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Page principale du comité Table des matières


INTRODUCTION

Le Sous-comité sur le VIH/sida de la Chambre des communes a été créé par le Comité permanent de la santé en novembre 1994. Le mandat particulier du Sous-comité est le suivant :

Lors de sa première réunion, le Sous-comité a adopté une démarche comportant diverses étapes. Dans un premier temps, les membres du Sous-comité ont convenu d'examiner le rôle que joue le gouvernement fédéral dans la lutte contre le VIH/sida et ils se sont entendus sur le cadre de référence suivant :

Pour mener à terme cette première étape, le Sous-comité a adopté la démarche suivante :

En second lieu, il a été décidé que les aspects particuliers de la pauvreté et de la discrimination feraient l'objet d'une étude plus approfondie après l'examen de la politique fédérale en matière de VIH/sida. Le Sous-comité tient à préciser le mandat particulier qu'il a adopté à cet égard :

Par ailleurs, au cours de ses travaux, le Sous-comité a été informé que l'accès aux médicaments expérimentaux constituait un élément important dans le traitement des personnes séropositives et il a convenu qu'il apportera une attention particulière à ce sujet.

Ce rapport constitue le premier rapport du Sous-comité et complète le premier volet de son mandat, à savoir l'examen de la Stratégie nationale sur le sida. Les audiences se sont déroulées du 14 décembre 1994 au 31 mai 1995 et, comme en fait foi l'Annexe A, le Sous-comité a entendu une vaste gamme de témoins, y compris la ministre fédérale de la Santé, de hauts fonctionnaires fédéraux, des individus et des organismes nationaux et communautaires engagés dans la lutte contre le VIH/sida au Canada, des organisations représentant des professionnels de la santé ainsi que certaines entreprises du secteur privé.

Le rapport du Sous-comité discute brièvement de l'épidémiologie du VIH et du sida au Canada et dans le monde. Ensuite, des volets particuliers de la Stratégie nationale sur le sida sont examinés, soit : le leadership, la coordination et le partenariat; le budget de la Stratégie; l'action communautaire; l'éducation et la prévention; les soins, traitements et le soutien; et la recherche. Enfin, le rapport résume les témoignages reçus jusqu'à ce jour relativement à l'accès humanitaire aux médicaments de recherche ainsi qu'aux problèmes liés à la pauvreté et à la discrimination.

ÉPIDÉMIOLOGIE DU VIH ET DU SIDA

A. Canada

À la fin de décembre 1994, un total cumulatif de 10 689 cas de sida avaient été signalés au Canada. Là-dessus, 7 471 personnes étaient décédées. Après rajustement de ces chiffres pour tenir compte de la sous-déclaration et des retards dans les déclarations, la Division de l'épidémiologie du VIH/sida de Santé Canada croit que, à la fin de 1993, le nombre véritable de cas de sida diagnostiqués au Canada était d'environ 14 000(1); elle estime que, au premier trimestre de 1995, le nombre doit être passé à 15 000(2). Selon David Garmaise, directeur exécutif, Société canadienne du sida (SCS) :


(1) Santé Canada, Laboratoire de lutte contre la maladie, Mise à jour de surveillance : le sida au Canada, Ottawa, janvier 1995, 31 pages.
(2) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 4.


(3) Chambre des communes, Procès-verbaux et témoignages du Sous-comité sur le VIH/sida du Comité permanent de la santé, fascicule no 2, p. 4 (dans le reste du texte, références indiquées par numéros de fascicule et de page seulement).

Il peut arriver qu'il faille dix ans et même plus pour qu'un séropositif tombe malade et que le sida ne soit diagnostiqué. Par conséquent, les statistiques actuelles sur le sida ne révèlent que l'état de l'épidémie il y a dix ans. La politique sur la déclaration du sida varie d'une province à l'autre. Par conséquent, nous ne possédons pas d'estimation exacte sur le nombre de Canadiens séropositifs, mais les experts situent le nombre des personnes infectées entre 30 000 et 55 000(4) ou, estimation prudente, un Canadien sur 1 000.


(4) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 5.

À la fin des années 80, l'incidence des nouveaux cas d'infection par le VIH a diminué de façon constante chez les hommes homosexuels et bisexuels. Aujourd'hui, toutefois, le taux d'incidence semble avoir recommencé à augmenter, et il est plus élevé chez les jeunes homosexuels et bisexuels que chez les hommes homosexuels plus âgés. De plus, le visage du VIH se transforme. De nos jours, la propagation la plus rapide de l'infection par le VIH s'observe chez les femmes et chez les utilisateurs de drogues injectables. En Ontario, province où il existe un réseau de postes de dépistage du VIH où l'anonymat des patients est respecté, on dénombre entre 110 et 120 cas de séropositivité par mois; là-dessus, 9,1 p. 100 sont des femmes, contre 1,3 p. 100 en 1985-1986. En Alberta et en Colombie-Britannique, les femmes représentent près de 10 p. 100 de la population des séropositifs. Les taux de séroprévalence chez les femmes enceintes à Terre-Neuve et au Québec sont beaucoup plus élevés que dans le reste du Canada(5). Au 31 décembre 1994, 19,5 p. 100 des personnes chez qui on avait diagnostiqué le sida à Terre-Neuve étaient des femmes(6).


(5) Ibid.
(6) Santé Canada, Mémoire, janvier 1995.

Parmi les 10 059 cas de sida chez les hommes, 2,5 p. 100 ont déclaré que l'usage de drogues injectables était leur seule activité comportant des risques d'infection par le VIH, tandis que 3,9 p. 100 ont déclaré comme activité à risque l'injection de drogues et des relations sexuelles avec d'autres hommes. Chez les 630 femmes atteintes du sida, 12,7 p. 100 utilisaient des drogues injectables(7). Un examen du groupe des consommateurs de drogues injectables révèle des statistiques profondément alarmantes. À Toronto, dans un groupe de ces toxicomanes en traitement, 9 p. 100 étaient séropositifs. Des études menées à Montréal entre 1991 et 1993 ont montré que les taux de séroprévalence se situaient entre 15,2 et 16,4 p. 100. À Vancouver, le nombre de ces toxicomanes qui sont séropositifs a triplé en un an (de l'été 1993 à l'été 1994), et une progression semblable a été observée dans d'autres régions de la Colombie-Britannique(8). Des études réalisées dans des prisons provinciales ont donné des taux de séroprévalence de 5-7 p. 100 au Québec, 1,1 p. 100 en Colombie-Britannique et 1,0 p. 100 en Ontario. Ces taux reflètent le nombre élevé de consommateurs de drogues injectables dans les prisons au Canada.


(7) Ibid.
(8) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 6-7.

Le Sous-comité est d'avis que la progression du sida est appelée à se maintenir dans les prochaines années au Canada et, par conséquent, il recommande :


(9) Le Bloc Québécois croit que le rapport doit affirmer avec force et détail qu'il est indispensable de maintenir une stratégie intégrée de lutte contre le sida, stratégie dotée d'un budget global et réservé. Ce qui implique nécessairement une phase III à la présente Stratégie nationale sur le sida.

B. États-Unis

Les statistiques américaines révèlent que, à la fin de décembre 1994, il existait 464 664 cas déclarés de sida. Par conséquent, le taux de sida par habitant est en gros quatre fois plus élevé aux États-Unis qu'au Canada. Le VIH et le sida touchent de plus en plus la population hétérosexuelle américaine. La proportion des nouveaux cas de sida contracté après des contacts hétérosexuels est passé de 1,9 p. 100 en 1985 à plus de 9 p. 100. En outre, l'injection de drogues et les activités homosexuelles n'ont pu être identifiées comme facteurs de risque dans près de la moitié des nouveaux cas. À l'heure actuelle, il y a beaucoup plus d'hommes que de femmes parmi les séropositifs, mais le taux d'augmentation des cas de sida est d'environ 50 p. 100 plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Si cette importante différence se maintient, l'écart entre le nombre d'hommes et de femmes atteints du sida se rétrécira considérablement. Dans le mémoire qu'elle a présenté au Sous-comité, la Société canadienne du sida a signalé que, même si la propagation du VIH demeure liée à des comportements à risques élevés, elle n'est plus limitée aux groupes considérés comme à risque par le passé. La SCS a sonné l'alarme, disant que les tendances observées aux États-Unis pourraient se retrouver au Canada «si nous n'accentuons pas nos efforts et ne luttons pas de façon énergique contre le VIH à l'aide des mesures préventives appropriées(10)».

(10) Ibid., p. 7.

C. Monde

On estime qu'il y a dans le monde entier 4,5 millions de cas de sida et 19,5 millions de séropositifs. On prévoit, d'ici l'an 2000, 10 millions de cas de sida. Il y a chaque jour 6 000 nouveaux cas d'infection par le VIH, dont 75-85 p. 100 dans les pays en développement; d'ici l'an 2000, ce pourcentage devrait passer à 85-90 p. 100. Jusqu'à maintenant, c'est l'Afrique qui a été le continent le plus durement frappé, avec plus de 10 millions de cas de séropositivité. Dans certaines grandes villes africaines, le virus est présent dans plus du tiers de la population sexuellement active. Selon les estimations, il y a 2,5 millions de séropositifs en Asie, mais c'est sur ce continent que le taux de propagation est le plus rapide, si bien que l'Asie devrait «rejoindre» l'Afrique d'ici l'an 2000(11). À la différence de ce qu'on observe en Amérique du Nord et en Europe, le phénomène du sida, en Afrique et en Asie, touche beaucoup plus les hétérosexuels sexuellement actifs.

(11) Ibid., p. 8.

LEADERSHIP, COORDINATION ET PARTENARIAT

A. Leadership au niveau national

Il est reconnu que la collaboration et le partenariat permettent d'éviter les chevauchements et les doubles emplois et de tirer profit de l'expérience acquise et des succès remportés. Pour être efficace, le partenariat doit reposer sur une bonne coordination et un leadership soutenu. Au cours de son témoignage(12), la ministre de la Santé a insisté sur le fait qu'un des thèmes majeurs de la phase II de la Stratégie nationale sur le sida, c'est le partenariat. Elle a indiqué que le gouvernement fédéral assure un leadership au niveau national, par le biais de discussions lors des rencontres avec ses homologues provinciaux et d'échanges lors des réunions du Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur le VIH/sida. Le gouvernement fédéral, a-t-elle dit, s'efforce de consolider les partenariats existants et d'encourager les nouveaux. Madame Marleau(13) a aussi précisé que tous les autres partenaires - y compris les organismes non gouvernementaux (ou partenaires nationaux), les organismes communautaires, des chercheurs, des médecins et d'autres soignants, les personnes vivant avec le VIH/sida et même le secteur privé - ont un rôle important à jouer dans la lutte contre l'épidémie du sida.

(12) L'honorable Diane Marleau, ministre de Santé Canada, Discours devant le Sous-comité, 8 février 1995, p. 1.
(13) Ibid., p. 4.

Pourtant, la Société canadienne du sida (SCS) juge que ni la ministre de la Santé ni le Secrétariat national sur le sida n'assurent de leadership. Dans son mémoire, la SCS reproche ce manque de leadership à plusieurs niveaux(14). Par exemple, la SCS s'insurge du fait que la ministre n'a rien fait lorsque le ministère de la Défense a voulu congédier Simon Thwaites parce qu'il était séropositif. De la même manière, la Société s'indigne que la ministre ne s'est pas opposée à l'idée du dépistage obligatoire chez les travailleurs de la santé de l'Alberta. Par ailleurs, elle dit regretter le fait que le gouvernement fédéral n'a pas démontré de leadership pour élaborer un plan d'action à l'égard des utilisateurs de drogues injectables, même si le taux d'incidence du VIH chez ceux-ci monte en flèche. La SCS dit aussi que Santé Canada ne donne pas suite aux recommandations issues de rapport de groupes de travail ou de conférences sur le sida; le gouvernement fédéral, explique-t-on, limite son action à rédiger des rapports et préparer des conférences au lieu de mettre en oeuvre des stratégies précises. La SCS a soutenu que :


(14) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 11 à 15.


(15) Ibid., p. 15.

Les cinq principaux partenaires ont dit mal comprendre le fait que la ministre ait refusé de financer une proposition de recherche qu'ils ont soumise en collaboration. En particulier, la SCS a soutenu que :


(16) Ibid., p. 20.

Aux yeux de la SCS, le Secrétariat national sur le sida est en grande partie responsable du manque de leadership et de coordination. Il devrait réunir les intervenants, discuter des préoccupations, arriver à un consensus et mettre au point des stratégies. En dépit du fait que le Secrétariat et les cinq principaux partenaires se réunissent tous les trois mois(17), la SCS juge que les intervenants ne sont pas vraiment consultés : il en résulte un manque de leadership, de coordination, un manque de vision et d'orientations concrètes, de même qu'un manque d'objectifs et de buts précis.


(17) Kay Stanley, sous-ministre adjointe, Direction générale des programmes et services de santé (Santé Canada), Allocution d'ouverture, 10 mai 1995.

La Société canadienne de l'hémophilie (SCH) partage le même avis. Lors de sa comparution, Durhane Wong-Rieger, présidente de la SCH, a affirmé que l'absence de politiques claires constitue la grande faiblesse de la Stratégie. Pourtant, estime-t-elle :

Selon madame Wong-Rieger, les programmes de la Stratégie ne sont pas bien coordonnés. Les projets pilotes qui sont financés ne l'ont pas été avec la collaboration des provinces de sorte que rien ne garantit qu'ils seront maintenus ou repris par d'autres. Même si le gouvernement fédéral finance l'élaboration des guides à l'intention des professionnels, rien ne garantit que les lignes directrices et les conseils seront suivis ou que les provinces et leurs systèmes de santé les adopteront. Aux yeux de madame Wong-Rieger, la lutte contre l'épidémie du VIH/sida pourrait être beaucoup plus efficace s'il y avait plus de concertation et une meilleure orientation :

Les personnes qui vivent avec le VIH/sida ont un important rôle à jouer dans le cadre de ces partenariats. Comme l'a mentionné Douglas Buckley-Couvrette, directeur général du Comité des personnes atteintes du VIH du Québec (CPAVIH) :

Dans l'ensemble, les témoins qui ont comparu devant le Sous-comité ont reconnu que le leadership, la collaboration, le partenariat et la coordination constituent les éléments essentiels pour une stratégie soutenue et durable à l'échelle du pays. Si les partenaires nationaux et les groupes communautaires ont leurs finalités propres, les rôles du gouvernement fédéral, de Santé Canada et du Secrétariat national sur le sida semblent mal définis, le leadership national est plutôt faible et les orientations, priorités et objectifs de la Stratégie méritent d'être clarifiés. En conséquence, le Sous-comité recommande :

B. Comité consultatif national sur le sida (CCN-SIDA)

Le CCN-SIDA a été créé par le gouvernement fédéral. Le Comité, qui se compose de 12 personnes choisies pour leurs compétences et leur expérience dans le domaine du VIH/sida, a pour mandat de conseiller la ministre de la Santé sur les priorités, les politiques et les orientations à suivre dans le cadre de la Stratégie(18). La Société canadienne du sida a informé le Sous-comité que tout le travail réalisé par le CCN-SIDA est strictement secret. Ses membres ne sont pas autorisés à partager leur travail et leurs avis. Les procès-verbaux de leurs réunions ne sont pas disponibles. Leurs rapports ne sont pas rendus publics dans la plupart des cas. La SCS juge que le caractère confidentiel des travaux et documents réalisés par le CCN-SIDA ne concorde pas du tout avec le thème de partenariat auquel on fait référence à maintes reprises dans la Stratégie nationale sur le sida(19).

(18) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 27.
(19) Ibid., p. 28.

Le Dr Catherine Hankins, de l'Association canadienne de la recherche sur le VIH (ACRV), a fait partie du CCN-SIDA pendant huit ans. Voici ce qu'elle a révélé aux membres du Sous-comité :

Le CCN-SIDA pourrait jouer un rôle plus vaste dans le cadre de la stratégie et le résultat de ses activités mériterait d'être plus largement diffusé. En conséquence, le Sous-comité recommande :

C. Leadership international

Au moment de l'annonce de la phase II de la Stratégie, le gouvernement fédéral s'était engagé à définir une composante internationale. Lorsqu'elle a comparu devant le Sous-comité, la ministre de la Santé a affirmé que le Canada joue un rôle de leadership au niveau international. Madame Marleau a indiqué qu'elle et le premier ministre ont participé au Sommet de Paris sur le sida tenu en décembre 1994. Elle a également mentionné que le gouvernement fédéral finance les conférences internationales de Montréal (1995) et de Vancouver (1996). En outre, la ministre a précisé qu'elle a discuté des problèmes liés au VIH/sida avec ses homologues des États-Unis et d'ailleurs à l'occasion de la 47e assemblée de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle a soutenu que la participation du Canada à de telles rencontres internationales permet de mieux coordonner les efforts de lutte contre le sida, d'éviter les dédoublements, de favoriser le partage de l'information et de montrer que le Canada est vraiment résolu à oeuvrer pour l'éradication du VIH/sida(20).

(20) L'honorable Diane Marleau, ministre de Santé Canada, Discours devant le Sous-comité, 8 février 1995, p. 2.

Pourtant, des témoins ont soutenu que la Stratégie n'aborde pas véritablement le volet international de lutte contre le sida. Ils se sont dits déçus que la Stratégie n'ait qu'un caractère national et que le Secrétariat national sur le sida n'ait aucun rôle particulier à l'échelle mondiale. De son côté, la Société canadienne du sida a informé le Sous-comité que le travail de l'ACDI ne fait pas partie de la Stratégie et que même si l'Agence finance des projets en Afrique, elle n'a financé aucun projet en Asie depuis 1989 et ce, en dépit du fait que l'épidémie se propage en Asie bien plus rapidement que partout ailleurs au monde(21). D'après la SCS, le gouvernement fédéral ne finance pas non plus les organisations non gouvernementales de lutte contre le sida au niveau international(22).


(21) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 26.
(22) Ibid.

Pour sa part, le Dr Hankins de l'ACRV a affirmé que le gouvernement fédéral n'assumait pas de leadership en matière de recherche au niveau international même si les Canadiens contribuent de plusieurs façons à l'effort international au niveau de la recherche, comme consultants pour l'OMS ou pour le programme de développement des Nations Unies. Selon le Dr Hankins, il est décourageant de constater que ces efforts ne sont pas coordonnés, ni regroupés. Elle a dit qu'il n'y a pas de dialogue entre les participants, qu'il n'y a pas de table autour de laquelle les principaux intervenants pourraient se réunir et partager leur expérience. Les chercheurs canadiens sont peu connus au niveau mondial en dépit de leur grande compétence. Il en résulte, d'après elle, que les Canadiens sont sous-représentés dans tous les programmes des Nations Unies sur le sida (2:38). La Société canadienne du sida a elle aussi discuté du peu de coordination de la part du gouvernement fédéral à l'égard de la recherche biomédicale au niveau international. Pourtant, il serait important que les chercheurs au Canada ne répètent pas le travail effectué dans d'autres pays :


(23) Ibid., p. 27.

Dans l'ensemble, qu'il s'agisse de la recherche, des projets communautaires entrepris à l'étranger ou des mesures innovatrices de lutte contre le sida développées par les gouvernements d'autres pays, le manque de coordination augmente les chevauchements, entrave la diffusion de l'information et ne reflète pas les efforts déployés par les Canadiens - qu'ils soient chercheurs, bénévoles ou politiciens - pour combattre l'épidémie du VIH/sida. En conséquence, le Sous-comité recommande :

BUDGET DE LA STRATÉGIE

A. Budget total de la Stratégie

Lors de sa comparution, la ministre de la Santé a rappelé que, lorsque le gouvernement fédéral a annoncé le renouvellement de la Stratégie, il s'est engagé à verser 40,7 millions de dollars par an jusqu'en mars 1998, ou 203,5 million de dollars pour les cinq années de la phase II de la Stratégie. De plus, le gouvernement avait annoncé qu'un montant discrétionnaire pouvant atteindre au maximum 1,5 millions de dollars pourrait être puisé chaque année, pendant cinq ans, à même le budget de Santé Canada de façon à répondre à des urgences non prévues pouvant survenir au cours de la phase II de la Stratégie. À moins d'une situation d'urgence, la ministre de la Santé n'entend pas utiliser ces fonds. Elle a d'ailleurs précisé qu'elle n'est pas tenue de dépenser la totalité des fonds discrétionnaires :

Si l'on tient compte de la totalité de ces fonds discrétionnaires, le montant annuel moyen que Santé Canada pourrait consacrer au total à la lutte contre le VIH et le sida s'élève à 42,2 millions de dollars (soit 40,7 + $1,5 millions $). Toutefois, la Société canadienne du sida a affirmé que le gouvernement fédéral ne dépense même pas la totalité du budget de la Stratégie. Au cours de son témoignage devant le Sous-comité, David Garmaise, directeur général de la SCS, a estimé qu'un montant d'environ 1,75 millions de dollars n'a pas été dépensé en 1993-1994 (2:6). Le Sous-comité a demandé plus de détails à ce sujet à Santé Canada. Les informations fournies par le ministère sont reproduites dans le tableau suivant :

BUDGET DE LA PHASE II DE LA STRATÉGIE NATIONALE SUR LE SIDA
(en millions de dollars)



Source : Selon des informations obtenues de Santé Canada, février et mai 1995.

Dans sa lettre, Kay Stanley, sous-ministre adjointe à la Direction générale des programmes et services de santé (DGPSS), a expliqué que Santé Canada avait reporté des fonds de la Stratégie à l'année suivante. Ainsi, le budget total de la Stratégie s'est élevé à 35,6 millions de dollars en 1993-1994, ce qui revient à dire qu'un montant de 5,1 millions de dollars (soit 40,7 $ - 35,6 millions $) n'a pas été dépensé. Madame Stanley a précisé qu'une partie de ce montant, c'est-à-dire 4,2 millions de dollars, a été reportée à l'exercice financier 1994-1995. Cela revient à dire qu'un montant de 0,9 million de dollars (soit $5,1 - $4,2 millions) n'a pas été dépensé du tout. Par ailleurs, Santé Canada a puisé un montant total de 650 000 $ en 1993-1994 à même les fonds discrétionnaires (soit 400 000 $ pour le Comité organisateur de la conférence de Vancouver et 250 000 $ à l'intention du Pacific AIDS Resource Centre de Vancouver). En conséquence, près de 850 000 $ (soit 1,5 $ - 0,65 million $) n'ont pas été utilisés à partir des fonds discrétionnaires. Si l'on additionne les deux montants non dépensés, on parvient au budget non dépensé de 1,75 million de dollars estimé par la SCS (0,9 $ + 0,85 million $).

Si l'on tient compte des fonds reportés de 4,2 millions de dollars et des fonds discrétionnaires restants de 1,1 million de dollars, le budget total de la Stratégie nationale sur le sida aurait dû atteindre 46 millions de dollars en 1994-1995 (soit 40,7 $ + 4,2 $ + 1,1 million $). Dans une autre lettre au Sous-comité, le ministère de la Santé a indiqué que le budget de 1994-1995 s'est élevé à près de 45 millions de dollars et que le montant de 4,2 millions de dollars a effectivement été reporté.

Par ailleurs, lors de sa comparution, Kay Stanley de la DGPSS a tenu à rassurer le Sous-comité que le budget de la Stratégie n'a subi aucune réduction pour l'année 1995-1996 par suite du budget de février dernier, ce qui, d'après elle, constitue une réalisation majeure compte tenu de l'état actuel des finances gouvernementales(24). Pour sa part, la ministre de la Santé a précisé que, compte tenu des difficultés budgétaires, tous les programmes fédéraux sont soumis à un examen dont le but est de vérifier si ces programmes répondent toujours aux besoins du public et s'ils se justifient comme une activité fédérale. La Stratégie nationale sur le sida sera soumis à cet examen :


(24) Kay Stanley, sous-ministre adjointe, Direction générale des programmes et services de santé (Santé Canada), Allocution d'ouverture, 10 mai 1995.

La lutte contre le sida demeure une priorité du gouvernement; toutefois le financement des activités doit être révisé comme pour tous les autres programmes fédéraux. Je l'ai déjà dit, il est peu probable que de nouveaux fonds soient libérés pour la lutte antisida. Il ne s'agit pas de dépenser tous nos fonds mais de bien les dépenser (1:10).

La ministre a également laissé entendre que le budget pouvait être dépensé à mauvais escient et qu'elle tentera d'empêcher une telle situation :

j'ai eu l'occasion d'observer un phénomène intéressant : lorsque la fin de l'année budgétaire approche, (...) les gens essaient de dépenser tout l'argent qu'on leur a alloué pour l'année, et cela à coups de projets, dont certains sont bons et d'autres moins bons. Je vous avoue que dans certains cas je doute que cela ait été bien utile. (...) Quand on connaît les réalités financières et budgétaires, il faut avant tout éviter de dépenser sans réfléchir tout l'argent qu'il reste, il faut au contraire s'assurer que nous finançons les meilleurs programmes possible et que ces dollars sont dépensés de la façon la plus utile (1:24).

Il est malheureux de constater que les fonds publics peuvent être mal utilisés lorsque l'on sait, par exemple, que des organismes communautaires de lutte contre le sida ne disposent d'aucune source de financement public, que la demande pour le financement accordé dans le cadre de la Stratégie excède l'offre et que les dépenses consacrées à la recherche sont insuffisantes. L'examen de mi-parcours, comme le prévoit le mandat de la Stratégie, est présentement en cours et devrait être complété d'ici la fin de l'année. Il faut espérer que l'examen permettra d'éliminer le mauvais usage des fonds consacrés à la lutte contre le sida.

La majorité des témoins ont critiqué le niveau de financement consacré par le gouvernement fédéral dans le cadre de la Stratégie. Par exemple, lorsque la phase II de la Stratégie a été annoncée en 1993, les principaux partenaires nationaux avaient exigé un financement annuel moyen d'au moins 55,3 millions de dollars. Ce niveau de financement avait également été entériné par le Comité spécial sur le sida(25). De plus, la SCS a souligné que le financement de la Stratégie a été établi il y a plusieurs années; toutefois, le budget n'a pas été ajusté pour tenir compte du coût de la vie et n'a pas été revu en fonction des besoins croissants des organismes communautaires qui fournissent des soins aux personnes vivant avec le VIH/sida. La SCS a expliqué que, grâce à des traitements plus efficaces, les personnes atteintes du sida vivent heureusement plus longtemps, mais elles ont maintenant besoin de soins et de soutien pendant plus longtemps. La clientèle des organismes augmente de façon constante. Parce que leur budget a été réduit, certains organismes doivent reconsidérer les services qu'ils offrent(26). L'Association canadienne de santé publique (ACSP) a exprimée une opinion similaire et, dans son mémoire, elle a réitéré la recommandation que le financement de la Stratégie nationale sur le sida soit augmenté à 55,35 millions de dollars par année de façon à pouvoir répondre aux besoins croissants liés à l'épidémie(27).


(25) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 15.
(26) Ibid., p. 15-16.
(27) Association canadienne de santé publique, Mémoire, 1er mars 1995, p. 21.

David Garmaise de la SCS juge qu'il est primordial d'investir tout de suite afin d'éviter des coûts énormes plus tard :

Ces coûts et l'investissement nécessaire dans la santé et le VIH/sida risquent de déstabiliser de façon très accentuée les finances publiques dans un avenir rapproché si l'on considère les 15 000 nouveaux cas de sida qui seront déclarés au cours des cinq prochaines années. Seul un investissement précoce et fort pourra éviter de reporter la facture de 10 ou 15 ans.

Les représentants de la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le side (COCQ-SIDA) trouvent eux aussi que le gouvernement fédéral ne consacre pas suffisamment d'argent dans la lutte contre le sida et s'offusquent du fait que Santé Canada ne dépense pas la totalité du budget prévu. Pour plusieurs organisations communautaires, il est contradictoire, voire même dangereux, de ne pas consacrer les budgets donnés : «Comment peut-on croire que nos gouvernements ont à coeur la santé de la population lorsque l'on se vante d'avoir économisé des millions aux dépens de la santé»(28). De plus, la Coalition a affirmé :


(28) Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, Mémoire, mai 1995, p. 10.


(29) Ibid., p. 12.

La Coalition a recommandé que les sommes qui ont pu être «épargnées» entre 1993 et 1995 soient réinjectées pour l'exercice financier 1995-1996.

Pour sa part, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC) a reconnu que, avec un budget de la santé de plus en plus serré, il est difficile de faire des choix : «Personne n'aime «troquer» ni mettre en concurrence un type de maladie contre un autre, les personnes vivant avec le sida contre celles vivant avec le cancer, les besoins des enfants contre ceux des aînés»(30). L'Association a toutefois maintenu que le gouvernement fédéral doit respecter son engagement et ne pas réduire le budget de la Stratégie. L'AIIC partage l'opinion de la SCS à l'effet que la question n'est pas de savoir s'il faut engager des fonds dans la lutte antisida, mais à quel moment. Il serait malvenu pour le gouvernement fédéral de freiner aujourd'hui le financement de la lutte contre le VIH/sida.


(30) Association des infirmières et infirmiers du Canada, Mémoire, février 1995, p. 9.

La Société canadienne de l'hémophilie SCH a elle aussi insisté sur le fait que le gouvernement fédéral ne doit pas compromettre le moindrement la Stratégie et assurer un financement adéquat. Cet argent doit être réparti de façon à faciliter la collaboration plutôt que la rivalité. Les groupes communautaires et même les principaux partenaires se font souvent concurrence pour obtenir le peu de ressources qui existent. Cet état de fait vient contrarier l'intention du gouvernement fédéral qui est de favoriser le partenariat. Durhane Wong-Rieger, présidente de la SCH, s'est dite déçue par les commentaires de la ministre de la Santé qui a dit qu'il n'y aurait pas de fonds supplémentaires (5:7).

Dans l'ensemble, les témoins se sont entendus sur la nécessité d'un budget soutenu pour la Stratégie. Par ailleurs, il importe que les fonds publics soient utilisés à bon escient. En conséquence, le Sous-comité recommande :

B. Rôle du secteur privé

Lorsqu'elle a comparu devant le Sous-comité, la ministre de la Santé a indiqué que le secteur privé s'engage de plus en plus dans la lutte contre le sida et elle a affirmé : «L'un des principaux défis que tous les partenaires doivent maintenant relever consiste à trouver de nouvelles façons d'accroître le rôle du secteur privé dans ce domaine»(31). Le secteur privé regroupe des entreprises, des fondations ou des particuliers qui peuvent fournir des ressources physiques, financières ou humaines : des produits, des services, du financement, des connaissances, de même que des bénévoles qui donnent de leur temps et de leur énergie. Un document produit par le Secrétariat national sur le sida et remis au Sous-comité soutient que le but recherché n'est pas de réduire le soutien du gouvernement fédéral :

(31) L'honorable Diane Marleau, ministre de Santé Canada. Discours devant le Sous-comité, 8 février 1995, p. 4.


(32) Secrétariat national sur le sida (Santé Canada), Stratégie nationale sur le sida - Vers la création de partenariats avec le secteur privé : Document de travail, mai 1994, p. 1.

Au Canada, ce sont les ressources humaines, c'est-à-dire les bénévoles, qui constituent l'initiative privée la plus active dans la lutte contre le sida : on estime qu'environ 10 000 bénévoles s'impliquent chaque année au niveau communautaire et qu'ils consacrent au total près de 1 000 000 d'heures, pour une valeur de 10 millions de dollars(33).


(33) Charles Fremes, Affaires d'entreprise et relations publiques, La Brasserie Molson Limitée, présentation orale devant le Sous-comité, 31 mai 1995.

Le Canada compte aussi un certain nombre d'initiatives où des fondations ou des corporations sont impliquées dans la lutte contre le sida. Ainsi, la Fondation canadienne pour la recherche sur le sida (CANFAR) est un organisme national de soutien de la recherche sur le sida qui recueille des fonds auprès du secteur privé. Roger Bullock, directeur général de la CANFAR, a indiqué que les contributions proviennent de sources variées, notamment les particuliers (il peut s'agir de dons en souvenir du décès de quelqu'un ou de legs représentant une partie ou la totalité d'un héritage), des organismes de charité, de sociétés (notamment des compagnies d'assurance et le secteur bancaire) ou par le biais des campagnes de levée de fonds initiées par la Fondation (3:5). Depuis sa création, CANFAR a financé 97 projets de recherche, pour une valeur de 1,95 million de dollars (3:6). La Brasserie Molson s'est elle aussi engagée dans la cause du VIH et du sida en mettant sur pied des projets de levée de fonds. Molson contribue entre autres au financement du spectacle Dancers For Life de Toronto et du Kumbaya Music Festival, ainsi qu'à l'initiative «ça marche» de Montréal.

Il existe toutefois des obstacles qui entravent la participation du secteur privé dans la lutte contre le sida au Canada. D'une part, un grand nombre de témoins ont expliqué aux membres du Sous-comité que le sida est une maladie relativement nouvelle et encore très stigmatisée. D'autre part, la plupart des gens ne se perçoivent pas encore comme étant à risque et ne reconnaissent pas l'impact du VIH sur la société. Enfin, seule une petite portion de la population canadienne s'est mobilisée pour prendre des moyens d'action contre l'épidémie. Il s'avère donc essentiel de sensibiliser la population quant à l'impact sociétal du VIH et du sida : environ un Canadien sur 1 000 est infecté par le VIH; environ 1 Canadien sur 10 000 est atteint du sida; le sida touche des hommes, des femmes et des enfants de tous les groupes de la population; le VIH/sida engendre des besoins qui grandissent jour après jour en fonction de l'épidémie. «Nous vivons tous la réalité du sida»(34).


(34) Ibid.

Pour sa part, Roger Bullock de CANFAR a indiqué que les préjugés associés au VIH/sida rendent difficiles de recueillir des fonds pour financer la recherche sur le sida. Il a expliqué que les compagnies recherchent souvent un rendement sur leur investissement de charité et «la simple responsabilité sociale ou la bonne volonté» ne sont généralement pas des arguments qui suffisent toujours à les convaincre (3:6). Pour convaincre le secteur privé et susciter la participation des entreprises, il faudrait recourir à des arguments d'ordre commercial et lié au marketing.

Des témoins ont aussi mentionné aux membres du Sous-comité que le manque de leadership au niveau fédéral n'a pas convaincu le secteur privé de l'importance du sida. À cet égard, le Secrétariat national sur le sida reconnaît qu'il incombe au gouvernement fédéral, par le biais de son leadership et avec l'aide de ses partenaires nationaux, de créer un environnement et des occasions qui permettront d'obtenir l'appui du secteur privé et de mobiliser ses forces vives(35). De plus, le Secrétariat estime qu'il faut créer des compétences en matière de développement et de marketing pour aider les organismes oeuvrant dans le domaine du VIH/sida à obtenir et à conserver l'appui du secteur privé(36). En conséquence, le Sous-comité recommande :


(35) Ibid., p. 6.
(36) Ibid.

ACTION COMMUNAUTAIRE

Un point particulier a fait l'unanimité tout au long des audiences qu'a tenues le Sous-comité : l'engagement communautaire est depuis toujours l'une des armes les plus importantes dans la lutte antisida. Le Sous-comité s'est fait dire à plusieurs reprises que c'est à la base que les actions de prévention, de promotion et de soutien réussissent le mieux. Les organismes communautaires sont ceux qui offrent les services les plus efficaces, à la fois pour éviter la propagation du VIH (éducation, promotion et prévention) et pour aider les personnes qui sont infectées (soins, traitements et soutien). Les groupes communautaires connaissent leur public, leurs besoins et les clients se sentent à l'aise lorsqu'ils s'adressent à eux.

L'efficacité du travail en milieu communautaire s'explique en grande partie par le rôle primordial joué par les bénévoles. Le AIDS Calgary, par exemple, ne compte que 10 employés; mais il en a en fait 350. Les 340 autres sont les bénévoles qui viennent offrir leur temps et leurs services (2:7). Similairement, la COCQ-SIDA a indiqué que l'ensemble des organismes communautaires au Québec totalise 150 employés permanents, mais plus de 2 500 bénévoles. La Coalition a essayé de comptabiliser en dollars le travail de l'ensemble de ces personnes : elle estime que, pour un investissement de 667 800 $ par le gouvernement fédéral, près de 5 millions de dollars sont généreusement donnés en temps par la population (calcul basé sur un taux horaire de 10 $)(37).


(37) Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, Mémoire, mai 1995, p. 5.

Le gouvernement fédéral encourage la participation communautaire. Par l'entremise du Programme d'action communautaire sur le sida (PACS), Santé Canada fournit des fonds à des organismes ou des groupes afin de leur permettre d'entreprendre des activités d'éducation, de prévention, de promotion de la santé et des activités de soutien et de soins communautaires. Tracey Donaldson, responsable du PACS chez Santé Canada, a énuméré les objectifs du programme(38):


(38) Tracey Donaldson, gestionnaire intérimaire du Programme d'action communautaire sur le sida (Santé Canada), Mémoire, 10 mai 1995, p. 1-4.

Le PACS offre deux (2) types de financement : le financement de projets ou «PACS ponctuel» et le financement de soutien ou «PACS soutien». Le PACS ponctuel est offert tant au niveau local, régional que national, c'est-à-dire tant aux organismes communautaires qui oeuvrent au niveau local et régional qu'aux organismes non gouvernementaux nationaux (comme les cinq principaux partenaires). Le PACS soutien est réservé à l'intention des groupes communautaires seulement. Le financement de soutien sert à financer le fonctionnement continu ou les opérations quotidiennes des interventions communautaires; il sert à maintenir l'infrastructure, à défrayer les salaires du personnel des groupes communautaires et à assurer le fonds de roulement dont ont besoin les organismes pour recruter, former et gérer les volontaires, pour élaborer leurs programmes et pour assurer la prestation des services. Pour sa part, le financement de projets est plutôt temporaire et se destine à des activités assez précises. Par exemple, Santé Canada a financé le projet Maggies - Toronto Self-Help Prostitutes Project, qui est un centre d'information qui offre des services d'éducation et de prévention aux travailleurs et travailleuses de l'industrie du sexe de cette ville(39). Toutes les propositions reçues dans le cadre du PACS sont soumises à un processus externe d'examen par les pairs, et celles qui sont retenues font ensuite l'objet d'un examen ministériel.


(39) Santé Canada, Notes d'information : Les femmes et le sida (30 novembre 1994), Cahier de breffage pour le Sous-comité sur le VIH/sida, 14 décembre 1994.

Lors de l'annonce de la phase II de la Stratégie nationale sur le sida, le gouvernement fédéral avait annoncé qu'un budget annuel moyen de 7,5 millions de dollars serait consacré au PACS(40). En 1993-1994, le financement du programme a été porté à 8,1 millions de dollars grâce à une réaffectation des fonds tirés à même le budget du volet soins, traitements et soutien. Les données financières pour l'année 1994-1995 ne sont pas encore disponibles. Par ailleurs, Barbara Jones, de l'Unité d'éducation et de prévention en matière de sida chez Santé Canada, a indiqué que le budget total que l'on prévoit consacrer en 1995-1996 s'élèvera à 7,5 millions de dollars(41).


(40) Santé Canada, Stratégie nationale sur le sida : Le financement, feuillet d'information, mai 1994.
(41) Barbara Jones, chef de l'Unité d'éducation et de prévention en matière de sida (Santé Canada), Exposé devant le Sous-comité, 10 mai 1995.

Les organismes nationaux et les groupes communautaires qui ont comparu devant le Sous-comité ont tous souligné l'importance du PACS pour les collectivités. Les organismes communautaires ont grandement besoin du financement ponctuel et de soutien qu'ils reçoivent dans le cadre du PACS. Comme l'a précisé la SCS, plusieurs de ces organismes ne reçoivent aucune autre source de financement public dans certaines provinces(42). La SCS a aussi souligné que Santé Canada a fait preuve de beaucoup de générosité à l'égard des organisations nationales dans le domaine du financement de projets(43).


(42) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 18.
(43) Ibid., p. 10.

Toutefois, des témoins estiment que le financement destiné aux efforts communautaires est insuffisant. Ils ont expliqué que la charge de travail des organismes communautaires augmente en proportion de la croissance de l'épidémie, mais leur financement, lui, n'augmente pas proportionnellement mais, au contraire, diminue. Par exemple, le Sous-comité a été informé que les subventions accordées au AIDS Nova Scotia et à la Nova Scotia Persons with AIDS Coalition ont été réduites de 20 000 $ et de 10 000 $ respectivement en 1994-1995. Pourtant, la clientèle a augmenté de 82 p. 100 pour le AIDS Nova Scotia et de 380 p. 100 pour le Nova Scotia Persons with AIDS Coalition en un an. Les deux organismes ont décidé de fusionner en 1995-1996; toutefois, on les a informés que leur financement serait à nouveau réduit d'environ 20 000 $ à 30 000 $(44). «Pour qu'on puisse gagner la guerre contre le sida, a soutenu David Garmaise devant le Sous-comité, il faut donner davantage de fonds aux groupes communautaires» (2:4). Le Sous-comité a également appris que la clientèle des organismes s'est diversifiée. Il y a 10 ans, il n'y avait à peu près que des hommes gais; aujourd'hui, il y aussi des femmes et des Autochtones. Les programmes communautaires ont besoin d'être adaptés à cette nouvelle clientèle. Les organismes doivent répondre à des exigences toujours plus nombreuses avec un budget réduit. Par ailleurs, la Société canadienne du sida a tenu à rappeler qu'il y a des organismes communautaires qui ne reçoivent aucuns fonds mais qui en auraient grandement besoin. Il n'y a pas eu de réponse coordonnée entre la Stratégie et ceux des travailleurs de première ligne de sorte que les organisations doivent convertir l'argent destiné au financement de base en fonds destinés aux projets lorsqu'il n'y a pas d'argent disponible ailleurs. La Société a aussi indiqué que l'instabilité et le caractère à court terme du financement limitent grandement les travaux de planification des organismes.


(44) Ibid., p. 17.

La Société canadienne du sida a également informé le Sous-comité que le gouvernement fédéral compte remplacer progressivement le financement de soutien par le financement ponctuel qu'il verse dans le cadre du PACS. Selon la SCS, cela ne correspond pas du tout aux besoins des organismes de première ligne qui luttent contre le VIH/sida(45). À cet égard, la COCQ-SIDA a indiqué qu'elle aimerait que les fonds ponctuels soient diminués au profit des fonds de soutien pour pouvoir maintenir et renforcer l'infrastructure communautaire et réaliser plus de projets génériques en collaboration avec d'autres partenaires. Plus précisément, elle recommande que les sommes attribuées à des projets ponctuels soient diminuées au profit des projets de soutien et l'on suggère un transfert de fonds de l'ordre de 25 p. 100(46). Enfin, la COCQ-SIDA a aussi mentionné que le PACS ponctuel ne permet la réalisation que de projets de courte durée. Toutefois, la Coalition juge qu'il pourrait être intéressant de réaliser des interventions nouvelles à plus long terme, particulièrement en matière d'éducation et de prévention.


(45) Ibid., p. 18.
(46) Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, Mémoire, mai 1995, p. 11.

L'Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC) a elle aussi souligné l'importance de reconnaître le travail accompli par les organismes communautaires. L'Association juge qu'il faut continuer de les aider et leur donner suffisamment de souplesse pour qu'ils puissent choisir les programmes les plus utiles pour leurs clients. Selon l'AIIC, le gouvernement fédéral peut encore améliorer l'efficacité des programmes de soins communautaires(47).


(47) Association des infirmières et infirmiers du Canada, Mémoire, février 1995, p. 12.

Enfin, la Société canadienne de l'hémophilie (SCH) partage aussi l'avis que la Stratégie nationale sur le sida, par l'entremise du PACS, a permis d'établir un réseau d'organismes communautaires dont le travail est formidable et très efficace. Dans son mémoire, Durhane Wong-Rieger de la SCH a affirmé : «Je suis vraiment étonnée de leur efficacité et de leur impact. Aucune agence gouvernementale ni aucune compagnie ou industrie ne pourrait atteindre leur ratio des résultats pour chaque dollar investi»(48). Tout comme la majorité des autres témoins, madame Wong-Rieger a soutenu que le réseau des soins communautaires a besoin être renforcé et elle a reconnu que cela nécessitait des fonds considérables.


(48) Durhane Wong-Rieger, présidente de la Société canadienne de l'hémophilie, Mémoire, 15 mars 1995, p. 5.

Pour être en mesure de répondre aux besoins accrus posés par l'épidémie, les organismes communautaires doivent disposer d'un budget stable et à long terme. En outre, Santé Canada devrait faire preuve de plus de souplesse quant à la répartition des fonds entre les projets ponctuels et de soutien. En conséquence, le Sous-comité recommande :

ÉDUCATION ET PRÉVENTION

Comme il n'existe aucun vaccin contre le sida ni aucun agent antiviral efficace, l'éducation reste le seul outil dont nous disposons pour prévenir la transmission de l'infection aux VIH. La Stratégie nationale sur le sida comporte un volet relatif à l'éducation et à la prévention. Plus particulièrement, Barbara Jones, de l'Unité d'éducation et de prévention en matière de sida, a expliqué au Sous-comité que ce volet comporte cinq domaines d'activités précis(49) :

(49) Barbara Jones, chef de l'Unité d'éducation et de prévention en matière de sida (Santé Canada), Mémoire, 10 mai 1995, p. 4-9.

Lors de l'annonce de la phase II de la Stratégie, le gouvernement fédéral avait annoncé qu'il consacrerait en moyenne 6,2 millions de dollars au chapitre de l'éducation et des mesures de prévention(50). Par ailleurs, madame Jones a indiqué que les fonds consentis en 1995-1996 seraient de 1,95 million de dollars pour la recherche extra-muros, la synthèse d'information et le développement de programmes novateurs; 600 000 $ pour les initiatives interministérielles; et 2,8 millions de dollars pour le financement des organismes nationaux non gouvernementaux(51).


(50) Santé Canada, Stratégie nationale sur le sida: Le financement, feuillet d'information, mai 1994.
(51) Barbara Jones, chef de l'Unité d'éducation et de prévention en matière de sida (Santé Canada), exposé devant le Sous-comité, 10 mai 1995.

Au Canada, l'Association canadienne de santé publique (ACSP) joue aussi un rôle important en matière de prévention du sida par le biais de son Programme national sur le sida. La mission du programme, qui a été mis sur pied en 1986 avec la collaboration de Santé Canada, est la suivante : «assurer au plan national un leadership visant à favoriser l'élaboration et la mise en oeuvre de programmes et de politiques de santé publique destinées à prévenir la transmission de l'infection au VIH et à donner des soins à ceux qui sont touchés par le VIH/sida»(52). Le programme repose sur différents principes, y compris l'adaptation culturelle, l'accessibilité, le partenariat, l'absence de jugement de valeur dans les programmes et, enfin, l'équité sociale. Le Programme national sur le sida de l'ACSP comporte quatre volets d'activités :


(52) Association canadienne de santé publique, Mémoire, 1er mars 1995, p. 3.

Au cours des audiences qu'a tenues le Sous-comité, des témoins ont tenu à souligner les efforts d'éducation et de prévention du gouvernement fédéral. Entre autres, la SCS a indiqué que Santé Canada a permis la réalisation d'importants documents de référence traitant de la nutrition des personnes vivant avec le VIH/sida ou portant sur l'évaluation des programmes, ainsi que certaines études sur les communautés ethnoculturelles(53). La SCS a également souligné les progrès dans les politiques fédérales liées à l'immigration. Enfin, la SCS a noté la mise sur pied d'un programme de distribution de condoms dans les pénitenciers fédéraux et a accueilli favorablement la décision de Service correctionnel Canada d'établir un projet pilote de distribution d'eau de javel, de dépistage anonyme du VIH et de counselling par les pairs(54).


(53) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 10.
(54) Ibid., p. 9.

A. Obstacles à l'efficacité des mesures de prévention

En dépit des progrès réalisés dans le domaine de l'éducation et de la prévention du sida, les données épidémiologiques révèlent que le nombre de cas continue malheureusement d'augmenter. Selon des témoins, il existe des obstacles qui entravent l'efficacité des mesures de sensibilisation et de prévention. La SCS a soutenu que «la censure compromet l'efficacité». Elle considère qu'il faut abolir les restrictions liées à l'emploi d'un langage explicite, favoriser l'accès des éducateurs aux écoles, aux foyers et aux établissements carcéraux et éviter de limiter les sujets qu'ils peuvent aborder durant leurs visites dans ces établissements(55).

(55) Ibid., p. 25.

Pour sa part, Ron de Burger, directeur du Programme national sur le sida de l'ACSP, a souligné qu'un obstacle important à l'efficacité des programmes d'éducation et de prévention demeure l'attitude. Selon lui, trop de Canadiennes et de Canadiens pensent qu'il n'est pas nécessaire de parler de santé sexuelle; qui plus est, un grand nombre d'entre eux ne se sentent pas concernés et se croient encore invulnérables :

Le Dr Brent Kvern du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) a insisté sur la nécessité de modifier les attitudes, tant au niveau de l'orientation sexuelle que du style de vie. Il a affirmé, par exemple, en ce qui concerne les drogues par injection :

Un certain nombre de témoins ont souligné que les programmes d'éducation, de promotion et de prévention ne font pas l'objet d'évaluation de sorte que l'on ne connaît pas vraiment leur efficacité. Par exemple, madame Wong-Rieger de la SCH a affirmé :

Le manque d'évaluation limite également les efforts pour améliorer les programmes existants. Qui plus est, des témoins ont affirmé que l'efficacité des mesures d'éducation et de prévention est grandement compromise par le caractère à court terme et non coordonné des programmes financés dans le cadre de la Stratégie. Dans son mémoire, la SCS a indiqué que le gouvernement fédéral ne consacre pas suffisamment de temps, d'énergie et d'argent aux campagnes de prévention pour assurer leur efficacité à long terme. À son avis, les activités de prévention actuelles sont ponctuelles et, souvent, superficielles(56). La SCS a aussi indiqué que chaque organisme travaille dans l'isolement, sans plan d'ensemble ni stratégie nationale; comme les activités de prévention ne sont pas coordonnées, «rien ne permet d'éviter que les organismes locaux ne réinventent la roue». La SCS est d'avis qu'il faudrait offrir aux organismes plus d'occasions de se rencontrer et de partager leurs expériences et que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle à cet égard(57). Pour sa part, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada a affirmé que les activités de prévention sont efficaces et procurent beaucoup d'avantages lorsqu'elles sont soutenues au fil des ans et coordonnées entre les gouvernements et la collectivité. Selon l'AIIC, c'est le gouvernement fédéral qui doit effectuer ce travail de coordination(58). De la même façon, Ron de Burger de l'ACSP a affirmé qu'il faut un engagement soutenu à long terme avant d'obtenir des changements et des améliorations de comportement (4:13). Durhane Wong-Rieger de la SCH partage le même avis :


(56) Ibid., p. 24.
(57) Ibid.
(58) Association des infirmières et infirmiers du Canada, Mémoire, février 1995, p. 5.

En conséquence, le Sous-comité recommande :

B. Prévention générale ou à caractère spécifique?

Au cours des audiences, on s'est demandé s'il était préférable de viser une prévention générale à l'intention de tous, ou s'il fallait plutôt cibler les groupes les plus vulnérables. Certains estiment que si l'on ne vise que les groupes à risque élevé, on perdra de vue l'ensemble de la question, le sida ne sera plus perçu comme aussi important et nous ne protégerons pas la prochaine génération parce que nous nous serons intéressés uniquement à des groupes précis. D'autres, au contraire, prétendent qu'une approche générale n'est pas efficace lorsqu'il y a des épidémies actives et dynamiques parmi des groupes cibles comme les utilisateurs de drogues par injection, les jeunes hommes homosexuels, les femmes de communautés minoritaires qui vivent dans la pauvreté. Selon la SCS, les campagnes d'une grande portée ont vraiment du mal à passer, car elles ne sont pas suffisamment spécifiques aux groupes à qui elles sont en fait destinées. Pour sa part, l'ACSP aimerait qu'il y ait plus de campagnes de sensibilisation nationales. Il faudrait donc trouver un juste équilibre entre les campagnes à caractère national ou local et entre les programmes pour la population en général ou à l'intention de groupes spécifiques.

Plusieurs témoins ont néanmoins insisté sur les divers moyens de prévention et d'éducation à l'intention de groupes particuliers. Par exemple, l'ACSP a souligné l'importance de mettre au point des programmes à l'intention des jeunes. L'Association a affirmé que de nombreux jeunes continuent d'ignorer les messages de prévention du sida et qu'ils n'abandonnent pas leurs comportements sexuels à risque élevé. Selon les estimations de l'ASCP, quelque 350 000 jeunes passent à l'adolescence chaque année; ceux-ci ont besoin d'information de base sur le sida et ils ont aussi besoin d'acquérir davantage de compétences et d'être davantage encadrés pour être à même de prendre les bonnes décisions. Des programmes efficaces en matière de prévention sont essentiels pour protéger la jeunesse. L'ACSP s'est dite en faveur de l'inclusion obligatoire de programmes scolaires en santé sexuelle et elle favorise aussi la mise sur pied de cliniques de santé sexuelle dans les écoles secondaires dans le but, notamment, d'encourager les comportements qui réduisent les risques de transmission du VIH. Même si les adolescents disposent de l'information de base pour ce qui est de la transmission du VIH, cela ne se traduit pas pour autant, malheureusement, en un comportement plus sécuritaire. Pour favoriser le changement de comportement, l'ACSP a suggéré d'amener les jeunes à participer à la conception et la mise en oeuvre des programmes d'éducation sur le sida(59).


(59) Association canadienne de santé publique, Mémoire, 1er mars 1995, p. 10-11.

Pour sa part, Eleanor Ross, présidente de l'AIIC, a dit que la prévention doit se faire avant que le problème ne se présente. Il faut faire de la prévention auprès des jeunes avant qu'ils ne se retrouvent dans la rue comme les sans-abri et les toxicomanes. Il faut faire comprendre aux gens d'avance ce qu'est la sexualité sans risque et les réalités de la toxicomanie (4:29). L'AIIC croit que l'éducation des enfants en matière de VIH/sida devrait commencer dès l'école primaire, et se faire d'une manière franche et explicite. Selon l'Association, les programmes d'éducation à la télévision sont aussi un bon moyen de diffuser de l'information à l'intention des enfants et des adolescents. En particulier, elle a fait référence à l'émission de la chaîne anglaise de Radio-Canada intitulée «AIDS Scare/AIDS Care» dans le cadre de laquelle de jeunes personnalités ont expliqué, dans un langage propre aux jeunes, les risques du VIH/sida, son mode de propagation et les moyens de protection. L'Association a précisé que plus l'éducation commence tôt, plus l'apprentissage des bonnes règles de vie s'avère efficace(60).


(60) Association des infirmières et infirmiers du Canada, Mémoire, février 1995, p. 5.

En ce qui concerne l'éducation des jeunes enfants, l'honorable Judy Erola, présidente de l'Association canadienne de l'industrie du médicament (ACIM), a indiqué que son Association a financé la publication dans les deux langues officielles d'un livre d'histoire intitulé «Viens t'asseoir avec moi (Come sit by me)». Ce livre a été écrit à l'intention des enfants de 4 à 8 ans ainsi qu'à leurs éducateurs. Madame Erola a précisé qu'il a été distribué dans tous les cabinets de médecins du pays (6:19). Des membres du Sous-comité ont trouvé ce petit livre d'histoire intéressant et ont exprimé l'avis qu'il conviendrait peut-être de le distribuer dans toutes les écoles primaires à travers le Canada.

Certains témoins ont soulevé des inquiétudes quant à la progression de l'infection chez les femmes et les enfants. Il semble que le danger que courent les femmes d'être infectées par le VIH soit lié à leur propre comportement à risque ou à celui de leurs partenaires sexuels. Le manque d'autonomie, la soumission, la violence et la pauvreté empêchent les femmes de se protéger contre le VIH(61). En outre, les femmes peuvent transmettre le virus à leurs enfants. Selon la COCQ-SIDA, la propagation du VIH chez les femmes a donné lieu «à un besoin qui reste sans réponse parce que sans ressources financières supplémentaires»(62). L'AIIC et l'AMC ont demandé qu'une plus grande attention soit accordée aux programmes de prévention et de promotion destinés aux femmes et aux enfants(63).


(61) Santé Canada, Notes d'information : Les femmes et le sida (30 novembre 1994), Cahier de breffage pour le Sous-comité sur le VIH/sida, 14 décembre 1994.
(62) Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, Mémoire, mai 1995, p. 8.
(63) Association des infirmières et infirmiers du Canada, Mémoire, février 1995, p. 5; Association médicale canadienne, Discours devant le Sous-comité, 28 mars 1995, p. 3.

Un grand nombre de témoins se sont dits préoccupés par le taux d'infection au VIH chez les toxicomanes. Les données épidémiologiques fournies au Sous-comité révèlent que la transmission du VIH parmi les utilisateurs de drogues injectables augmente de façon spectaculaire au Canada et que le partage de seringues s'avère le mode de propagation du VIH le plus efficace. La majorité des témoins se sont dits en faveur des programmes d'échange de seringues.

Par ailleurs, le Sous-comité s'est fait dire que «la situation en milieu carcéral est une véritable bombe à retardement»(64). L'ACSP a expliqué qu'il existe un besoin particulier de s'attaquer à la prévention dans les prisons :


(64) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 22.


(65) Association canadienne de santé publique, Mémoire, 1er mars 1995, p. 11-12.

Dans son mémoire, le Dr Norbert Gilmore, qui a présidé le Comité d'experts sur le sida et les prisons (1992-1994), a exprimé une opinion similaire(66). Selon l'ACSP, le rapport final du Comité d'experts constitue un excellent point de départ pour répondre aux besoins particuliers du personnel et des détenus vivant en milieu carcéral et elle a suggéré de mettre en oeuvre les 88 recommandations formulées dans ce rapport(67).


(66) Dr Norbert Gilmore, président du Comité d'experts sur le sida et les prisons, Mémoire, 3 mai 1995.
(67) Association canadienne de santé publique, Mémoire, 1er mars 1995, p. 13.

Lorsqu'il a comparu devant le Sous-comité, John Edwards, commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC), a indiqué que SCC appuie en grande partie les recommandations du Comité d'experts sur le sida et les prisons, mais que trois suggestions particulières ont été rejetées : lever l'interdiction qui frappe les relations sexuelles consensuelles entre les détenus, fournir un traitement d'entretien à la méthadone aux détenus qui affichent une dépendance opiacée et mettre en place un programme d'échange d'aiguilles. Pour remplacer l'échange d'aiguilles, le SCC a accepté de distribuer, dans le cadre d'un programme pilote, de l'eau de javel aux fins de la stérilisation des seringues qui servent à l'injection de drogues et au tatouage(68).


(68) John Edwards, commissaire du Service correctionnnel du Canada, Mémoire, 3 mai 1995, p. 12-13.

La Société canadienne du sida juge que les moyens de prévention mis en place en milieu carcéral sont fragmentaires et ne vont pas suffisamment loin. Selon la Société, le Service correctionnel Canada ne répond pas à l'épidémie de façon suffisante. Les droits des détenus sont enfreints, car ils ne disposent pas des mêmes moyens pour se protéger et prendre soin de leur santé que la population en général(69).


(69) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 22.

Par ailleurs, le Sous-comité a été informé que, à mesure que l'épidémie du sida évolue au Canada, les groupes autochtones sont de plus en plus exposés au VIH et au sida. Janice Hopkins, directrice générale des Services de santé des Indiens et des populations du Nord (Santé Canada) a discuté des risques de propagation du VIH/sida tant en centre urbain que dans les réserves et les régions éloignées :


(70) Janice Hopkins, directrice générale, Direction générale des services médicaux (Santé Canada), Notes pour une allocution, 10 mai 1995, p. 1-2

Dans son mémoire, madame Hopkins a mentionné que des condoms sont disponibles dans tous les établissements de soins de santé desservant la clientèle autochtone du ministère et que des services d'échange de seringues sont disponibles sur demande(71). Toutefois, un rapport déposé devant le Sous-comité indique que les initiatives de prévention et d'éducation relatives au VIH ne sont pas encore très répandues dans les réserves autochtones, et qu'il existe une certaine réticence à les mettre en oeuvre dans certaines collectivités. Ce rapport souligne aussi que les activités en place ont tendance à être axées sur la sensibilisation générale au VIH/sida, que la prévention et l'éducation devraient être mieux ciblées et qu'il faudrait mettre davantage l'accent sur les comportements et les attitudes à risque(72).


(71) Ibid., p. 10.
(72) Santé Canada, Coordination entre les secteurs de compétence relativement au VIH/sida chez les populations autochtones : Questions et stratégies, janvier 1995, p. 5.

Enfin, la COCQ-SIDA a rappelé que la communauté homosexuelle demeure celle qui est la plus touchée par le VIH/sida. La Coalition a mentionné que, même si l'on peut constater une augmentation importante des pratiques sexuelles sécuritaires chez les gais, on observe toutefois une hausse des comportements à risque chez les homosexuels de moins de 25 ans. Elle a recommandé que soit organisée une campagne nationale de prévention contre l'infection au VIH auprès de la communauté homosexuelle(73). Encore une fois, on a soutenu que la prévention devait se faire sur une base continuelle pour faire perdurer les comportements sexuels sains :


(73) Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, Mémoire, mai 1995, p. 7, 8 et 11.


(74) Association canadienne de santé publique, Mémoire, 1er mars 1995, p. 11.

En somme, il ne faut pas relâcher les efforts et s'imaginer que le message a été bien compris tant que le nombre de personnes atteintes du VIH n'aura pas vraiment baissé. Les efforts de vulgarisation doivent être poursuivis et soutenus dans toute la mesure du possible. De plus, les activités d'éducation et de prévention pour enrayer l'épidémie du sida doivent être menées sur tous les fronts - local, provincial, territorial et national - sur la base de partenariats avec la participation des personnes concernées. En conséquence, le Sous-comité recommande :

SOINS, TRAITEMENTS ET SOUTIEN

L'un des objectifs de la phase II de la Stratégie nationale sur le sida vise à améliorer la capacité des soignants dans le domaine du VIH/sida de manière à assurer la qualité des soins et des traitements. Chez Santé Canada, cet objectif relève de l'Unité des soins, des traitements et du soutien pour le sida dont le mandat est de «coordonner et de soutenir les projets et activités qui permettront d'améliorer la qualité de vie des personnes atteintes d'une infection au VIH et du sida»(75). Les soignants regroupent les dispensateurs de soins professionnels et non professionnels, y compris les médecins, les infirmières, les travailleurs sociaux, les bénévoles qui oeuvrent au sein des organismes communautaires, les familles et les amis des personnes vivant avec le VIH/sida.

(75) Santé Canada, Stratégie nationale sur le sida - phase II : Rapport d'étape 1993-1994, Ottawa, 1994, p. 17.

Dans son mémoire au Sous-comité, Robert Shearer, qui est le chef intérimaire de l'Unité, a expliqué que son unité appuie cinq types d'activités en particulier(76). D'abord, l'Unité soutient financièrement l'éducation et la formation des soignants. Par exemple, elle finance la publication de guides ou de lignes directrices, elle participe à l'amélioration des programmes d'enseignement dans les universités et elle appuie les programmes de perfectionnement. À cet égard, l'Unité a financé un guide sur les soins produit par le Collège des médecins de famille du Canada de même qu'un document élaboré par l'Association des infirmières et infirmiers du Canada à l'intention de ses membres. Le Sous-comité a reçu une copie de ces documents. Un budget de 1 million de dollars sera consacré à cette activité en 1995-1996.


(76) Robert Shearer, Mémoire, 10 mai 1995.

Ensuite, l'Unité finance des projets de recherche portant sur le soutien psychosocial et la promotion de la qualité de vie. Par exemple, l'Unité finance la Société canadienne du sida qui a entrepris, avec d'autres partenaires, un projet de recherche sur les besoins spécifiques des personnes vivant avec le VIH/sida en matière de logement. Le budget prévu pour l'année financière 1995-1996 dans le cadre de cette activité s'élève à 1,6 million de dollars.

Par ailleurs, l'Unité encourage l'élaboration de nouveaux modèles de prestation de soins et l'évaluation de l'efficacité des programmes existants. Par exemple, la COCQ-SIDA travaille présentement sur l'élaboration d'un modèle visant à évaluer les services qu'elle offre; elle compte sur ce genre de contribution pour mener à terme son modèle(77). L'Unité finance aussi la recherche portant sur les dimensions économiques du VIH/sida; ces travaux de recherche, qui doivent durer environ trois ans, sont réalisés par les Réseaux canadiens de recherche en politique publique inc. Santé Canada prévoit consacrer au total 700 000 $ dans le cadre de cette activité en 1995-1996.


(77) Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, Mémoire, mai 1995, p. 10.

L'Unité finance aussi le Service d'information sur le traitement du sida. Les personnes atteintes du VIH/sida et ceux qui leur dispensent des soins ont fait beaucoup de pression et accueillent favorablement ce service national. Le service rendra disponibles tous les renseignements fiables et à jour sur les traitements médicaux et d'autres thérapies qui aideront les personnes atteintes et leurs soignants à prendre des décisions éclairées sur les options thérapeutiques. En 1995-1996, le gouvernement fédéral y contribuera quelque 2 millions de dollars.

Enfin, l'Unité est responsable du financement du Réseau des essais cliniques sur le VIH qui bénéficiera d'un budget de 2,9 millions de dollars en 1995-1996. Le Réseau des essais cliniques est discuté plus en détail plus loin dans ce document.

Au total, l'Unité des soins, des traitements et du soutien pour le sida versera plus de 8 millions de dollars en subventions et contributions dans le cadre de ces activités. Toutes les propositions reçues font l'objet d'un examen qui comporte une évaluation interne par Santé Canada et une évaluation externe par des pairs. Dans son mémoire, monsieur Shearer a insisté sur l'approche multidisciplinaire, car les soins, les traitements et le soutien aux personnes atteintes du VIH/sida font intervenir une vaste gamme de personnes et nécessitent divers types de services.

Lors de son témoignage, Eleanor Ross, de l'AIIC, a expliqué que les différents soins dont les personnes vivant avec le VIH/sida ont besoin sont fonction de la progression de la maladie (4:25). Il y a d'abord les soins intermédiaires offerts à domicile ou dans la communauté. Il peut s'agir d'un soutien qui permet au patient de continuer à travailler ou qui lui permette de rester au lit chez lui et recevoir des soins à domicile. Les soins actifs sont les soins hautement technologiques ou intensifs dispensés dans les hôpitaux. Enfin, il y a les soins palliatifs dont le but est de protéger la valeur de l'existence, d'en préserver le sens, d'améliorer la qualité de vie. Ce sont en fait les soins actifs et attentifs apportés aux mourants et à leurs proches lorsqu'il n'est plus approprié de prolonger la vie ni d'administrer un traitement curatif. On peut soulager la douleur et satisfaire à d'autres besoins physiques, affectifs et spirituels des clients.

Les représentants de l'AIIC et d'autres témoins qui ont comparu devant le Sous-comité préconisent grandement les services communautaires et les soins à domicile car, affirment-ils, les meilleurs soins sont ceux fournis le plus près possible du client. Dans son mémoire, l'AIIC a déploré le fait que, dans le cadre de la réforme du régime de soins de santé, les coupures dans les soins actifs ne sont pas compensées par des services de soutien dans la collectivité. Selon l'Association, il manque de services de soins intermédiaires, comme les structures semi-surveillées où l'on trouve le jour des services de santé, d'alimentation et d'aide sociale. Ce genre de soins est souvent nécessaire lorsque le conjoint doit aller au travail mais ne peut abandonner le malade toute la journée. L'AIIC a également affirmé qu'il est essentiel de former et de soutenir les personnes soignantes, qu'elles soient professionnelles ou non, qui s'occupent des personnes vivant avec le VIH et le sida(78). Par ailleurs, elle a recommandé que les gouvernements de tous les paliers garantissent la continuité des soins aux personnes vivant avec le VIH/sida - soins actifs, intermédiaires et palliatifs(79).


(78) Association des infirmières et infirmiers du Canada, Mémoire, février 1995, p. 7.
(79) Ibid., p. 12.

La Société canadienne du sida(80) semble partager une opinion similaire à l'égard des soins communautaires et des soins à domicile. Dans son mémoire, elle a également insisté sur la nécessité d'établir un plus grand nombre d'hospices communautaires de soins palliatifs comme la Casey House de Toronto. Elle juge que, même si ces stratégies vont nécessiter un investissement initial, il sera possible, à long terme, de réaliser d'importantes économies au sein du système de soins de santé. De plus, la SCS estime que même si la responsabilité de la prestation des soins de santé incombe, en grande partie, aux gouvernements des provinces, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans ce domaine. Par exemple, la Société a indiqué que Santé Canada peut financer des projets pilotes et assumer un rôle de leadership afin d'inciter les provinces et d'autres intervenants à travailler ensemble pour trouver des réponses novatrices.


(80) Société canadienne du sida, Mémoire, février 1995, p. 23.

Lorsqu'elle a comparu devant le Sous-comité, l'AMC a discuté du rôle important joué par les médecins dans la lutte contre le sida. Le médecin est le premier contact du patient atteint du VIH/sida au sein du système de soins de santé. De plus, le médecin doit souvent répondre aux besoins des partenaires, des familles et des défenseurs par le biais d'information et de discussion. Pourtant, l'Association ainsi que plusieurs autres témoins ont reconnu qu'il y a des obstacles qui entravent la qualité des soins. D'une part, le VIH/sida est une maladie complexe qui est difficile à comprendre et à traiter. À cet égard, le Dr David Walters de l'AMC a déclaré :

D'autre part, le Dr Brent Kvern (CMFC) a indiqué que certains médecins considèrent qu'ils ne connaissent pas suffisamment bien la maladie pour pouvoir bien la traiter. Il a aussi mentionné que les facultés de médecine «négligent les questions de santé sexuelle» et que des médecins ne sont pas bien préparés et hésitent à poser des questions qui peuvent sembler «embarrassantes» (5:25).

Par ailleurs, il semble que la méthode de rémunération à l'acte des médecins décourage elle aussi les médecins à traiter les patients atteints du VIH/sida. Le Dr Kvern (CMFC) a affirmé ce qui suit :

Enfin, le Sous-comité s'est fait dire à plusieurs reprises qu'il existe un problème d'attitude, de préjugés et d'homophobie à l'endroit de certains groupes, ce qui affecte considérablement la qualité des soins. À cet égard, les représentants de l'AMC et du CMFC ont expliqué que les médecins constituent un groupe hétérogène, tout comme la société. Il reste encore des médecins qui n'ont pas encore confronté leur homophobie ou leur incapacité à traiter un toxicomane qui se pique, à accepter des gens pour ce qu'ils sont et à les aider. Le VIH/sida touche une population avec laquelle les médecins ne sont pas toujours à l'aise. Il y a différents comportements à risque que les médecins ne sont pas toujours en mesure de soigner sans porter un jugement. Par exemple, le Dr Walters (AMC) a dit au Sous-comité :

Ces obstacles qui entravent la qualité des soins expliquent en grande partie le problème de la pénurie de médecins spécialisés dans le traitement du VIH/sida. Dans son mémoire, la Société canadienne du sida souligne qu'il est difficile d'attirer de nouveaux médecins dans le monde du VIH et que les médecins spécialisés dans ce domaine sont épuisés. Compte tenu de l'accroissement du taux de séroprévalence, la SCS juge que la pénurie actuelle risque de poser des problèmes dans un proche avenir si l'on ne remédie pas à la situation immédiatement :


(81) Société canadienne du sida, Mémoire, février 1995, p. 23.

Pour ces raisons, plusieurs témoins ont jugé qu'il était impératif d'améliorer les programmes d'études et d'offrir des programmes de formation continue aux professionnels de la santé de manière à 1) accroître les connaissances vis-à-vis le VIH et le sida, 2) modifier les attitudes de manière à développer la confiance et l'aise qu'il faut pour soigner les personnes vivant avec le VIH/sida et 3) augmenter le nombre de médecins spécialisés dans ce domaine.

Par le biais du financement accordé par Santé Canada, des efforts ont déjà été entrepris. Par exemple, l'Association médicale canadienne (AMC) a publié la troisième version d'un document intitulé Sérodiagnostic du virus de l'immunodéficience humaine : Lignes directrices aux consultants (6:5). Ce document s'adresse aux médecins et aux autres professionnels de la santé; il comporte des lignes directrices précises en matière de counselling et sur l'information à donner aux malades concernant les tests de séropositivité. Ces lignes directrices sont suivies par les professionnels de la santé qui traitent les malades atteints par le VIH/sida. Le Collège des médecins de famille du Canada a lui aussi mis au point le Guide complet des soins aux personnes atteintes de la maladie au VIH qui comporte un module sur le traitement des adultes et un second sur le traitement des enfants (celui-ci devrait être disponible sous peu)(82). Le Collège a également mis au point un programme de formation à l'intention des médecins de famille sur le sujet de l'infection au VIH/sida. Dans le cadre de ce programme, des séminaires portant sur les tests de dépistage et le counselling ont été donnés à travers le pays. Ensuite,le Collège a développé du matériel didactique - notamment des diapositives et des vidéocassettes - et des tournées d'information ont été refaites en insistant sur les habiletés cliniques nécessaires pour traiter avec assurance l'infection au VIH. Enfin, le Collège s'est inspiré du concept de formation des formateurs : des médecins plus expérimentés conseillent ceux qui ont moins d'expérience dans les soins aux personnes atteintes du VIH/sida. L'AIIC a elle aussi publié en 1992 un guide sur les soins infirmiers intitulé VIH/sida - Formation infirmière : problèmes de pratique, lignes directrices et elle prévoit réaliser prochainement un sondage chez les écoles infirmières pour savoir s'il faut inclure des cours sur le VIH/sida dans leur programme d'études(83).


(82) Collège des médecins de famille du Canada, Mémoire, mars 1995, p. 5.
(83) Association des infirmières et infirmiers du Canada, Mémoire, février 1995, p. 3.

Enfin, des témoins ont indiqué au Sous-comité qu'il était essentiel, afin d'assurer la qualité des soins, que le personnel médical fournissent les renseignements relatifs aux soins et traitements aux patients atteints du VIH/sida de façon qu'ils puissent prendre une décision éclairée. Pour sa part, James Kreppner, de l'Association canadienne de l'hémophilie, juge que les médecins font parfois preuve de paternalisme :

M. Kreppner a aussi tenu à avertir les membres du Sous-comité :

Il faut espérer que le Service national d'information sur le traitement du sida saura fournir l'information nécessaire pour une prise de décision éclairée à la fois pour le patient et le soignant(84). Par ailleurs, tous les témoins s'entendent sur la nécessité d'une formation adéquate dans le cadre des cours dispensés par les institutions d'enseignement et d'une formation continue de manière à favoriser la participation des professionnels dans le traitement du VIH/sida, de leur fournir de l'information à jour et les instruire sur les nouveaux traitements. En conséquence, le Sous-comité recommande :


(84) Dans son allocution d'ouverture le 10 mai 1995, Kay Stanley, sous-ministre adjointe chargée de veiller à l'exécution de la phase II de la Stratégie, a indiqué que le Conseil du Trésor a approuvé récemment la demande de Santé Canada de négocier une entente de trois ans visant le financement du Service d'information sur le traitement du sida. Ce projet sera administré par le réseau communautaire d'info-traitement SIDA (RCITS) à Toronto.

RECHERCHE

Les recherches sur le VIH et le sida se divisent pour l'essentiel en deux grandes catégories, les essais cliniques et la recherche fondamentale. Sont également importantes la recherche en sciences sociales, l'épidémiologie du VIH et du sida (l'étude de l'incidence, de la répartition, du contrôle et de la prévention de cette maladie) ainsi que la recherche appliquée qui tend vers le développement de technologies commerciales visant à détecter la maladie et à en suivre la progression. Les travaux de recherche fondamentale visent à élucider les causes de la maladie due au VIH et des infections opportunistes qui l'accompagnent. Cela englobe l'enrichissement de nos connaissances sur l'immunologie et la physiologie humaine, l'approfondissement de notre compréhension de la pathogenèse, de la physiologie virale et de la biologie moléculaire du VIH. En comprenant la composition du VIH et la manière dont il s'attaque au système immunitaire, les scientifiques pourront concevoir des médicaments capables de viser et de bloquer les fonctions virales. Ces agents sont testés en laboratoire pour en établir l'efficacité contre le VIH, et il y a également des tests sur les animaux pour estimer la toxicité du médicament. Viennent ensuite les essais cliniques visant à vérifier l'efficacité et la toxicité de l'agent chez les humains. Les essais cliniques, qui peuvent coûter des millions de dollars, se poursuivent parfois pendant des années et se font avec la participation de milliers de volontaires.

Dans le cadre de la Stratégie nationale sur le sida, 17,8 millions de dollars sont affectés à tous les types de recherche et de surveillance épidémiologique. Ce montant se répartit ainsi : 2,9 millions de dollars pour le Réseau canadien pour les essais VIH (RCE), 1,5 million de dollars pour les activités de recherche et de développement dans le domaine du soutien social et économique, 5,5 millions au Programme national de recherche et de développement en matière de santé (PNRDS) aux fins de la recherche extra-muros, le reste servant à financer les activités de recherche de Santé Canada comme la surveillance épidémiologique et diverses activités de recherche du Bureau des laboratoires de recherche VIH/sida. En outre, le Conseil de recherches médicales du Canada (CRM) consacre lui aussi 2 millions de dollars à la recherche sur le VIH/sida.

A. Essais cliniques

Les essais cliniques peuvent comporter jusqu'à quatre étapes. Après les tests sur les animaux, le médicament peut passer à la phase I des essais sur les humains, pour établir l'innocuité de l'agent. Tous les participants aux tests reçoivent le même médicament connu, mais en quantités variables, de manière à vérifier la toxicité en fonction de la posologie. On peut à ce moment-là recueillir des données sur l'efficacité du médicament. Les essais de cette première phase ne durent que deux ou trois mois et portent habituellement sur moins de cent sujets.

Si le médicament semble suffisamment sûr, on passe à la deuxième phase pour étudier soigneusement ses effets secondaires et pour déterminer s'il a des effets bénéfiques, par exemple élever le compte de cellules T4 ou éliminer une infection. La deuxième phase peut durer de quelques semaines à quelques mois et elle porte habituellement sur moins de cent sujets, comme la première.

Si on a constaté que le médicament est efficace, on passe à la troisième phase. À ce moment-là, on l'administre habituellement à des centaines, voire à des milliers de sujets pour vérifier s'il agit sur tout le monde et s'il cause des problèmes lorsqu'on l'administre sur une longue période. Les chercheurs sont à l'affût des effets secondaires rares qui se manifestent seulement chez quelques personnes ou après quelques années de traitement. Le médicament doit subir ces trois phases d'essais avant que la Direction des médicaments de Santé Canada envisage d'en approuver la mise en marché.

Il n'y a pas toujours de quatrième phase, c'est-à-dire d'essais ultérieurs à la mise en marché des médicaments, mais elle tend à devenir plus fréquente aujourd'hui, puisqu'on approuve certains médicaments plus tôt que par le passé. La quatrième phase rend possibles des essais sur une très longue période, afin qu'on puisse constater si des problèmes se manifestent à long terme(85).


(85) AIDS Action Now!, AIDS and HIV Drug Trails in Canada - What You Need to Know, 3e édition, Toronto, avril 1993,p. 3-4.

Au Canada, presque tous les essais cliniques sur les thérapies et les médicaments visant à contrôler les infections opportunistes liées au VIH sont faits par le RCE. Le Réseau est un partenariat voué à la recherche de traitements, de vaccins et d'une cure du VIH et du sida grâce à des essais cliniques scientifiquement valides et éthiques. Créé en 1990, il se rattache à la Stratégie nationale sur le sida, et il a bénéficié d'un nouveau financement en 1993 dans le cadre de la phase II de la Stratégie. Au cours de la première phase, le Réseau a reçu 3,4 millions de dollars par année, mais ce montant a été ramené à 2,9 millions à la deuxième phase. Le financement suffit à payer l'infrastructure du Réseau, mais pas les essais cliniques eux-mêmes. En fait, l'existence même d'un réseau d'essais efficace et compétent attire les sociétés pharmaceutiques, qui profitent de ce réseau. Le Dr Martin Schechter, directeur national du Réseau, a signalé que celui-ci est, par le nombre de patients participants, dix fois moins important que le United States AIDS Clinical Trial Group, mais son budget ne représente que 1 p. 100 de celui du groupe américain. Environ 75 p. 100 du budget du Réseau servent à rémunérer un personnel de haut niveau. Les essais cliniques sont financés par l'industrie pharmaceutique internationale. Les provinces, associées au Réseau, assurent une partie du financement, et les organismes canadiens qui accordent des subventions peuvent financer certains projets spécifiques.

Martin Schechter a décrit deux des grands avantages que procure le Réseau. Le premier et le plus important est que le Réseau encourage les sociétés pharmaceutiques à faire leurs essais de médicaments au Canada; de la sorte, certaines des thérapies les meilleures et les plus prometteuses se retrouvent au Canada et les Canadiens et Canadiennes peuvent en profiter. Sans le Réseau, les médicaments seraient mis à l'essai ailleurs, et ils ne seraient peut-être pas disponibles pour les Canadiens et Canadiennes avant la fin des trois phases des essais cliniques et une fois acquise l'approbation réglementaire de la Direction des médicaments. Le deuxième avantage est que le Réseau attire d'importants investissements en recherche pharmaceutique au Canada. Au cours des quatre dernières années, le Réseau a permis de mener 40 essais cliniques, dont les cinq plus importants ont attiré à eux seuls plus de capitaux étrangers que le Réseau tout entier n'a coûté jusqu'à maintenant. Selon les estimations, l'effet multiplicateur permet de tripler le montant investi par les autorités fédérales dans le Réseau.

Même si le Réseau fait de l'excellent travail, Martin Schechter et le Dr Michael O'Shaughnessy, directeur du B.C. Centre for Excellence in HIV/AIDS, ont fait ressortir deux préoccupations : l'insuffisance du financement et la répartition du financement à l'intérieur des contraintes d'un plan quinquennal artificiel. Le financement est insuffisant parce que, alors que l'infrastructure est financée par le gouvernement fédéral, le Réseau doit compter sur les sociétés pharmaceutiques pour assumer les coûts des essais. Le problème est qu'une société pharmaceutique ne mettra au point et ne fera des essais que si elle y a un intérêt et un avantage directs. Martin Schechter a expliqué la situation en ces termes :

De plus, il n'est pas rentable pour le fabricant de faire des essais cliniques dans des petits centres ou à des endroits éloignés. Le Réseau est donc incité à limiter ses essais aux grands centres urbains. Ce choix peut se traduire par des économies, mais l'accès aux médicaments à l'étude se trouve refusé aux séropositifs et sidéens qui vivent loin des grands centres canadiens.

Ce qui préoccupe particulièrement les séropositifs et les sidéens, c'est que les fabricants ne feront pas d'essais cliniques sur des agents pour lesquels ils ne pourront obtenir de brevets. AIDS Treatment News tient une liste des agents prometteurs à examiner, et qui ne sont pourtant pas étudiés. On en trouve une trentaine sur cette liste, notamment des vitamines et divers oligo-éléments dont on croit qu'ils peuvent jouer une rôle important dans la pathogenèse du sida. Brian Farlinger du AIDS Action Now! (AAN!) a abordé le problème :

Martin Schechter a également fait observer que les sociétés pharmaceutiques n'avaient manifesté aucun intérêt pour aider financièrement le programme de bourses d'associés de recherche Réseau, programme dont l'objet est de former de jeunes candidats exceptionnels. Par conséquent, le Réseau voudrait que son financement fédéral soit porté à 5,8 millions de dollars par année, montant fixé avant la deuxième phase comme nécessaire pour que le Réseau fonctionne efficacement et puisse faire lui-même certains des essais qu'il choisit. Brian Farlinger s'est fait l'écho de cette opinion :

Toujours à propos du financement, il a été signalé que les sociétés pharmaceutiques hésitaient à donner des subventions globales au Réseau pour qu'il puisse concevoir et mener ses propres essais. Cette hésitation s'explique en partie par le fait que ce type de soutien financier ne serait pas considéré comme une dépense déductible par Revenu Canada. Martin Schechter a demandé au Sous-comité de chercher des moyens originaux d'inciter les commanditaires à donner de l'argent à des organismes comme le Réseau et à d'autres réseaux d'essais cliniques axés sur certaines maladies.

L'autre sujet de préoccupation est le recours à un plan quinquennal pour financer des efforts contre une maladie qui persiste et prend de l'ampleur et pour laquelle aucune cure n'est en vue. Le sida n'est pas un problème à court terme, et il faut se demander s'il y a lieu de s'y attaquer au moyen d'une série de dispositions de financement à court terme. Plus particulièrement, le financement dans un cadre quinquennal détourne les sociétés pharmaceutiques du Réseau. Par exemple, une société pharmaceutique hésitera à faire appel au Réseau pour des essais cliniques de phase III durant trois ans si la phase II de la Stratégie nationale touche à sa fin et que rien ne garantisse la survie du Réseau. Martin Schechter a ajouté que le domaine des essais cliniques et de la recherche sur le VIH et le sida est moins intéressant pour les nouveaux jeunes chercheurs lorsqu'ils savent qu'il existe de l'incertitude dans cette discipline (3:19). En conséquence, le Sous-comité recommande :

Carl Bousquet, qui est le président du Comité des personnes atteintes du VIH du Québec (CPAVIH), a demandé que des lignes directrices fédérales soient élaborées et mises en oeuvre de manière à assurer la participation de femmes et d'autres groupes mal servis dans les essais cliniques. Darien Taylor du AAN! a demandé à l'organisme de réglementation du gouvernement fédéral de promouvoir des essais cliniques originaux de peu d'envergure sur des agents prometteurs, ce qui pourrait permettre de ramener de quelques années à quelques semaines le processus d'examen des médicaments.

Il importe de reconnaître la valeur du travail réalisé par le Réseau des essais cliniques et le besoin de conduire une plus vaste gamme d'essais qui ne correspondent pas nécessairement aux intérêts strictement monétaires de l'industrie pharmaceutique. En conséquence, le Sous-comité recommande :

B. Recherche fondamentale

Le PNRDS appuie les recherches réalisées à l'initiative des chercheurs depuis que le sida a été dépisté, au début des années 80, avant la mise sur pied de la Stratégie. Outre les efforts du PNRDS, le CRM s'est engagé à consacrer au moins 2,0 millions de dollars par année à la recherche sur le VIH et le sida. Jusqu'à cette année, ces deux entités ont travaillé chacune de leur côté. Maintenant, par contre, les demandes de subventions concernant la recherche sur le sida peuvent être présentées deux fois par année (le 15 septembre et le 15 mars) au PNRDS, et elles seront évaluées par un groupe conjoint formé de représentants du PNRDS et du CRM. Les fonds des deux entités servent à soutenir divers types de recherche, mais la majeure partie des subventions vont à la recherche fondamentale biomédicale, dans les universités et les hôpitaux. En outre, des fonds sont prévus pour des bourses de carrière et de formation ainsi que des conférences dans le domaine de la recherche sur le VIH/sida. À la fin de l'exercice 1994-1995, le financement cumulatif accordé par le PNRDS aux activités concernant le VIH et le sida s'élevait à 49,3 millions de dollars, tandis que le CRM avait investi dans ce domaine environ 16,7 millions de dollars.

Exception faite des fonctionnaires de Santé Canada et du CRM, tous les témoins qui ont discuté avec le Sous-comité des activités de recherche sur le VIH et le sida au Canada ont souligné l'insuffisance du financement. À maintes reprises, il a été rappelé au Sous-comité que, parmi les membres du G-7, le Canada se classe au troisième rang pour le taux d'infection par le VIH, mais que c'est lui qui consacre le moins d'argent à la recherche sur le VIH et le sida. Si le gouvernement canadien rajustait ses dépenses au titre de la recherche sur le sida pour les faire correspondre à celles des États-Unis, en tenant toutefois compte du fait que notre population de séropositifs est moins importante et que notre économie est plus faible, le Canada dépenserait environ 50 millions de dollars dans ce domaine(86), alors que le financement assuré conjointement par le PNRDS et le CRM est d'environ 7,5 millions de dollars par année. ANN! a exhorté le gouvernement fédéral à prendre, en matière de financement à long terme et soutenu de la recherche sur le sida, un engagement proportionnel à notre population de séropositifs et à notre richesse relative(87).


(86) Société canadienne du SIDA, et coll., Responding to Emerging Issues in HIV/AIDS Basic and Clinical Science Research, 19 octobre 1994, 4 pages.
(87) AIDS Action Now! La recherche sur le VIH au Canada : crise et réponse. Les perceptions des activistes pour la cause du traitement du sida, Toronto, 12 octobre 1993, p. 19.

Michael O'Shaughnessy a fait des réflexions sur la nécessité d'un financement stable à long terme. Après la première phase de la Stratégie, le financement de la recherche sur le VIH et le sida a fléchi : «Il est curieux de voir que plus se propage cette épidémie, plus l'argent consacré à la recherche diminue (3:22).» Qui plus est, les niveaux actuels de financement ne sont prévus que jusqu'à la fin de l'exercice financier de 1997-1998, après quoi l'avenir semble incertain.

Le Dr Mary Ellen Jeans, directrice générale de la Direction de la recherche, de la politique et de la planification des programmes et chargée du PNRDS, a dit au Sous-comité qu'environ 30 p. 100 de toutes les propositions de recherche présentées au PNRDS recevaient des comités d'examen par les pairs une recommandation favorable en matière de financement. C'est avec plaisir qu'elle a annoncé que, jusque récemment, les fonds prévus au budget avaient suffi à financer tous les projets recommandés. Le PNRDS finance également, en plus des projets de recherche proposés à l'initiative des chercheurs, des bourses de carrière et de formation. L'objet des bourses de carrière est de souligner et de récompenser l'excellence alors que le rôle des bourses de formation est d'attirer et d'aider des étudiants de deuxième cycle prometteurs, favorisant ainsi la promotion et la création d'un réservoir de compétences en recherche sur le VIH et le sida au Canada. Par contre, selon le témoignage du Dr Catherine Hankins, présidente de l'Association canadienne pour la recherche sur le VIH (ACRV), à la dernière série de subventions de formation, seulement environ 25 p. 100 des candidats recommandés ont effectivement reçu une bourse.

De la même façon, Michael O'Shaughnessy a exprimé ses inquiétudes en ces termes :

En somme, nous nous retrouvons dans une situation inextricable : s'il n'y a pas assez de bourses de formation, moins de scientifiques canadiens acquerront une compétence de calibre mondial dans la recherche sur le VIH et le sida, et, s'ils ne peuvent faire la preuve de leur excellence en recherche, ils n'arriveront pas à se faire valoir pour décrocher des subventions de recherche avec recommandation de leurs pairs.

Outre l'insuffisance du financement de la recherche et le fait que la Stratégie n'a pas réussi à renforcer et enrichir la capacité de recherche au Canada, les témoins ont fait ressortir le manque de coordination dans la recherche canadienne sur le VIH et le sida. Catherine Hankins, de l'ACRV, a signalé que, lorsque le VIH et le sida ont commencé à préoccuper les Canadiens, le gouvernement fédéral a fait preuve d'un grand leadership dans le domaine de l'épidémiologie et de la santé publique. Aujourd'hui, il se montre beaucoup moins dynamique. Mary Ellen Jeans, PNRDS, a affirmé que, dans les premières années de l'épidémie, personne n'avait la moindre idée du problème en cause et qu'il était essentiel de commencer à observer la propagation de la maladie, de mettre des laboratoires sur pied et de recueillir des données scientifiques. Depuis, nous avons beaucoup appris sur le VIH et le sida, et elle convient qu'il est maintenant temps de réunir tous les protagonistes (chercheurs, séropositifs et sidéens, militants et représentants gouvernementaux) pour étudier et établir une stratégie de recherche coordonnée.

Selon Catherine Hankins, le gouvernement fédéral n'a pas pris les devants dans l'établissement du programme de recherche et c'est pour cela que la recherche sur le VIH et le sida a été entièrement laissée à l'initiative des chercheurs (2:29). Les recherches effectuées à l'initiative des chercheurs sont motivées par la curiosité. Autrement dit, le chercheur travaille sur ce qui l'intéresse ou ce qui lui semble être une bonne idée. Cette recherche «pure» a de nombreux avantages et peut être très fructueuse, mais, en période d'urgence comme celle de l'actuelle épidémie du VIH et du sida, sa réponse diffuse, voir éparpillée, peut ne pas satisfaire rapidement aux besoins spécifiques des personnes touchées.

Les cinq grands partenaires nationaux ont convenu qu'il était urgent d'adopter une stratégie nationale de recherche sur le VIH et le sida qui favorise un bon équilibre entre les recherches faites à l'initiative des chercheurs et le développement proactif de domaines de recherche prioritaire. La coordination s'impose si nous voulons exploiter nos points forts et éviter les dédoublements. Il est particulièrement important de nouer des alliances permettant à des équipes de recherche de choisir un domaine prioritaire, par exemple la thérapie génique. Enfin, il importe que le Canada fasse connaître les résultats de ses recherches sur le plan international : transferts technologiques, formation de personnel, conseils sur les protocoles de recherche et leur application.

En ce qui concerne l'établissement des priorités en matière de recherche, les témoins semblent d'accord sur la nécessité de faire participer les séropositifs et les sidéens au processus de décision. Carl Bousquet, CPAVIH, a signalé que, grâce à leur expérience de première ligne, les militants sont une ressource précieuse et devraient avoir un rôle officiel dans le choix des priorités de recherche. Le CPAVIH et AAN! ont tous deux dressé une liste de priorités en recherche fondamentale et clinique. En termes généraux, les priorités en recherche fondamentale comprennent ce qui suit : de meilleurs tests du fardeau viral; des études plus approfondies sur la résistance aux médicaments, les diverses infections opportunistes et la thérapie génique; l'élucidation de la pathogénèse du VIH; une compréhension plus complète de la physiologie humaine, et plus particulièrement féminine. Parmi les priorités en recherche clinique, notons ce qui suit : recherche sur les composés pour stimuler la réaction immunitaire; les infections opportunistes qui mettent la vie en danger comme l'émaciation; l'évaluation, en fonction de chacun des deux sexes, de la pharmacocinétique, des effets à long terme des médicaments et de l'interaction entre les médicaments.

Les cinq principaux partenaires nationaux ont discuté avec Santé Canada de la nécessité d'une stratégie nationale de recherche sur le VIH et le sida, et le gouvernement a répondu par un document intitulé Vers un processus national de planification de la recherche sur le VIH/ SIDA : document de travail.

Selon Catherine Hankins, les cinq partenaires nationaux voient cette proposition d'un oeil très favorable. Ils tiennent à participer au processus et à le faire démarrer le plus rapidement possible.

Il existe d'importantes divergences de vues entre l'industrie pharmaceutique, les militants et les chercheurs qui s'occupent du sida quant à l'importance de la recherche fondamentale que les sociétés pharmaceutiques font au Canada. Judy Erola, ACIM, a donné au Sous-comité l'assurance que, après les modifications que le Canada a apportées à la Loi sur les brevets en 1987 et en 1993, l'industrie a honoré son engagement à accroître ses dépenses en R-D au Canada. Ces dépenses sont passées de 103 millions de dollars en 1987 à 504 millions de dollars en 1993. Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés a dit que les membres de l'ACIM (titulaires de brevets) consacrent maintenant entre 11 et 13 p. 100 de leur chiffre d'affaires à la R-D. Les militants du VIH/sida soutiennent que les sociétés pharmaceutiques actives au Canada consacrent leur argent aux essais cliniques au détriment de la recherche fondamentale. Judy Erola a contesté cette affirmation, soutenant que, au Canada, un peu plus de 25 p. 100 des fonds affectés à la R-D servaient à la recherche fondamentale, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne mondiale. Catherine Hankins a pu jeter un autre éclairage sur ce débat :

Darien Taylor (AAN!) a exhorté le gouvernement à agir face au problème de «la pénurie de recherche fondamentale au Canada» :

Autre point de désaccord entre les militants du VIH/sida et l'ACIM : l'importance des consultations entre les sociétés pharmaceutiques et les séropositifs et sidéens. Selon Judy Erola, l'ACIM a mis sur pied un comité consultatif sur l'infection par le VIH et le sida dont font partie des membres du comité de direction du Réseau canadien pour les essais VIH. Son rôle est de «conseiller les entreprises membres sur toute question relative au VIH et au traitement du sida et de s'assurer qu'elles sont au courant non seulement des défis scientifiques, mais également des problèmes sociaux et éthiques auxquels sont confrontés ceux qui luttent contre la maladie (6:18).» Judy Erola n'a pas précisé dans quelle mesure les diverses sociétés pharmaceutiques faisaient appel à ce comité consultatif. Par contre, selon le bilan que dresse AAN! des efforts des sociétés pharmaceutiques au Canada en recherche sur le sida, une seule société, Glaxo, a mis sur pied un comité pour consulter les milieux intéressés sur les plans de recherche et prendre connaissance de leurs préoccupations afin d'y donner suite.

Les témoins ont souligné que les dépenses de recherche sur le VIH au Canada sont inférieures à celles d'autres pays du G-7, mais ils ont reconnu la nécessité de dépenser chaque dollar sagement. À cet égard, ils ont tous félicité les récents efforts de Santé Canada et des partenaires nationaux pour se réunir, discuter et établir une nouvelle stratégie coordonnée de recherche sur le VIH/sida. Santé Canada conjointement avec les partenaires nationaux doivent résoudre le problème du financement à long terme de la recherche sur le VIH/sida, et en arriver à une compréhension du mécanisme et de la structure à partir desquels la recherche sur le VIH/sida continuera d'être financée lorsque sera complétée la phase II de la Stratégie nationale sur le sida. En conséquence, le Sous-comité recommande :

ACCÈS AUX MÉDICAMENTS POUR RAISONS HUMANITAIRES

L'accès aux médicaments de recherche pour lutter contre le VIH et traiter des infections opportunistes est l'une des principales préoccupations exprimées par les représentants des séropositifs et des sidéens. Douglas Buckley-Couvrette (CPAVIH) a dit au Sous-comité que les malades atteints du VIH en phase terminale ont le droit, dans cette situation catastrophique, de choisir n'importe quelle thérapie, à leur gré, que cette thérapie ait été ou non approuvée par la Direction des médicaments de Santé Canada(88).

(88) Selon la notion de droit des malades en situation catastrophique, tout adulte dont la maladie est à un stade désespéré a le droit de choisir, en consultation avec son médecin, des thérapies qui ne causent pas un tort direct à autrui.

Les fabricants de produits pharmaceutiques ne peuvent commercialiser des médicaments au Canada avant d'avoir obtenu l'autorisation réglementaire. Il existe néanmoins trois mécanismes permettant aux malades en situation catastrophique d'avoir accès à des médicaments de recherche. Tout d'abord, le malade peut se porter bénévole pour des essais cliniques permettant de comparer l'efficacité d'un médicament de recherche par rapport à un placebo ou à une thérapie reconnue. Le bénévole ne sait absolument pas s'il reçoit la thérapie expérimentale ou non. Cela ne devrait pas poser de problème si la personne a proposé de participer pour servir la science. AIDS Action Now! s'oppose à ce type d'essai clinique et croit que «...tous devraient recevoir une forme de traitement. Chose certaine, on ne devrait pas avoir à participer à des essais cliniques parce que c'est le seul espoir d'obtenir le médicament(89)».


(89) AIDS Action Now!, AIDS and HIV Drug Trials in Canada - What You Need to Know, 3e édition, Toronto, avril 1993, p. 6.

Au Canada, il y a deux autres moyens de se procurer des médicaments de recherche pour raisons humanitaires. Selon Darien Taylor, du groupe AAN! :

Une façon d'obtenir des médicaments pour raisons humanitaires est de participer à des essais cliniques comportant un volet d'option libre. Ce type d'essai a deux composantes, l'étude à double insu (volet contrôlé) et l'option libre. Ceux qui ne veulent pas participer aux essais contrôlés ou n'ont pas les qualités requises pour le faire peuvent choisir l'option libre et recevoir, le plus souvent gratuitement, la thérapie expérimentale. On s'assure de la sorte que seuls de vrais volontaires participent à l'étude à double insu, ce qui aide à garantir la loyauté à l'égard des tests et l'honnêteté des sujets(90). On peut soutenir, à l'encontre de ce point de vue, que peu de personnes seront portées à participer à des tests contrôlés s'ils ont l'assurance de recevoir le médicament grâce au volet d'option libre. On fait remarquer que, si trop peu de participants sont attirés par les tests contrôlés, la validité de ceux-ci risque d'être compromise, le processus d'expérimentation s'en trouvant ralenti et l'approbation réglementaire retardée. De toute évidence, la seule solution est de mener des essais cliniques avec volet d'option libre(91), ce qui se fait déjà, d'ailleurs.


(90) AIDS Action Now!, Draft Model for Pharmaceuticals on Compassionate Access and Clinical Trials, 1er novembre 1994, 5 pages.
(91) M.T. Schechter, Essais à option libre et autres plans d'essais cliniques, Santé et Bien-être Canada, Ottawa, 1990,50 pages.

La deuxième façon d'obtenir des médicaments pour des raisons humanitaires est que le médecin présente une demande dans le cadre du Programme des médicaments d'urgence (PMU) de Santé Canada. Ce programme a été mis en place parce que les praticiens ont parfois besoin de médicaments non approuvés au Canada pour traiter des patients qui souffrent d'une maladie grave ou pouvant mettre leur vie en danger, quand les traitements classiques ont échoué ou ne sont pas appropriés. En pareil cas, la Direction des médicaments peut autoriser la vente de ces médicaments aux médecins. En général, il s'agit de médicaments de recherche ou encore de médicaments approuvés dans d'autres pays, mais qui, faute de demande, n'ont jamais été soumis au processus d'approbation au Canada. Avant 1990, on prétendait que les responsables du PMU exerçaient un contrôle paternaliste, ne tenaient pas compte des droits des malades en situation désespérée et refusaient parfois des thérapies non approuvées aux sidéens(92). Aujourd'hui, on prétend que les médicaments réclamés pour lutter contre le VIH sont rarement refusés. Darien Taylor (AAN!) a même dit que, parmi les réformes proposées dans le PMU, on pourrait envisager que le gouvernement adopte un rôle de surveillance (6:51). Pour l'essentiel, cela serait semblable au système en vigueur au Royaume-Uni, où le médecin a le droit d'exercer son jugement de clinicien dans le traitement de son patient. Autrement dit, le médecin traite directement avec le fabricant de produits pharmaceutiques, à qui il demande d'utiliser pour des raisons humanitaires un médicament non approuvé.


(92) J. Dixon, Catastrophic Rights - Experimental Drugs and AIDS, New Star Books, Vancouver, 1990, p. 48.52.

En ce moment, le rôle du gouvernement fédéral, en ce qui concerne l'accès à un médicament non approuvé pour des motifs humanitaires consiste à en autoriser et non à en ordonner l'utilisation. En dernier ressort, c'est le fabricant qui décide s'il procurera le médicament et, dans l'affirmative, s'il exigera de se faire payer. Carl Bousquet a dit ceci au Sous-comité :

Judy Erola (ACIM) a expliqué au Sous-comité que tous les intervenants, depuis le chercheur scientifique jusqu'au pharmacien, doivent être payés et que les fabricants de produits pharmaceutiques «n'ont pas à s'excuser de faire des profits (6:31)». On peut même dire que, sans la motivation du profit, il n'existerait pas d'industrie internationale du médicament, et il n'y aurait pas en ce moment 107 traitements pour le sida, dont 11 vaccins, à l'étude.

Quant à la question de mettre rapidement les nouveaux médicaments à la disposition des malades qui en sont à une phase désespérée, le Dr Michael Levy, de Glaxo Canada Inc., a eu la réflexion suivante : «Nous estimons que le meilleur accès, c'est de faire approuver le médicament par la Direction générale de la protection de la santé pour qu'il soit vraiment disponible (6:28)». Au sujet du processus d'approbation des médicaments au Canada, Judy Erola a fait remarquer que, parmi les pays où des membres de l'ACIM font des demandes d'approbation de médicaments, c'est le Canada qui a le système le plus lent. Le Sous-comité a appris par la suite que le processus canadien avait subi des réformes visant à accélérer l'évaluation des nouveaux médicaments proposés. En outre, un nouveau système a été établi qui permet d'évaluer en priorité les médicaments présentés pour le traitement de maladies ou d'affections graves qui menacent la vie ou sont gravement débilitantes. Dann Michols, directeur général de la Direction des médicaments, a affirmé que les délais, entre la demande et l'approbation finale, correspondaient maintenant à la moyenne mondiale et étaient dans bien des cas plus brefs. Il a ajouté qu'une des causes du prolongement de la période d'évaluation était la présentation de demandes mal préparées et inadéquates. Bien que la question n'ait pas été discutée, on a pu percevoir que les relations de travail n'étaient pas idéales entre la Direction des médicaments et l'industrie pharmaceutique, ce qui ne sert pas les intérêts supérieurs de ceux qui veulent utiliser rapidement de nouveaux traitements pour des maladies qui sont à un stade désespéré.

Les militants qui s'occupent des sidéens, tant ceux du AAN! que du CPAVIH, ont exhorté le gouvernement à ne plus se contenter d'autoriser l'utilisation des médicaments de recherche, mais d'aller jusqu'à exiger que soit donné l'accès à ces médicaments. Ces groupes ont fait un certain nombre de propositions sur la manière de favoriser l'utilisation de ces nouveaux médicaments pour des motifs humanitaires. Carl Bousquet a dit ceci :

Avant qu'une société pharmaceutique ne puisse faire des essais cliniques au Canada, elle doit présenter les données disponibles sur le médicament ainsi qu'un protocole d'essai à la Direction des médicaments pour évaluation et approbation. Brian Farlinger (AAN!) estime que c'est à ce moment qu'on peut intervenir pour encourager les sociétés à donner accès aux médicaments pour des raisons humanitaires.

Darien Taylor a fait observer que le Réseau canadien pour les essais VIH s'était récemment doté d'une politique exigeant une déclaration d'intention sur l'accès humanitaire pour tous les essais de phases II et III qu'il parraine. Ce mécanisme ne sera efficace qu'auprès des sociétés qui veulent faire des essais au Canada. Celles qui les font ailleurs ne seront pas obligées d'accorder l'accès humanitaire aux Canadiens. Brian Farlinger a fait une proposition qui, de son propre aveu, est draconienne pour obliger les autres sociétés à accorder cet accès pour des motifs humanitaires. «Le pouvoir définitif à votre disposition est la révocation du brevet ou bien l'annulation des droits de marché pour un autre produit vendu par la société au Canada (6:51)».

AAN! croit qu'on pourrait aussi assurer l'accès aux médicaments pour des raisons humanitaires au moyen de changements au PMU :


(93) AIDS Action Now! La recherche sur le VIH au Canada : crise et réponse. Les perceptions des activistes pour la cause du traitement du sida, Toronto, 12 octobre 1993, p. 26.

Toutefois, comme les réformes du PMU tendent vers la déréglemen-tation - c'est-à-dire à céder aux médecins son pouvoir d'autoriser les médicaments non approuvés, il ne conviendrait guère, dans le contexte de l'accès pour raisons humanitaires, de donner au PMU un rôle de défense ou une fonction disciplinaire.

PAUVRETÉ ET DISCRIMINATION

A. Pauvreté

Comme pour presque toutes les maladies, il existe un rapport de cause à effet entre les inégalités socio-économiques et le VIH/sida. Des études confirment que les sidéens vivant dans la pauvreté meurent plus rapidement que leurs pairs profitant de conditions économiques plus stables(94). Qui plus est, le fait de vivre avec le sida accentue souvent les problèmes de pauvreté :

(94) Rovert S. Hogg, Steffanie A. Strathdoe, Kevin J.P. Craib, Michael V. O'Shaughnessy, Julio S.G. Montaner, Martin T. Schechter, «Un statut socio-économique inférieur réduit la période de survie suivant l'infection par le VIH», Traduction d'un article paru dans The Lancet, 2 octobre 1994, vol. 344, p. 1120-1124.


(95) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 29.

Plus la maladie progresse chez les individus, plus il leur est difficile de subvenir à leurs propres besoins. Ils ont besoin d'un régime alimentaire amélioré, riche en protéines. Ils doivent souvent se procurer des suppléments nutritionnels et des vitamines. Les personnes atteintes doivent aussi consommer un grand nombre de médicaments tout au cours de leur maladie pour combattre les infections opportunistes. Or, ces suppléments nutritionnels et vitamines et ces médicaments anti-VIH sont fort dispendieux.

Brian Farlinger du AAN!, a témoigné au Sous-comité qu'il vit avec le sida et qu'il a dû débourser près de 24 000 $ en 1993 pour des médicaments antiviraux dont le but est d'empêcher des infections opportunistes (6:54). De son côté, Carl Bousquet du CPAVIH a parlé du fluconazole de Pfizer, un médicament souvent prescrit dans le cas de la candidose, l'une des infections opportunistes les plus fréquemment observées dans l'infection au VIH. Il a indiqué que le coût total de la prescription moyenne de 60 jours est de 951,60 $. De plus, Bousquet a expliqué que si le micro-organisme responsable de l'infection développe une certaine résistance, le traitement doit être appliqué pour une durée de six mois à des doses plus fortes et fréquemment en association avec un ou plusieurs autres médicaments, ce qui entraîne des dépenses très élevées (6:36). Il a aussi discuté de l'hormone de croissance de Serono qui est utilisé dans le cas du syndrome d'émaciation lié au VIH. Tel que mentionné plus tôt, cette hormone est disponible dans le cadre du PMU. Toutefois, le PMU ne donne aucune ligne directrice à l'égard de la fixation de prix, de sorte que l'établissement du prix est laissé à l'entière discrétion du fabricant. Pour obtenir le traitement minimal de 6 mg par jour durant 12 semaines, il en coûte au total 17 220 $, soit 205 $ par jour. (6:34).

Des témoins ont expliqué que la plupart des personnes vivant avec le VIH/sida ont contracté la maladie alors qu'elles étaient encore très jeunes, que ces personnes occupent généralement des emplois peu rémunérés et qu'elles n'ont pas ou peu d'économies. La grande majorité ne dispose pas d'un régime d'assurance-santé privée. Il semble que la situation soit problématique même pour les personnes qui possèdent une assurance, d'une part parce qu'elles doivent faut faire face aux délais de remboursement et, d'autre part, parce que l'assurance ne couvre qu'un certain pourcentage des coûts.

Des témoins ont soutenu que des personnes atteintes du VIH/sida occupant des emplois peu rémunérés et qui sont incapables de payer leurs suppléments nutritionnels et leurs médicaments se voient souvent dans l'obligation de quitter prématurément leur emploi et de recourir à l'aide sociale; de cette façon, ils peuvent bénéficier des programmes provinciaux d'assurance-médicaments. Cependant, la Société canadienne du sida juge que les prestations d'aide sociale (même si l'on y ajoute le supplément d'invalidité) ne suffisent pas à défrayer l'ensemble des frais de base - logement, alimentation, vêtements - en plus de la panoplie de médicaments. Il peut ainsi arriver que des personnes atteintes du VIH/sida aient à choisir entre la consommation des médicaments appropriés et d'autres besoins tous aussi essentiels parce qu'elles ne peuvent pas se permettre les deux(96). De plus, les régimes provinciaux d'assurance-médicaments ne couvrent pas nécessairement les suppléments nutritionnels et les vitamines(97) et ces régimes ne remboursent pas les bénéficiaires pour les coûts liés aux médicaments obtenus dans le cadre du PMU (6:36). Le Sous-comité s'est fait dire que des personnes atteintes se font parfois hospitaliser dans le but unique d'obtenir les médicaments qu'elles n'ont pu se payer. Il arrive aussi qu'elles doivent être hospitalisées suite à l'aggravation ou à l'absence de prévention d'une infection parce que les médicaments sont trop coûteux.


(96) Ibid., p. 30.
(97) Ibid.

Certaines provinces ont réagi à ces problèmes. Par exemple, Brian Farlinger (AAN!) a discuté du programme Trillium qui a été mis sur pied par le gouvernement de l'Ontario et qui est entré en vigueur le 1er avril 1995. Il s'agit d'un programme de financement des médicaments pour maladies invalidantes dans le cadre duquel la contribution du malade se limitera à 4,5% du revenu net de l'individu; le gouvernement couvrira les dépenses au-delà de ce montant (6:54). De son côté, le gouvernement du Québec étudie actuellement la question de l'accès universel aux médicaments, mais aucune position officielle n'a été prise jusqu'à présent.

Le coût du logement dans les grands centres urbains constitue un autre obstacle pour les personnes vivant avec le VIH/sida. À Vancouver, par exemple, des personnes atteintes vivent dans des hôtels convertis en hébergement rudimentaire. Selon la SCS, il s'agit là de la seule catégorie de logement qu'elles ont les moyens de payer et qui leur permet un accès raisonnable à l'unité de soins du VIH/sida du St. Paul's Hospital, le seul établissement du genre à Vancouver. La Société a indiqué qu'un appartement d'une seule chambre dans le West End de Vancouver à proximité de l'hôpital revient à 700 $ par mois environ. Or, l'allocation au logement aux termes du programme de prestations d'invalidité de la C.-B. est de 325 $ par mois(98).


(98) Ibid.

Afin d'aider les personnes vivant avec le VIH/sida, certains organismes communautaires ont mis sur pied, grâce à la contribution de fondations privées, un service de dépannage pour l'achat de médicaments et de suppléments qui ne sont pas remboursés par les régimes d'assurance-médicaments privés et gouvernementaux. D'autres encore offrent des banques d'alimentation et des vêtements. Les organismes disposent de ressources limitées pour offrir de tels services, alors que la demande ne cesse de croître. Par exemple, les responsables de la banque d'alimentation du Pacific AIDS Resource Centre à Vancouver ont remarqué une augmentation de leur clientèle de l'ordre de 400 p. 100 depuis 1990(99).


(99) Ibid.

Par ailleurs, l'AIIC a dit regretter le fait que les personnes vivant avec le VIH/sida ne peuvent pas se servir de l'argent qu'ils ont dans leur fonds de pension. Selon l'AIIC, le gouvernement fédéral pourrait faire preuve de leadership en encourageant les gouvernements provinciaux à revoir leur loi sur les pensions de manière à inclure des clauses d'exception pour que ces personnes puissent retirer de l'argent de leur fonds de pension(100).


(100) Association des infirmières et infirmiers du Canada, Mémoire, février 1995, p. 10 et 13.

B. Discrimination

Dans les premières années de l'épidémie, il a été fait largement état de la discrimination contre les séropositifs et les sidéens dans les domaines du logement, de l'emploi, des soins de santé et de l'éducation. Craignant que les séropositifs et les sidéens ne menacent directement leur santé, de nombreuses personnes ont réclamé des tests obligatoires et diverses formes de quarantaine. À la faveur des progrès de la connaissance, on s'est aperçu que le VIH n'était pas transmis par simple contact, mais par certaines activités à haut risque. Les responsables de la santé publique ont préconisé l'information (pour qu'on évite les comportements à haut risque) comme méthode idéale de prévention du sida. Dans les établissements de santé, on a constaté que les méthodes ordinaires de lutte contre l'infection étaient suffisantes pour que soient très rares les cas de transmission du VIH dans le cadre des activités professionnelles. Par conséquent, les principes et les méthodes de contrôle du VIH et du sida reposent sur la responsabilité personnelle à l'égard de sa propre santé.

Le VIH et le sida, comme tous les autres problèmes d'ordre médical, sont considérés comme un handicap. Or, les handicaps sont l'un des motifs de discrimination interdits par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Quiconque croit avoir été traité injustement parce qu'il est séropositif ou sidéen, a des contacts avec des séropositifs ou des sidéens ou a dans sa famille un séropositif ou un sidéen, doit s'adresser à la Commission canadienne des droits de la personne pour qu'elle fasse enquête(101). L'information et une meilleure reconnaissance des droits des séropositifs et des sidéens peuvent avoir beaucoup découragé la discrimination ouverte, mais il est certain qu'il subsiste des formes plus subtiles de discrimination. Beaucoup de témoins représentant des groupes de séropositifs et de sidéens ont fait remarquer que la discrimination est souvent tolérée parce que la victime est simplement trop malade pour chercher à obtenir réparation au moyen de démarches juridiques longues et ardues.


(101) Commission canadienne des droits de la personne, VIH/sida et la discrimination - Une question de droit, ministre des Approvisionnements et Services du Canada, Ottawa, 1993, brochure.

Il y a encore deux domaines où la discrimination demeure visible : on réclame le dépistage du VIH chez les professionnels de la santé et on demande à ce que les immigrants séropositifs ou sidéens soient refusés au Canada. Le Sous-comité s'est fait dire à maintes reprises que les risques de transmission du VIH entre le personnel médical et le patient étaient absolument infimes, tandis que le coût de tests de dépistage appliqués à tous les travailleurs de la santé serait énorme. Catherine Hankins a signalé que, dans les services médicaux, l'alcool présentait un risque bien supérieur au VIH :

Par ailleurs, des Canadiens veulent qu'on refuse l'entrée au Canada aux immigrants séropositifs éventuels parce que ceux-ci constitueraient une lourde charge financière pour les services de santé canadiens. La Société canadienne du sida est d'avis qu'il s'agit d'une exclusion injustifiée et que chaque cas doit être jugé au mérite(102).


(102) Société canadienne du sida, Mémoire, 15 février 1995, p. 21.

Il existe un autre domaine de discrimination assez flou : on prétend que des médecins ont refusé de traiter des patients séropositifs ou sidéens. Il est sûr que certains médecins, en raison de préférences ou de convictions personnelles, ont pratiqué la discrimination en refusant comme patients des homosexuels ou des utilisateurs de drogues injectables. Par ailleurs, il doit également y avoir des généralistes qui, n'ayant jamais eu de patients séropositifs ou sidéens, n'avaient pas les connaissances voulues et ont renvoyé le patient à un médecin compétent dans le traitement de l'infection par le VIH et du sida. Du point de vue du séropositif ou du sidéen, il est certainement préférable de choisir un médecin qui a les connaissances voulues et ne porte pas de jugement.

Douglas Buckley-Couvrette a dit au Sous-Comité :

Bien que cette affirmation soit peut-être exacte, on peut supposer que les médecins homosexuels ont probablement tendance à avoir une clientèle homosexuelle et que, lorsque l'épidémie de sida s'est présentée, ils sont devenus par défaut, eux qui étaient en première ligne, les experts du VIH et du sida.

Comme mentionné plus tôt, l'une des répercussions négatives de la discrimination sur la lutte contre le sida se situe dans le domaine du financement. Selon Roger Bullock (CANFAR), «comme cette maladie est encore très mal vue, la levée de fonds est une tâche difficile qui prend beaucoup de temps (3:7)». Qui plus est, certaines personnes peuvent décider de ne pas contribuer à la lutte contre le sida parce qu'elles croient que ceux qui vivent avec le VIH/sida méritent leur sort.


(103) Ibid., p. 33.

Une autre forme de discrimination qui a été signalée au Sous-comité tient au fait que la marginalisation et la discrimination ont pour effet de rendre certains groupes plus vulnérables aux risques d'infection. Catherine Hankins (ACRV) a abordé la question :

Comment donc tenter de nous attaquer au problème réel? Le plus important, je pense, c'est de comprendre que ce virus s'attaque aux populations vulnérables. Celles-ci sont vulnérables à cause de la pauvreté, de la discrimination, du manque d'accès à des services de santé, d'une mauvaise nutrition, etc. Si l'on regarde partout dans le monde, dans chaque société, les sujets les plus touchés sont ceux qui font partie de ces groupes vulnérables (2:37).

Dans son mémoire au Sous-comité, la Société canadienne du sida a décrit certaines des nombreuses manières dont la discrimination et la marginalisation favorisent la propagation du VIH. Les personnes victimes de préjugés intériorisent souvent la discrimination, ce qui amoindrit leur estime de soi et fait en sorte qu'elles sont moins motivées à prendre leur santé en charge ou à se montrer réceptives aux messages de prévention. Ceux qui souffrent de discrimination ou la redoutent ont souvent tendance à se tenir à l'écart, si bien qu'il est beaucoup plus difficile de les rejoindre au moyen des messages de prévention. Les groupes marginalisés sont moins portés à avoir accès à toute la gamme de services sociaux et de santé importants pour la prévention du VIH (tels que le dépistage confidentiel et le counselling; les condoms de prix abordable et les traitements contre la toxicomanie, y compris les programmes d'échange de seringues). Les groupes marginalisés peuvent avoir du mal à s'organiser en collectivité, ce qui limite leur capacité d'élaborer leurs propres programmes et de contribuer aux discussions sur les politiques et la planification. L'éducation sexuelle et l'éducation sur le sida dans les écoles, là où elle est offerte, s'adressent aux hétérosexuels; il donc difficile de rejoindre les jeunes hommes ou femmes homosexuels au moyen des messages sur les activités sexuelles à risques réduits. En outre, la plupart des groupes marginalisés ne sont pas bien représentés dans les images du VIH et du sida qui apparaissent dans les médias, y compris les messages sur les activités sexuelles à risques réduits et les autres messages éducatifs. Par conséquent, ces groupes ont moins tendance à réagir à ces messages(104).


(104) Ibid.

La Société a également fait remarquer que de nombreux organismes de lutte contre le sida n'ont pas réussi à obtenir une assurance-vie ou assurance-invalidité pour leurs employés. Il leur est donc difficile d'attirer des candidats compétents, notamment parmi les séropositifs. Or, la participation de ces personnes est indispensable pour garantir l'efficacité des programmes. Elle conclut son exposé sur la discrimination par ceci :


(105) Ibid.

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