situation serait un traitement psychiatrique.

Il est peut-être inutile de faire allusion à d'autres traitements en employant le terme «notamment». Qui plus est, cela peut être un peu troublant, car, aux yeux de certains lecteurs, cela peut donner à entendre que des traitements autres que psychiatriques peuvent être prescrits à d'autres fins. Je crois que cela va nettement à l'encontre des intentions du Parlement.

M. Ramsay: D'accord. Vous vous êtes dit préoccupé également du caractère volontaire du traitement prévu dans les ordonnances. Autrement dit, s'il n'y a pas consentement, il ne peut y avoir ordonnance, selon votre interprétation de cette mesure.

M. Schneider: C'est le sens qui semble ressortir à la lecture du texte.

M. Ramsay: Oui. Vous êtes convaincu que c'est l'interprétation juste.

M. Schneider: C'est ainsi que nous voyons les choses.

M. Ramsay: C'est votre interprétation.

M. Schneider: C'est notre interprétation. C'est probablement l'interprétation que donneraient de cette disposition la plupart des lecteurs.

M. Ramsay: Bien sûr, je partage cette préoccupation. Si les faits montrent que ce type de traitement s'impose, pourquoi faudrait-il que l'accusé donne son consentement?

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Les fonctionnaires du ministère de la Justice pourront peut-être nous donner des explications lorsque nous étudierons le projet de loi article par article. C'est une question que je me pose tout comme vous.

Nous avons vu la même chose dans d'autres domaines de la justice pénale. Ce ne sont pas seulement les traitements psychiatriques, mais aussi les autres programmes de réadaptation qui dépendent du consentement. Dans le cas qui nous intéresse, où une décision est prise quant à l'aptitude d'une personne à subir son procès pour une infraction pénale, il semble qu'on s'expose à une multitude de préoccupations en rendant le traitement obligatoire seulement s'il y a consentement.

Peut-être pourriez-vous donner une précision au comité. Qu'est-ce qui vous inquiète, compte tenu du fait qu'il faudrait le consentement et qu'aucun accusé ne pourra être soumis à un examen psychiatrique sans son consentement? Où se situe le problème?

M. Schneider: Voici le premier problème, selon mon interprétation, qui, je l'espère, est fidèle aux intentions du législateur. Ce semble être une ordonnance qui devient inapplicable. Disons que l'ordonnance repose sur le consentement de l'accusé. Supposons que, quelque temps après la prise de l'ordonnance, l'accusé retire son consentement. Il décide que, tout compte fait, il ne veut pas de ce traitement. On peut présumer que l'ordonnance ne pourrait pas être exécutée, étant donné que le consentement nécessaire pour prendre l'ordonnance a été retiré. Voilà le premier problème.

Deuxièmement, les traitements auxquels l'accusé consent sont toujours offerts, que l'accusé soit incarcéré dans un établissement correctionnel ou détenu dans un hôpital. Les traitements volontaires sont presque toujours disponibles.

Les cas qui font problème surgissent lorsque, de l'avis du tribunal, il faut intervenir et redonner à l'accusé un certain niveau d'aptitude. Le consentement est refusé. Il faut donc que le Parlement intervienne pour ordonner un traitement contre le gré de l'intéressé. Ces dispositions se trouvent du paragraphe 672.58(3) à l'article 672.62. Il y a là un bon système qui est en place.

Selon nos recommandations, il est inutile, compte tenu du système déjà en place, de prévoir une autre ordonnance qui dépendrait de l'obtention du consentement. Qui plus est, l'ordonnance ne peut être exécutée. Voilà ce qui nous préoccupe, à propos de la deuxième partie de la modification qui se trouve au paragraphe 672.55(1).

M. Ramsay: Si la modification proposée entre en vigueur, croyez-vous possible que des prévenus soient cités à leur procès alors qu'ils ne devraient pas l'être, pour des raisons d'ordre médical, pour la simple raison qu'ils n'ont pas consenti à l'examen qui s'impose pour savoir si, oui ou non, ils sont aptes à subir leur procès?

M. Schneider: Je suis désolé, mais le sens de votre question m'échappe.

M. Ramsay: Disons qu'une personne est arrêtée pour une infraction et qu'il est établi qu'elle n'est pas apte à subir son procès. On exige alors un examen psychiatrique. Premièrement, la loi permet-elle de procéder à cet examen sans consentement? Deuxièmement, dans la négative, les accusés qui ne consentent pas à un traitement risquent-ils de devoir répondre à une accusation au criminel alors qu'ils ne sont pas aptes à subir leur procès sans qu'il soit procédé à un examen?

M. Schneider: Tout d'abord, aux termes de l'article 672.11, il est possible de prescrire avec ou sans le consentement de l'accusé une évaluation de l'aptitude à subir un procès. Cette disposition existe déjà.

M. Ramsay: D'accord.

M. Schneider: Un accusé ne sera pas forcé à subir son procès si, après audition de la preuve, il demeure inapte.

Ce que nous craignons, c'est que les accusés ne restent inaptes plus longtemps si on ne recourt pas plus fréquemment au traitement obligatoire. Comme je l'ai déjà dit, les tribunaux semblent répugner, généralement, à s'engager dans cette voie.

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Par contre, dans l'état actuel des choses, il est interdit aux commissions d'examen de s'engager dans cette même voie. En fait, sur deux plans principaux, elles sont probablement plus à même de prendre le type d'ordonnance propre à ramener un plus grand nombre d'accusés devant les tribunaux et à le faire plus rapidement. Je ne pense pas qu'il y ait quelque risque que ce soit à ce que les accusés soient forcés de subir leur procès s'ils sont inaptes. C'est simplement que...

M. Ramsay: La loi prévoit donc déjà la possibilité de faire ces évaluations.

M. Schneider: Effectivement. C'est simplement que les accusés peuvent mettre beaucoup plus de temps à retrouver le niveau d'aptitude voulu et à retourner devant les tribunaux. Le système sera donc plus lent si on ne prend pas plus fréquemment ce type d'ordonnance.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Ramsay.

Monsieur Ramsay, je vais demander à Mme Torsney de me remplacer à la présidence. Est-ce que je pourrais vous dire un mot à l'extérieur de la salle? Merci.

La vice-présidente (Mme Torsney): Merci.

Ce sera maintenant le tour des libéraux. Monsieur DeVillers.

M. DeVillers (Simcoe-Nord): Merci, madame la présidente.

Monsieur Schneider, dans votre exposé, vous avez dit qu'il y avait en ce moment une pénurie critique de lits dans les services médico-légaux en Ontario.

M. Schneider: C'est juste.

M. DeVillers: Je viens de Penetanguishene et je connais bien les installations d'Oak Ridge là-bas. Elles accueillaient 300 personnes à la fin des années 60, à l'époque où j'y travaillais pendant l'été, mais je crois qu'il n'y en a plus que 120 environ. Vous dites qu'il manque de place. Est-ce que c'est parce que les budgets ne sont pas suffisants pour qu'on utilise les installations à fond?

M. Schneider: Il semble se dessiner une grande évolution. Deux facteurs sont à l'oeuvre. Tout d'abord, il y a l'orientation que traduit la politique; on cherche davantage à réintégrer les gens dans leur milieu et à réduire le nombre de places dans les établissements. Le deuxième facteur, ce sont les difficultés économiques qui entraînent la fermeture de lits.

J'ai l'impression que les lits réservés aux cas médico-légaux sont relativement mieux protégés que ceux destinés à l'ensemble de la population. À titre d'exemple, le Queen Street Mental Health Centre de Toronto a récemment ouvert une installation à sécurité moyenne dont on avait désespérément besoin. Elle compte une trentaine de places. Elle a ouvert ses portes il y a moins d'un an, et voici que la période d'attente pour y entrer est de 18 mois. Voilà qui fait ressortir à quel point il est important de traiter les accusés souffrant de troubles mentaux ou d'avoir de meilleures dispositions pour les traiter, et de permettre à la fois aux commissions d'examen et aux tribunaux d'agir, pour que les accusés libèrent le système plus rapidement, soit qu'ils soient encadrés avec un degré de sécurité moindre - dans un hôpital ou sous surveillance dans leur milieu - , soit qu'ils retournent devant les tribunaux. Cela permet simplement d'accélérer le processus s'il y a davantage de possibilités pour traiter les troubles mentaux qui sont à l'origine de tout le problème.

M. DeVillers: Oui, mais s'il y a davantage d'instances qui peuvent prendre des ordonnances de traitement et si les installations ne suffisent déjà pas, comment allons-nous faire face à la situation?

M. Schneider: Ces accusés sont déjà sous garde dans les hôpitaux.

M. DeVillers: D'accord.

M. Schneider: Par exemple, si un accusé est déclaré inapte à subir son procès et si le tribunal refuse de prendre une ordonnance de traitement, l'accusé peut aller à Penetanguishene, l'établissement que vous connaissez, mais s'il n'y a pas d'ordonnance de traitement...

M. DeVillers: Il ne peut recevoir un traitement que s'il l'accepte de plein gré.

M. Schneider: Exactement. Alors que, si on prend plus couramment des ordonnances de traitement, et si les instances qui peuvent les prendre englobent les commissions d'examen, les accusés passeront vraisemblablement moins de temps dans les hôpitaux et utiliseront moins de journées d'hospitalisation.

M. DeVillers: Mais, dans le cadre du système actuel, dans lequel les commissions d'examen, sauf erreur, revoient le dossier du patient chaque année...

M. Schneider: Au moins chaque année.

M. DeVillers: S'ils n'acceptent pas de traitement...

M. Schneider: Ils restent internés fort longtemps.

M. DeVillers: Est-ce que cela n'est pas propre à les inciter à accepter de se faire traiter?

M. Schneider: Vous présumez qu'ils ont la lucidité nécessaire pour s'apercevoir qu'ils ont besoin de traitement, pour admettre qu'ils ont des troubles mentaux. C'est le type de problème sur lequel nous butons: généralement, ils ne sont pas assez lucides, et c'est pourquoi il faut rendre le traitement obligatoire.

M. DeVillers: Si nous acceptons votre amendement qui vise à donner à la commission de révision le pouvoir de prescrire un traitement, elle pourrait le faire à l'occasion de ces examens annuels?

M. Schneider: Précisément. On peut prédire que, même si seulement un faible pourcentage de ceux à l'égard de qui des ordonnances de traitement sont prises se rétablissent, nous pourrons réaliser des économies, car ou bien les accusés redeviendront aptes et retourneront devant les tribunaux et sortiront ainsi du système, ou bien ils deviendront une menace moins grande et pourront être gardés dans un milieu à sécurité moindre et par conséquent moins coûteux.

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M. DeVillers: Je passe à une question connexe, mais qui est peut-être un peu en dehors du sujet. Il s'agit de l'examen annuel effectué chaque année par la commission. On a dit que cette période pourrait être prolongée parce que, dans certains cas, il est peu probable qu'il se produise en un an de grands changements dans l'état d'un patient et que cet examen annuel représente un certain coût. Avez-vous des réflexions, une opinion à nous livrer à ce sujet?

M. Schneider: De façon générale, je m'y opposerais. C'est que cet examen permet non seulement de constater les progrès accomplis par l'accusé, mais aussi de vérifier quels efforts l'hôpital déploie pour lui venir en aide. Lorsque le personnel sait qu'on exerce un contrôle, une surveillance, il peut être davantage incité à montrer qu'il y a une certaine évolution d'année en année. Si les intervalles s'allongent, on risque d'avoir moins de progrès.

Le maximum que je puisse accepter à ce sujet, c'est qu'on laisse à l'accusé la possibilité d'opter pour des examens plus espacés. Autrement dit, il y a des personnes, par exemple à la division Oak Ridge de Penetanguishene, dont l'état est statique. Elles n'évoluent aucunement, et elles en sont conscientes. Certains accusés qui se retrouvent dans cette situation pourraient renoncer à un examen annuel pendant un intervalle maximum de deux ans, mais, mis à part ce cas isolé, je suis tout à fait contre cette proposition.

M. DeVillers: D'accord. Merci.

La vice-présidente (Mme Torsney): Monsieur Telegdi et monsieur Maloney, avez-vous des questions? Monsieur Telegdi.

M. Telegdi (Waterloo): Merci, madame la présidente.

J'ai aimé votre réponse, à propos de l'examen annuel. Vous avez dit que le traitement volontaire, celui auquel l'accusé consent est toujours à la disposition de ce dernier. Avons-nous les places nécessaires? Avons-nous les ressources humaines? De quelles périodes s'agit-il?

M. Schneider: Encore une fois, pour situer de nouveau le sujet de la discussion, nous parlons ici, bien que ce ne soit pas précisé dans le Code criminel, de l'ingestion volontaire ou de l'injection intramusculaire de médicaments psychotropes. Lorsqu'un accusé est dans le système, pourvu qu'il relève de nous - qu'il soit dans une maison de transition dans son milieu, qu'il se présente comme patient externe dans un établissement psychiatrique ou qu'il soit un patient gardé à l'hôpital ou dans le service médical d'une prison, attendant d'être transféré dans l'une de ses autres installations - les services psychiatriques sont toujours à sa disposition. Je songe aux psychiatres, aux infirmiers, etc.

Si un accusé accepte un traitement et prend de plein gré ses médicaments, cela n'intensifie pas les pressions sur le système. En réalité, s'il y a une différence, c'est que la pression s'atténue puisque, étant donné qu'il accepte le traitement, on a besoin de moins de mesures de contraintes ou de surveillance.

M. Telegdi: J'ai une autre question. Essayons d'élargir un peu le débat, monsieur Schneider, puisque nous avons la chance que vous soyez là.

Lorsqu'il y a eu des compressions dans les services psychiatriques et que nous avons choisi de traiter les patients en les laissant dans leur milieu, beaucoup de ceux-ci, en Ontario, ont été désinstitutionnalisés. Je me rappelle que, à l'époque, Frank Drea a dit que des ressources seraient à leur disposition dans la collectivité.

En travaillant dans le système judiciaire, j'ai constaté qu'un nombre assez élevé de personnes se retrouvaient devant les tribunaux à cause de problèmes psychiatriques qui n'étaient pas traités correctement dans la collectivité. Au lieu d'être sous la tutelle des hôpitaux, ils finissent par relever du système de justice pénale, et beaucoup se retrouvent en prison.

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Je pense que ces cas représentent une bonne proportion du taux de criminalité, et c'est parce que, si un patient est réinséré dans son milieu, il n'y a pas moyen de voir s'il prend ses médicaments, alors que, au départ, on devait avoir ce moyen. Au lieu d'avoir un problème psychiatrique, nous avons maintenant un problème de justice pénale.

D'après votre expérience, ce problème est-il très répandu?

M. Schneider: Tout d'abord, je pense que vous avez dépeint la situation à la perfection. Elle est en train de se dégrader au point que certains parlent du Code criminel comme d'une loi de dernier recours sur la santé mentale. La cause du problème que vous avez décrit est une grave pénurie de lits en établissement.

Lorsque des personnes ayant des troubles mentaux arrivent dans un établissement psychiatrique, à moins qu'elles n'acceptent de se faire traiter, et un fort pourcentage d'entre elles ne l'acceptent pas - surtout dans les cas les plus graves, car elles ne sont pas lucides et ne croient pas souffrir de troubles mentaux - , les hôpitaux sont portés à les écarter et à s'intéresser aux autres patients qui se présentent et acceptent de se faire traiter. La raison? C'est une démarche très difficile et très longue que d'invoquer les lois civiles pour faire déclarer une personne inapte à se prononcer sur son propre traitement et la traiter contre son gré.

Le résultat, c'est que les lits d'hôpital sont de plus en plus occupés par les patients qui acceptent de se faire traiter. Ceux dont l'état est plus délabré et qui ne peuvent faire l'objet de mesures se retrouvent dans les rues. Ils sont mêlés à des petites bagarres, se font accuser de méfait, d'agression mineure, de nuisance et, comme vous l'avez dit, ils sont traduits devant un tribunal pénal. C'est regrettable, car s'il y avait plus de place dans les services courants, si les psychiatres avaient le loisir d'accueillir des personnes qu'ils écartent pour l'instant, je prétends qu'un moins grand nombre d'entre elles se retrouveraient devant le tribunal pénal, qui les juge inaptes à subir leur procès ou non criminellement responsables, les renvoyant à l'Ontario Criminal Code Review Board ou à d'autres commissions d'examen provinciales.

Le problème est donc double. Le premier élément, ce sont les carences des lois civiles, lorsqu'il s'agit de prendre en charge ces personnes et de les traiter contre leur gré. Le deuxième élément, directement lié au premier, est l'énorme demande de lits. Les médecins préfèrent s'occuper des personnes qui acceptent d'être traitées. Ils ne tiennent pas à se battre, à interjeter appel, à comparaître devant les commissions pour obtenir des décisions sur le consentement et l'aptitude des personnes. Ils préfèrent employer leurs énergies à traiter des patients psychiatriques qui veulent se faire traiter.

La situation que vous avez dépeinte est justement la cause de l'augmentation du nombre de cas chez nous. Un plus grand nombre de personnes se retrouvent dans le système de justice pénale alors qu'ils ne devraient pas l'être. En réalité, ce sont des problèmes de santé mentale qui tiennent davantage de la nuisance. Bien entendu, il y a aussi des cas plus graves, mais un nombre très considérable sont de la simple nuisance.

M. Telegdi: Il me semble assez important que le comité s'attarde à ce problème. Je vais communiquer ces renseignements à M. Ramsay.

Il m'est arrivé, et je sais que les policiers de notre ville ont régulièrement la même expérience, d'épingler un individu qui est de toute évidence un cas psychiatrique après un délit mineur. J'ai déjà amené cette personne à la clinique d'urgence espérant la faire admettre. Dix heures après, je me trouvais toujours à la clinique. Je ne savais plus quoi faire de cette personne. J'ai conduit là des psychotiques dans un état assez sérieux. Et plus les cas étaient graves, moins les chances étaient bonnes de les faire admettre.

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Dans quelle situation nous retrouvons-nous? S'il n'y a pas d'ordonnance des tribunaux, ces personnes ne vont pas à London, où on a les services pour s'occuper d'elles, et elles sont invariablement relâchées dans la collectivité. Ce genre d'incident arrive régulièrement à des tas de travailleurs sociaux et d'agents de police, et nous savons que ces personnes constituent un danger pour elles-mêmes et pour la collectivité.

Ce que nous avons fait, en somme, c'est opérer des compressions dans les services hospitaliers capables de prendre en charge les problèmes psychiatriques, et réduire encore davantage les maigres ressources qui existaient dans la collectivité et devaient permettre de s'occuper de ces personnes.

M. Schneider: C'est juste. Ce qui est paradoxal, c'est que, en comprimant les budgets à ce niveau, on multiplie les dépenses dans l'ensemble du système...

M. Telegdi: Exact.

M. Schneider: ... parce qu'il faut faire intervenir le système judiciaire, les services d'aide juridique et l'Ontario Criminal Code Review Board, alors qu'on aurait pu éviter ce gaspillage de temps, ces dépenses, ces complications, ces problèmes pathétiques, si on était intervenu en aval, avant l'entrée en scène du système médico-légal, si on s'était occupé adéquatement de ces cas dans les services de santé ordinaires.

En d'autres termes, la grande mesure de prévention à prendre pour éviter une forte demande de lits pour les cas médico-légaux est d'avoir un système très solide pour la clientèle générale. Si on prend en charge ces personnes dès le départ, dans les services destinés à tous, et si on s'occupe bien d'elles, il y a moins de risques que leur état ne se dégrade, qu'elles ne périclitent davantage et ne se retrouvent dans une situation extrême, arrêtées, confiées aux services médico-légaux, ce qui coûte inévitablement plus cher à tous points de vue.

M. Telegdi: Avez-vous de la documentation là-dessus?

M. Schneider: Beaucoup. J'ai moi-même écrit sur la question. Je n'ai rien pris avec moi, mais je pourrais vous faire parvenir l'information.

M. Telegdi: Vous pourriez? Avez-vous une idée du nombre de personnes qui peuvent être en cause, du pourcentage de...?

M. Schneider: Dans quelle catégorie?

M. Telegdi: Je veux parler du nombre de personnes qui relèvent probablement plus de la psychiatrie que du pénal et qui se retrouvent sous garde et dans des établissements carcéraux ou hospitaliers.

M. Schneider: Ce serait une statistique très approximative. Un simple exemple. Avant la proclamation du projet de loi C-30, qui prévoyait des dispositions diverses, la défense fondée sur l'absence de responsabilité criminelle était généralement réservée aux cas extrêmement graves parce qu'elle aboutissait à l'hospitalisation forcée. Aujourd'hui, l'Ontario Criminal Code Review Board reçoit des cas dans lesquels l'infraction répertoriée est voies de fait simple, méfait, menaces, désordre ou encore vol de moins de 100 $ ou de moins de 1 000 $. Les infractions mineures sont de plus en plus la norme.

Je vais maintenant répondre à votre question. Il est difficile de dire combien de ces cas n'auraient pas surgi si les patients avaient été pris en charge dans les services de santé ordinaires. Tout ce qu'on peut faire, c'est constater l'augmentation du nombre d'infractions sans gravité dans le système et poser comme hypothèse qu'un fort pourcentage de ces cas ne seraient pas apparus si les personnes en cause avaient été traitées plus tôt. Je ne pense pas qu'on puisse aller au-delà de cela.

Pour répondre à votre question, je dois dire que je n'ai pas de données statistiques. Il me semble qu'il serait difficile d'extrapoler. Ce que nous savons avec certitude, c'est que le nombre augmente d'année en année, et que c'est surtout à cause de délits mineurs.

M. Telegdi: Combien de crimes très graves peut-on lier à ce problème, par exemple des personnes qui perdent complètement la maîtrise de soi et finissent par commettre un meurtre et sont déclarées innocentes parce qu'elles ne sont pas saines d'esprit? Je songe à un certain nombre de cas dans ma propre ville, quoique les meurtres ne soient pas chose si fréquente.

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M. Schneider: Là encore, je crois qu'il serait très difficile d'établir le nombre de meurtres dont l'auteur a été jugé non criminellement responsable et qui auraient pu être prévenus si le système avait mieux fonctionné en aval. Au risque de gaspiller du temps, je vais vous donner un exemple très rapidement.

Il y a quelques années, j'ai représenté une personne accusée d'une agression sexuelle plutôt bizarre, mais grave. Deux jours avant l'agression, la mère du prévenu s'était présentée à un juge de paix et lui avait décrit le comportement violent et psychotique de son fils. Le juge n'a rien fait, et l'agression sexuelle a eu lieu. On peut supposer que, si le juge était intervenu, un formulaire deux aurait été utilisé, ce qui aurait permis une mise sous observation pendant 72 heures. Un formulaire trois, permettant l'hospitalisation forcée, aurait suivi, et le crime n'aurait pas été commis. En fin de compte, le prévenu a été jugé inapte à subir son procès. Une fois qu'il a été guéri, il a été jugé non criminellement responsable.

C'est là un exemple classique d'infraction relativement grave. Comme vous pouvez le constater, il est très probable que l'infraction n'aurait pas été commise si la justice civile était intervenue lorsqu'elle devait le faire.

M. Telegdi: Pour prévenir le crime, il faut avoir des ressources suffisantes pour s'attaquer au problème avant qu'il ne devienne un problème de criminalité.

M. Schneider: C'est exact.

M. Telegdi: Merci.

La vice-présidente (Mme Torsney): Merci.

[Translation]

Monsieur Bellehumeur, n'avez-vous aucune question? D'accord.

[Traduction]

D'autres questions? M. Kirkby en a une.

M. Kirkby (Prince Albert - Churchill River): Si le ministère entreprenait une étude portant sur toutes les dispositions se rattachant aux domaines où vous proposez des modifications dans le projet de loi, abstraction faite du sort qui sera réservé à ce projet de loi, cela permettrait-il de répondre à vos préoccupations efficacement?

M. Schneider: Oui. J'ai parlé du traitement en général, et cela fait nécessairement intervenir les dispositions sur le traitement qui ne sont pas rattachées au paragraphe 672.55(1). Nous recommandons plus particulièrement de modifier les articles 672.58 à 672.62, premièrement pour permettre la participation des commissions d'examen et deuxièmement pour étendre la portée de leurs compétences.

M. Kirkby: Si on s'occupait de ces dispositions dans une étude à part, cela vous donnerait satisfaction. Il n'est pas indispensable que la solution soit apportée dès maintenant. Est-ce que j'ai raison?

M. Schneider: Tout à fait.

La vice-présidente (Mme Torsney): Merci, monsieur Kirkby.

Monsieur Schneider, vous avez dit, je crois, que vous feriez parvenir de l'information àM. Telegdi.

M. Schneider: Je peux lui envoyer tout ce qu'il veut. S'il veut bien me donner sa carte, je vais réunir quelques documents et les lui envoyer.

La vice-présidente (Mme Torsney): Si vous n'avez pas d'objections, voudriez-vous les envoyer plutôt au greffier pour que nous puissions les communiquer à tous les membres du comité. Ce serait préférable. S'il vous faut une adresse, je vais demander à Myriam d'aller vous la donner dans un instant.

Merci beaucoup du témoignage que vous nous avez livré ce matin.

Nos prochains témoins viennent du Barreau du Québec. Nous allons suspendre la séance quelques minutes, cinq au plus, et réunir de nouveau tout le monde. Nous pourrions même être en avance sur notre programme de la matinée.

Merci beaucoup, monsieur Schneider.

M. Schneider: C'est moi qui vous remercie.

La vice-présidente (Mme Torsney): La séance est levée.

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