Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 22 avril 1997

.1008

[Traduction]

Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): La séance est ouverte. En conformité avec l'ordre de renvoi adopté par le Comité permanent de l'industrie le mercredi2 octobre 1996, nous poursuivons l'examen de la reconversion de l'industrie militaire à des fins civiles.

Nous avons avec nous plusieurs témoins ce matin. Je crois savoir qu'on est en train de faire des photocopies des mémoires. Je tiens à souhaiter la bienvenue aux témoins: M. Yves Bélanger, du Groupe de recherche sur l'industrie militaire, Département des sciences politiques, Université du Québec à Montréal; M. Pierre Paquette, secrétaire général de la CSN; et M. Henri Massé, secrétaire général de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec.

Je crois que nous avons décidé de commencer par l'exposé de la FTQ. Nous vous accordons généralement de cinq à dix minutes pour présenter votre exposé, après quoi nous tiendrons une période de questions et de réponses avec mes collègues de la Chambre des communes. Vous avez la parole.

[Français]

M. Henri Massé (secrétaire général, Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ)): Nous avons l'intention de vous présenter d'abord un portrait de notre organisation, la FTQ, et de demander ensuite à la CSN de dresser à son tour le portrait de son industrie. M. Yves Bélanger est ici présent pour appuyer les nombreuses démarches qui ont été faites dans ce dossier. Par la suite, nous présenterons les recommandations de nos deux organisations, lesquelles sont à peu près identiques.

La FTQ représente 19 des 50 plus importants fournisseurs militaires au Québec. Une délégation représentant chacune de ces industrie nous accompagne ici aujourd'hui. Je ne nommerai que quelques-unes de ces industries: CAE Electronics, Canadair, Marconi, Allied-Signal, Technologies industrielles SNC et le 202e Dépôt d'atelier dont nous parlerons lorsque nous présenterons nos recommandations.

.1010

C'est un dossier qui nous préoccupe au plus haut point parce que depuis 1987, l'industrie de la défense au Québec a perdu près de 10 000 emplois au niveau de la production. Dans les entreprises que représente la FTQ, il y a eu une perte de 30 p. 100 depuis 1990, soit 2 573 emplois. Ce sont des emplois de qualité, des emplois bien rémunérés, des emplois de haute technologie, des emplois qui demandent un degré de formation habituellement plus élevé que ce qu'on trouve dans les autres secteurs industriels.

Par exemple, une étude du CAMAQ nous démontre que dans cette industrie, 37,3 p. 100 des emplois requièrent une formation universitaire, 25,7 p. 100 une formation collégiale et beaucoup moins d'emplois ne requièrent pas de formation, contrairement à ce qu'on trouve dans les autres secteurs. Pour vous donner une image simple, on pourrait vous dire qu'un emploi dans cette industrie représente souvent deux ou trois des nouveaux emplois qui se créent.

L'objectif de la FTQ est de reconquérir la position perdue dans les emplois de haute technologie. On est obligés de venir vous dire ce matin que nos syndicats de base sont déçus de la faible implication du gouvernement fédéral dans la recherche de solutions à l'érosion de l'emploi dans ce secteur. On se fait souvent dire que le rôle du gouvernement n'est pas d'intervenir. On voudrait vous rappeler qu'aux États-Unis et en Allemagne, à la suite de la baisse des dépenses dans le domaine de la défense, les gouvernements ont investi des sommes importantes dans des programmes de reconversion de l'industrie militaire. Prenons par exemple Bombardier, à Montréal, qui a fait l'objet d'efforts gouvernementaux importants. On en voit les résultats. Si de tels efforts étaient déployés pour le reste de l'industrie de la défense, nous pourrions faire des pas assez importants.

Une autre chose qui nous agace passablement, c'est le peu d'intérêt qu'on porte à l'apport des entreprises de défense au développement de la société canadienne ou de la société québécoise. Ce n'est pas seulement au gouvernement que nous faisons des reproches, mais à l'ensemble de la société. Ces entreprises et leurs employés jouent un rôle de fer de lance sur le plan du développement technologique et contribuent très activement au renouvellement de l'économie canadienne. On traite souvent cette industrie sur la place publique comme si elle avait la gale. Il faudra faire des efforts collectifs pour redorer le blason de cette industrie, qui crée souvent des emplois de haute technologie et fait beaucoup de recherche et de développement qui ont beaucoup d'applications dans la société civile et dans l'ensemble des autres industries. Il s'agit de projets ou de produits que nous avons d'abord lancés au niveau de l'entreprise de la défense.

Nous voulons une action plus directe et plus concrète en vue de convertir et de diversifier l'entreprise de la défense. Ce que nous appelons l'entreprise de la défense, ce sont les entreprises dont plus de 50 p. 100 de la production est consacrée à la défense. Nous avons de la difficulté à comprendre l'absence de politique claire quant au renouvellement des entreprises de la défense, surtout qu'avant les dernières élections, le Parti libéral du Canada s'était clairement engagé à soutenir la reconversion des entreprises militaires.

Comme nous le précisions plus tôt, certaines entreprises comme Bombardier et Rolls-Royce s'en sont très bien sorties en jouant la carte de la diversification. Par contre, beaucoup d'autres entreprises sont demeurées beaucoup trop dépendantes du marché de la défense, et c'est là qu'il est urgent d'agir. C'est d'autant plus urgent que si nous avions l'assurance que le déclin du marché militaire était terminé, nous pourrions nous concentrer uniquement sur la reconquête des positions perdues dans nos entreprises. Cependant, les prévisions pour les années 1993 à 1999 nous laissent entrevoir une décroissance de 20 p. 100 des dépenses en capital du ministère de la Défense. Si on ne donne pas un coup de barre énergique, il est clair qu'on va continuer à perdre des emplois dans ce secteur.

.1015

Nous voulons aussi souligner le fait que l'ancien programme PPIMD a diminué de façon importante les subventions qu'il accordait à la recherche et au développement au Québec. La diminution des octrois pour la recherche et le développement a été de 49 p. 100 entre 1989 et 1994, passant de 167 millions à 85 millions de dollars. Ce n'est pas uniquement le fait de la décroissance de nos emplois au Québec dans ce secteur qui est un facteur, mais on voit que ce n'est pas uniquement un hasard; c'est en parallèle et c'est une des causes importantes.

On nous a souvent dit qu'il fallait diminuer la part du Québec dans ce programme parce que le Québec avait la part du lion. J'admets que le Québec avait une part plus importante que l'ensemble du Canada dans ce programme, mais si on regarde les autres programmes de recherche que subventionne le centre de recherche du ministère de la Défense et qui jouissent de crédits d'impôt, on constate généralement que la part du Québec est beaucoup moindre que son importance au Canada. Ce programme nous accordait quelques avantages et il faut les maintenir. Le nouveau programme Partenariat technologique Canada va-t-il corriger la situation? On se pose la question. On devrait corriger cette situation.

En dernier lieu, j'aimerais parler de la relance de la région de Montréal, de la relance de l'emploi au Québec. Tout le monde en parle. C'est un sujet d'actualité extrêmement important. La très grande majorité des emplois des entreprises dont nous venons de vous entretenir se trouvent dans la région de Montréal ou dans la région du Grand Montréal. Il est clair que le déclin de nos entreprises de production de la défense a aussi entraîné un déclin important de l'emploi dans la région de Montréal. Il faut redresser cette situation si on veut redonner de la vigueur économique à la région de Montréal et y assurer une création d'emplois constante.

Je vais céder la parole à Pierre Paquette, secrétaire général de la CSN, qui dressera le portrait de son organisme.

M. Pierre Paquette (secrétaire général, Confédération des syndicats nationaux (CSN)): La CSN, la Confédération des syndicats nationaux, représente 250 000 travailleurs et travailleuses de toutes les régions du Québec et de tous les secteurs, y compris des entreprises liées à l'industrie militaire.

En 1994, le Québec comptait plus de 1 300 entreprises liées à cette industrie, qui réalisaient des ventes de plus de 2 milliards de dollars. Une trentaine d'entreprises étaient particulièrement dépendantes de ce marché militaire et se retrouvent maintenant dans une position particulièrement vulnérable. Nous représentons des membres qui travaillent dans ces entreprises.

Actuellement, au Québec, 23 000 emplois sont liés, directement ou indirectement, à l'industrie de la défense, ce qui représente 18 000 emplois de moins qu'en 1987. Si les prévisions relatives à l'évolution des dépenses militaires s'avèrent exactes, nous perdrons entre 5 000 et 9 000 emplois au cours des prochaines années. On constate donc que la situation est dramatique et qu'elle nécessite une intervention du gouvernement fédéral.

Il est clair que nous ne remettons pas en question la réduction des dépenses militaires. Je pense que tout le monde doit se réjouir du fait que la situation mondiale nous permet de réduire ces dépenses. Nous n'acceptons toutefois pas que cette réduction se fasse sur le dos des travailleurs et des travailleuses qui vivent de cette industrie et des régions et communautés qui les ont accueillis au cours des dernières années.

Le gouvernement fédéral a une responsabilité particulière parce que c'est lui qui, par ses politiques, a structuré cette industrie. Il a favorisé une culture particulière, une culture qui explique en partie les difficultés d'adaptation de cette entreprise. Nous pensons par exemple au rapport très bureaucratique qui existe avec les services du ministère de la Défense nationale, qui fait en sorte qu'on engage en surnombre du personnel de bureau, des secrétaires et des ingénieurs comparativement aux employés de production. On se retrouve donc avec cette culture du cost plus. Ainsi, moins on est efficace, plus on fait de profit parce que la marge bénéficiaire s'ajoute nécessairement aux coûts de production.

.1020

Le gouvernement fédéral a une responsabilité particulière qui doit l'amener à agir de façon énergique et à assumer une responsabilité particulière vis-à-vis du Québec, parce que les programmes mis en place au cours des dernières années ont systématiquement désavantagé le Québec, pour des raisons qui tiennent aussi bien à la nature de l'industrie au Québec et à son haut taux de dépendance, que je signalais tout à l'heure, qu'aux choix politiques qu'a faits le gouvernement fédéral.

Essentiellement, le gouvernement est intervenu par trois types de mesures. Il y avait premièrement les programmes d'achat d'équipement. On sait qu'à cet égard, le Québec a été systématiquement désavantagé, que ce soit au niveau des dépenses engagées par le personnel du ministère de la Défense nationale ou à celui de l'ensemble des budgets dépensés directement par le gouvernement. Ainsi, comme vous pourrez le lire dans notre mémoire, même si le Québec compte à peu près 25 p. 100 de la population canadienne et paie plus de 23 p. 100 des impôts, il ne bénéficie que de 14,1 p. 100 des dépenses rattachées au personnel du ministère de la Défense. Ce n'est qu'à la rubrique «Achat d'équipement» que le Québec bénéficie à peu près d'une juste part des dépenses faites par le gouvernement fédéral.

D'autre part, les politiques qu'énonçait le gouvernement fédéral dans son dernier Livre blanc favorisaient l'achat d'équipements qui sont déjà sur le marché plutôt que leur production au Québec. Nous ne croyons pas qu'avec ces programmes d'achat - évidemment, le Québec a toujours droit à sa part équitable, puisque nous payons nous aussi des impôts à Ottawa - , nous serons en mesure de diversifier et de reconvertir cette industrie en difficulté.

Un deuxième type de mesures a été le Programme de productivité de l'industrie du matériel de défense, le PPIMD, auquel Henri Massé faisait allusion. Il soulignait que la part du Québec n'avait pas cessé de décroître jusqu'à la fin de ce programme. Je voudrais signaler que ce programme ciblait le secteur de la haute technologie et désavantageait certaines entreprises, dont les chantiers maritimes et les entreprises de fabrication de munitions.

Nous représentions plusieurs milliers de travailleurs dans trois chantiers maritimes: Vickers à Montréal, MIL Davie Inc., qui est devenue maintenant MIL Lauzon, et Marine Industries, qui est devenue GEC Alsthom. On a vu des saignées d'emplois dans ces trois chantiers. Vickers a fermé ses portes en 1989, et tout ce qui touche le domaine maritime a disparu. Vous êtes sans doute au courant qu'à Lévis, il y a environ 200 travailleurs sur le chantier alors qu'il y a deux ans, il y en avait plus de 2 000. Expro Chemical Products Inc. a aussi connu une saignée importante d'emplois. Nous avons aussi été témoins d'autres fermetures: Vittforge, au début des années 1990, et IVI à Valcartier, au cours des dernières années. Nous constatons aussi des difficultés au sein des autres entreprises où nous sommes présents, dont GEC Alsthom à Tracy, MIL Lauzon et Expro Chemical Products Inc. où, malgré des efforts importants de la part des travailleurs et des travailleuses, on est toujours en difficulté. C'est aussi le cas à McMasterville, à ICI ainsi qu'à Technologies industrielles SNC. Comme on le voit, la situation n'est pas rose. Dans notre cas, le PPIMD n'a pas comblé les espoirs suscités à la suite de sa mise en oeuvre.

Jusqu'à présent, on ne peut pas considérer que les interventions du gouvernement fédéral ont été particulièrement heureuses. Nous avons maintenant le Programme de recherche industrielle pour la défense et, selon nos informations, la part du Québec ne devrait pas dépasser 17 ou 18 p. 100. On voit déjà, encore une fois, le problème systématique que j'ai mentionné dès le départ.

Nous pensons qu'il doit y avoir un coup de barre important qui pourra graviter autour de deux stratégies. En 1992, l'ancien ministre de la Défense nationale, Marcel Masse, en avait énoncé une visant à concentrer l'industrie militaire dans les régions où il y avait déjà des masses critiques. La moitié des grandes entreprises qui fournissent des produits au ministère de la Défense nationale sont situées au Québec. Ce serait donc une politique qui avantagerait le Québec. Mais on ne pense pas que ce soit une solution dans un contexte où la réduction du marché et des dépenses va se poursuivre.

.1025

La deuxième approche que pourrait adopter le gouvernement fédéral consisterait à mettre en place un véritable programme de reconversion et de diversification industrielle, peut-être dans le cadre de l'enveloppe déjà prévue pour cela dans le dernier programme que je mentionnais. C'est l'approche que nous privilégions, soit la mise en place d'un processus de reconversion. De quoi s'agit-il? C'est tout simplement un processus qui vise à réduire la dépendance d'une entreprise face au marché militaire par l'augmentation de sa production civile ou commerciale. C'est ce qu'on a tenté de faire dans plusieurs de nos entreprises, en particulier chez Expro et chez MIL Lauzon. Ces expériences nous ont permis d'identifier des conditions de réussite dans ces processus de reconversion.

J'énumérerai les plus importantes. Il faut être capable d'identifier un produit de diversification compatible avec les compétences de base des travailleurs et des travailleuses et susceptible de faire consensus dans l'entreprise; mettre en place une stratégie d'adaptation fondée sur la formation et la recherche d'une formule permettant une meilleure productivité dans le respect des personnes; changer les règles internes en matière d'administration - j'ai mentionné ces problèmes tout à l'heure - et en matière de comptabilité et d'organisation du travail qui nuisent à la productivité et qui font obstacle au passage vers une production commerciale et civile; miser sur les forces du milieu et chercher de nouveaux partenariats dans le but de renforcer le tissu industriel québécois; améliorer le processus de planification pour dégager une vision à moyen et long termes dans l'entreprise; obtenir un financement suffisant en recherche et développement pour la mise en marché du produit de diversification; et viser un apprentissage rapide du marketing requis dans le marché commercial.

Comme on le voit, si la reconversion s'accompagne d'une approche adéquate, elle peut donner des résultats intéressants. Ces entreprises ont toutefois besoin du soutien du gouvernement. Comme je le mentionnais au départ, le gouvernement fédéral a une responsabilité particulière quant aux difficultés qui se vivent présentement dans cette industrie. C'est pourquoi la FTQ et la CSN recommandent la mise sur pied d'un fonds de reconversion ou de diversification des usines militaires, un fonds spécifique consacré à la reconversion et à la diversification des usines et divisions d'entreprises de défense du Québec, à même le budget affecté au programme Partenariat technologique Canada. Ce fonds prendrait la forme d'une enveloppe budgétaire réservée à la diversification des entreprises de défense dans le secteur commercial et donnerait un peu plus de consistance au volet reconversion déjà inclus dans le programme Partenariat technologique Canada. Le fonds offrirait également un appui financier aux régions et sous-régions qui continuent de faire face à des problèmes d'emploi majeurs à la suite de la perte de leur marché militaire et qui désirent diversifier leur industrie manufacturière. Henri Massé parlait de la région de Montréal, mais on peut aussi parler de Sorel, Valleyfield et Saint-Jean, qui connaissent aussi des difficultés liées aux problèmes de l'industrie.

Selon notre proposition, ce fonds disposerait d'une enveloppe unique, non renouvelable, de55 millions de dollars pour cinq ans. Compte tenu du nombre d'emplois en jeu, c'est un montant assez modique, sauf pour le premier volet, que je vais vous présenter. Il servirait à financer à50 p. 100 les projets formulés par les entreprises, les autres 50 p. 100 étant fournis par l'entreprise elle-même ou d'autres partenaires. Les volets que pourrait comprendre ce fonds seraient les suivants: fournir de l'information sur le marché de défense et mettre en place une veille technologique axée sur les occasions de diversification - on a identifié des montants qui pourraient permettre la mise en place de ces différents volets - ; financer des études de faisabilité, des études de marché et des projets d'aide technique; soutenir des activités de recherche et de développement vouées spécifiquement à la reconversion et à la diversification; et aider au rééquipement des usines et divisions d'entreprises admissibles.

Quant à la question de l'admissibilité, ce fonds serait accessible aux usines et divisions des entreprises dont les ventes en défense représentaient au moins 50 p. 100 du chiffre d'affaires en 1994, aux entreprises qui sont les plus vulnérables parce qu'elles sont les plus dépendantes du marché de la défense, aux entreprises ayant à faire face à des pertes d'emplois liées directement au déclin du marché militaire, aux entreprises de défense des secteurs naval, des munitions, du matériel roulant, électronique et aérospatial, et aux régions et sous-régions affectées par les pertes d'emplois militaires, cela pour la formulation de plans de diversification de leur industrie manufacturière régionale.

.1030

J'invite M. Massé à vous présenter le deuxième volet de notre proposition.

M. Massé: Nous voudrions avoir une table de concertation spécifique au secteur militaire, laquelle pourrait prendre la forme de tables conçues sur le modèle des comités d'adaptation de la main-d'oeuvre, les CAMO. Nous jugeons que c'est une recommandation très importante. Il faut que les gens qui discutent du dossier militaire connaissent bien ce dossier. Les syndicats affiliés à la FTQ, les syndicats locaux, les syndicats de base dans chacune de ces entreprises ainsi que ceux de la CSN ont investi beaucoup d'énergie, de ressources financières et de ressources humaines dans ces dossiers. Nos agents et les membres au niveau local veulent la survie de leurs entreprises et ils y travaillent très fort. Ils essayent d'apporter des idées de toutes sortes, mais de temps en temps, il nous faut une bonne table pour qu'on puisse s'asseoir non seulement avec l'employeur, mais aussi avec les paliers gouvernementaux responsables, et qu'on sente qu'on a des poignées qui nous permettent de mettre certains projets de l'avant. Autrement, on a l'impression d'être suspendus dans le vide, sans pouvoir faire avancer nos dossiers. C'est donc très important.

Cette table conseillerait le gouvernement sur la répartition des budgets affectés au fonds dont Pierre parlait plus tôt. Elle recruterait des partenaires financiers aptes à élargir le financement consacré à la reconversion et à la diversification. Soit dit en passant, le Fonds de solidarité de la FTQ et probablement celui de la CSN, qui ont de l'expertise dans ce domaine, seraient capables de mettre la main au travail afin qu'on puisse formuler des projets meilleurs et plus concrets. La table assurerait le maillage entre les différents programmes susceptibles de contribuer à la reconversion et à la diversification et verrait à ce que les projets servent à créer de nouveaux emplois ou à maintenir les emplois existants. Elle veillerait plus globalement à ce que les projets soumis s'inscrivent dans le sens de la modernisation de l'économie du Québec.

Cette approche a de l'avenir. Il y a un véritable partenariat à développer et nous avons absolument besoin de l'appui des différents paliers de gouvernement pour y arriver.

Notre dernière recommandation porte sur le soutien à la mission du 202e Dépôt d'atelier à Montréal. Ce dépôt est pratiquement la plus grosse et la plus importante entreprise d'usinage. On sait que c'est souvent repensé. Il y a toutes sortes de projets dans l'air. Il faut maintenir la vocation et la mission du 202e Dépôt d'atelier, qui compte des emplois liés directement à la défense, mais aussi de nombreux emplois indirects dans la région de Montréal. S'il fallait changer sa vocation, ce serait très nuisible pour le niveau d'emploi dans la région de Montréal.

Yves Bélanger va vous parler des démarches qui ont été entreprises dans le passé et des nombreuses mesures que nous ou les gouvernements avons prises. Il présentera un bref rappel.

M. Yves Bélanger (Groupe de recherche sur l'industrie militaire, Département des sciences politiques, Université du Québec à Montréal): Je serai beaucoup plus concis. Je vous remercie de m'avoir invité. Malheureusement, votre invitation m'est parvenue un peu tardivement, ce qui fait que je ne suis pas en mesure de déposer un mémoire. Si vous souhaitez que ce soit le cas, je vous ferai parvenir avec plaisir dans les prochains jours une documentation reliée au sujet que je vais aborder maintenant.

Avec un peu d'aide, j'ai pu retracer les recommandations du Sous-comité sur l'exportation des armes du Comité permanent des affaires extérieures et du commerce international déposées en 1992. Ce comité avait dégagé des éléments d'analyse extrêmement intéressants concernant la question de la reconversion et de la diversification des entreprises de défense. J'aimerais en rappeler quelques-uns, question de mettre la situation en scène, et ensuite revenir sur ces éléments.

D'abord, à la lecture de ce document, on constate qu'on avait vraiment très bien identifié les problèmes spécifiques au marché de la défense. Donc, ce que vous venez d'entendre n'est pas nouveau pour l'institution que vous représentez. On avait notamment bien identifié les problèmes en regard des procédures administratives, du système d'octroi des contrats et de la culture des entreprises. On avait aussi mis en évidence le caractère complexe de la diversification des entreprises militaires. Je pense que ce sont des problèmes connus.

Par ailleurs, on avait aussi très bien situé les enjeux en matière de recherche et de développement posés par les activités de défense. On avait réfléchi de façon tout à fait pertinente sur les choix gouvernementaux en matière de développement industriel et de développement régional. Je pense qu'on avait bien compris que, pour interagir activement et efficacement sur la reconversion, il fallait intervenir au niveau local.

Par ailleurs, on avait vu également que l'aide à la reconversion consentie dans d'autres pays pouvait avoir un effet assez dévastateur sur la compétitivité des entreprises canadiennes au niveau international.

.1035

Beaucoup d'entreprises, entre autres dans le secteur canadien de l'aéronautique ou de l'électronique, pourraient vous dire aujourd'hui que certains de leurs concurrents se sont modernisés dans le cadre des programmes de reconversion américains. Elles ont aujourd'hui beaucoup de difficulté à faire concurrence à ces entreprises. On pourrait en discuter si vous souhaitez le faire.

Donc, le comité concluait d'abord au caractère indispensable d'une diversification accrue des entreprises et ensuite à la nécessité de prioriser les objectifs commerciaux en matière de recherche et de développement et de faire en sorte que l'aide à la recherche et au développement serve à la reconversion et à la diversification. À cet effet, il proposait de modifier le programme de productivité de l'industrie du matériel de défense. J'estime qu'un certain chemin a été fait avec la création de Partenariat technologique Canada.

Par ailleurs, le comité concluait aussi à la nécessité d'intervenir au niveau local en préconisant la création de comités de reconversion. Vous ne serez donc pas étonnés d'entendre les partenaires syndicaux qui sont ici ce matin vous parler d'un tel comité. Le comité concluait également à l'utilité de se doter d'un centre d'information sur la diversification et la reconversion.

Bien sûr, il y a des nuances qui sont apportées ce matin parce que la conjoncture s'est modifiée, mais il est frappant de voir qu'on en est encore au même débat qu'en 1992. Plusieurs éléments sont repris sous des formes différentes, mais les propositions qui vous sont soumises, bien qu'elles soient un peu plus précises, portent fondamentalement sur le même enjeu, les mêmes questions et les mêmes problèmes.

Personnellement, je suis frappé par le caractère très limité de l'action gouvernementale, si on fait exception de l'aéronautique qui, de toute façon, poursuit actuellement sa lancée des années 1970 et 1980. Très peu de choses ont été faites dans le sens des recommandations de ce comité.

Partenariat technologique Canada fait bien allusion à la recevabilité de demandes liées à la reconversion de l'industrie de défense, mais a eu manifestement très peu d'impact sur les entreprises du Québec, surtout celles qui ne se situent pas dans l'aérospatiale. On pourra aussi y revenir, car cela me semble absolument fondamental.

Pourquoi est-ce ainsi? On pourrait évoquer des tonnes de raisons à cette situation. On pourrait développer une argumentation qui nous entraînerait probablement dans un cours de 45 heures, mais je veux vous éviter cela. J'ai personnellement l'impression que c'est surtout lié au fait que les entreprises - et cela ressortait d'ailleurs dans le document du comité - se sont dites opposées à une action contraignante de l'État en faveur de la reconversion en faisant valoir qu'elles allaient s'adapter elles-mêmes.

On a vu les résultats de cette adaptation au cours des dernières années. On pourrait la résumer en quelques mots: rationalisation et mises à pied. Il y a bien quelques percées qui ont été effectuées sur les marchés d'exportation, mais vous connaissez probablement beaucoup mieux que moi les exportations actuelles dans le domaine de la défense, un domaine très compétitif. Les derniers chiffres montrent qu'il y a actuellement un mouvement de régression des exportations canadiennes. En fait, nos exportations reposent sur une toute petite poignée de contrats. Dès que ces contrats seront terminés, les exportations redescendront probablement à un niveau assez faible.

Par ailleurs, il est vrai que des transferts technologiques se sont faits dans l'aéronautique, du militaire vers le civil, mais ils sont très limités si on les compare à ce qui se fait actuellement aux États-Unis ou en France. Ces résultats sont décevants. Pourtant, il y a là des problèmes tout à fait fondamentaux.

À mon avis, dans le cadre de Partenariat technologique Canada notamment, l'engagement du gouvernement n'a pas été assez clair, assez public, assez tangible, assez adapté, surtout adapté. En tout cas, c'est ce qui me frappe. J'ai passé une quinzaine d'années à travailler avec des entreprises de la défense. Ce qui me frappe, c'est que chaque cas est un cas d'espèce. Il est très difficile d'élaborer des plates-formes ou des approches qui puissent s'appliquer de façon uniforme à toutes les entreprises.

On a besoin d'une aide soutenue pour mener des études de faisabilité à certains endroits. Ailleurs, on a besoin d'une aide à la commercialisation extrêmement importante, parce que beaucoup d'entreprises ne savent pas commercialiser des produits civils. Elles sont limitées au domaine militaires dans leur expertise à ce niveau. On a besoin à certains endroits d'aide à l'adaptation de l'entreprise elle-même, à cause de sa culture, à cause de son mode de fonctionnement et à cause de ce que lui impose le ministère de la Défense nationale dans le cadre des exigences qui sont les siennes, et qui sont probablement tout à fait légitimes.

.1040

À mon avis, dans le domaine de la reconversion, il serait temps d'aller au-delà des mots et de mettre un peu plus de ressources. Il y a actuellement beaucoup d'entreprises, dont certaines sont présentes ici dans la salle, qui ont des projets en vue, mais il est clair qu'elles manquent d'outils pour les mettre en route. Je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup pour vos exposés. Nous commençons la période de questions avec M. Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga - Maisonneuve, BQ): Monsieur le président, vous savez que j'attendais ce jour avec impatience. Depuis le début de nos travaux, j'avais extrêmement hâte de voir la CSN et la FTQ assises à la même table avec le professeur Bélanger. Ce sont les trois experts au Québec. J'ai trois premières questions à vous poser.

Tout d'abord, il y a un préjugé qui circule dans ce Parlement et je vous l'exprime tel qu'il est vécu. Je crois que c'est un préjugé qui a des échos même auprès du ministère de l'Industrie et surtout du ministère de la Défense nationale. Quand on aborde la question de la reconversion, on nous dit souvent que les entreprises qui avaient à se reconvertir ou à se diversifier - on ne fait pas toujours la différence - l'ont déjà fait, que celles qui étaient capables de le faire l'ont fait. Pourquoi aiderait-on celles qui restent? Grosso modo, je vous exprime un préjugé qui circule et j'aimerais que vous nous fassiez voir que ce n'est pas la réalité, qu'il y a des entreprises qui ont des projets et qui ont besoin d'aide et que ce processus de reconversion ne se fera pas sans être public.

Deuxièmement, on a reçu ici le sous-ministre de la Défense nationale. Je crois vous avoir fait parvenir un compte rendu de sa présentation; sinon, on pourra vous le faire parvenir. Il tenait un peu ce discours. Nous devons le rencontrer à nouveau pour échanger avec lui, mais je voudrais que vous nous disiez très clairement pourquoi, selon vous, le programme Partenariat technologique Canada n'est pas adapté. Quand on aborde cette question avec le gouvernement, il nous dit qu'un véhicule existe présentement. Stricto sensu, quand on lit les communiqués de presse qui ont été rendus publics au moment de l'annonce de Partenariat technologique Canada, on voit qu'il y a des fonds pour la reconversion, que l'industrie de l'aéronautique peut postuler et que des projets peuvent être accueillis.

Lorsque le sous-ministre est venu ici, en février ou mars, il m'a dit que trois entreprises avaient déposé des projets. Donc, à toutes fins pratiques, le programme Partenariat technologique Canada n'est à peu près pas utilisé.

En dernier lieu, le professeur Bélanger pourrait-il nous parler de l'ordre de grandeur des efforts qui ont été consentis pour la reconversion dans d'autres pays? On a parlé de la France et des États-Unis. Si vous pouviez donner au comité des exemples précis, cela nous serait utile.

M. Bélanger: Je répondrai un peu plus tard à la troisième question qui m'est personnellement adressée, mais j'aurais une première réaction à la toute première question de M. Ménard.

Il est exact qu'il y a des entreprises qui se sont diversifiées, mais il est intéressant de voir comment elles l'ont fait. Il y a un cas qui est d'ailleurs une référence internationale reconnue: les Français et les Allemands sont très impressionnés quand on leur parle de Bombardier et qu'on leur apprend qu'au cours des années 1960, Bombardier était à 70 p. 100 dans le domaine militaire et qu'il dépend aujourd'hui à peine à 20 ou 25 p. 100 du marché de la défense.

Comment une telle opération a-t-elle pu se faire? Vous savez comme moi que c'est essentiellement grâce au soutien gouvernemental. On a injecté des ressources considérables dans la compagnie Bombardier. On a injecté des milliards de dollars pour permettre à cette entreprise de se moderniser, de réorienter sa stratégie et de reconstruire à toutes fins pratiques tout son parc d'activités, de telle sorte que Bombardier figure aujourd'hui en tête de liste de nos meilleurs vendeurs et de nos entreprises les plus dynamiques dans le domaine de l'aérospatiale au plan international. L'intervention de l'État a permis à Bombardier de mener à bien cette diversification.

Est-ce qu'il vaut la peine de sauver les autres entreprises? Pensons par exemple aux anciens Arsenaux canadiens, qui s'appellent maintenant Technologies industrielles SNC.

.1045

Il faut poser la question à beaucoup de gens, entre autres au ministère de la Défense nationale. Le ministère veut-il garder une capacité d'approvisionnement dans certains domaines d'activité? Veut-il aussi garder une capacité d'entretien d'équipement qui soit proprement canadienne? S'il veut le faire, il n'aura d'autre choix que d'appuyer ces activités sur des entreprises viables.

Actuellement, plusieurs de ces entreprises, si elles ne se donnent pas d'autres moyens de créer des activités nouvelles, risquent fort de se retrouver face à des difficultés qui vont peut-être devenir insurmontables. D'ailleurs, elles ont déjà amorcé des opérations de diversification parce qu'elles sont tout à fait conscientes de cette situation.

Allez-vous répondre à la deuxième question?

M. Paquette: Je voudrais poursuivre sur ce que M. Bélanger vient d'aborder. C'est le cas de Technologies industrielles SNC, qui achète sa matière première d'Expro. Ainsi, la survie de l'un est lié à celle de l'autre. Comme il y a une volonté du gouvernement canadien de garder un approvisionnement local en munitions, on permettra probablement à ces deux entreprises de vivoter pour maintenir cet approvisionnement.

Mais le défi, pour les communautés comme pour les travailleurs et les travailleuses, est de faire en sorte qu'on maintienne et développe l'emploi. Donc, les communautés ont grandement intérêt à ce que ces entreprises, tout en maintenant une vocation militaire, développent de nouveaux marchés et se diversifient.

Si Expro ferme, ce sera un coup dur pour la région de Valleyfield. Cela amènera aussi la fermeture de Technologies industrielles SNC et aura des effets chez les sous-traitants, soit des coûts économiques liés au chômage et des coûts sociaux liés aux problèmes de l'exclusion du marché du travail. Donc, comme société, on a intérêt à travailler à la diversification de notre patrimoine industriel plutôt qu'à s'en débarrasser du revers de la main, puisqu'on sait qu'il est extrêmement difficile de développer une entreprise avec une expertise particulière. Donc, comme société, aussi bien au point de vue économique qu'au point de vue social, on aurait intérêt à travailler à la reconversion et à la diversification de ces entreprises.

Les directions des entreprises ont souvent moins de volonté d'assurer la survie et le développement de leurs entreprises que les travailleurs et les travailleuses. Elles ont une culture particulière, dont Yves Bélanger a parlé et dont nous parlons aussi dans nos mémoires. Elles pensent toujours qu'elles décrocheront le prochain gros contrat du ministère de la Défense nationale et ne font jamais d'efforts, le profit à court terme étant malheureusement leur principal appât.

Le gouvernement doit livrer un message à ces entreprises: il aidera celles qui ont la volonté réelle de se reconvertir et de se diversifier. Il pourra compter sur l'appui du mouvement syndical à cet égard. On en parle dans les critères qu'on a mentionnés dans notre proposition. Il ne s'agit pas de donner de l'argent à des entreprises qui veulent tout simplement aller chercher des deniers publics. Il faut en donner à des entreprises qui démontrent leur sérieux en termes de diversification et de reconversion.

C'est l'approche que nous avons tenté de développer dans plusieurs de nos entreprises. Je donne un exemple. Il s'agit du cas d'Expro, une entreprise qui a deux actionnaires. Ce n'est pas une grosse entreprise, mais elle génère plusieurs centaines et même des milliers d'emplois. Ces gens-là n'ont aucune liquidité, parce qu'ils ont toujours vécu des avances sur les achats que leurs clients américains allaient faire. Ils n'ont aucun crédit même s'ils ont un chiffre d'affaires de 60 millions de dollars par année. Ils ont carrément besoin d'aide de l'État parce qu'ils n'ont pas les reins assez solides pour amorcer ce virage. Quant à nous, on veut s'assurer que ce virage soit pris sérieusement.

C'est pour cela, entre autres, que les travailleurs ont décidé de prendre, par l'intermédiaire d'une coopérative de travailleurs actionnaires, une part de propriété équivalant à 33 p. 100 de l'entreprise pour s'assurer du sérieux des démarches de diversification et de reconversion. C'est un exemple de la volonté collective de travailleurs et de travailleuses d'assurer le maintien et le développement de leurs emplois dans leurs communautés.

.1050

M. Massé: Cela m'amène à votre deuxième remarque sur l'inadaptation du fonds de technologie. C'est pour cela qu'on recommande ce matin la création d'un fonds dédié. Il me semble que c'est une demande assez réaliste. D'abord, 55 millions de dollars sur cinq ans, c'est environ 11 millions de dollars par année. Cela représente environ 4 p. 100 de l'ensemble du fonds. Ce n'est pas du nouvel argent.

On connaît l'état des finances publiques. Cependant, on se dit qu'il y a déjà un fonds et qu'il faudrait qu'une partie de ce fonds soit consacrée à cela. Pourquoi? Les arguments que mes deux confrères viennent d'énoncer répondent en partie à cela, mais il faut aussi rappeler l'inégalité des joueurs en présence. Bombardier, pour n'en nommer qu'un, n'a pas besoin d'un programme ou d'un CAMO pour être capable de trouver des solutions. On connaît sa puissance, sa force de lobbying. C'est très inégal dans ce secteur-là.

Si on institue un fonds dédié et qu'il y a un comité, par exemple un CAMO, où il y a un partenariat des parties en présence ayant une vision du secteur, on sera certainement capables d'amener beaucoup plus d'eau au moulin, beaucoup plus de projets qu'il y en a actuellement. Il y a un sentiment d'impuissance chez certains, comme Pierre le disait, qui attendent d'autres contrats et qui ne voient pas la nécessité d'effectuer un tel développement. On aurait ainsi plus de cohésion. Si on veut que le programme soit efficace, il faut un fonds dédié.

Nous avons une dernière recommandation à vous faire à cet égard. Elle ne figure pas dans nos mémoires. Au fil des ans, des semaines et des jours, on a énormément de difficulté à obtenir des chiffres et des précisions sur l'utilisation de l'argent et sur le pourcentage qui a été consacré à la reconversion ou à la diversification. On passe d'un fonctionnaire à un autre, et c'est extrêmement difficile. Si on veut atteindre certains objectifs avec ce fonds-là, ce qui est possible, surtout si on le modifie en fonction des recommandations qu'on vous fait, il faudra qu'il y ait beaucoup plus de transparence dans le processus. Cela aiderait grandement au développement de l'emploi dans l'industrie.

M. Réal Ménard: J'aimerais poser deux sous-questions, si vous me le permettez, à moins que je ne revienne au deuxième tour.

[Traduction]

Le président: Nous vous reviendrons au prochain tour.

Madame Brown.

Mme Bonnie Brown (Oakville - Milton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Après avoir écouté les exposés, j'ai l'impression qu'on ne semble pas avoir bien compris la raison profonde pour laquelle nous sommes passés du PPIMD, le Programme de productivité de l'industrie du matériel de défense, au Partenariat technologique Canada. Le Partenariat technologique Canada a un certain mandat, mais il y a certaines choses qu'il ne fait pas. Il ne s'occupe pas, par exemple, de réchapper des entreprises qui n'ont pas un produit très compétitif. Je ne crois pas non plus qu'il ait à proposer des idées novatrices à des entreprises qui voudraient modifier leur capacité de production en fonction d'un nouveau produit. Il est là pour appuyer la technologie de pointe, les idées novatrices pouvant conduire à des produits qui seraient les meilleurs du monde et qui présenteraient donc de fortes possibilités d'exportation.

Je n'ai entendu aucun des trois témoins dire qu'une entreprise quelconque avait un produit de technologie de pointe qu'elle avait mis au point grâce à sa capacité d'innovation et qui présentait de fortes possibilités d'exportation, mais pour lequel l'entreprise aurait besoin d'aide. Je vous ai peut-être mal compris, mais je n'ai entendu aucun de vous parler d'un produit de ce genre qui exigerait un effort de reconversion de la part d'une de vos entreprises membres. Je vous ai seulement entendu parler de toutes ces entreprises qui avaient besoin d'aide pour survivre. Nous ne sommes pas là pour ça. Vous voudrez peut-être me dire ce que vous pensez de ces observations.

.1055

[Français]

M. Paquette: On n'a pu aborder l'ensemble des situations locales, parce que, commeM. Bélanger l'a dit, chaque entreprise est un cas d'espèce, même si les problèmes sont tous attribuables à la même cause, soit la baisse des dépenses militaires et du marché des produits militaires.

Dans le cas d'Expro, la CSN, par l'entremise d'un groupe-conseil qu'elle a mis sur pied, a élaboré toute une série de projets intéressants au niveau environnemental pour utiliser l'expertise et les compétences des travailleurs. La technologie est semblable. Il s'agit entre autres de dépolluer des terrains. On veut ainsi maintenir, développer et diversifier l'entreprise.

Pour cela, cette entreprise a besoin d'un petit coup de pouce. J'ai parlé plus tôt de son problème de liquidité. Avec ce petit coup de pouce, que les travailleurs et travailleuses n'ont pas le moyen de lui donner même si leur contribution a été importante, on serait capable non seulement de diversifier l'entreprise et de maintenir les emplois, mais aussi d'entrer dans un marché qui est prometteur pour l'avenir, celui de l'industrie environnementale.

C'est un projet qu'on a élaboré, mais on n'a pas la capacité financière de se substituer aux capitaux privés ou aux capitaux publics. Le gouvernement a la responsabilité d'aider cette entreprise dans le cadre de l'ensemble de ses responsabilités en matière de création d'emplois. Je suis d'accord avec vous que cela ne se fait pas à n'importe quel prix, mais il n'existe pas d'ouverture pour ce genre d'entreprise dans le cadre de Partenariat technologique Canada. On considère qu'une entreprise comme Expro, qui fabrique de la poudre pour les munitions, n'est pas une entreprise de haute technologie et n'est donc pas admissible au programme.

Le chantier naval à Lauzon pose un autre problème. On parle évidemment de quelque chose d'extrêmement important en termes d'investissement en infrastructures. On a développé toute une expertise, notamment en termes de paquebots. Vous savez que l'industrie des croisières est en pleine expansion. On prévoit qu'avec le vieillissement de la population, il y aura là un développement assez important. La flotte de bateaux est vieille, et il y aura une demande sur le marché dans quelques années. Encore là, le syndicat espère que le nouveau propriétaire sera en mesure de développer cette nouvelle production, si c'est celle-là qu'on doit retenir.

Dans chacun des cas que je connais, il y a des projets prometteurs, mais il y a des problèmes particuliers qui font que l'entreprise a besoin d'un coup de main pour cette transition. Je suis d'accord avec vous que le programme Partenariat technologique Canada ne répond pas à cela. Certaines entreprises, déjà mieux placées, utilisent ce programme pour se reconvertir, mais il faudrait une enveloppe à l'intérieur du programme pour aider à la reconversion des entreprises particulièrement vulnérables et dépendantes du marché militaire.

Donc, le programme actuel ne répond pas aux besoins des entreprises qui ne sont pas considérées comme des entreprises de haute technologie, qui sont en difficulté et qui voudraient se reconvertir ou se diversifier.

M. Massé: M. Paquette a donné les principaux arguments, mais je veux réaffirmer que nous ne sommes pas ici pour réclamer des subventions pour soutenir des entreprises moribondes. Nous croyons en ces entreprises. Nous croyons qu'elles ont un potentiel immense et qu'elles ont besoin d'un coup de main pour la commercialisation ou le développement d'un produit. Il y a beaucoup de potentiel.

À la FTQ, on est prêts à y travailler de très près avec le Fonds de solidarité. La politique du Fonds de solidarité n'est pas de subventionner l'entreprise, mais d'investir dans des entreprises qui peuvent se développer, qui peuvent exporter, qui peuvent créer de l'emploi. C'est dans ce sens-là qu'on fait nos interventions ce matin.

M. Bélanger: Ce n'est pas à nous de vous livrer la teneur de ces projets. Il faudrait poser la question aux entreprises elles-mêmes, qui les rendront publics au moment où elles le jugeront opportun. Peut-être pourraient-elles le faire à huis clos devant votre comité.

J'ouvre une petite parenthèse pour dire que notre vision de la technologie est un peu comme un accordéon. Il y a des périodes où on en a une vision large, d'autres où on en a une vision un peu plus étroite. Actuellement, on en a une vision un peu plus étroite.

.1100

J'ai assisté à des activités d'assemblage dans des entreprises qui fabriquent des munitions. Je vous assure qu'il y a là des activités de nature technologique qui sont tout à fait de pointe et qui permettent à ces entreprises de développer des expertises uniques qui peuvent être exploitées extrêmement efficacement dans le domaine commercial.

Quoi qu'il en soit, je pense qu'on peut respecter l'esprit du programme Partenariat technologique Canada sans y apporter quelque modification que ce soit. Le programme est ouvert à la reconversion. Il est juste d'affirmer qu'il y a là des ressources disponibles pour les entreprises qui seront en mesure de se qualifier en vertu des autres critères du programme. Vous avez sûrement été étonnés d'apprendre que plusieurs songeaient à transférer une partie de leur savoir technologique au domaine de l'environnement. Cela est tout à fait conforme aux objectifs que poursuit le ministère, notamment de favoriser un redéploiement de l'industrie canadienne.

[Traduction]

Mme Bonnie Brown: Ainsi, d'après ce que vous dites, il pourrait y avoir de nouveaux produits de technologie de pointe, notamment dans le domaine environnemental. Diriez-vous toutefois, de manière générale, que si les entreprises que vous représentez n'ont pas pu avoir accès aux fonds du Partenariat technologique Canada, c'est parce qu'elles ne répondent pas aux critères relatifs à la technologie de pointe? Vous avez parlé de navires, de tourisme, de navires de croisière et d'éventuels produits environnementaux, qui pourraient faire appel à la technologie de pointe, mais pas nécessairement. Est-ce là le principal critère qui fait obstacle pour les entreprises que vous représentez?

Le président: Pour plus de clarté, je crois que Mme Brown essaie de savoir s'il y a de ces entreprises qui ont présenté une proposition qui a été refusée.

Mme Bonnie Brown: Oui, c'est ça.

Le président: Est-ce bien là ce que vous nous dites?

[Français]

M. Paquette: Oui. Peut-être pas dans le cas de Partenariat technologique Canada, mais dans celui du PPIMD.

[Traduction]

Mme Bonnie Brown: Non. Nous savons ce que faisait le PPIMD, et nous savons que le PTC est différent. Vous dites que ce n'est pas suffisant. Ma question est donc la suivante: l'entreprise dont vous avez dit qu'elle aurait plein de nouveaux produits environnementaux techniques intéressants a-t-elle présenté une demande dans le cadre du PTC, demande qui a été refusée?

[Français]

M. Paquette: Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé dans le cadre de ce programme particulier, mais je sais qu'ils avaient fait des demandes dans le cadre du PPIMD, demandes qui ont été refusées. Yves travaille avec Expro et pourrait peut-être répondre avec plus d'actualité, mais dans les deux cas, notre problème était qu'elles n'était pas reconnues comme des entreprises de haute technologie. À cet égard, notre réalité n'est peut-être pas tout à fait la même que celle de la FTQ, qui est plus présente dans le secteur de la haute technologie.

[Traduction]

Le président: Je crois que Mme Brown veut que vous nous disiez clairement si l'entreprise en question avait examiné les possibilités de reconversion, avait élaboré un projet et avait présenté au PTC une demande qui a été refusée. Nous voudrions que cela soit consigné au compte rendu. Qui peut répondre à cette question?

[Français]

M. Bélanger: Je pourrais répondre. Oui, il y a des entreprises qui se sont fait dire par les fonctionnaires que leurs projets n'étaient pas recevables dans les temps actuels, pour la simple et bonne raison qu'elles évoluaient dans un secteur extérieur à ceux que veut prioriser le programme Partenariat technologique Canada.

Par contre, il y a une entreprise qui a obtenu du financement de Partenariat technologique Canada pour développer un produit d'application commerciale. Son constat - et cela est extrêmement intéressant - est que dans le fond...

[Traduction]

Le président: Excusez-moi, je dois vous interrompre, car je sais que Mme Brown va manquer de temps et qu'elle m'en voudra de l'empêcher de continuer sur sa lancée. Je crois que sa question portait sur Expro, qui constitue un bon exemple, et c'est d'ailleurs l'exemple que vous avez évoqué. L'entreprise a-t-elle présenté une demande qui a été refusée?

M. Bélanger: Non.

Le président: Bon. Continuez, madame Brown.

Mme Bonnie Brown: Vous avez parlé de certaines personnes qui avaient été refusées et vous étiez sur le point de me donner un exemple. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si l'on a dit à ces personnes que le financement leur serait sans doute refusé parce que leur produit ne faisait pas suffisamment appel à la technologie de pointe. Est-ce là le critère qui fait obstacle à l'obtention du financement?

.1105

[Français]

M. Bélanger: Il me serait très difficile de répondre à cette question sans trahir la confidentialité de mes relations avec les entreprises en question. Je préférerais que vous leur posiez la question vous-même. Elles seront alors en mesure de vous répondre et de vous faire part de leur analyse de la situation.

Je vous ai quand même dit qu'il y en avait une qui avait obtenu du financement. Il me semble important de signaler que cette entreprise est arrivée à la conclusion que cette aide qui lui avait été consentie n'était pas tout à fait celle dont elle aurait eu besoin pour que son produit puisse donner des résultats commerciaux assez rapidement pour lui permettre de récupérer la mise de fonds. Donc, il faut adapter le programme existant. Il n'y a aucun doute là-dessus.

M. Massé: À la FTQ, on voudrait dépasser ce stade-là. Ce matin, on vous présente le point de vue syndical, et non un point de vue déconnecté de la réalité. On a les deux pieds dedans depuis une dizaine d'année. On a connu des pertes d'emplois un peu partout dans nos entreprises. Les agents syndicaux locaux sont là au jour le jour, semaine après semaine. Ils travaillent sur ce dossier au sein des comités paritaires au niveau de l'entreprise. Ils travaillent avec nous à la FTQ, et c'est la même chose dans les autres organisations syndicales. Ils essayent de développer des instruments parce qu'il y a du potentiel dans ces entreprises, ainsi que de la haute technologie, du savoir-faire, de la recherche et du développement qui sont plus avancés que dans l'ensemble des entreprises, au Québec ou ailleurs. Il faut aussi développer une culture qui permettra de pousser un peu les entreprises et de les aider à reconnaître leur potentiel.

Comme je vous le disais plus tôt, c'est inégal. Une ou deux entreprises au Québec suffiraient à vider le fonds. On veut que l'ensemble les entreprises puissent y participer. Dans certains cas, il faudra, par l'entremise d'un comité de main-d'oeuvre et d'autres projets, les aider à présenter leurs projets. Il y a beaucoup de potentiel, mais il est mal exploité. C'est pour cela que je reviens toujours à l'idée d'un fonds dédié.

[Traduction]

Le président: Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je vais moi-même poser une question. Je n'ai jamais l'occasion d'en poser.

Je suis vraiment très intéressé, monsieur Massé, par l'exemple que vous avez donné. Je crois vous avoir entendu dire que nous devons agir au niveau local. Vous avez aussi parlé de la possibilité que les employés et le syndicat forment un partenariat avec l'entreprise afin qu'ils aient aussi leur mot à dire et qu'ils puissent peut-être amener l'entreprise à envisager la reconversion et à examiner des propositions en ce sens. Cela m'intéresserait beaucoup de savoir s'il y a d'autres entreprises comme Expro, celle dont vous avez parlé, où vous essayez de former un partenariat tripartite. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet et nous donner peut-être l'exemple d'une autre entreprise comme celle dont vous nous avez parlé?

[Français]

M. Paquette: Je vous donne une modalité qui, dans le cas d'Expro, s'est avérée pertinente pour les travailleurs et travailleuses. Dans ma présentation, j'ai énuméré les conclusions auxquelles on était arrivés. Une chose est très claire: les entreprises qui veulent se reconvertir doivent revoir leur organisation du travail et leurs relations de travail. Dans le cas de la MIL Lauzon, on a eu une révision complète des relations de travail dans le cadre de la relance de l'entreprise. Vous pourrez voir les conclusions dans le mémoire.

On ne peut envisager une reconversion qui soit réussie sans revoir l'ensemble de l'organisation du travail, des façons de faire dans l'entreprise, tant au niveau de la gestion que de la production horaire. C'est la constatation qu'on a faite, et pas simplement dans le secteur des entreprises qui ont besoin de se reconvertir. À notre avis, c'est un problème qui existe dans beaucoup de nos entreprises, où l'organisation du travail est trop hiérarchique et ne responsabilise pas assez les travailleurs et les travailleuses.

.1110

Vous pourrez retrouver dans le mémoire sept à huit conditions de succès pour la reconversion. Du point de vue syndical, comme Henri l'a signalé, on travaille à cela. Cependant, ce n'est pas nous qui possédons les entreprises à 100 p. 100, et on doit travailler avec une volonté de la part des propriétaires des entreprises de se reconvertir et de développer leurs entreprises. Quand il n'y a pas cela, la survie de l'entreprise est problématique.

[Traduction]

Le président: C'est pour cette raison que j'ai posé la question. Je serais très curieux de savoir si vous pourriez nous donner deux ou trois exemples au Québec à part MIL Davie et les chantiers maritimes, car le secteur de la construction navale constitue un cas particulier dans tout le Canada, puisqu'il a sans doute perdu entre le quart et le cinquième de sa main-d'oeuvre après les changements profonds qui ont marqué les transports et la navigation commerciale en particulier. Vous avez évoqué l'exemple d'Expro, et je vous serais très reconnaissant si vous pouviez me donner un autre exemple de ce genre. Vous n'avez pas besoin de le faire aujourd'hui; vous pourriez déposer l'information auprès de la greffière.

[Français]

M. Paquette: On a énormément de documentation sur la réorganisation du travail dans les entreprises, que ce soit dans le papier, la métallurgie ou le commerce. Je pourrai la faire parvenir au comité. C'est pour nous une condition essentielle à la réussite d'une reconversion d'entreprise.

[Traduction]

Le président: Voyez-vous, il ressort très clairement des propos que nous avons entendus de la part d'autres témoins et des lettres que nous avons reçues que les entreprises qui étaient désireuses de changer et qui étaient tournées vers l'avenir ont travaillé à l'élaboration de divers projets afin d'assurer la reconversion de leur capacité militaire à des fins commerciales. Il y a, de l'autre côté, les entreprises qui ont refusé de changer malgré les avertissements de leurs employés et des représentants de la collectivité qui leur disaient qu'elles se condamnaient ainsi à une activité de plus en plus réduite. Voilà où nous en sommes maintenant.

[Français]

M. Paquette: Je vais aussi vous faire parvenir un document sur l'historique d'Expro, qui est pour nous exemplaire. Notre vice-président, Marc Laviolette, qui était président du syndicat auparavant, a écrit un texte et je le ferai parvenir au comité.

M. Massé: À la FTQ, nous avons une vingtaine de syndicats locaux dans le secteur de la défense. Dans l'ensemble des syndicats, on tente de travailler conjointement avec les employeurs pour revoir l'ensemble de la réorganisation du travail, mais aussi cette nouvelle politique de reconversion ou de diversification. Yves pourrait peut-être vous donner quelques exemples plus précis. Entre autres, il y a Technologies industrielles SNC, où il y a eu beaucoup de travail, et d'autres entreprises qui sont syndiquées avec la FTQ. On est en train de raffermir nos politiques à cet égard et on soutient nos syndicats de la base. On essaie d'élaborer des politiques plus globales. Même si c'est inégal, il commence à y avoir une bonne collaboration de la part des entreprises en général.

Yves pourrait vous citer quelques exemples.

M. Bélanger: Pour mettre les choses en perspective, Expro, dans le domaine de la défense, est un cas unique au Canada. C'est une entreprise dans laquelle les travailleurs ont une participation directe; ils siègent au conseil d'administration. C'est vraiment un cas exceptionnel. Mais il y a toutes sortes de formes de participation qui ont émergé dans plusieurs entreprises.

On vient de faire allusion à Technologies industrielles SNC, qui s'est donné un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre en vue de la diversification. Ce comité est arrivé au terme de son travail, et l'entreprise a jugé l'opération suffisamment intéressante pour enchaîner avec un comité patronal-syndical qui ne sera pas financé comme les CAMO traditionnels; il n'y aura pas de participation des gouvernements provincial et fédéral. Ils vont faire cela avec les fonds de l'entreprise elle-même. L'entreprise a jugé cela suffisamment intéressant pour poursuivre l'expérience et continuer de travailler à chercher des produits de diversification avec ses employés. Elle en a déjà identifié.

.1115

Chez Peacock, c'est la même chose. Actuellement, au Québec, il y a une collaboration entre l'employeur et le syndicat. Cela présente un intérêt évident. Je pourrais vous citer plusieurs cas. La culture des relations de travail est en train de se transformer au Québec. Bien évidemment, cela influence les entreprises du secteur de la défense et fait que des ouvertures comme celles qu'on vient de vous mentionner peuvent se faire.

[Traduction]

Le président: Je suis à même d'apprécier ce que vous dites, ayant moi-même travaillé en entreprise. C'est pourquoi j'ai voulu à tout le moins avoir la possibilité de poser ces questions. Je voudrais, pour ma part, pouvoir visiter de ces entreprises, surtout celles où le patronat et le syndicat travaillent ensemble et préparent non seulement l'avenir immédiat, mais aussi les quatre, cinq, voire dix prochaines années. J'apprécie donc vos observations.

Je reviens maintenant à M. Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Monsieur le président, au cours de ses travaux futurs, le comité devra organiser une visite d'un certain nombre d'industries. Je suis convaincu que cela serait profitable à l'ensemble des membres du comité.

Cela étant dit, il ne faut pas que l'on dérape. Il ne faudrait pas que nos témoins pensent que le problème est qu'ils n'ont pas fait de demandes au programme Partenariat technologique Canada. Le sous-ministre nous a confirmé que trois entreprises avaient fait des demandes. On peut très bien savoir lesquelles, puisque ce sont des fonds publics.

En réalité, le programme Partenariat technologique Canada n'est pas adapté au soutien à la reconversion. C'est la réalité de base. Je ne dis pas que c'est de propos délibéré et je ne fais pas un procès d'intention à qui que ce soit, mais je ne voudrais pas que l'on donne à penser que la difficulté est que les entreprises du Québec n'ont pas été assez vigilantes et n'ont pas fait de demandes.

Est-ce que je me trompe en pensant qu'il y a trois grandes préoccupations qu'il faut avoir à l'esprit quand on veut avoir un véritable programme d'aide à la reconversion? Je sais queMme Brown croit, comme moi, à la nécessité de donner des outils concrets aux gens qui veulent opérer la reconversion.

La première est qu'il faut avoir de l'information sur la façon dont évolue le marché de la défense. Cela n'existe pas en ce moment. Les entreprises n'ont pas de lieu unique d'information sur les différentes occasions qui vont se présenter. Une fois que vous aurez identifié des occasions, il faudra qu'il y ait un produit, et la façon dont ce produit va être géré devra être respectueuse de l'expertise déjà existante, des qualifications des travailleurs et des travailleuses et de la possibilité de commercialiser ce produit.

Vous nous dites aussi qu'une fois qu'il y a un produit, on n'a pas toujours, sur le plan des habiletés administratives, l'aptitude à le commercialiser, et qu'on a besoin d'aide à cet égard. Cette aide concrète consiste en des études de marché.

Une fois qu'on connaît bien le marché de la défense, qu'on a saisi son évolution, qu'on a fait des liens entre ce qui se fait dans l'entreprise et les occasions sur le marché, la dernière étape, qui est la plus importante, est d'avoir la capacité de produire, mais on n'a pas toujours l'équipement nécessaire.

Pour convaincre notre président et Mme Brown qui, comme moi, sont de bonne foi, on pourrait inviter des gens de Partenariat technologique Canada à s'asseoir avec nous. Vous donnez dans votre mémoire des exemples très concrets d'entreprises qui doivent passer à travers ce processus de diversification et vous parlez de leurs besoins. Si, chemin faisant, on se rendait compte, de part et d'autre, que le programme Partenariat technologique Canada offre la possibilité de répondre à ces besoins, je serais le premier à en faire la promotion.

Ce n'est pas une question de partisanerie, mais je crois fondamentalement que le programme Partenariat technologique Canada ne peut pas répondre aux quatre besoins que vous avez identifiés, cela pour deux raisons. Le ministre a été très clair quand il a annoncé ce programme. Il a parlé de deux créneaux: la technologie de l'environnement et les nouvelles technologies de communication. Il y a 250 millions de dollars sur trois ans pour cela et il faut que ce soit en lien avec des marchés d'exportation. Il est normal pour un gouvernement de penser cela.

Est-ce que je me trompe en pensant que les entreprises des travailleurs que vous représentez n'en sont pas encore là et que vous ne pourrez pas faire ces quatre efforts?

M. Massé: C'est bien cela, et je voudrais vous répondre au moyen d'un exemple. Je ne pourrai nommer l'entreprise, mais je puis vous dire qu'il s'agit d'une expérience de diversification qui est en train de se faire dans une entreprise ayant un syndicat FTQ. Ils ont d'abord été obligés d'embaucher des spécialistes qui connaissaient un peu le marché international pour voir quels produits pouvaient se raccrocher à ceux qu'ils faisaient auparavant. Ils ont été obligés de faire cette démarche avec leurs propres moyens et avec peu de ressources.

.1120

Le reste de l'exercice consiste à se demander ce qui est logique, ce qui est réaliste et où on peut aller exactement avec cela. C'est en train de se faire, mais avec des moyens très limités. On revient aux quatre points que vous venez de nommer et aux veilles technologiques. Je pense que c'est là qu'on est capable de développer des outils qui seront beaucoup plus performants.

La volonté est là, mais le soutien manque. Encore une fois, si on pouvait avoir un fonds dédié, il serait possible d'éviter de noyer le poisson dans l'ensemble de la grande industrie. On serait capable d'avoir des dossiers beaucoup plus précis, beaucoup plus cernés, et on est convaincus que cela ferait avancer passablement le dossier.

M. Bélanger: Il existe peut-être une fausse impression en ce qui a trait aux entreprises de défense, en particulier celles qui évoluent sur le territoire québécois. Ces entreprises, pour la plupart, n'ont pas pour mission unique de servir le gouvernement canadien ou l'Armée canadienne. La plupart sont des entreprises très actives au plan des exportations. Expro, qu'on mentionnait plus tôt, n'est pas du tout une entreprise reliée au marché canadien. Expro a vécu, depuis pratiquement sa fondation, presque uniquement des exportations.

C'est la même chose maintenant chez Technologies industrielles SNC. On leur a dit qu'ils devaient se tourner vers les exportations. On a réussi ce tour de force en pénétrant le marché des exportations. Ce serait une erreur que de faire une corrélation entre la défense et... Forcément, on se met dans une situation de dépendance. Il ne sert à rien d'appuyer des entreprises qui servent à peu de chose, parce que le marché intérieur canadien est limité, mais ce n'est pas le cas ici. Ce sont des entreprises qui peuvent contribuer à élargir les horizons des exportations canadiennes et qui peuvent contribuer très activement à créer de nouveaux emplois.

M. Réal Ménard: Je voudrais poser deux dernières questions, si vous me le permettez. Il existe un consensus au Québec. Vous êtes des gens du milieu syndical, mais je ne crois pas me tromper en disant qu'il y a quelques années - le professeur Bélanger saurait mieux que moi donner la date précise - , la CUM, la Ville de Montréal, le gouvernement du Québec, les syndicats et des représentants du ministère de l'Industrie du Canada se sont assis autour d'une même table et ont identifié le diagnostic que vous posez ce matin; c'est-à-dire que si rien n'est fait pour le Québec, il va s'y perdre entre 4 000 et 10 000 emplois. On était, je crois, plus près de 10 000 que de 4 000.

C'était un premier consensus, et vous sonnez l'alarme ce matin en disant qu'il doit y avoir un fonds dédié. Ce n'est pas simplement le milieu syndical qui tient ce discours. Si on avait devant nous des gens de la Ville de Montréal, de la CUM et du ministère de l'Industrie, le discours serait le même. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Paquette: On a même fait une conférence de presse conjointement avec tous les représentants que vous venez de nommer. Je ne me rappelle pas, cependant, qu'il y ait eu quelqu'un du gouvernement fédéral.

M. Réal Ménard: N'y avait-il pas quelqu'un du ministère de l'Industrie du Québec?

M. Paquette: Du Québec, oui, mais pas du fédéral, je crois. Yves s'en souvient peut-être.

M. Bélanger: Il y avait des gens de la Ville de Montréal, de la Communauté urbaine de Montréal, du Bureau fédéral de développement régional (Québec), du ministère de l'Industrie et du Commerce, qui ont appuyé une étude et déposé un rapport en 1992, lequel a précédé de quelques mois la tenue des audiences du sous-comité auquel j'ai fait allusion plus tôt dans ma présentation.

M. Réal Ménard: D'accord.

M. Massé: La majorité des entreprises appuient cela aussi. Comme je le disais plus tôt, il y a quelques entreprises qui n'ont pas besoin de cela. C'est là qu'il faut être vigilant.

M. Réal Ménard: Une dernière courte question, si vous me le permettez.

[Traduction]

Le président: Non.

M. Ménard veut toujours poser une petite question, puis une autre, puis encore une autre. Nous devons toutefois alterner. Il nous reste encore beaucoup de temps.

Madame Brown.

Mme Bonnie Brown: Je crois comprendre ce que vous dites, mais j'ai toujours l'impression que les propos que j'entends témoignent d'un certain manque de réalisme. Vous avez parlé, par exemple, de ces propriétaires d'entreprises qui attendent le prochain gros contrat qui devrait arriver incessamment du ministère de la Défense nationale. Je ne peux pas m'imaginer qu'un propriétaire d'entreprise, après avoir vu les budgets de la défense faire peau de chagrin dans tous les pays du monde depuis 10 ou 15 ans, puisse s'attendre que son entreprise sera sauvée par un nouveau contrat de la défense. S'il y a une chose dont nous pouvons être sûrs... La situation n'est pas propre au Canada; il en est de même partout. Il en est de même pour ces produits militaires pour lesquels il existe, selon vous, un bon marché d'exportation. Ce marché fait aussi peau de chagrin.

Enfin, c'est tout le marché du matériel de défense, tant au Canada qu'à l'étranger, qui se resserre. Le fait est qu'il nous faut un nouveau type de produit.

.1125

Je n'arrive pas à comprendre comment on peut... Vous avez parlé de l'organisation du travail, des relations de travail. Or, il n'y aura plus de travailleurs à organiser et il n'y aura plus de relations de travail si nous n'avons pas de produits à vendre chez nous, ou encore chez nous et à l'étranger... il nous faut des produits compétitifs qui sont les meilleurs du monde. Autrement dit, il ne faut pas s'attendre à une injection de fonds de la part de l'État à moins d'une percée, d'une innovation, d'un produit nouveau dont les Canadiens voudraient à des fins commerciales, qui n'aurait rien à voir avec les fins militaires et qui pourrait aussi intéresser les civils d'autres pays. Nous devons renoncer à tout ce discours axé sur les exportations de matériel de défense, pour nous engager de plain-pied dans l'ère de la compétitivité et offrir des produits qui soient les meilleurs du monde.

Nous avons vu cette semaine la nouvelle au sujet de cette pile à hydrogène qu'utilise une entreprise d'autocar, de la Colombie-Britannique. Daimler-Benz a aussitôt conclu un partenariat officiel avec l'entreprise, et la société Ford a aussi emboîté le pas pas plus tard qu'hier, parce qu'il s'agit d'une innovation. Voilà le genre de produit pour lequel on pourra obtenir une aide financière de l'État, car il s'agit d'une percée scientifique, et c'est la première fois qu'on utilise quelque chose de ce genre au Canada.

J'ai donc l'impression que les propos que j'entends ici aujourd'hui reflètent le passé et qu'ils reflètent en tout cas la réalité actuelle, qui ne semble pas très prometteuse, mais je ne vous entends guère parler de l'avenir et des produits de l'avenir à moins d'une participation de l'État. Il me semble que le gouvernement appuie les entreprises qui ont déjà cette capacité d'innovation, par opposition à celles qui espèrent obtenir de l'aide pour se doter d'une telle capacité.

[Français]

M. Massé: Je pense qu'on s'est mal compris ou qu'on s'est mal expliqué. Je suis parfaitement à l'aise devant les énoncés que vous venez de faire. C'est un peu cela qu'on vous a dit ce matin. On a une industrie qui a un potentiel au niveau de la haute technologie et au niveau de la recherche et du développement, une industrie qui, à partir de programmes de recherche et de développement au niveau de matériel de la défense, produit des produits de consommation fort importants pour le civil qu'on est capables d'exporter et de vendre à l'intérieur.

On essaie de vous faire comprendre ce matin qu'il faut créer des conditions pour faciliter ceci. On a mené plusieurs opérations de réorganisation du travail et de redressement d'entreprise par l'entreprise des comités d'adaptation de la main-d'oeuvre, les CAMO, et on a réussi. On pense qu'on a un potentiel immense au niveau des entreprises de la défense au Québec. Ce potentiel peut devenir encore plus grand si on a un petit coup de pouce, non en termes de subventions, mais en termes de soutien aux entreprises et aux partenariats.

Il y a certaines recherches technologiques qui mettent un peu plus de temps que d'autres à percer. On peut les étouffer rapidement si on le veut. Si on donne une chance seulement aux grands de ce monde, les autres ne réussiront pas. Il faut parfois un peu de soutien. On a vu plusieurs petites ou moyennes entreprises mettre quelques années à développer des technologies. Avec un peu de soutien, elles ont par la suite été capables de faire face à la concurrence de façon phénoménale. C'est ce qu'on est en train de vous dire.

M. Paquette: J'aimerais ajouter, avant de conclure, que les 11 millions de dollars par année sur cinq ans qu'on vous demande pour nous appuyer dans nos efforts en vue de maintenir et de développer l'emploi dans ce secteur, ce n'est pas une aide qui serait disproportionnée par rapport à la coresponsabilité du gouvernement fédéral. La culture que vous dénoncez et qu'on dénonce a été créée en grande partie par le gouvernement fédéral et la façon dont le ministère de la Défense nationale a agi.

.1130

Je suis surpris de voir que, malgré les efforts qu'on fait depuis de nombreuses années, dès qu'il y a une annonce de contrat dans l'air, le comportement des dirigeants de certaines entreprises - je ne voudrais pas les mettre toutes dans le même panier - change complètement. Le discours est toujours celui de la diversification, mais l'effort conscient n'est pas là. Ceux qui ont vraiment conscience de la nécessité de se diversifier et d'aller vers les productions civiles sont ceux qui ont peur de perdre leur emploi. Ce sont nos membres.

C'est une carte de plus qu'on pourra utiliser face à nos employeurs. On pourra leur dire qu'il y a des programmes de disponibles pour travailler sérieusement et qu'on est prêts à s'asseoir avec eux pour travailler sérieusement. Le Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre serait extrêmement important pour maintenir cette sensibilité à laquelle vous faites allusion. Dans le cas d'Expro, il y a un potentiel au niveau civil aux États-Unis. Actuellement, il y a une espèce d'engouement pour le tir amateur, mais on ne connaît pas ce marché. Une de nos difficultés est de convaincre les propriétaires de l'entreprise d'étudier sérieusement le potentiel que peut présenter ce marché.

Pour le moment, ils y vont, mais un peu en amateurs, et on est inquiets de l'avenir de cette possibilité, qui est bien réelle. Je pourrais vous nommer toute une série d'autres entreprises qui ont du potentiel, mais on craint toujours qu'à cause de transferts de propriété ou de l'annonce d'un contrat, ces efforts soient plus théoriques que réels. En ce sens, comme le disait avec raison Henri, nous demandons un petit coup de pouce au gouvernement fédéral pour travailler dans le sens dont vous parlez.

[Traduction]

Le président: Avant de céder la parole à M. Ménard, je voudrais simplement ajouter que nos délégations commerciales offrent beaucoup d'information et que le Programme Strategis du ministère de l'Industrie, qui ne cesse de s'améliorer jour après jour depuis sa création il y a de cela un an et demi, fait un excellent travail pour ce qui est de fournir toute cette information. On peut tout trouver sur Internet. Des centaines de milliers de documents y sont disponibles.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Je crois que M. Bélanger avait un court commentaire à faire.

M. Bélanger: Je vais être très concret dans le cas d'Expro, au risque de me faire engueuler plus tard. Vous savez qu'en milieu académique, on se permet parfois des libertés...

M. Réal Ménard: ...que bientôt d'autres vont se permettre.

M. Bélanger: ...avec lesquelles on vit. Expro s'est demandé, il y a plusieurs années, ce qu'elle allait devenir et a entamé une étude sur ce que faisaient ses concurrents. C'était un bon réflexe. Elle s'est dit qu'il y avait une vingtaine de poudrières sur la planète et s'est demandé ce qu'elles faisaient. Elles faisaient face aux mêmes problèmes que nous, et on a repéré quatre secteurs où ces entreprises essayaient essentiellement de se diversifier, soit les produits chimiques de spécialité, les sacs gonflables, les munitions commerciales et le traitement des produits environnementaux.

On a regardé chacun de ces marchés pour repérer le potentiel qui pouvait s'offrir à Expro en Amérique du Nord. Un secteur qui nous est apparu particulièrement prometteur pour l'avenir était le domaine environnemental. Qu'est-ce qu'une entreprise comme Expro peut venir faire dans un domaine comme l'environnement?

Elle possède une main-d'oeuvre qui est habituée à manipuler des matières dangereuses; il n'y a rien de plus dangereux au monde que des explosifs. Elle est habituée à suivre des procédures extrêmement rigoureuses. Par ailleurs, cette entreprise possède un terrain immense; elle a également accès à des bâtiments qui sont inutilisés. On s'est dit qu'il serait peut-être possible d'exploiter ce potentiel dans le domaine environnemental. Pour l'instant, on en est là. Je ne sais pas si cela répond bien à votre question, mais cela vous donne peut-être une idée un peu plus concrète de ce qu'il est possible de faire.

Vous savez, les entreprises ne sont pas toujours des entreprises du passé, mais on les perçoit souvent ainsi. Cela dépend inévitablement du point de vue qui est le nôtre ou de l'analyse qu'on en fait.

M. Réal Ménard: Je réitère deux choses avant de poser ma question. J'espère que le comité ira visiter les entreprises. On pourrait très bien aller passer un après-midi à visiter des entreprises afin de voir la réalité concrète des travailleurs. J'espère aussi qu'on pourra s'asseoir avec le sous-ministre, qui a démontré énormément de bonne foi, avec des travailleurs et des représentants des employeurs et des syndicats pour s'assurer que le programme Partenariat technologique Canada devienne le véhicule que vous souhaitez qu'il soit. Tout le monde est prêt à travailler vers cette transition. L'important est le résultat et que les sommes d'argent soient disponibles.

.1135

Pour que ce soit très clair dans l'esprit de tous les membres du comité, je voudrais revenir à la page 58 de votre mémoire. Vous voulez qu'il y ait un fonds dédié. On parle d'un fonds du même ordre de grandeur que ce qui avait été proposé il y a quelques années. Vous n'avez pas tenu compte de l'inflation, parce que je me rappelle très bien que le CADIM, le Centre d'aide à la diversification de l'industrie militaire, proposait exactement les mêmes montants.

À la page 58 du mémoire, on ventile un peu les montants dont on a besoin. Je voudrais qu'à partir de cette ventilation, on voie bien la rationalité qu'il y a derrière votre démarche. Vous dites d'abord qu'il faut fournir de l'information sur le marché de la défense et mettre en place une veille technologique axée sur les occasions de diversification. Cela nécessiterait un million de dollars. Dois-je comprendre que c'est, dans le fond, une opération de surveillance du marché de la défense? Avez-vous des précisions à apporter sur le terme «veille technologique»?

M. Bélanger: Oui. Il y a plusieurs veilles technologiques qui existent dans différents secteurs d'activités. Il y en a une, entre autres, qui est très active dans le domaine de l'agroalimentaire au Québec. Elle a pour objet de donner accès aux outils qui permettent de savoir ce que font les concurrents, de voir émerger les nouveaux produits, et éventuellement d'être informé sur les occasions d'affaires qui peuvent se présenter. C'est essentiellement ce qui est visé.

M. Réal Ménard: Le deuxième point, pour lequel 4 millions de dollars devraient être réservés, est de financer des études de faisabilité, des études de marché et des projets d'aide technique. Que pouvez-vous nous dire sur ce deuxième point?

M. Bélanger: C'est une pierre d'achoppement qui s'est présentée dans plusieurs entreprises jusqu'à maintenant. D'ailleurs, certaines ont fait appel au Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre pour essayer de contourner cet obstacle, avec plus ou moins de succès, parce que la structure est parfois un petit peu lourde.

Il s'agit donc d'avoir les ressources nécessaires pour tester la faisabilité d'un certain nombre de produits ou de certains produits spécifiques qui sont préalablement identifiés comme étant des avenues réalistes et susceptibles de donner des résultats au niveau de la production de l'entreprise.

M. Massé: L'une des faiblesses de l'industrie de la défense est la commercialisation des produits. Il s'agit souvent de très bons produits. Il très important d'avoir un bon produit, mais si on n'est pas capable de l'écouler, cela pose un autre problème.

M. Paquette: Les possibilités de financement sont aussi beaucoup liées à la qualité des dossiers à cette étape-là.

M. Réal Ménard: J'en mesure pleinement l'importance. Est-ce que je me trompe en pensant que pour le PPIMD, il y avait quatre volets, dont l'un, qui n'était pas très substantiel, était réservé aux études de marché? Le PPIMD, dans les bonnes années, a obtenu 300 millions de dollars. Cela a toujours été la partie congruente. Cependant, je ne crois pas que le programme Partenariat technologique Canada comporte un budget pour les études de marché. On comprend bien l'importance des études de marché pour arriver à un vrai produit.

Le troisième point est beaucoup plus important: soutenir des activités de recherche et de développement vouées spécifiquement à la reconversion. Il ne s'agit pas simplement d'études de marché, mais véritablement de recherche industrielle.

M. Bélanger: On parle surtout de développement dans ce cas-ci. Vous comprendrez que si vous financez de la recherche avec 25 millions de dollars, vous risquez de faire très peu de distance. On parle surtout de développement, parce qu'il existe des possibilités d'achat de brevets et d'adaptations nécessaires pour que des produits puissent être mis en production dans l'entreprise. Actuellement, on a au moins trois cas où il a fallu adapter le produit à l'infrastructure de l'entreprise. Donc, c'est surtout pour financer ce type d'activités.

M. Réal Ménard: Il est important que les membres du comité comprennent bien la séquence dans laquelle vous voulez intervenir avec les 55 millions de dollars. Le dernier point est aussi important que le troisième. C'est véritablement lié aux technologies de production. C'est bien cela?

M. Bélanger: Oui.

M. Réal Ménard: Parfait. Donc, c'est une recommandation claire, et j'espère bien que le comité la fera sienne au moment où il déposera son rapport. Une somme de 55 millions de dollars n'a rien de déraisonnable quand on pense à ce qui est consenti pour créer d'autres types d'emploi. Par exemple, dans le cadre du Fonds transitoire pour la création d'emplois, je vois régulièrement passer des projets dans lesquels sont investis 10, 15 ou 25 millions de dollars et qui créent de 100 à 150 emplois. Ici on parle de la possibilité de maintenir jusqu'à 9 000 emplois. Je ne crois pas qu'il soit déraisonnable de demander au gouvernement d'investir 55 millions de dollars. Cela termine les questions que je voulais adresser aux témoins.

.1140

M. Massé: Pour la question des visites, si cela intéresse le comité, on va organiser cela très rapidement. Vous pourrez rencontrer des spécialistes qui sont sur le terrain, qui ont les deux pieds dedans, qui pourront répondre à plusieurs de vos questions de façon beaucoup plus compétente qu'on ne l'a fait, parce qu'ils sont dedans.

M. Paquette: On serait tout à fait disposés à ce que le comité visite des entreprises, et on aimerait aussi vous montrer les ressources que la FTQ et la CSN mettent à la disposition de leurs syndicats dans le cadre de ces travaux. Comme Henri l'a mentionné, on travaille à cela depuis plus d'une dizaine d'années, ce qui est quand même assez innovateur. On n'a pas attendu que le problème nous tombe dessus. Même s'il nous tombe dessus maintenant, on a cherché à prévenir. Il serait intéressant que vous voyiez un peu les ressources qu'on met à la disposition de nos syndicats pour qu'ils travaillent à même leurs propres cotisations.

[Traduction]

Le président: Je tiens à vous remercier pour votre témoignage.

Nous devons entendre encore beaucoup de témoins avant de passer à l'étape suivante. À cause de l'horaire très chargé du Comité de l'industrie, notre comité a dû aussi modifier le sien. Il nous reste un certain nombre de témoins à entendre. Nous nous devons d'entendre toutes les parties et d'entendre aussi les représentants de quelques autres ministères.

Il convient de signaler que le Canada a un des meilleurs crédits d'impôt pour la R-D. C'est le meilleur crédit d'impôt qui existe dans les pays du G-7. Le travail que nous avons déjà fait à ce sujet au Comité de l'industrie nous a permis de nous en rendre compte. Les travaux d'un autre sous-comité ont conduit à l'accroissement des fonds consacrés à la R-D. Pour ne pas mettreM. Bélanger dans l'embarras plus qu'il ne l'est déjà à cause de ce qu'il nous a dit au sujet d'Expro, monsieur Ménard, vous pourriez peut-être nous obtenir le CD-ROM du ministère de l'Industrie sur l'environnement. Le CD-ROM vient tout juste d'être publié. Il est vraiment excellent. J'en ai acheté un pour mon usage personnel. C'est un outil formidable.

Les observations que vous nous avez faites ont été très utiles. Je suis très intéressé par ce que vous avez dit au sujet des entreprises qui doivent former des partenariats avec des comités locaux et tenter de préparer l'avenir. Je tiens donc à vous remercier beaucoup. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer et de témoigner devant nous aujourd'hui.

La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;