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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 19 février 1997

.1539

[Français]

Le président: À l'ordre! Nous avons quorum et les témoins sont ici.

[Traduction]

Nous recevons aujourd'hui plusieurs témoins très réputés. M. Simon Potter, avocat du cabinet Ogilvy, Renault; de l'Université de Toronto, le professeur Robert Howse; et du Centre d'étude en administration internationale, l'École des hautes études commerciales, M. Guy Stanley, conseiller principal.

On m'a dit qu'ici je dois inviter M. Potter à prendre la parole le premier.

M. Simon V. Potter (avocat, Ogilvy, Renault): Merci beaucoup, monsieur le président.

.1540

[Français]

Je livrerai mes remarques en anglais, mais j'invite les membres du comité à me poser n'importe quelle question en français. Je tenterai d'y répondre dans cette langue.

[Traduction]

J'ai préparé quelques notes à l'intention de votre comité, monsieur le président. Puisque je les ai fait distribuer, je me propose de ne pas les suivre très religieusement. J'espère ne pas trop vous embrouiller, mais je préférerais que l'on m'écoute plutôt que de lire ces notes.

Je sais que votre sous-comité est chargé d'examiner les ententes commerciales, en particulier l'ALENA, dans le contexte, entre autres, de la souveraineté. Je suis heureux de commencer car je peux me permettre de faire quelques observations générales et de laisser des gens plus expérimentés sur la question vous donner plus de détails.

Je crois qu'il faut dire à ce sujet que nos idées traditionnelles en matière de souveraineté deviennent un peu dépassées, déclassées; ce sont des idées anciennes. Il nous faut oublier ce que le terme de souveraineté évoquait d'habitude dans nos esprits et considérer la souveraineté différemment, en particulier dans le contexte des ententes commerciales. Je ne dis pas cela à la légère, car quel domaine ne touche pas au commerce? Tous les domaines y sont plus ou moins rattachés. Il est donc préférable de considérer cette question de souveraineté avec un regard réaliste et froid adapté au XXe siècle plutôt qu'au XVIIIe siècle.

Je dirais que la façon de considérer la souveraineté, terme tellement chargé qu'il n'est peut-être pas bien choisi, dans le contexte du commerce international, est de se dire que ce que nous essayons de faire, c'est de considérer la marge de manoeuvre d'un pays, la liberté de manoeuvre d'un pays dans les domaines commerciaux. Qu'est-ce que la souveraineté dans ce domaine? Je crois que l'on peut dire que c'est essentiellement le pouvoir de signer un traité et le pouvoir de le rompre ou de l'abroger.

Certes, un pays pour lequel l'émotion n'est pas le principal moteur tiendra compte du prix à payer pour rompre ce traité. Cela nous amène à la question de savoir ce qu'il en coûte de signer d'abord le traité ou de ne pas le signer. Si l'on considère les choses sous cet angle, je pense qu'on en arrive à la conclusion que pour le Canada, le prix à payer pour ne pas signer un contrat particulier pourrait être très différent de celui qu'un pays comme les États-Unis pourrait avoir à payer, par exemple.

Il ne faut pas oublier non plus que cette souveraineté, ou cette marge de manoeuvre que nous recherchons est très différente selon la perspective envisagée. Pour un observateur canadien, nous savons que l'intérêt est la protection culturelle, la protection d'une certaine culture canadienne ou les limites à la prise de contrôle étrangère, qu'il s'agisse du secteur pétrolier, du secteur bancaire ou du secteur des télécommunications.

Il est intéressant que tout récemment, le Canada ait convenu de signer une nouvelle entente dans le cadre de l'OMC qui imposera en fait des règles différentes pour la propriété étrangère des compagnies de téléphone d'une part et, des compagnies de télédistribution, d'autre part. Il s'agissait évidemment de limiter notre marge de manoeuvre, notre souveraineté, dans un domaine à un degré différent de ce que nous avions fait dans un autre. Au Canada, nous avons également parlé de services de santé, d'eau; nous voulons maintenir notre souveraineté, notre marge de manoeuvre, sur ces différents éléments.

Si nous étions américains, nous considérerions cette question de souveraineté tout à fait différemment. Pour les États-Unis, la souveraineté consiste simplement à protéger l'intérêt national, à faire ce qu'il faut pour défendre l'intérêt national, et considérer l'intérêt national de ce point de vue revient à ne pas admettre que quoi que ce soit ne soit pas commercial. Nous constatons aussi que, pour les États-Unis, il est très difficile de comprendre qu'un traité puisse les empêcher d'adopter la loi Helms-Burton.

Cela dit, considérons l'ALENA et l'OMC. Ici, mes amis ne seront peut-être pas d'accord avec moi, mais je crois que l'élément le plus important de l'ALENA pour le Canada est le système de règlement des différends qui met tout d'un coup le Canada au même niveau que les États-Unis et nous permet d'insister pour que soient respectées certaines règles. C'est-à-dire que le Canada a convenu de voir limiter sa marge de manoeuvre mais, cela, seulement en échange d'une limitation réelle de la marge de manoeuvre des États-Unis.

.1545

Pour revenir à la question du prix, que j'ai soulevée tout à l'heure, je dirais que le Canada a beaucoup plus gagné que les États-Unis. La marge de manoeuvre du Canada était de toute façon limitée parce qu'il se trouve qu'il vit à côté d'un éléphant et les États-Unis ont fait une concession énorme en convenant d'être liés par un système reposant sur des règles.

Qu'a fait l'ALENA pour nous dans les domaines où le Canada juge que la souveraineté est importante? L'ALENA ne contient que des mesures symboliques pour la protection de la culture au Canada. Il est vrai qu'il y a des dispositions de l'ALENA qui permettent au Canada de prendre des mesures pour protéger sa culture, mais la contrepartie est que les États-Unis peuvent de leur côté prendre des mesures équivalentes en représailles. C'est quelque chose que les États-Unis auraient pu faire de toute façon. C'est pourquoi j'estime que c'est simplement symbolique.

Nous avons également des ententes secondaires dans l'ALENA, que nous avons décidé de poursuivre pour des raisons politiques. Nous pouvons dire ce que nous voulons à propos de ces ententes - elles peuvent être bonnes, mauvaises, justes - mais il faut reconnaître qu'elles ont limité notre marge de manoeuvre dans les domaines de la main-d'oeuvre et de l'environnement. Peut-être qu'il fallait le faire; je ne dis pas que c'était mal. Je dis simplement que nous avons convenu d'abandonner dans ce cas-là un certain élément de souveraineté.

En définitive, je pense que l'ALENA nous a aidés à développer le commerce canadien et à améliorer notre balance commerciale, mais nous allons devoir reconnaître que nous avons en effet abandonné une certaine marge de manoeuvre. N'avons-nous abandonné que le strict nécessaire pour obtenir les concessions recherchées?

C'est dans cette optique aussi que je considère l'OMC. Tout d'abord, il n'y a pas de protection culturelle dans le contexte de l'OMC. C'est la raison pour laquelle les États-Unis se sont adressés à l'OMC plutôt qu'à l'ALENA à propos des tirages dédoublés de Sports Illustrated. Nous avons obtenu un système de règlement des différends qui est tout d'un coup libéré de l'intrigue politique; c'est-à-dire que c'est beaucoup plus fondé sur des règles qu'autrefois dans le cadre du GATT. Je crois que cela nous a donné un bien meilleur accès aux marchés des autres signataires de l'OMC pour les produits canadiens.

Dans l'ensemble, monsieur le président, je conclus que nous ne devons pas voir la souveraineté comme quelque chose de bon ou de mauvais à protéger ou à abandonner. C'est simplement un fait.

Après tout, nous sommes devenus adultes pour pouvoir signer des contrats et à partir du moment où nous signons un contrat, nous savons que cela limite notre liberté. Prenez le contrat de mariage; il limite pas mal la liberté, pour le meilleur ou pour le pire, selon le point de vue d'où on se place. Nous devenons adultes afin de perdre notre liberté. C'est la réalité. Ce qu'il faut, c'est la perdre comme il faut et organiser nos vies convenablement. Cela signifie que nous devons abandonner notre marge de manoeuvre dans la mesure où d'autres abandonnent la leur, sachant que cela nous avantage.

Peut-être peut-on aussi prétendre qu'il est bon pour nous de simplement canaliser notre propre liberté. J'ai donné trois exemples dans mes notes. L'ALENA nous a obligés à adopter des règles d'achats publics pour les signataires de l'ALENA. Le Canada a décidé de le faire pour tout le monde et nous avons maintenant le Tribunal canadien du commerce extérieur qui examine les achats publics, ce qui à mon avis est bien pour tout le monde.

Afin de nous défendre devant les groupes spéciaux de l'ALENA, nous nous sommes également dotés de meilleures pratiques administratives devant divers tribunaux. C'est une bonne chose pour tout le monde. Comme nous étions tellement gênés de constater que les frontières entre le Canada et les États-Unis étaient moins rigides qu'entre les provinces, cela nous a poussés à signer une entente de commerce intérieure et je crois que c'est probablement bon pour tout le monde.

Certes, il y a du bon et du mauvais et j'ai mis dans mes notes à l'intention de votre comité, monsieur le président, certains compliments et certaines critiques concernant l'ALENA et l'OMC. De façon générale, ma conclusion est que dans l'ensemble le Canada s'en est remarquablement bien tiré compte tenu de son poids. Le Canada a réussi à faire adopter par ses partenaires commerciaux et le monde du commerce en général, un meilleur système basé sur des règles, ce qui est seulement bon pour le Canada, et il l'a fait en réussissant à ne faire que des concessions tout à fait raisonnables.

R.1550

Par exemple, monsieur Calder, la disparition progressive, plutôt que très soudaine, des quotas qui, très franchement, dans un monde réaliste devaient disparaître de toute façon un beau jour, est une bonne chose pour le Canada. C'est une concession qui a été bien gérée.

Maintenant qu'aurait-on pu faire de plus? Quelles sont les faiblesses? Je pense que l'entente avec le Chili montre la voie. Cette entente élimine simplement les règles antidumping entre les deux pays. Très franchement, même si je tire la moitié de mes revenus d'affaires antidumping, je crois qu'elles représentent un fardeau pour l'économie. Je me demande si nous ne pourrions pas nous montrer un peu plus imaginatifs pour nous débarrasser de ces mesures antidumping, du moins de certaines, et même peut-être procéder unilatéralement afin d'en encourager d'autres à le faire.

Je pense aussi que maintenant que nous avons ces règles et qu'il y a d'autres pays qui les ont adoptées, nous devrions pouvoir trouver le courage de faire preuve de plus d'imagination quant à leur utilisation. J'aimerais qu'on les utilise de façon plus originale, voire combative, pour contester les infractions qui à mon avis sont abondantes dans plusieurs pays, comme les États-Unis.

Pour conclure, monsieur le président, je crois que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et ses prédécesseurs nous ont rendu un service remarquable. Nous sommes beaucoup mieux placés que nous ne l'étions il y a 10 ans. Nous sommes lancés, ce qui ne peut-être que bon pour le Canada. Il faut demeurer vigilants pour nous assurer que nous ne perdons rien de ce que nous avons gagné et que nous continuons à aller dans le même sens à l'avenir.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Potter.

Monsieur Howse.

M. Robert Howse (Faculté de droit, Université de Toronto): J'aimerais concentrer mes observations sur le règlement des différends, en particulier sur un aspect qui me semble tout à fait crucial pour les intérêts commerciaux du Canada. Il s'agit des conflits commerciaux avec les États-Unis qui découlent des actions prises contre des exportations canadiennes aux États-Unis pour des droits antidumping ou compensateurs.

On se souviendra qu'une des principales raisons évoquées pour conclure une entente de commerce bilatérale avec les États-Unis, l'ALE, dont découle évidemment l'ALENA, était d'éviter que les exportateurs canadiens continuent à se faire sans arrêt harceler à coup d'actions commerciales unilatérales à Washington où un producteur américain pouvait simplement avoir recours à une mesure administrative pour obtenir que des droits soient perçus sur des exportations canadiennes aux États-Unis sous prétexte qu'elles auraient été vendues sur le marché américain à un prix soit disant inférieur au prix vendu au Canada - ou qu'elles auraient été «injustement subventionnées».

En fait, les négociateurs canadiens de l'Accord de libre-échange sont revenus les mains vides. Les États-Unis ont accepté des mesures disciplinaires mineures concernant ces formes de harcèlement commercial. Le Canada a abandonné une bonne partie de sa souveraineté dans l'ALE et obtenu très peu en échange à propos de cette question cruciale de la protection administrée, de ce genre d'actions unilatérales qui harcelaient nos exportateurs.

Ce que nous avons obtenu, c'est une procédure par laquelle des groupes spéciaux binationaux pouvaient examiner les décisions des organismes américains qui avaient imposé ces droits. De même, si le Canada imposait des droits sur les importations américaines, ce système d'examen par groupe spécial binational pourrait s'appliquer.

Le résultat est que le Canada a gagné dans certains cas, bien que cela ait représenté des frais juridiques énormes pour les exportateurs canadiens. Leurs produits ont très souvent dû faire l'objet de ces droits tant que les choses n'étaient pas réglées et ils ont, dans certains cas, perdu une part du marché.

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Mais en définitive, comme l'a montré l'affaire sur le bois d'oeuvre, ce système ne marche pas très bien. Cela veut dire que pour le bois d'oeuvre, le Canada a gagné à plusieurs reprises devant ces groupes spéciaux binationaux. Pour finir, le Congrès des États-Unis n'a pas apprécié que le Canada l'emporte et a changé la loi américaine pertinente. Nous repartons donc à zéro, nos producteurs de bois d'oeuvre ayant gaspillé des millions de dollars en frais d'avocats. Je dois dire que ce n'est pas une méthode très utile, précisément parce que tout ce que cela fait, c'est nous permettre d'obtenir une décision du groupe spécial binational sur la question de savoir si les Américains ont ou non respecté leur propre loi.

Deuxièmement, le conflit concernant le bois d'oeuvre a fait ressortir plusieurs gros défauts dans ce processus qui remettent en cause sa légitimité à Washington. D'une part, il y a un groupe spécial binational dont la majorité des membres vient de l'un des deux pays. Qu'arrive-t-il, quand, comme dans le cas du bois d'oeuvre, trois Canadiens, membres du groupe, tranchent en faveur du Canada et deux autres, Américains, en faveur des États-Unis? Pour un observateur de l'extérieur, cela ne semble pas très impartial, surtout lorsque la question est très controversée et lorsque les Canadiens prétendent dire aux Américains essentiellement comment faire respecter leur propre loi.

Le bois d'oeuvre a donc bien montré que ce système d'examen par un groupe spécial binational présente de sérieuses lacunes qui limiteront beaucoup sa capacité de freiner toute mesure protectionniste efficace de la part des États-Unis contre les exportations canadiennes.

Je crois toutefois que la solution serait de porter de plus en plus ces actions devant l'Organisation mondiale du commerce, plutôt que d'avoir recours aux groupes spéciaux de l'ALENA. Dans le tableau que je vous ai présenté, tiré d'un document sur le sujet qui devrait être bientôt publié par le C.D. Howe Institute, j'ai essayé de montrer que pratiquement tous les différends portés par le Canada devant ces groupes spéciaux binationaux auraient pu l'être devant l'OMC, si les ententes concernant les subventions ou les mesures antidumping de cette organisation avaient été en vigueur. Nous pouvons donc porter les mêmes questions devant cette organisation.

Évidemment, l'OMC ne dit pas que l'examen du groupe spécial consiste à dire si un pays se conforme à sa propre loi. Mais étant donné que la loi américaine, comme celle du Canada, dépend en grande partie des règles de l'OMC, cela ne change pas grand-chose. Essentiellement, les normes et points de repères légaux seront les mêmes.

Quels sont les avantages de l'intervention de l'OMC? Tout d'abord, il n'y a pas de représentation privée. Ce n'est pas comme lorsqu'un exportateur canadien doit aller à Washington. Je me suis occupé de façon très limitée de la question du bois d'oeuvre. J'étais là lorsque la question a été entendue par l'un des groupes spéciaux à Washington et il y avait presque 100 avocats dans la salle. Cent avocats! L'heure tournait, alors qu'il y avait 100 avocats pour s'occuper de la question. C'est absolument absurde. Les frais d'avocats que cela représente sont énormes parce que les méthodes et les normes sont celles du Barreau commercial de Washington. En fait, on peut dire que le principal avantage du système des groupes spéciaux binationaux est que cela a accru les recettes du Barreau commercial de Washington.

Dans le contexte de l'OMC, les avocats du Canada, du ministère de la Justice ou du ministère des Affaires étrangères ou autres, s'occupent de présenter la chose devant les groupes spéciaux. Les intérêts privés voudront peut-être engager des experts-conseils, ce n'est pas nécessaire. C'est beaucoup moins juridique. Il y a des délais stricts pour empêcher que l'on retarde indéfiniment les choses. D'autre part, le système de règlement des différends de l'OMC revêt une légitimité beaucoup plus grande, parce que plutôt que d'avoir des groupes spéciaux représentant les deux pays en conflit, la règle de l'OMC est beaucoup plus sensée. C'est-à-dire que l'on évite de mettre des gens des pays en conflit au sein de ce groupe spécial. On prend des gens de pays tiers qui sont et qui paraissent impartiaux.

.1600

Enfin, et c'est très important, ces règles juridiques de l'OMC concernant les droits antidumping et les droits compensateurs sont des règles internationales. Ainsi, le Congrès américain ne peut, après avoir obtenu une décision qui ne plaît pas aux États-Unis, les abroger sans en fait rompre un traité dont pratiquement toute la communauté internationale est signataire.

En outre, et c'est aussi une question de légitimité, lorsqu'un groupe spécial international applique le droit international, cela n'a pas le même poids à Washington que des Canadiens membres d'un groupe spécial binational expliquant aux Américains comment doit s'appliquer leur loi. Il s'agit de droit international et personne ne peut mettre en doute la légitimité d'un organisme international qui applique et interprète le droit international.

Je conclurais donc en disant que nous nous sommes peut-être fait avoir si nous avons fait des concessions importantes afin d'obtenir ce genre de mécanisme binational de règlement des différends pour les questions de dumping et de subvention dans l'ALENA. Il vaudrait mieux à l'avenir nous adresser, pour ces questions, à l'Organisation mondiale du commerce où, permettez-moi de le dire, il existe également maintenant une commission d'appel qui ajoute encore à la légitimité à la cohérence juridique de ce système à Genève.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Howse.

[Français]

J'accorde maintenant la parole à M. Stanley.

M. Guy Stanley (associé senior, Centre d'études en administration internationale (CETAI), École des hautes études commerciales (Montréal)): Merci pour l'invitation que vous me faites de partager mes réflexions. J'enseigne à une école de gestion. Donc, je vais essayer d'aborder le sujet dans une perspective un peu différente, c'est-à-dire dans une perspective de gestion, d'administration.

[Traduction]

Je vais vous présenter cela dans une optique de gestion parce que c'est la façon dont je dois le faire dans mes cours.

Je vous ai préparé une série de diapositives. La définition universitaire d'un expert est quelqu'un qui a une série de diapositives et c'est pourquoi j'en ai apporté. J'aimerais les passer en revue très rapidement et vous verrez quelle est ma conclusion, essentiellement semblable à celle de mes collègues, à quelques différences près mais probablement pas tellement importantes.

Je dirais que ce que l'on qualifie de différends commerciaux sont en réalité des problèmes d'organisation industrielle. Cela a l'air de commerce parce que nous les considérons dans une optique de droit commercial, mais si nous voulions bien prendre un certain recul, nous les verrions un peu différemment. La raison est que nous ne faisons plus les choses comme autrefois. Les économies et les pays ne partagent plus les mêmes espaces. Ils se chevauchent à bien des égards. Une entreprise moderne typique est une entreprise de production mondiale et transfrontalière. La valeur ajoutée provient des réseaux transfrontaliers de production.

Une entreprise moderne est une concentration de relations différentes. Ce peut être une famille de sociétés homogènes ou cela peut aussi inclure des alliances et partenariats stratégiques et diverses ententes informelles. Ce qui ressemble à du commerce est en fait la répartition d'activités dans un réseau de production plusieurs fois transfrontalier.

C'est là le paradigme de la production, mais le bon vieux paradigme politique n'a pas tellement changé. La loi s'attache toujours au territoire et les recours commerciaux sont des lois qui ne s'appliquent qu'aux choses qui dépassent les frontières et non pas à des activités qui se déroulent à l'intérieur des frontières, malgré la notion de traitement national. D'autre part, il y a concurrence entre systèmes nationaux; c'est-à-dire que nous savons d'après nos entretiens avec nos partenaires asiatiques qu'ils ont un point de vue entièrement différent sur la façon dont les libres marchés devraient fonctionner dans leurs sociétés et dont certaines autres institutions devraient fonctionner.

Nous savons aussi que des entreprises luttent entre elles pour encaisser la rente afin de remporter au niveau politique ce qu'elles ont perdu ou ne peuvent obtenir sur le marché. En fait, le droit commercial est essentiellement ce que nous utilisons pour essayer de contrôler ces forces au palier international et les instruments à notre disposition, sont, à mon avis, de portée insuffisante pour faire contrepoids.

.1605

[Français]

La question se pose: les mécanismes pour le règlement des différends commerciaux sont-ils efficaces?

[Traduction]

C'est-à-dire, pouvons-nous faire respecter les règles d'une manière transparente et impartiale? Si nous pensons à une méthode fondée sur des règles pour régler les différends, nous voulons qu'elle suscite des recours fréquents au début de façon à établir un modèle. Une fois ces règles établies, le nombre de recours devrait théoriquement diminuer parce que nous saurons ce qui marche et ce qui ne marche pas.

Et puis, il y a la question de l'efficience du marché et de la concurrence. Nous pouvons considérer toutes ces méthodes, mais si en fin de compte, le prix augmente et qu'il s'agit simplement d'un mécanisme qui revient à tirer quelques dollars de plus du consommateur, peut-être qu'il faudra ajouter quelque chose pour que le système parvienne un peu mieux à atteindre les objectifs de libre-échange en général.

Donc est-ce que ces méthodes sont efficaces? Je crois que cela dépend de l'habilité politique des entreprises à capter la rente. Si elles sont extrêmement astucieuses comme dans le cas du bois d'oeuvre, elles commenceront par le système fondé sur les règles puis, quand elles auront atteint la limite de ce système, elles changeront les règles du jeu pour pouvoir obtenir ce qu'elles veulent au palier politique.

Les systèmes commerciaux que nous avons, ces ententes, sont des ententes extrêmement pragmatiques. Elles permettent de faire des tas de choses. L'important, c'est qu'elles permettent de maintenir le flot et que ce sont essentiellement des mécanismes de promotion de règlements négociés. Si c'est une solution de deuxième ordre, c'est mieux qu'une solution de troisième ordre et il vaut mieux avoir une solution que rien du tout. C'est donc une perspective très pragmatique.

Pourquoi est-ce si difficile? Quelles sont les forces en jeu au niveau de l'entreprise, quelles sont les micro-forces qui exercent de telles pressions sur les pays et les gouvernements et toutes nos institutions publiques? J'ai regroupé trois ou quatre diapositives intitulées: «La mondialisation», «Répartition de la production mondiale», «La croissance de l'interdépendance» et «Les investissements directs étrangers (IDE)». Je m'arrêterai seulement en passant sur l'une d'elles, à savoir la croissance de l'interdépendance.

[Français]

Dans la version française, le titre est: «La croissance de l'interdépendance».

[Traduction]

Vous voyez que sans exception, bien que les proportions soient très différentes, les deltas sont à peu près les mêmes - c'est-à-dire que les changements sont à peu près les mêmes. Entre le début des années 70 et les années 80, quand il est devenu tout d'un coup évident qu'il nous fallait tous ces nouvelles ententes commerciales, le ratio des importations par rapport aux sources de production intérieures a essentiellement doublé dans tous les grands pays développés. Au Canada, c'est passé à 50 p. 100 au milieu des années 80 et aux États-Unis, où le commerce extérieur n'a jamais compté tellement dans l'économie en général, cela a aussi doublé, passant de 7 à 13 p. 100, au milieu des années 80.

Il est important, me semble-t-il, de reconnaître que si l'on considère les données du ministère du Commerce sur les activités des multinationales américaines, la majorité de la balance commerciale américaine dépend des échanges avec lien de dépendance, aux alentours de 60 p. 100 et plus pour les importations et de 85 p. 100 pour les exportations.

Tout cela pour dire que ce que je dis repose sur des données empiriques permettant d'affirmer que les sociétés ont changé leur façon de faire. Elles sont devenues beaucoup plus interdépendantes et transfrontalières.

Si vous voulez avoir une idée de la question et de l'incidence que cela a sur une industrie, un bon moyen est de considérer les fameux modèles de Michael Porter qui existent depuis longtemps mais qui restent très intéressants. Vous vous rappelez peut-être ces modèles puisque le gouvernement canadien a payé environ un million de dollars pour pouvoir les appliquer à l'économie canadienne - vous remarquerez que sur cet axe horizontal, vous avez essentiellement les questions d'organisation industrielle. Relations avec les fournisseurs et relations avec les clients et votre degré d'intégration. C'est essentiellement l'organisation industrielle.

.1610

Maintenant, imaginez que vous ayez un type d'organisation industrielle derrière une frontière relativement protégée et que cette protection disparaisse. Il est évident que cela remet en question ces différents arrangements et oblige à en trouver d'autres sur un marché plus large et plus dynamique. C'est précisément ce qui se passe.

Sur l'axe vertical, vous avez la menace des nouveaux entrants et la menace des substituts. C'est en fait l'incidence de l'innovation technologique.

Nous constatons donc que les entreprises dans le monde entier sont obligées de survivre dans un environnement extrêmement dynamique et exigeant où les relations qu'elles avaient ne correspondent absolument pas à ce qu'il leur faut actuellement. Comment faire régner un peu d'ordre et assurer une certaine stabilité-là dedans? On peut également se demander où se trouvent les gouvernements? Ma foi, si l'on a du mal à s'ajuster ou si l'on veut créer un obstacle pour empêcher ses concurrents de s'adapter, on s'adresse au gouvernement à qui l'on présente ses arguments. Habituellement le droit commercial existe pour aider à faire cela à partir de règles et sans considération politique, supposément. Si cela ne marche pas, on change de tactique.

J'ai inclus quelques données sur les alliances ainsi qu'une représentation graphique de certaines alliances dans les télécommunications. Je voulais par là indiquer à quel point il va être difficile d'appliquer tous ces concepts à des entreprises de service. J'ai réalisé cette disposition il y a quelques mois et depuis lors, MCI et British Telecom ont décidé de pousser la cohabitation jusqu'à un nouveau niveau d'intégration, qui a été soumis au tribunal.

Pour résumer mon argument, je voudrais vous montrer cette diapositive sur l'intégration et la stratégie; vous voyez que l'on passe d'une entente multinationale formée de bonnes vieilles entreprises des années 60 et 70, où tout le monde avait des succursales de fabrication bénéficiant de protection à différents niveaux, à un système d'intégration complexe caractérisé par la répartition de la chaîne de valeur, avec une forte intégration tout au long de cette chaîne, ce qui nécessite des accords commerciaux multilatéraux ouverts, de façon que la valeur ajoutée soit répartie efficacement.

Voilà essentiellement le contexte, et en ce qui concerne les mécanismes de règlement des différends, il s'agit de savoir si l'on peut résoudre la contradiction entre le paradigme des affaires et celui de la politique. Je formule à ce sujet quelques remarques qui sont assez semblables à celles de mes confrères. Les systèmes fondés sur les règles attirent les plaideurs, mais sont incapables d'empêcher certaines formes de cartellisation, comme dans le cas du bois d'oeuvre. Les droits compensateurs constituent une forme de privatisation des politiques publiques, qui permet à l'industrie d'évoluer à son propre rythme grâce à la facilité d'accès et à l'imposition de mesures contre ses concurrents commerciaux.

Si ces systèmes n'étaient pas de simples trucs de procédure, on pourrait s'attendre à ce qu'ils fassent baisser les prix à la consommation et qu'ils améliorent l'efficacité des marchés. Or, rien ne prouve qu'ils aient un tel effet; il semble au contraire qu'ils n'en aient pas. Les gens qui observent la situation comme moi, et il y en a un certain nombre à l'OCDE et dans d'autres organismes - en viennent donc à la conclusion qu'il faut ajouter aux accords existants de nouveaux instruments concernant la politique de concurrence, de façon à faire jouer les arguments d'efficacité en plus des arguments déjà avancés.

Comme l'ont dit mes confrères, il est tout à fait contradictoire d'appliquer des droits compensateurs au sein d'un accord commercial ouvert, car dans l'hypothèse d'un accès ouvert aux différents marchés, l'écart dû au dumping devrait être renvoyé par l'arbitrage au marché d'origine. Je pense que c'est un argument quelque peu théorique car il est facile de prouver qu'on peut rencontrer ces genres de situations lorsqu'il existe une surcapacité de production au sein d'une industrie ou en cas de fluctuation de la courbe de la demande pour une raison ou une autre, ce qui peut faire obstacle à la réimportation à des prix inférieurs.

.1615

Mais finalement, tout cela devrait nous inciter à renforcer les accords existants par une autre ligne d'attaque qui comprenne les tests d'efficacité et les tests d'évaluation des politiques de concurrence.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Stanley.

[Français]

Je donne la parole à M. Sauvageau. Je vous ferai remarquer que M. Howse doit quitter à 17 h. Si vous avez des questions qui s'adressent à M. Howse, n'oubliez pas cet élément.

M. Sauvageau (Terrebonne): J'ai trois petites questions à poser à M. Howse et, si le temps me le permet, je continuerai avec les deux autres témoins.

D'abord, j'aimerais vous remercier pour vos éclaircissements et votre brillant exposé, qui aidera sûrement le comité dans ses travaux futurs.

Ma première question est très simple, et vous y avez répondu en partie. En ce qui a trait aux actuels mécanismes de règlement des différends commerciaux, que devrait faire le comité, selon vous? Que devrait-on proposer pour les améliorer et les rendre plus efficients?

Deuxièmement, si j'ai bien compris, on voit de plus en plus d'accords commerciaux bilatéraux entre différents pays comme le Chili, Israël, etc. Vous dites que, lorsqu'il y a des différends, on ne devrait pas mettre sur pied des panels, comme c'est le cas avec l'ALENA, mais plutôt aller automatiquement aux panels de l'OMC. Pourriez-vous préciser un peu cet aspect-là? A priori, je suis d'accord avec vous, mais pourquoi le Canada a-t-il encore davantage recours aux panels de l'ALENA qu'à ceux de l'OMC?

[Traduction]

M. Howse: Tout d'abord, que peut-on faire pour améliorer les règles? Je ne suis pas très optimiste en ce qui concerne l'ALENA. Je pense qu'il faut faire une distinction entre ce dont j'ai parlé, c'est-à-dire le rapport entre, d'une part, la révision des décisions concernant les droits antidumping et compensateurs et, d'autre part, le mécanisme global de règlement des différends, où il s'agit d'interpréter les dispositions proprement dites de l'ALENA.

Mais en ce qui concerne la procédure de révision des décisions concernant les droits antidumping et compensateurs, il serait avantageux, si les Américains sont d'accord, de passer de cette formule des groupes spéciaux à celle d'un organisme ou tribunal permanent d'appel où, au lieu d'essayer de réunir quatre ou cinq experts - ce qui est parfois difficile, à cause des conflits d'intérêts réels ou potentiels compte tenu des clients antérieurs des avocats ou des experts choisis - on aurait un tribunal permanent spécialisé sur ces questions. Ce serait une amélioration. Mais je ne suis pas certain que Washington accepte.

Une autre amélioration pourrait résulter d'une expansion de l'ALENA qui deviendrait un accord continental; dans un tel cas, les membres des groupes spéciaux pourraient provenir de pays tiers, si bien qu'en cas de différends entre le Canada et les États-Unis, aucun de ces pays n'aurait la majorité au sein du groupe spécial. On pourrait faire appel à des Mexicains, à des Chiliens, etc., de façon que l'accord soit véritablement international.

Troisièmement, il ne faut pas s'attendre à ce qu'un mécanisme de règlement des différends résolve un problème dont la solution consiste à restreindre les lois canadiennes ou américaines sur le dumping et sur les subventions. Mais les négociations sur une forme d'accord, par exemple, pour passer du dumping à un régime fondé davantage sur la concurrence, ont totalement échoué.

.1620

En définitive, je pense donc qu'il faut miser davantage sur l'OMC. Il faudrait notamment améliorer les codes antidumping de l'OMC, de façon qu'à l'instar du code des subventions, ils comportent beaucoup plus de points de repères et de principes sur la politique de la concurrence.

De façon générale, nous devrions miser davantage sur les négociations multilatérales, ce qui me ramène à votre deuxième question. On assiste à une prolifération des accords régionaux. Le magazine The Economist présentait récemment un éditorial intitulé «Too Many Cooks». Chaque accord régional y était représenté par un cuisinier. D'après cet éditorialiste, il est impossible de parvenir à la moindre cohérence juridique lorsqu'il existe un accord continental pour l'Amérique du Nord et un accord régional pour l'Asie-Pacifique, avec des règles et des normes qui se chevauchent. On aboutit au chaos, avec certaines règles qui sont analogues à celles de l'OMC, et des règles de l'ALENA qui sont analogues aux règles d'autres accords régionaux.

Comment assurer une certaine cohérence? Pour moi, la solution consiste à amorcer un processus d'harmonisation des accords et de les intégrer à la structure véritablement multilatérale de l'OMC.

Quel que soit le contexte, même dans un contexte régional, où l'on trouve un ensemble de règles qui font référence à l'Accord de l'OMC ou à l'Accord du GATT de 1947 - c'est l'accord d'origine, mais il est repris en grande partie par l'OMC - on devrait pouvoir renvoyer les parties devant un groupe spécial de l'OMC. De cette façon, on éviterait le genre de situation où un groupe spécial de l'ALENA et un autre groupe spécial prévu, par exemple, dans l'accord entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont appelés à interpréter des règles semblables mais parviennent à des résultats différents. Comment parvenir à la clarté et à la certitude auxquelles s'attendent les entreprises?

La troisième question consiste à savoir pourquoi les différends sont toujours soumis aux groupes spéciaux de l'ALENA. La réponse tient au fait que l'Accord de l'OMC est relativement nouveau. Je ne suis pas certain que les industries en question ou que le gouvernement canadien ait été suffisamment sensibilisé au fait que les règles de l'OMC nous donnent la possibilité de relever certains de ces défis - et c'est, du reste, le principal argument de l'article que je dois publier prochainement par l'intermédiaire de l'Institut C.D. Howe. J'y explique en détail ce que j'ai résumé sur ce tableau, à savoir qu'on pourrait résoudre une bonne partie de ces différends grâce à la procédure de l'OMC.

Il s'agit d'une procédure nouvelle. En particulier dans le cas des subventions, il n'y avait jusqu'à maintenant pas grand-chose qui puisse nous aider face aux États-Unis. Maintenant, la situation est bien différente.

Je vous remercie de vos questions.

[Français]

Le président: Si vous me permettez une sous-question, je vous redonne la parole tout de suite après.

[Traduction]

On a souvent l'impression que les accords multilatéraux sont fondés sur le plus petit dénominateur commun et qu'il est préférable de s'en remettre aux négociations bilatérales. Comment réagissez-vous à cela?

M. Howse: Avec mon collègue Michael Trebilcock, j'ai récemment présenté à Harvard et dans une université finlandaise un document dans lequel nous comparons l'ALENA et l'Accord de l'OMC à partir de cette hypothèse. Nous abordons des thèmes comme les droits de propriété intellectuelle, les services, les investissements, etc. Nous avons essayé de vérifier l'hypothèse selon laquelle on obtient une meilleure intégration grâce aux accords régionaux.

Nous avons constaté que ce n'est pas le cas, en particulier pour la propriété intellectuelle. En ce qui concerne les investissements et les services, l'hypothèse semble se vérifier davantage, mais compte tenu de toutes les réserves et de la façon dont certaines politiques nationales sont appliquées dans certaines provinces canadiennes et dans certains États américains... Comme je l'ai dit, il faut tenir compte de toutes les réserves et exceptions qui figurent dans les annexes.

.1625

Pour bien interpréter l'ALENA, il faut prendre le temps de lire les milliers de pages d'annexes, de réserves et d'exceptions, etc. En définitive, l'accord multilatéral permet sans doute une intégration aussi bonne, sinon meilleure sur certaines questions, que l'ALENA si l'on tient compte de toutes les dispositions de détails.

Le président: Merci. Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Sauvageau: J'ai deux autres questions. La première est encore très simple. Pourriez-vous nous faire parvenir les études dont vous parlez? Ce serait sûrement intéressant pour le comité. Je parle de celle qui a déjà paru ainsi que de celle qui doit paraître.

Deuxièmement, vous avez parlé de la création d'un tribunal permanent plutôt que de panels spéciaux ad hoc. Si on arrivait à la création d'un tribunal permanent, et là ma question est hypothétique, quelle instance le Canada devrait-il privilégier lors du règlement de différends commerciaux? Le tribunal permanent en vertu de l'ALENA ou l'OMC?

[Traduction]

M. Howse: Selon la nature du différend, il y a plusieurs possibilités. Pour les subventions, je pense qu'il est toujours préférable de soumettre la plupart des différends à l'OMC, malgré l'amélioration dont j'ai parlé. Le code des subventions de l'OMC contient un ensemble de points de repères qu'on pourrait utiliser, par exemple, dans un différend comme celui du bois d'oeuvre pour contester l'attitude des États-Unis, alors qu'on aurait peut-être intérêt à soumettre un différend sur les droits antidumping à la procédure améliorée de l'ALENA, tout simplement parce que le code antidumping de l'OMC produit à l'issue de l'Uruguay Round n'offre pas les mêmes possibilités.

Tout dépend du différend. Plus il prête à controverse et plus les États-Unis auront tendance à jeter tout leur poids dans la balance, même devant un tribunal permanent. Il est toujours avantageux de s'en remettre à une tribune multilatérale, car dans ce cas, les États-Unis sont obligés de contrevenir à la décision de la communauté internationale, ce qui est plus grave que de refuser de reconnaître ses torts face à un plus petit pays.

Le président: J'aimerais que vous précisiez votre point de vue. Lorsque vous traitez sur le plan bilatéral avec les États-Unis, vous trouvez parfois des alliés parmi les lobbys américains. Est-ce que ce facteur peut intervenir dans votre choix entre les négociations multilatérales ou bilatérales?

M. Howse: Oui, c'est un élément à considérer. Comme je l'ai dit en répondant à la question précédente, dans les cas où interviennent des lobbys américains extrêmement puissants, c'est-à-dire des lobbys favorables aux mesures protectionnistes contre le Canada, il est préférable d'opter pour la procédure multilatérale, alors que dans un différend mieux équilibré où on peut s'en remettre davantage à la diplomatie transfrontalière, si l'on peut dire, il est préférable de s'en tenir aux négociations bilatérales.

Mais force est de reconnaître que comme le montre l'exemple de l'accord américano-japonais sur l'automobile, la procédure de l'OMC a l'avantage de comporter plusieurs étapes de conciliation ou d'arbitrage qui permettent d'amorcer des négociations bilatérales, et, en cas d'échec, on passe à une procédure de règlement de différends véritablement multilatérale.

[Français]

Le président: Merci beaucoup. Monsieur Sauvageau, une question assez courte, s'il vous plaît.

M. Sauvageau: Monsieur Howse, vous avez des réticences, même avec un tribunal permanent. Le Canada pourrait-il proposer tout simplement l'abolition de tous les panels prévus dans les traités bilatéraux et renvoyer tous les cas de différends commerciaux à l'OMC? Cela serait-il possible?

[Traduction]

M. Howse: Oui, absolument. C'est possible, mais il s'agit de savoir s'il n'y aurait pas lieu de modifier la formule de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce pour permettre à l'organisme d'exercer sa compétence. Normalement, il ne l'exerce que lorsque des règles de l'OMC s'appliquent. On pourrait donc stipuler dans l'ALENA, ou dans l'accord suivant, que tout différend portant sur des règles de l'OMC doit être soumis à cet organisme. Mais je ne pense pas que l'organe de règlement de différends de l'OMC puisse être saisi d'un différend portant sur l'interprétation de règles d'un accord régional, et non pas de règles de l'OMC proprement dite ou de l'un de ses accords.

.1630

Le président: Monsieur Penson.

M. Penson (Peace River): Merci, monsieur le président.

J'ai beaucoup apprécié nos témoins d'aujourd'hui, car en une heure, ils m'ont soumis plus de bons arguments que je n'en ai jamais entendu dans le débat sur cette question.

Monsieur Howse, vous avez dit que nous pourrions recourir plus efficacement à l'OMC dans certains cas, et vous avez fait allusion à l'affaire du bois d'oeuvre. Lorsque l'accord sur le bois d'oeuvre a été signé, le Canada s'est engagé à limiter ses exportations vers les États-Unis, conformément à la demande présentée par l'industrie au gouvernement. J'étais alors en contact avec un certain nombre d'industriels, et j'ai constaté avec étonnement qu'ils ne semblaient pas connaître l'existence de cette procédure différente de l'OMC, par rapport à la situation qui prévalait il y a quelques années, après l'Uruguay Round du GATT. Je suis donc d'accord avec vous pour dire qu'il reste encore à informer les industriels, et je suis certain qu'ils vont comprendre.

Ils me disent également que nous ne pouvons plus nous présenter devant un groupe spécial de l'ALENA, parce qu'à cause de la modification de la législation intérieure des États-Unis, nous risquerions fort de perdre. Tout d'abord, j'aimerais savoir comment les États-Unis peuvent procéder ainsi. Je crois que c'est à cause de l'entrée en vigueur des règlements de l'OMC, mais j'aimerais avoir des précisions à ce sujet. Deuxièmement, on dit également que les États-Unis ne veulent pas s'en remettre à l'OMC parce que même s'ils obtiennent gain de cause, il ont toujours la possibilité d'offrir d'ouvrir d'autres marchés, et ils ne veulent pas être tenus de s'en remettre à la décision de l'OMC sur le bois d'oeuvre.

Est-ce que vous pourriez me préciser tout cela?

M. Howse: Certainement. Comme vous le savez, il s'agit notamment d'informer les membres de l'industrie et leurs avocats des possibilités qui s'offrent à eux.

Deuxièmement, comment les États-Unis peuvent-ils modifier leur propre législation après une décision? Eh bien, la réponse, c'est qu'ils ont le droit de le faire. Nous avons obtenu bien peu de choses dans l'Accord de libre-échange et dans l'ALENA; si un groupe spécial donne tort aux États-Unis quant à la façon dont l'organisme américain interprète ses propres lois, rien n'empêche le Congrès de modifier ces lois pour les rendre conformes à l'interprétation préconisée par l'organisme américain. Autrement dit, tout cela est parfaitement conforme à l'ALENA. Je crois qu'il faut donner un préavis, mais nous n'avons obtenu aucune limite quant à la possibilité d'agir ainsi. À cet égard, nos négociateurs ont manqué de vigilance.

Quant à savoir si les Américains se conformeraient à une décision de l'OMC à ce sujet, c'est une excellente question. D'après certaines études empiriques, ils ont plus ou moins bien respecté le GATT, c'est-à-dire l'accord qui a précédé celui de l'OMC.

Il faut ici tenir compte d'un certain nombre de facteurs. Tout d'abord, les États-Unis devraient se conformer à une décision de l'OMC, car ils ne peuvent ignorer la décision d'un organisme véritablement international; deuxièmement, il existe désormais un organisme d'appel auprès de l'OMC, qui a du reste été créé notamment à la demande des Américains, et ils peuvent donc porter une telle décision en appel. S'ils perdaient en appel, l'administration américaine aurait mauvaise grâce de ne pas respecter la décision. Mais si, en définitive, ils décidaient de ne pas la respecter, le seul recours, pour le Canada, comme vous le dites à juste titre, serait de solliciter l'autorisation de mesures de rétorsion, qui risqueraient d'être préjudiciables dans d'autres secteurs, et qui équivaudraient, pour les Canadiens, à se tirer dans le pied.

J'ai l'impression que depuis le début de la présidence de Clinton, les États-Unis se préoccupent de plus en plus de leur réputation dans les institutions internationales, en particulier dans les organismes multilatéraux. L'industrie américaine profite elle-même de ces règles, car elles régissent le commerce non seulement avec le Canada, mais également avec le Japon, l'Union européenne, etc. Si les partenaires commerciaux du monde entier ne peuvent faire confiance aux États-Unis quant au respect de ces règles, c'est l'ensemble de l'économie américaine et de ses grands intérêts commerciaux qui va en souffrir. Par conséquent, le non-respect d'une telle décision par un secteur industriel aurait de lourdes conséquences, même du point de vue de l'administration américaine.

.1635

M. Penson: Monsieur le président, je veux poser une autre question à M. Stanley. À votre avis, quelle serait l'incidence sur des organismes comme la Commission canadienne du blé de l'adoption d'une politique normalisée en matière de concurrence du type dont on discute à l'heure actuelle à l'OMC?

M. Stanley: À vrai dire, je n'avais pas songé au cas de la Commission canadienne du blé.

M. Penson: Pour votre gouverne, la commission jouit d'un monopole...

M. Stanley: Oui, je le sais. Je connais quelque peu la Commission canadienne du blé, mais je n'ai pas réfléchi avant maintenant à l'incidence que pourraient avoir sur cet organisme les discussions actuelles. En fait, je ne peux pas vraiment répondre à cette question parce que je n'ai pas examiné les conséquences de ces discussions dans le domaine agricole de façon générale, du moins pas en ce qui touche les produits de base. Je ne hasarderai donc pas une réponse.

M. Penson: Oublions pour l'instant le cas de la Commission canadienne du blé. N'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'on reconnaît actuellement de façon générale qu'il est nécessaire d'adopter une politique internationale normalisée en matière de concurrence et que c'est donc une question qui sera abordée lors de la prochaine série de négociations à l'OMC, et cela pour diverses raisons, dont l'existence dans certains pays ou États d'entreprises commerciales monopolistiques?

M. Stanley: Je crois que c'est juste, mais je ne suis pas sûr que je dirais... On réclamera sans doute des normes en matière de transparence et souhaitera sans doute établir au cas par cas l'incidence de diverses pratiques sur le commerce transfrontalier. Je suis convaincu que vous ne songez pas à une politique monolithique en matière de concurrence, car je crois que ce sur quoi on s'entend plutôt de façon générale, c'est qu'il faut qu'il y ait transparence en ce qui touche l'existence ou l'absence de pratiques qui empêchent les industries de se restructurer.

M. Penson: Je pourrais poursuivre, mais j'attendrai d'en avoir l'occasion au cours du deuxième tour.

Le président: M. Calder est peut-être prêt à patienter un peu avant de prendre la parole.MM. Stanley et Potter n'ont pas pu nous faire part de leurs réactions aux propos de M. Howse. Avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de la question qu'a posée M. Sauvageau?

M. Potter: Je vous remercie, monsieur le président. Je brûlais d'impatience d'intervenir.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Je l'ai lu dans vos yeux.

M. Potter: Je ne voudrais pas donner l'impression que je suis en désaccord avec tout ce qu'a dit M. Howse, loin de là. Je dirais plutôt que je suis d'accord avec la majeure partie de ce qu'il a dit. J'aborde cependant la question plutôt d'un point de vue de praticien. J'exerce le droit, et comme les intérêts de certains de mes clients sont en cause, cela explique le fait que j'aborde la question sous un angle différent. Je conviens avec M. Howse que le nouvel arrangement adopté par l'OMC présente plusieurs avantages qui doivent être examinés au cas par cas selon la question ou le produit visé et selon l'adversaire en cause. Il s'agit cependant d'un nouvel arrangement. Il s'agit d'un nouveau mécanisme qui constitue une amélioration par rapport à la situation antérieure et s'inspire à bien des égards du mécanisme de règlement des différends prévu dans le cadre de l'ALENA.

Quant à savoir, monsieur Sauvageau, pourquoi on a recours aux groupes spéciaux binationaux prévus dans le cadre de l'ALENA, lorsque le mécanisme de règlement des différends de l'OMC est bien supérieur, c'est que les plaignants privés ont automatiquement accès au mécanisme prévu dans le cadre de l'ALENA. S'ils allèguent donc faire l'objet de droits antidumping ou de droits compensateurs, ils n'ont qu'à en saisir un groupe spécial binational, alors qu'il nous faut faire toutes sortes de courbettes au ministère des Affaires étrangères pour obtenir la permission de saisir l'OMC d'une plainte. Si le ministère acquiesce à notre demande, il nous faut encore le convaincre de plaider notre cause comme nous aimerions qu'elle soit plaidée. C'est une différence capitale dont les praticiens tiennent compte lorsque vient le moment de décider à quel mécanisme recourir.

.1640

J'aimerais faire une autre remarque qui découle du fait que j'ai été membre de deux groupes spéciaux binationaux constitués en vertu du chapitre 19. Je représente également l'industrie du bois d'oeuvre du Québec, ce qui explique que je connais assez bien la question. Il ne faudrait pas conclure à l'issue de la décision rendue dans l'affaire du bois d'oeuvre que le mécanisme de règlement des différends de l'ALENA ne fonctionne pas ou n'est pas impartial. Presque toutes les décisions rendues par les groupes spéciaux binationaux n'avaient rien à voir avec la nationalité des juges.

Étant donné que le Mexique est signataire de l'ALENA, certains groupes spéciaux comptent une représentation mexicaine. Je serais ravi que cette représentation soit plus fréquente au sein des groupes spéciaux binationaux, mais ce n'est pas le cas. Les trois Canadiens qui composent le groupe rendent toujours une décision favorable au Canada, et les trois Américains une décision exactement en sens inverse.

L'affaire du bois d'oeuvre est une anomalie. Il est vrai que le Canada a remporté deux instances - voire trois selon certains - ce qui nous a amenés à nous demander si nous allions tenter de nouveau notre chance. On ne peut pas imputer l'issue de l'affaire à une défaillance de la procédure du groupe spécial binational, mais au fait que nos dirigeants politiques à Ottawa ont décidé de ne pas mettre les Américains au défi de mettre à exécution leur menace, et d'accepter plutôt des quotas. Je ne dis pas que la décision était mauvaise. C'était peut-être la bonne décision à prendre. Je dis simplement qu'il ne faut pas attribuer cette décision à une défaillance de la procédure du groupe spécial binational, mais plutôt au fait que dans une affaire très importante représentant 50 milliards de dollars pour l'économie canadienne sur la période visée par cet accord, on a choisi d'opter pour des quotas en raison surtout des pressions exercées par la Colombie-Britannique. Il n'y a nullement eu défaillance de la procédure du groupe spécial binational.

Cela étant dit, je conviens avec M. Howse que le mécanisme de l'OMC présente de nombreux avantages. À mon avis, il faut recourir à l'un et l'autre de ces mécanismes selon celui qui est le plus avantageux en l'occurrence.

Votre question, monsieur Sauvageau,

[Français]

était: comment rendre les choses plus efficaces? Là-dessus, j'ai une réponse assez rapide: que le Canada décide unilatéralement de ne plus avoir de causes antidumping dans les matières qui ne sont pas à valeur ajoutée. Nous devrions permettre l'entrée au Canada, même en dumping, de produits qui n'ont pas une grande valeur ajoutée pour que nous puissions les transformer en produits que nous exporterions ensuite aux États-Unis afin de profiter de l'Accord de libre-échange.

[Traduction]

Le président: M. Calder a été très patient. Vous aurez l'occasion de poser vos questions un peu plus tard.

Monsieur Calder.

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur Howse, cela m'a intéressé de vous entendre dire qu'il n'y a pas vraiment de raisons de recourir au petit groupe spécial bilatéral ou trilatéral, selon le cas, et que nous devrions plutôt recourir à l'OMC.

Permettez-moi de vous exposer la façon dont je vois les choses. Les règles adoptées par l'OMC, qui sont plus ou moins les mêmes que celles qui existaient en vertu du GATT, sont les règles qui régissent les échanges commerciaux mondiaux. Il y a ensuite les règles GATT vert, GATT ambre et GATT bleu, selon le domaine commercial visé. À mon sens, il existera des accords auxiliaires, et l'ALENA en est un parfait exemple. Cet accord commercial nord-américain régit maintenant nos relations commerciales avec un ancien partenaire, les États-Unis, et un nouveau partenaire, le Mexique.

Tant que les règles dans le cadre de l'ALENA, qu'on peut considérer comme un accord auxiliaire pris en vertu des règles de l'OMC, respectent celles-ci ainsi que les règles GATT vert, cela ne devrait poser aucun problème. Le processus est beaucoup plus clair. Nous l'avons déjà d'ailleurs constaté dans le cas du différend qui nous a opposés aux États-Unis pour ce qui est de la gestion de l'offre dans l'industrie de la volaille. Aux termes de l'article 302 de l'ALENA, les États-Unis ont soutenu dans cette affaire que le tarif que nous imposions n'était pas justifié. Pour notre part, nous avons invoqué l'article 702 - qui se modèle sur l'article 710 de l'Accord commercial Canada - États-Unis - pour soutenir le contraire. Nous avons donné en exemple plusieurs cas où les États-Unis avaient eu recours à ce même genre de tarif.

.1645

Je crois donc que ces accords auxiliaires existeront toujours. Ils sont incontournables. Ils sont évidemment à l'avantage des pays visés plutôt qu'à l'avantage de l'ensemble des membres de l'OMC. Comme ils sont donc incontournables, pensez-vous qu'ils devraient aussi se conformer aux règles prévues dans le cadre de l'OMC? Faudrait-il plutôt conserver le statu quo à cet égard?

J'ai une autre question à poser dans la même veine. Dans cette affaire portant sur la gestion de l'offre, j'estime que les États-Unis n'ont pas eu une conduite irréprochable. À titre d'exemple, la décision du groupe spécial binational est parue dans la revue Inside U.S. Trade en juillet alors qu'elle ne devait être rendue publique qu'en août. En outre, cet article mentionnait le nom de tous ceux qui faisaient partie de ce groupe spécial. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Howse: Je conviens avec vous qu'il y a toujours eu des accords régionaux ou bilatéraux. Bien que je pense qu'il soit préférable que de nombreuses questions soient traitées de façon multilatérale, je suis d'accord avec vous pour reconnaître qu'il peut y avoir des exceptions dans le cas de questions très spécialisées.

Le problème qui se pose, cependant, c'est que ces accords régionaux ou bilatéraux ne portent pas nécessairement sur des questions très spécialisées qui ne pourraient pas faire l'objet d'accords multilatéraux. En fait, ces accords portent sur des questions semblables à celles qui sont régies par des accords multilatéraux. Il en découle que les règles complexes qui sont adoptées se chevauchent et sont parfois source de confusion. Tant les groupes spéciaux constitués en vertu de l'OMC que les mécanismes régionaux de règlement des différends interprètent les mêmes ensembles de règles.

Il n'y aurait donc pas vraiment lieu de se plaindre si ces accords régionaux portaient seulement sur des questions qui ne se prêtent pas vraiment à des négociations multilatérales. Qu'y peut-on cependant? Quelques remarques s'imposent.

Premièrement, je crois que l'OMC devrait examiner de beaucoup plus près les dispositions de ces accords pour veiller à ce qu'elles respectent les règles touchant la libéralisation des échanges à l'échelle multilatérale. L'OMC a d'ailleurs conservé une disposition du GATT de 1947 qui exige que les pays membres s'assurent que ce soit le cas.

Je crois qu'il y a lieu de vraiment s'inquiéter à quelques égards. Il y a d'abord la question des règles d'origine. Il s'agit de s'assurer que les accords régionaux n'institueront pas des règles empêchant des pays tiers de se tailler une place sur les marchés de la zone de libre-échange régionale. À titre d'exemple, les cosignataires d'un accord régional peuvent s'entendre pour reconnaître les normes en usage dans les industries de leurs pays respectifs. C'est une façon d'exclure du marché les pays tiers dont les industries s'écarteraient de ces normes. Voilà donc la façon dont on peut fausser le jeu de la concurrence au moyen de ce genre d'accords régionaux.

Il s'agit là d'une préoccupation très grave. Je crois que c'est un problème qui a d'ailleurs été sous-estimé par la plupart des spécialistes des échanges commerciaux, pour qui le problème qui se pose a davantage à voir avec la perturbation du commerce en raison de préférences tarifaires. Or, ce ne sont pas tant les préférences tarifaires qui importent aujourd'hui, mais, comme M. Stanley l'a fait remarquer, ce sont les services et les investissements ainsi que les normes relatives aux produits. Il faut donc s'assurer qu'on ne trafique pas les normes de façon à léser les pays tiers. Et cela vaut, que l'accord vise des pays d'Amérique du Nord, d'Europe ou d'ailleurs.

.1650

Dans le cadre d'un accord régional, il y a aussi toujours le risque que les industries du principal signataire de l'accord souhaitent imposer ces normes aux industries des autres partenaires. Qu'arrive-t-il dans ce cas? Les industries du principal partenaire possèdent alors un avantage concurrentiel par rapport aux industries des autres signataires de l'accord.

À l'échelle multilatérale, il existe un équilibre parce qu'il ne s'agit pas habituellement d'un accord qui fait intervenir un grand pays et plusieurs petits pays, puisque l'Union européenne, le Japon et les États-Unis sont parties aux accords. Ces grands pays comptent des négociateurs expérimentés qui n'accepteront pas d'emblée que les normes américaines deviennent les normes internationales.

M. Calder: Je vous remercie, monsieur le président.

M. Howse: Je regrette, mais je crois que vous auriez préféré que je vous parle des différends portant sur les tarifs.

M. Calder: Oui.

M. Howse: J'ai défendu les intérêts d'un client dans cette affaire. Je dois dire que le comportement agressif des États-Unis dans ce dossier ne m'a pas vraiment surpris. Je crois cependant que les États-Unis se seraient montrés plus courtois devant l'Organisation mondiale du commerce, en raison de la présence au sein de cet organisme d'autres partenaires commerciaux.

M. Calder: En fait, ils n'ont pas eu gain de cause, parce que le groupe spécial a réinscrit le yogourt et la crème glacée dans la liste des marchandises d'importation contrôlée.

M. Howse: Oui.

M. Calder: On peut donc dire que cela nous a conféré un avantage commercial de 15 p. 100.

Si je ne vous ai pas ramené à la question des tarifs, c'est que je voulais poser une question àM. Potter. Certains m'accuseront peut-être de paranoïa, mais à titre d'éleveur de volaille, je ne peux m'empêcher d'être irrité lorsque je lis «disparition en temps opportun de quotas stupides».

Nous avons remplacé les quotas d'importation fixés aux termes de l'article 11.2c)(i) du GATT par les tarifs prévus dans le cadre de l'ALENA et de l'OMC. À mon sens, cela signifie que les quotas ne disparaîtront pas au Canada. Ce qui va plutôt se produire, c'est qu'ils vont diminuer de manière à ce que tous les pays signataires soient placés dans la même situation.

Ce que j'entends par là, c'est qu'il a été prévu dans l'Uruguay Round du GATT que la protection tarifaire et les subventions diminueraient de 15 p. 100. Par conséquent, les tarifs, qui remplacent les quotas, diminueront de 15 p. 100, et nous verrons ce que nous pourrons obtenir lors de la prochaine série de négociations.

Prenons le cas des États-Unis. Ils appliquent déjà un système de production planifiée ou de gestion de l'offre, selon les termes qu'on préfère. L'État du Wisconsin, par exemple, l'un des États de l'Est où la production laitière est importante, applique exactement le même régime que celui que nous connaissons et qui prend la forme de tarifs et de quotas d'importation. Le même régime s'applique également aux arachides. En fait, les tarifs ont augmenté depuis avril 1995, de sorte que nous ne pouvons pas exporter plus d'un certain nombre de tonnes de lait aux États-Unis. La même chose vaut pour le sucre, et nos fournisseurs connaissent actuellement un problème à cet égard, en raison de la règle du contenu de 10 p. 100.

J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, monsieur Potter.

M. Potter: Oui, monsieur Calder. Je suis d'abord heureux de voir que vous m'avez cité correctement. Je n'ai pas dit que c'étaient les producteurs de volaille qui étaient stupides.

M. Calder: Non, vous avez dit que c'étaient les quotas.

M. Potter: En effet. Je suis aussi heureux que vous ayez mentionné le cas du sucre. Je crois qu'il est bien évident que le gouvernement américain n'est pas très fier des tarifs qui sont imposés sur le sucre. Le gouvernement ne sait pas du tout comment se sortir de ce pétrin. Les producteurs de sucre des États-Unis réclament depuis des années des mesures toujours plus déraisonnables, visant à maintenir un régime qui ne se justifie pas. En fait, ce régime lèse non seulement les consommateurs de sucre américain, mais aussi tous les pays où le sucre a une importance économique, qui ne peuvent survivre sans vendre leur sucre sur le marché américain.

.1655

Voilà donc pourquoi je dis que ces quotas sont stupides. Je suis d'accord avec la décision qui a été prise par le Canada de réduire progressivement les tarifs pour qu'ils correspondent à ce qu'imposent d'autres pays. Certains ne seront pas d'accord avec cela parce qu'ils estimeront que des droits de 250 p. 100 sur un produit quelconque n'ont rien de raisonnable. Peu importe. Ces tarifs vont diminuer en temps opportun, comme il en a été décidé à l'issue d'un différend entre le Canada et les États-Unis. Ce que je disais il y a quelques instants, c'est que le Canada est parvenu à concéder le moins possible dans ce dossier, en usant de sa marge de manoeuvre.

Cela me ramène à ce que je disais plus tôt. Le Canada devrait s'en prendre aux programmes américains que vous avez mentionnés. Nous devrions réclamer leur suppression.

M. Calder: L'an dernier, j'ai eu le privilège de participer à un débat avec Pat Roberts sur cette question même, et je suis heureux de pouvoir dire que je lui ai fait mordre la poussière.

Parlons de la gestion de l'offre au Canada. L'industrie de la volaille génère à elle seule2,6 milliards de dollars de revenu. Il s'agit de la viande la moins coûteuse en vente dans les épiceries. Cela témoigne donc de l'efficacité de la gestion de l'offre. Le prix de la volaille à la ferme est actuellement le même qu'il y a dix ans. Le système de gestion de l'offre permet d'éviter les fluctuations trop importantes dans les prix, ce qu'apprécie beaucoup le secteur de la transformation.

Le président: Quelqu'un veut-il intervenir à ce sujet?

M. Potter: Ce n'est pas mon domaine de compétence. Je sais cependant que ces produits coûtent plus cher au Canada qu'ils ne coûtent aux États-Unis, et cela nous ramène à la question que posait M. Sauvageau au sujet de l'efficacité du système. Vous avez cependant raison de faire remarquer que ce système comporte des avantages. Il n'en demeure pas moins qu'il comporte également des inconvénients.

Le président: Vous avez la parole,

[Français]

monsieur Sauvageau. Avez-vous des questions?

M. Sauvageau: Monsieur Potter, vous avez dit au sujet des deux tribunaux, ceux de l'OMC et de l'ALENA, qu'il était plus facile pour une entreprise de demander de se faire entendre devant un panel de l'ALENA que d'aller supplier à genoux le ministère des Affaires étrangères.

Ne serait-il pas souhaitable qu'on supplie à genoux dans l'espoir de se faire entendre et de faire respecter le jugement plutôt que de se faire entendre devant un panel mais en risquant que le jugement ne soit pas respecté?

M. Potter: Sans doute que oui, monsieur Sauvageau, mais il n'est pas exact que les jugements des panels binationaux ne sont pas respectés. En fait, si vous regardez la chose dans la perspective de certains sénateurs américains, la perte de souveraineté américaine est énorme, puisque nous parlons de souveraineté aujourd'hui. Le sénateur Max Baucus et plusieurs autres se plaignent éternellement de la perte de souveraineté qui a été créée par l'ALENA et par le système de règlement des différends.

Les jugements qui ont été rendus relativement au porc et au bois d'oeuvre, notamment, que le Canada a gagnés, ont empêché les Américains d'agir. C'est vrai qu'il y a eu des problèmes, puisque les Américains sont revenus souvent à la charge, mais les jugements des panels binationaux ont quand même tenu.

Ce n'est pas vrai que les Américains les ont bafoués ou ont refusé de les respecter. Tout ce que je peux dire, c'est que mes clients, quand ils veulent attaquer un jugement américain, ne gaspillent normalement pas leur temps - il y a des exceptions - en allant demander au gouvernement du Canada de décider s'il va porter la cause devant l'OMC et en se demandant s'il va la plaider comme il le faut. Ils déposent tout simplement la requête devant les panels binationaux.

Je pense que cela va changer, pour les raisons qu'a évoquées le professeur Howse. Cela va changer graduellement, et je soutiens qu'il faut garder les deux scènes en marche continuellement.

.1700

Le président: Je m'excuse de vous interrompre. Doit-on prendre au sérieux cette suggestion que les dispositions sur le règlement des différends dans l'Accord de libre-échange, avec les États-Unis, et ensuite dans l'ALENA sont inconstitutionnelles aux États-Unis?

M. Potter: Je pense que lorsque l'argument a d'abord été avancé, il fallait le prendre un peu au sérieux. C'est un argument qui a été avancé il y a plusieurs années, mais qui n'est allé nulle part depuis ce temps-là. Avec le temps, personnellement, je le prends de moins en moins au sérieux. Je ne suis pas un expert constitutionnel américain, mais je vois que les Américains ont avalé la chose et ont laissé perdurer un système malgré ces arguments-là. Les arguments ont été débattus devant un tribunal de New York dans des procédures intentées par un regroupement de consultants en affaires douanières et cela été rejeté.

Le président: Je vous rends la parole, monsieur Sauvageau.

M. Sauvageau: J'aimerais vous entendre tous les deux sur la proposition du professeur Howse ayant trait à un tribunal permanent plutôt que des panels ad hoc. Croyez-vous que ce comité pourrait suggérer la création d'un tribunal permanent pour les différends commerciaux? Vous êtes avocat et donc praticien mais, comme théoricien, que pensez-vous de l'idée de la création d'un tribunal permanent?

M. Stanley: Si on voulait développer un cadre de lois nord-américain multijuridictionnel, je crois qu'il faudrait aussi développer un cadre d'expertise permanent. Cela va peut-être rassurer les Américains, qui ont des inquiétudes à ce sujet; ce serait un cadre assez objectif et plus professionnel. Aussi, il existe un petit problème administratif dans la façon dont les Américains regardent les choses en ce qui a trait aux conflits d'intérêts. La seule façon de régler ce problème serait finalement d'accepter un tribunal permanent.

M. Potter: Je suis d'accord. Je pense que nous sommes voués éventuellement à un tribunal permanent. Cependant, avant d'y arriver, il faut constater que les praticiens qui sont appelés de temps à autre à servir comme membres de ces comités sont différents des juges qui siègent en permanence à un tribunal. Ce sont des praticiens et ils sont très différents des juges. Ils sont moins peureux. Ils fouillent davantage dans les dossiers. Ils sont peut-être plus portés à aller chercher la bibite dans le dossier américain et à essayer de faire renverser le jugement d'un tribunal du genre qui a déjà rendu de mauvais jugements dans certaines de leurs causes.

Donc, je crois que pendant une certaine période, il serait peut-être dans l'intérêt du Canada de préserver un système où les panels sont formés de praticiens, du moins en partie, pour garder un peu cette volonté d'intervenir lorsque c'est nécessaire.

Le président: Vous avez quelques jugements sur la possibilité de négocier un tel développement avec les États-Unis. Croyez-vous que la création d'un tribunal permanent se heurterait à une fin de non-recevoir de la partie américaine?

M. Potter: Je crois qu'à plusieurs égards, elle y serait davantage favorable qu'on pourrait le penser, pour les raisons que vient d'évoquer le professeur Stanley. Les Américains s'inquiètent beaucoup de la question des conflits d'intérêts, un peu avec raison, dois-je dire, parce que le bassin d'experts canadiens est assez petit. Lorsqu'on va piger parmi les experts canadiens pour trouver des gens pour siéger sur ces panels, il est difficile d'en trouver un qui n'ait pas le moindre conflit. L'idée américaine d'un conflit va très loin, géographiquement et dans le temps, pour le passé et pour l'avenir. De plus, cela rend très difficile la vie d'un praticien. Une fois que j'ai siégé sur un panel, je porte avec moi ce conflit pendant bien longtemps, et mes associés aussi.

.1705

Je pense que les États-Unis seraient peut-être ouverts à la chose, mais c'est sûr qu'ils ne voudront pas en parler avant la prochaine grande négociation. Donc, ce sera lors de la prochaine discussion sur un nouvel entrant, que ce soit le Chili ou un autre pays.

M. Sauvageau: C'est hypothétique, mais advenant la création d'un tribunal permanent, non pas avec trois pays parce qu'on aurait un problème, pensez-vous qu'il serait possible de faire étudier les cas par des tiers, en éliminant les parties concernées?

M. Potter: Il n'y a pas de raisons qui pourraient empêcher cela. Et pourquoi ne pas avoir un tribunal formé de trois pays? Il y a déjà le Mexique dans l'ALENA. Il y a déjà des panels, où il y a des gens qui viennent de trois pays plutôt que de seulement deux. Dans le meilleur des mondes, avec un ALENA formé de cinq ou six pays, on aurait des panels formés de trois personnes qui ne viendraient pas des deux pays concernés. Pourquoi pas?

[Traduction]

Le président: Monsieur Penson.

M. Penson: Je vous remercie.

Étant donné la relation commerciale que nous entretenons depuis toujours avec les États-Unis, qui constituent notre plus important partenaire commercial, on pense que dans 20 ans un tribunal remplacerait les groupes spéciaux bilatéraux. M. Howse pense qu'on devrait porter certains différends devant l'OMC plutôt que devant l'ALENA.

Je me demande si nos deux invités d'aujourd'hui pourraient nous dire comment ils pensent qu'on pourrait améliorer les règles commerciales en prévision de la prochaine série de négociations et dans le but d'améliorer notre accès aux marchés de manière à ne pas avoir à accepter le plafonnement des exportations. Malgré l'accord de libre-échange que nous avons conclu avec les États-Unis, nous avons dû accepter de limiter nos exportations de bois d'oeuvre vers ce pays. Quelques années plus tôt, nous avons dû accepter de limiter nos exportations de blé, et on voudrait que nous acceptions de nouveau de le faire. Il y a intégration de plus en plus poussée de nos économies.

Serait-il possible d'établir des règles qui permettraient de prévenir ce genre de différends commerciaux? Comment pensez-vous que les choses évolueront au cours des 20 prochaines années?

M. Stanley: À mon avis, il faut d'abord éviter de considérer qu'il y a toujours des perdants et des gagnants. Selon moi, l'industrie du bois d'oeuvre a gagné et le consommateur a perdu. C'est d'ailleurs ce qu'on souhaitait, et c'est ce qu'on a eu. Chaque fois qu'on impose des quotas, on gère le commerce au lieu de le libéraliser, étant donné que les industries visées ne sont pas prêtes à se restructurer. Voilà ce qui explique ces cartels officieux.

Je crois qu'on n'a peut-être pas fait suffisamment de cas de l'incidence de l'ALENA sur nos relations commerciales avec les États-Unis. En effet, dans le cadre de l'ALENA, le Canada a perdu la position privilégiée qui était la sienne dans le cadre de l'accord commercial précédent. Les conséquences de l'ALENA pour le Canada ne se sont pas encore vraiment fait sentir en raison de l'effondrement financier du Mexique et du fait que ce pays a du mal à se remettre de la pire crise économique de ces dernières années.

Je crois cependant qu'il est probable que le centre de l'activité économique en Amérique du Nord passera d'ici 10 à 20 ans de la région des Grands Lacs à celle de la frontière entre le Texas et le Mexique. Cela va à la fois compliquer et simplifier les choses pour le Canada, et cela aura des conséquences pour ce qui est de la complexité des différends qui se produiront. Je ne sais pas exactement comment les industries de la région des Grands Lacs vont réagir. L'expérience nous enseigne cependant qu'elles proposeront sans doute d'autres accords de gestion du commerce. Comment pouvons-nous les empêcher de le faire, puisque la question de l'efficacité n'intervient pas? Je me demande comment nous réagirons à la situation.

.1710

M. Potter: Dans la pratique, je le répète, à mon avis bon nombre de ces différends découlent de questions de droits antidumping ou compensateurs. Selon moi, tout comme l'ont fait nos négociateurs au moment du premier accord de libre-échange, nous devrions tâcher, monsieur Penson... À ce moment-là, le règlement des différends devait être ni plus ni moins un mécanisme à court terme, provisoire, en attendant un nouveau régime. Avec le nouveau régime, les affaires de droits compensateurs n'auraient plus lieu d'être, car on se bornerait à des règles sur le genre d'aide gouvernementale permise ou interdite.

Si nous pouvions revenir à cet état d'esprit, nous pourrions peut-être écarter bon nombre de ces problèmes. Le bois d'oeuvre constitue un problème. Le porc également. Les porcins aussi. Il nous faut élaborer des règles qui précisent ce qui est permis et ce qui ne l'est pas, et il nous faut nous débarrasser de tout droit compensateur.

À la vérité, pour ma part, je trouve qu'il faudrait essayer de se débarrasser d'une bonne partie des droits antidumping, que j'estime ne pas être rentables pour qui que ce soit.

M. Penson: Je pensais que vous aviez dit tout à l'heure que nous devrions même envisager de nous en débarrasser unilatéralement.

M. Potter: Oui. Je pense qu'il vaudrait la peine d'y songer. Des études, faites au Canada et aux États-Unis, démontrent que la procédure antidumping est néfaste à l'économie d'une façon ou d'une autre. Même si les cas que nous présentons ne font pas intervenir des centaines d'avocats - seuls les Américains procèdent ainsi - il n'en demeure pas moins que le coût pour le Trésor public et les intervenants privés est énorme. Ajoutez à cela l'incertitude économique et les sommes que doivent verser en droits antidumping les producteurs, qui n'ont, croyez-moi, que peu de rapports avec la réalité, et le coût devient faramineux. Il faudrait envisager sérieusement de décider unilatéralement de ne pas mettre en oeuvre de procédures antidumping dans le cas des produits à faible valeur ajoutée. Il faudrait réserver ces procédures aux produits à valeur ajoutée élevée.

Le président: Nous nous sommes penchés là-dessus l'automne dernier quand nous avons examiné la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire le rapport du comité, mais nous y avons traité de l'intérêt public, et c'est une composante de ce que vous êtes en train de nous dire.

M. Potter: Vous avez parfaitement raison, monsieur le président. Cette disposition figure dans la LMSI, et des audiences publiques sont prévues. Dans la pratique - car contrairement aux législateurs, qui espèrent que les lois adoptées donneront les résultats escomptés au bout du compte, j'ai l'expérience du point de vue de mes clients qui doivent faire face à cela - et je suis en mesure de vous dire que ces dispositions législatives ne sont pas toujours adaptées à la réalité. Quand il y a détermination de dumping et de préjudice important, au palier institutionnel on a tendance à se récrier et à dire que néanmoins on ne veut pas que les prix grimpent sur le marché canadien. Voilà pourquoi je tiens à signaler respectueusement, en ce qui a trait à l'intention de la recommandation, qu'à mon avis elle ne règle pas le problème, en particulier pour les produits à faible valeur ajoutée.

Le président: Il serait peut-être bon que je vous demande de réagir à certains renseignements que nous avons recueillis lors de nos audiences sur la LMSI. En effet, d'aucuns nous ont dit que même s'il est tout à fait logique sur le plan économique de supprimer les droits antidumping et compensateurs pour compter davantage sur les lois et les règlements en matière de concurrence, il est inutile de songer à négocier cela avec les États-Unis pour l'instant. Partagez-vous cette opinion?

M. Potter: C'est sans doute vrai. Les États-Unis tiennent absolument à maintenir la façon dont ils procèdent à Washington pour régler les cas de droits compensateurs et antidumping. À Washington, l'enjeu politique dans ces cas-là est énorme, et c'est précisément de cette subjectivité commerciale que M. Howse parlait tout à l'heure. Si nous décidions de procéder comme nous devrions le faire selon moi, il faudrait que nous le fassions tout simplement parce qu'il y va de notre propre intérêt.

M. Stanley: Bien entendu, cela vaut également pour la plupart des soi-disant concessions consenties à la table de négociation. C'est un processus mercantiliste, mais de la libéralisation du commerce découlent des avantages, de sorte que l'on peut difficilement parler d'une concession quand il s'agit d'un élément en votre propre faveur. Cela est inhérent au régime.

.1715

À mon tour, j'aimerais poser une question à mon collègue. Je n'ai pas eu l'occasion de la lui poser jusqu'à présent. Nous avons parlé des restrictions quant à la possibilité pour les parties de modifier leurs lois, etc. Dans l'ALENA, n'existe-t-il pas une possibilité de non-violation? L'article 20 contient un élément d'annulation, si je ne m'abuse. Ne pourrions-nous pas l'utiliser de façon ingénieuse, plus tard dans le processus, pour prendre des mesures tout à fait conformes aux principes que contient l'accord?

M. Potter: Oui. Je vous réponds que oui. Nous ne faisons pas preuve d'assez d'imagination dans l'utilisation des dispositions de l'ALENA. C'est une chose que je souhaitais dire aujourd'hui. J'ai essayé de le faire tout à l'heure. Il faut que nous soyons plus acharnés dans l'utilisation des droits qu'il confère.

Le président: Monsieur Penson.

M. Penson: Monsieur le président, j'aimerais que M. Potter m'apporte une précision. Quand tout à l'heure nous parlions du bois d'oeuvre, vous avez dit, si je ne me trompe pas, que le gouvernement canadien manquait d'audace en n'allant pas de l'avant dans cette affaire. Est-ce que je vous ai mal compris?

M. Potter: Non, c'est ce que j'ai dit.

M. Penson: Voici où je veux en venir. N'appartient-il pas à l'industrie plutôt qu'au gouvernement de saisir un groupe spécial de l'ALENA d'une affaire? C'est exactement ce que disait M. Howse tout à l'heure. Si l'on veut saisir l'OMC d'une affaire, il faut passer par notre gouvernement fédéral, mais les représentants d'une industrie ne peuvent-ils pas saisir directement des groupes spéciaux de l'ALENA?

M. Potter: Vous avez raison. Toutefois, cela s'est soldé par une entente Canada-États-Unis. Cette entente n'aurait jamais été signée si le gouvernement du Canada ne l'avait pas souhaité, mais avait choisi plutôt d'avoir recours à un mécanisme de règlement des différends. Ottawa a pris une décision, pour des raisons qui sont sans doute fort valables. Je ne conteste pas cette décision. Je dis tout simplement que l'on ne peut pas se servir du cas du bois d'oeuvre comme d'un exemple qui démontre l'échec du système des groupes spéciaux binationaux. Le cas du bois d'oeuvre illustre le fait qu'un pays a décidé de ne pas se servir de ces groupes spéciaux. Ils existaient, et nous avons choisi de ne pas nous en servir.

M. Penson: Mais, manifestement, si les États-Unis décidaient d'envisager de modifier leurs lois nationales, nous aurions peur de chances d'obtenir gain de cause, n'est-ce pas? En fait, à mon avis nous aurions dû choisir de passer par l'OMC pour régler cette question une fois pour toutes. Je pense que le Canada aurait eu gain de cause. Dans le cas contraire, une instance internationale aurait décrété que le Canada ne respecte pas ses engagements envers l'OMC sur le plan des subventions au bois d'oeuvre, et il aurait fallu que nous modifiions notre comportement.

M. Potter: Monsieur Penson, je ne m'occupais pas de ce dossier à cette époque, mais plusieurs autres personnes ont fait valoir exactement le même argument que vous. Vous avez tout à fait raison de dire également que l'industrie a réagi, particulièrement en Colombie-Britannique.

En effet, les industriels se sont demandé ce qui se passait entre-temps. Ils craignaient que leurs approvisionnements vers les États-Unis n'en souffrent. Ils ont dit qu'ils vendaient un certain pourcentage de leur production aux États-Unis. Au Québec, ce pourcentage est appréciable. En Colombie-Britannique, il l'est également. Avant qu'une décision ne soit prise, tout cela serait bouleversé. Ne sachant pas pour combien de temps, ils se sont dit qu'ils ne savaient pas si effectivement il y avait de l'espoir. Ainsi, l'entente a été signée.

M. Penson: Oui, et c'est semblable à la situation de 1992, quand des droits compensateurs ont été imposés, et que l'on est revenu en arrière quand nous avons eu gain de cause. C'est sans doute ce qui se serait produit dans ce cas-ci. En attendant une entente, des droits compensateurs auraient été imposés.

M. Potter: Assurément. Cela ne fait aucun doute. La seule chose qui les inquiétait, c'était: pour combien de temps? Au fait, l'OMC était une organisation toute nouvelle, et à ce moment-là...

M. Penson: D'habitude, la procédure prend un an.

M. Potter: Oui, mais il s'agissait d'une organisation toute nouvelle, et l'affaire aurait été plaidée par Ottawa, et non pas par les industriels. Voilà pourquoi ils se sont rabattus sur l'entente. À tort ou à raison. Je dis tout simplement que l'on ne peut pas en conclure par là que le régime ne vaut rien.

Le président: Je suppose qu'il faut ajouter que cela est l'issue de la première ronde seulement. En effet, l'entente comporte une date d'expiration, avec possibilité de reconduction, mais on pourrait très bien faire intervenir le mécanisme de règlement des différends, n'est-ce pas?

M. Potter: En effet, c'est possible, dans la mesure où les parties n'accepteront pas de reconduire l'entente ou d'en signer une nouvelle. Les Américains pourraient présenter la même menace qu'il y a deux ans. À ce moment-là, il va falloir que nous plongions ou que nous prenions la même décision pratique.

.1720

Le président: Monsieur Calder, avez-vous d'autres questions?

M. Calder: Non, monsieur le président. Merci.

Le président: Il nous reste encore quelques minutes. J'aimerais que nous revenions sur l'exemption culturelle, monsieur Potter. Vous en avez parlé. Vous avez dit essentiellement que cette exemption culturelle n'en est pas vraiment une, car elle ne nous protège pas contre les représailles. Bien entendu, vous avez raison. Toutefois, le gouvernement du Canada a la possibilité de modifier ses politiques comme bon lui chante sans craindre de violer les dispositions de l'ALENA ou de l'ALE.

Pensez-vous qu'il serait opportun de procéder à des négociations avec les États-Unis, et le Mexique désormais, pour définir les modalités assorties à l'exemption culturelle qui nous protégerait de représailles éventuelles?

M. Potter: Je vous répondrai qu'à cet égard il faudrait procéder sur le plan multilatéral, même si je ne suis pas du tout sûr que l'on puisse envisager de réaliser quelque chose à court terme. À mon avis, nous aurions probablement plus de chances si un front commun de pays pressentait Washington sur cette question, en faisant valoir que ceux qui ne sont pas Américains ont une conception de ce qui est culturel qui ne correspond pas nécessairement à ce que les Américains considèrent comme du pur commerce.

Si nous procédions sur une base bilatérale, je ne pense pas que nous obtiendrions beaucoup plus que ce que nous avons obtenu avec l'ALENA. Vous me demandez de prévoir l'avenir, mais je vous fais part de ma réaction spontanée. Même si j'avais procédé un peu différemment, je pense que le fait d'aller en Europe, comme un ministre canadien l'a fait il y a quelques semaines, pour amorcer ce processus multilatéral est sans doute la bonne façon de procéder.

Le président: On sait que l'ancien accord du GATT comportait un régime spécial pour l'agriculture. Je suppose qu'on pourrait faire valoir qu'étant donné que les produits culturels ne sont pas des objets la communauté internationale pourrait envisager un régime spécial dans leur cas. Qu'en pensez-vous?

M. Potter: Je vais demander à M. Stanley de vous répondre, car il est manifestement plus courageux que moi à propos de ces questions-là. Je dirais que l'OMC a sans doute beaucoup de pain sur la planche. On vient de finir les télécommunications, ce qui ne fut pas une tâche facile. On entreprend les services financiers, et ce ne sera pas facile. Il y a également d'autres dossiers, y compris la question de la concurrence, qui intéresse M. Penson.

Je pense que l'on ne peut pas envisager de façon très réaliste que l'on obtiendra du jour au lendemain un nouvel Uruguay Round ou la réouverture sous peu de la discussion sur la protection culturelle. Toutefois, il faut que ce soit fait ainsi, sur une base multilatérale.

Guy.

M. Stanley: Tout comme Simon, je ne pense pas moi non plus que ce serait une bonne idée. L'OMC prévoit déjà une disposition pour les subventions culturelles, si bien que ce n'est pas là le véritable enjeu.

Le véritable enjeu, c'est cette panoplie de programmes et de traitements spéciaux que nous avons édifiés depuis plus de 20 ans, et peut-être depuis plus longtemps encore, pour les industries culturelles canadiennes. Je ne suis pas sûr que le fondement de cette politique ait jamais été tout à fait valable, et même s'il l'a été, je me demande s'il l'est encore. Désormais, les Canadiens peuvent communiquer entre eux suivant des millions de façons qui n'existaient même pas il y a dix ans.

La répartition des fréquences sur le spectre et tout ce qui va avec, qui a donné lieu à beaucoup de politiques en matière de radiodiffusion, est devenue une pièce de musée. Selon moi, avant de faire quoi que ce soit il nous faudrait repenser toute notre façon d'aborder cette question. C'est ce que nous devrions faire.

Le président: Monsieur Potter, vous êtes avocat. Pouvez-vous établir une différence entre un produit culturel et un service culturel, que des régimes différents pourraient régir à l'échelle internationale?

.1725

M. Potter: Je souhaiterais disposer d'un peu plus de temps pour vous donner un avis juridique. Je n'ai pas l'habitude de le faire sans facturer.

Des voix: Oh, oh!

M. Graham (Rosedale): Et l'on s'attend à obtenir des avis sans avoir à débourser quoi que ce soit. Cela pourrait se retourner contre nous.

M. Potter: Monsieur Graham, je vous donnerai quand même un avis partiel. Nous employons le mot «culture» un peu à tort et à travers au Canada. Il nous faudrait être plus précis quand nous parlons de la question. S'agit-il tout simplement de distribuer des bandes vidéo ou des films à des cinémas? Qu'est-ce que la culture? Est-ce que le vecteur qui transporte la culture est également de la culture?

Il nous faudrait établir des catégories, des nuances, et aborder les choses différemment suivant ce dont nous parlons plutôt que de nous emparer du mot et de nous plaindre de ce que les Américains sont envahissants.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Graham, merci de vous joindre à nous. Nous vous donnons environ trois minutes pour poser une question.

M. Potter: Je croyais que M. Graham connaissait tout déjà.

M. Graham: J'ai mis un point final au chapitre de notre livre, monsieur Potter, de sorte que je ne peut pas profiter indûment d'un conseil gratuit de votre part, là-dessus du moins. Il serait trop tard pour envoyer une modification à l'éditeur. Je regrette que cette réunion n'ait pas eu lieu avant.

Vous avez parlé de la culture, mais je profite de votre présence ici pour vous poser une question sur le règlement des différends à l'OMC, dont on a beaucoup parlé récemment, et notamment sur le résultat du règlement d'un différend à l'OMC plutôt qu'en vertu de l'ALENA. Il faut bien dire qu'un système de règlement des différends ne vaut que ce que vaut son mécanisme de mise en oeuvre, car il faut que les modalités de mise en application de toute décision aient un caractère exécutoire, produisent un résultat efficace.

Selon vous, puisqu'il existe désormais un mécanisme à l'OMC, qui est beaucoup plus sophistiqué que le précédent au GATT, peut-on dire que ce mécanisme est aussi bénéfique pour le Canada que le chapitre 20 de l'ALENA, qui porte sur les différends en général? Je ne parle pas du chapitre 19, qui contient un système discret. Si le mécanisme de l'OMC n'est pas aussi avantageux, quelles différences comporte-t-il dont nous devrions être conscients, sachant en particulier qu'au bout du compte, dans tous les différends commerciaux, si l'une des parties ne respecte pas la décision, l'autre partie n'a guère d'autre choix que d'exercer des mesures de rétorsion ou de représailles? Pour régler des différends, quelle est l'efficacité alors?

M. Potter: J'aimerais avoir la possibilité de réfléchir davantage à cette question. Je vais vous donner une réponse, et je suis sûr que M. Stanley a pour sa part une réponse bien pesée à vous fournir. Je vous dirai donc que sur papier le chapitre 20 de l'ALENA est un tant soit peu supérieur à l'autre mécanisme. En principe, on peut demander au groupe spécial de règlement du différend de ni plus ni moins préciser quelles seront les représailles en cas de non-respect de la décision, afin d'éviter le cirque de représailles et de contre-représailles.

Toutefois, c'est seulement sur papier. En pratique, les politiques - avec raison, à mon avis - répugnent à demander cela à un groupe spécial et préfèrent que ce genre de chose demeure secrète pour pouvoir s'en servir lors d'éventuelles négociations à la suite de la décision du groupe spécial. En pratique, donc, il n'y a guère de différence entre la voie de l'OMC et la voie de l'ALENA.

Voilà donc la réaction spontanée que provoque chez moi votre question.

Le président: Monsieur Stanley.

M. Stanley: Au risque de décevoir mon collègue, je ne suis pas sûr d'avoir beaucoup à ajouter à ce qu'il vient de dire. Le fait que les citoyens pourront avoir recours au régime de l'ALENA en pratique offre la promesse d'un système plus abordable, plus souple.

Vous avez posé la question du point de vue de la décision finale... Le problème quand il s'agit des États-Unis tient au fait qu'il y a une composante politique dans le cas de certains différends. À moins que nous n'oeuvrions pour renforcer les intérêts favorables au libre-échange aux États-Unis - et à moins que tous les adhérents à l'ALENA ne le fassent - la bagarre sera sans fin.

.1730

Je ne pense pas qu'il soit tout à fait juste de concevoir ces mécanismes de règlement des différends régis par des règles comme échappant à toute négociation. Il y a un mélange des deux. Le système est conçu de la sorte.

Au bout du compte, il faut pouvoir compter sur les amis que nous avons de l'autre côté de la frontière. Mais étant donné les conséquences en cascade que peut avoir un jugement subjectif, bien des gens tiennent absolument à ce que le système fondé sur des règles fonctionne, et fonctionne de telle sorte qu'il permettra à ceux qui sont en faveur des marchés ouverts d'être ménagés sur le plan politique.

Si nous nous attardons trop à cet aspect, nous perdrons peut-être de vue une nouvelle composante idéologique de la politique étrangère américaine, à savoir que l'on veut utiliser les règles commerciales bilatérales et multilatérales pour promouvoir ce que l'on appelle les «valeurs américaines» de la libre entreprise, etc. Manifestement, s'il y a une contradiction trop marquée entre les déclarations que font les Américains et leurs décisions, cela n'ira pas.

Il existe donc des leviers très puissants dont nous pouvons nous servir si nous choisissons de le faire.

M. Graham: Puis-je poser une brève question? Je voudrais dire tout d'abord qu'il me semble qu'un des problèmes que comporte le système de prise de décisions de l'ALENA tient au fait que les groupes spéciaux du chapitre 20 et du chapitre 19 ont une existence trop «ponctuelle». Il y a désormais trois pays, le Mexique, le Canada et les États-Unis. Il y a par conséquent trois langues, l'espagnol, l'anglais et le français, toutes trois utilisées dans le processus de prise de décisions. Il y a trois cultures juridiques différentes, et il me semble qu'un des défauts de ce processus, c'est de ne pas avoir prévu de groupe spécial permanent, de tribunal permanent - et je ne cite pas le modèle européen en exemple, mais je dis tout simplement qu'il faudra un organe permanent - qui serait chargé de ces différends et qui serait constitué sur une base tripartite. Encore une fois, je trouve que c'est une lacune du système que de laisser le Canada et les États-Unis s'affronter l'un et l'autre devant un groupe spécial bilatéral, les Mexicains en étant exclus, et inversement s'il s'agit d'un différend entre les États-Unis et le Mexique.

Les experts ici présents ne reconnaissent-ils pas qu'il y va de l'intérêt du Canada de réclamer un tribunal permanent pour remplacer ces tribunaux spéciaux? Pensez-vous au contraire que le système actuel est...?

M. Potter: Il est utile de signaler que les choses évoluent dans cette direction et qu'il est bien qu'il en soit ainsi. J'ai bien dit qu'il faudrait que nous ne nous acheminions pas vers cette solution trop rapidement, car entre-temps il y a des gens qui travaillent aux dossiers examinés par ces groupes spéciaux, et cela s'est révélé à l'avantage du Canada, car ces gens veulent fouiller les dossiers à fond afin de découvrir le moyen de faire renverser une décision. Si nous pouvions...

M. Graham: Avant de donner votre opinion, vous avez bien déclaré vos intérêts en tant que membre d'un de ces groupes spéciaux, n'est-ce pas?

M. Potter: Oui, j'ai bien tenu compte de cela. J'ai bien déclaré mon intérêt personnel.

Le président: Là-dessus, il faut que nous levions la séance, qui a été fort intéressante. Au nom de tous les membres du comité, je tiens à remercier nos témoins. Nous avons été bien renseignés.

La séance est levée.

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