Privilège parlementaire / Droits de la Chambre

Outrage à la Chambre : culpabilité face à des accusations de fraude électorale; inhabilité à siéger et à voter; droit de la Chambre d’expulser un député; question fondée de prime abord

Débats, p. 9183

Contexte

Le 3 novembre 2014, Peter Julian (Burnaby—New Westminster) soulève une question de privilège concernant le verdict de culpabilité de Dean Del Mastro (Peterborough) concernant plusieurs chefs d’accusation de violation à la Loi électorale du Canada. Bien que la Loi énonce que le député ne devrait pas continuer de siéger à la Chambre, M. Julian soutient que seule la Chambre peut se prononcer sur le droit de siéger d’un député; il demande donc au Président de conclure que la question de privilège est fondée de prime abord, afin que la Chambre puisse déterminer si elle doit expulser M. Del Mastro. Peter Van Loan (leader du gouvernement à la Chambre des communes) soulève par la suite une question de privilège semblable; il affirme le droit de la Chambre de trancher toute question touchant à l’habileté de siéger des députés, mais déclare que c’est le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre qui devrait se pencher sur la question de la suspension du député. Après avoir entendu d’autres députés, le Président prend la question en délibéré[1].

Résolution

Le Président rend sa décision le 4 novembre 2014. Il confirme l’importance fondamentale du droit dont jouissent tous les députés de siéger et de voter à la Chambre, ainsi que le pouvoir de la Chambre de décider des questions relatives au droit de siéger. Par conséquent, il conclut que la question de privilège est fondée de prime abord. Puisque deux députés ont soulevé la même question de privilège, il invite celui qui l’a fait en premier, M. Julian, à présenter sa motion.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée hier par le leader à la Chambre de l’Opposition officielle et l’honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes au sujet du droit du député de Peterborough de siéger et de voter à la Chambre.

Je remercie le leader à la Chambre de l’Opposition officielle et l’honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes d’avoir soulevé cette question, ainsi que le député de Winnipeg-Nord de son intervention.

Lorsqu’il a soulevé la question de privilège, le leader à la Chambre de l’Opposition officielle a expliqué que, le 31 octobre dernier, la Cour de justice de l’Ontario a déclaré le député de Peterborough coupable de quatre infractions à la Loi électorale du Canada. Bien que cette Loi prévoie que le député ne puisse plus siéger à la Chambre, le leader à la Chambre de l’Opposition officielle a maintenu que seule la Chambre pouvait se prononcer sur le droit de siéger d’un député et que, par conséquent, elle devait être saisie de cette question importante.

De son côté, l’honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes a réitéré le pouvoir de la Chambre de déterminer si un député peut continuer de siéger et de voter et il a proposé que ce soit le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre qui se penche sur la question.

Comme pour toute question de privilège, le rôle du Président consiste à trancher les questions de procédure, non pas les questions de droit, et il se limite en fin de compte à déterminer si, de prime abord, la question soulevée est d’importance telle qu’elle justifie que la Chambre l’examine en priorité avant toute autre affaire.

Le droit d’un député de siéger et de voter à la Chambre est d’une importance fondamentale, car il constitue l’essence même des privilèges collectifs des députés. Comme je l’ai déclaré dans la décision que j’ai rendue le 18 juin 2013 :

Le droit, voire la nécessité absolue, de siéger et de voter est tellement essentiel à la capacité des députés d’exercer leurs fonctions parlementaires qu’il me serait difficile de trop insister sur l’importance de cette question pour les députés à titre individuel et pour la Chambre à titre collectif.

De plus, dans La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, il est clairement indiqué que seule la Chambre peut trancher les questions touchant le droit de siéger des députés. Il est écrit, aux pages 244 et 245 :

Il n’existe aucune disposition constitutionnelle et peu de dispositions législatives permettant d’expulser un député régulièrement élu. Les dispositions législatives qui rendent un député inhabile à voter ou à siéger n’entraînent pas automatiquement la vacance de son siège. En raison de ses privilèges parlementaires, la Chambre jouit du droit de trancher toute question touchant au droit de siéger des députés : elle a l’autorité de décider si un député doit être autorisé à siéger aux comités, à toucher un salaire ou même à conserver sa qualité de député.

Comme le révèle le passage que je viens de lire, la Chambre dispose d’une gamme de recours dont elle peut se prévaloir dans une situation donnée.

En l’espèce, les deux députés qui ont soulevé essentiellement la même question de privilège ont choisi de lire publiquement la motion qu’ils proposeront si je conclus que la question paraît fondée à première vue.

Comme d’habitude, dans les questions de ce genre, c’est surtout le processus qui intéresse la présidence, et mon rôle se limite à déterminer si la gravité et l’importance de la question justifient que celle-ci soit débattue immédiatement.

De ce point de vue, il est évident que la question de privilège paraît fondée à première vue et c’est pourquoi j’ai conclu qu’elle méritait d’être débattue immédiatement par la Chambre.

Compte tenu de la nature rare et exceptionnelle des circonstances, je laisserai à la Chambre le soin de déterminer la nature des recours qu’elle souhaite envisager.

Par conséquent, comme le dicte l’usage lorsque deux députés soulèvent la même question de privilège, j’invite l’honorable leader à la Chambre de l’Opposition officielle à proposer sa motion, puisque c’est lui qui a soulevé la question le premier.

Post-scriptum

M. Julian propose que la Chambre des communes suspende immédiatement le droit de M. Del Mastro de siéger et de voter à la Chambre, de siéger à un comité et de recevoir son indemnité parlementaire, puis que la question de son statut de député soit renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre[2].

Le 5 novembre 2014, M. Del Mastro prend la parole à la Chambre des communes en vertu de l’article 20 du Règlement[3] et remet sa démission. Le Président déclare alors qu’il n’est plus nécessaire de débattre de la motion de privilège, qui est rayée du Feuilleton[4].

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[1] Débats, 3 novembre 2014, p. 9099–9106.

[2] Débats, 4 novembre 2014, p. 9183.

[3] Voir l’annexe A, « Dispositions citées : Règlement de la Chambre des communes », article 20.

[4] Débats, 5 novembre 2014, p. 9219–9221.