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CHAPITRE I : CONTEXTE


A. LE MANDAT DU COMITÉ

En septembre 1995, les membres du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes ont décidé d'examiner des stratégies en vue d'améliorer l'état de santé des enfants. Dès le début, les membres ont été informés que de nombreux problèmes des adolescents et des adultes trouvent leur origine dans la première enfance et que beaucoup d'entre eux sont évitables. Ils ont écouté attentivement les nombreux témoins venus leur affirmer que les enfants constituent la ressource la plus précieuse du pays et qu'investir dans cet actif se révélerait avantageux pour l'ensemble du Canada à long terme. Les témoins leur ont également confirmé que les familles, à titre de premier dispensateur de soins aux enfants, constituent la pierre angulaire de leur santé physique, mentale et affective. On leur a aussi rappelé fréquemment que les collectivités et les gouvernements ont un rôle prépondérant à jouer afin d'assurer l'avenir des enfants.

Comme ils font partie d'un comité parlementaire, les membres se sont penchés principalement sur les structures du gouvernement fédéral. Ils reconnaissent que la santé constitue une compétence relevant principalement des provinces, mais ils entrevoient que tous les paliers de gouvernement déploieront des efforts conjoints, dans le cadre approuvé pour la coopération fédérale-provinciale-territoriale, afin de veiller à ce que les politiques gouvernementales soient centrées sur les enfants, tiennent compte des besoins des familles et appuient les démarches des collectivités. Selon eux, tous les paliers de gouvernement - municipal, provincial/territorial et fédéral - doivent chercher avant tout à s'assurer que les ressources disponibles sont consacrées aux enfants qui en ont besoin.

Par conséquent, le mandat suivant a été adopté afin d'orienter leurs travaux :

B. LES ENFANTS DU CANADA

Le Comité reconnaît que les enfants du Canada représentent l'avenir de ce pays et qu'il s'avère important d'offrir à ces derniers toutes les ressources nécessaires pour leur assurer un développement sain. Il croit que les enfants doivent bénéficier d'un milieu familial et communautaire sécurisant et attentif, ainsi que de conditions socio-économiques décentes afin de favoriser le développement complet de toutes leurs possibilités. L'amélioration du développement des enfants permet des individus mieux adaptés à la société dans laquelle ils vivent, plus aptes à gérer le stress de la vie et à prendre en main leur destinée. Bref, ces personnes auront une meilleure qualité de vie et une meilleure santé.

Le Comité reconnaît que la plupart des enfants canadiens jouissent de conditions favorisant un développement sain, et que les milieux familial et communautaire dans lesquels ils évoluent leur offrent un encadrement propice à leur épanouissement. Toutefois, certains faits présentés au Comité exigent des actions concrètes afin d'améliorer la capacité du Canada à faire face aux défis de demain.

1. Les collectivités

Statistique Canada estime à près de 2,4 millions le nombre d'enfants de moins de6 ans qui vivent au Canada : 51,3 p. 100 de garçons et 48,7 p. 100 de filles. Ce groupe d'âge représente environ 7,9 p. 100 de l'ensemble de la population.

Le contexte dans lequel ces enfants évoluent s'est très diversifié au fils des ans, tant sur le plan communautaire, ethnique que familial. Ainsi, la notion de petite communauté homogène aux liens très serrés entre les membres ne correspond plus au type d'organisation communautaire pour plusieurs familles. En 1995, plus de 60 p. 100 des moins de 6 ans vivaient dans les 25 régions métropolitaines du Canada, de ce nombre, plus de la moitié habitaient les régions de Toronto, Montréal ou Vancouver. Aussi, la diversité ethnique augmente avec la population des agglomérations. Ainsi, les régions de Toronto, Montréal ou Vancouver ont accueilli près de 63 p. 100 de tous les nouveaux arrivants au cours des dix dernières années au Canada et les autres se sont principalement installés dans les autres régions métropolitaines.

2. Les structures familiales

Comme le montre le graphique 1, l'organisation familiale est également diversifiée au Canada. Généralement, les enfants de 0 à 11 ans vivent dans des familles composées de deux parents (84,2 p. 100). Ainsi, 78,7 p. 100 des enfants vivent avec leurs deux parents biologiques, et 5,5 p. 100 dans une famille reconstituée. Une proportion de 15,7 p. 100 des enfants vivent dans une famille dirigée par un seul parent. Plus souvent qu'autrement, ces enfants vivent dans une famille dirigée par la mère (14,6 p. 100 de l'ensemble des 0 à 11 ans).

Graphique 1

Répartition des enfants de 0 à 11 ans selon le type de famille, 1994-1995

Le graphique fait ressortir qu'un nombre important d'enfants de 0 à 11 ans vivent dans une famille monoparentale. Cette proportion est d'autant plus importante lorsque l'on compare l'évolution des familles avec enfants. Alors qu'en 1981, 16,6 p. 100 des familles avec enfants de moins de 18 ans étaient dirigées par un seul parent, en 1991 cette proportion atteignait 20 p. 100.

Le rôle de la mère dans l'unité familiale s'est également transformé au cours des années. Le taux d'emploi chez les femmes ayant des enfants âgés de moins de trois ans est passé de 39 p. 100 en 1981 à 57 p. 100 en 1994. De plus, celui des femmes ayant des enfants âgés entre 3 et 5 ans est passé de 47 p. 100 en 1981 à 59 p. 100 en 1994. Cette augmentation du taux d'emploi des femmes qui ont de jeunes enfants se reflète par une augmentation des familles où les deux parents travaillent à l'extérieur de la maison. Le tableau 1 montre qu'en 1994-1995, 57,3 p. 100 des enfants de 0 à 11 ans vivaient dans ce type de famille tandis que le tiers vivaient dans une famille où un seul parent travaillait à l'extérieur. Il s'agit d'un renversement de situation si on la compare à celle d'il y a30 ans. Ainsi, le temps que les parents passent à la maison a considérablement diminué au cours des années.

Tableau 1

Répartition des enfants (0 à 11 ans)
selon la situation professionnelle des parents, 1994-1995


Familles biparentales

(%)

Familles monoparentales

(%)


Deux parents occupés à temps plein (sauf dans les familles monoparentales)

Un parent occupé à temps plein et l'autre à temps partiel

Un parent occupé à temps plein et l'autre ne travaillant pas

Travail à temps partiel uniquement(a)

Aucun parent occupé

35,5

21.8

33.2

2.9

6.6

34,1

S.O.

S.O.

10.9

54.9


Source : Grandir au Canada, Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes,cat. no 89-550-MPF, Statistique Canada, novembre 1996.


Le taux d'emploi des mères seules ayant de jeunes enfants contraste grandement avec celui des autres mères. En 1994, le taux d'emploi des mères seules dont l'âge du plus jeune enfant avait moins de 6 ans était de 37 p. 100, alors qu'il était de 57 p. 100 chez l'ensemble des mères dont le plus jeune enfant avait moins de 6 ans. Le tableau 1 fait ressortir ces dernières données, alors que plus de la moitié des enfants âgés de0 à 11 ans qui vivaient dans une famille monoparentale en 1994-1995 avait aucun parent qui était occupé.

La question de l'emploi est importante dans l'analyse de la situation des enfants puisque d'une part, il mobilise une fraction importante du temps dont dispose les parents et d'autre part, il permet de combler les besoins les plus fondamentaux des enfants. Ces deux aspects sont importants puisqu'ils font ressortir que les parents, qui doivent travailler plus d'heures pour arriver à maintenir un certain niveau de vie, passent moins de temps avec leurs enfants. D'un autre côté, ceux qui sont sans emploi arrivent difficilement à combler adéquatement les besoins physiques des enfants, et ce, même avant leur naissance.

L'augmentation des familles où les deux parents travaillent se reflète par le recours à la garde non parentale pour les soins donnés aux enfants. Comme l'indique le tableau 2, plus de la moitié des 0 à 17 mois recevaient des soins en garde non parentale au moins une partie de la semaine en 1988. Deux tiers des enfants âgés de 18 à 35 mois et près de4 enfants sur 5 âgés entre 3 et 5 ans recevaient également ce type de soin. La moyenne d'heures passées en garde non parentale variait peu entre les groupes d'âges, elle se situait entre 22 (0 à 17 mois) et 25 heures (18 à 25 mois).

Tableau 2

Enfants en garde non parentale, Canada, 1988


Âge

Enfants en gardenon parentale

(%)

Moyenne d'heures passées
en gardenon parentale
%


0 à 17 mois

18 à 35 mois

3 à 5 ans

55

64

79

22

25

24


3. La pauvreté

Pourtant, même si l'emploi accapare une part importante du temps des parents, les revenus qu'il génère sont d'une importance cruciale dans la capacité des familles à combler les besoins fondamentaux des enfants et à leur assurer un développement sain. Les enfants issus de milieux plus défavorisés sont en effet plus susceptibles d'avoir une mauvaise santé physique et affective, des difficultés scolaires et des troubles de santé mentale.

Le tableau 3 présente la fréquence des bébés de faible poids en fonction du revenu familial et ses répercussions sur le développement moteur et social de l'enfant. Les données indiquent que l'incidence des bébés de faible poids à la naissance est plus fréquente chez les familles dont le revenu est inférieur à 60 000 $ et que ces derniers affichent un retard dans leur développement moteur et social par rapport aux bébés de poids normaux.

Tableau 3

Répartition des enfants (0 à 3 ans) selon le poids à la naissance,
le revenu familial et le développement moteur et social, 1994-1995


Poids normal à la naissance
(> 2 500 g)
Faible poids à la naissance
(< 2 500 g)

Revenu familial (milliers)(a)
< 30 000 $ 93,5 6,5
30 000 $ à 60 000 $ 93,7 6,3
> 60 000 $ 95,8 4,3

Développement moteur et social
avancé 14,9 10,5
normal 71,5 58,5
retard 13,5 31,0

Le revenu familial à lui seul ne peut expliquer l'incidence des bébés de faible poids ou d'autres problèmes de santé des enfants. En effet, des variables qui sont corrélées avec le revenu, comme le tabagisme durant la grossesse ou encore le niveau d'éducation des parents, peuvent aussi influencer l'état de santé et le développement des enfants. Il n'en demeure pas moins que le taux de pauvreté chez les enfants a une incidence importante sur leur santé et qu'elle atteint des proportions inquiétantes au Canada.

Il n'existe pas de mesures officielles de pauvreté au Canada. Toutefois, le seuil de faible revenu (SFR), tel que calculé par Statistique Canada, sert souvent de référence à la mesure du taux de pauvreté. Ainsi calculé, ce dernier se situait à 24,6 p. 100 chez les enfants âgés entre 0 et 11 ans pour 1994-1995, et atteignait 70,9 p. 100 chez ceux vivant dans une famille monoparentale dirigée par la mère. Le tableau 4 présente le nombre d'enfants pauvres âgés entre 0 à 11 ans ainsi que le taux de pauvreté des enfants selon le type de famille.

Tableau 4

Répartition des enfants pauvres et taux de pauvreté chez les
enfants de 0 à 11 ans selon le type de famille, 1994-1995


Nombre d'enfants pauvres(a) Taux de pauvreté
(%)

Ensemble des 0 à 11 ans

1 114 558

24,6

Biparentale 649 110 16,5
Monoparentale 499 100 68,0
Mère seule 482 829 70,9
Père seul 16 271 30,7

La pauvreté que l'on note chez les enfants du Canada est d'autant plus troublante lorsqu'elle est comparée à celle des enfants des autres pays industrialisés. En effet, le taux de pauvreté des enfants canadiens après redistribution du gouvernement est quatre fois plus élevé que celui de la Suède, deux fois plus élevé que ceux de la France et de l'Allemagne et 1,4 fois plus élevé qu'en Grande-Bretagne. En fait, seulement les États-Unis affichent un taux de pauvreté plus élevé que le Canada1.


1 Voir Le progrès des nations, 1996, UNICEF, page 45.


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