Privilège parlementaire / Droits de la Chambre

Outrage à la Chambre : présentation d’une mise à jour financière à l’extérieur de la Chambre des communes

Débats, p. 10167–10168

Contexte

Le 17 novembre 2014, Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley) soulève une question de privilège au sujet d’une mise à jour financière que
Jim Flaherty (ministre des Finances) a présentée devant un auditoire privé composé de professionnels des finances plutôt qu’à la Chambre. Selon M. Cullen, le fait d’accorder aux représentants d’institutions bancaires et financières un accès privilégié à cette information empêche les députés d’accéder à des renseignements cruciaux dont ils ont besoin pour exécuter leurs fonctions parlementaires, ce qui, par conséquent, constitue un outrage à la Chambre et aux députés. En réponse, Peter Van Loan (leader du gouvernement à la Chambre des communes) affirme que les mises à jour économiques ou financières ont souvent eu lieu à l’extérieur de la Chambre et que comme elles ne sont pas régies par le Règlement, il revient au ministre de décider s’il fait ses déclarations à l’intérieur ou à l’extérieur de la Chambre. Après l’intervention d’un autre député, le Président prend la question en délibéré[1].

Résolution

Le Président rend sa décision le 4 décembre 2014. Il déclare que même si la publication de renseignements et l’accès à ceux-ci sont de première importance pour tous les députés, au regard de leur rôle de législateurs, ce ne sont pas toutes les délibérations ou activités se rapportant à la transmission des renseignements et à l’accès à ceux-ci qui touchent directement les fonctions parlementaires. Comme le Président ne peut conclure que l’affaire a empêché les députés d’exécuter leurs fonctions parlementaires, il ne peut conclure qu’il y a eu de prime abord atteinte au privilège.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision concernant la question de privilège soulevée par l’honorable député de Skeena—Bulkley Valley concernant la mise à jour économique et financière présentée par le ministre des Finances le 12 novembre 2014.

Je remercie l’honorable député de Skeena—Bulkley Valley d’avoir soulevé la question, ainsi que l’honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes et l’honorable leader à la Chambre de l’Opposition officielle pour leurs interventions.

L’honorable député de Skeena—Bulkley Valley a expliqué que, le 12 novembre dernier, le ministre des Finances avait présenté la mise à jour économique et financière officielle du gouvernement devant un public privé composé de professionnels de la finance, plutôt qu’à la Chambre. Il a affirmé que cela avait empêché les députés d’avoir accès à des renseignements cruciaux dont ils ont besoin pour exercer leurs fonctions parlementaires, ce qui constituait un outrage au Parlement, voire une atteinte au privilège des députés.

Le leader du gouvernement à la Chambre a répondu que la mise à jour économique et financière n’est pas un budget et qu’elle n’est donc pas régie par le Règlement. En conséquence, le ministre n’était pas tenu d’en faire la présentation à la Chambre. Il a signalé que les gouvernements faisaient depuis longtemps des annonces sur toutes sortes de sujets politiques en dehors de la Chambre.

La question de la divulgation et de l’accès des renseignements revêt bien entendu une grande importance pour les députés, puisqu’elle a une incidence sur leur rôle en tant que législateurs. La présidence souscrit au point de vue exprimé par le Président Parent le 6 novembre 1997, à la page 1618 des Débats, à savoir que ce rôle ne doit pas être banalisé. D’ailleurs, nous devrions souligner l’importance de ce rôle dans notre système de gouvernement responsable chaque fois que nous le pouvons.

Cela ne veut pas dire toutefois que chaque délibération ou activité liée à la présentation de renseignements ou à l’accès à des renseignements par des députés relève implicitement de leurs fonctions parlementaires.

Par exemple, en 2009, on a demandé au Président Milliken de déterminer si la divulgation du troisième rapport du gouvernement sur le plan d’action économique, faite à Saint John, au Nouveau-Brunswick, constituait une atteinte aux privilèges.

Dans une décision rendue le 5 octobre 2009, le Président Milliken a déclaré :

Les conférences de presse, la diffusion de documents, les initiatives politiques du gouvernement ne relèvent pas du Président de la Chambre, à moins que ces événements ne surviennent à la Chambre même.
Il est très difficile pour le Président d’intervenir dans une situation où le ministre a choisi de tenir une conférence de presse, une séance d’information ou une rencontre au cours de laquelle il dépose des documents, car le Président n’a aucune autorité sur l’organisation de ce genre d’activités.

En fait, un examen des mises à jour économiques et financières annoncées par le ministre des Finances révèle que, depuis 2009, celles-ci ont été présentées par le ministre à un public de gens d’affaires dans différentes provinces, la mise à jour de l’an dernier ayant été présentée devant la Chambre de commerce d’Edmonton le 12 novembre 2013. En outre, la présidence n’a trouvé aucun précédent où une question de privilège ou un rappel au Règlement a été soulevé relativement à ces mises à jour.

De plus, mes prédécesseurs ont toujours conclu que certaines conditions fondamentales devaient être réunies pour qu’il y ait matière à outrage ou à question de privilège. Comme on peut le lire à la page 109 de l’ouvrage d’O’Brien et Bosc :

Pour qu’il y ait à première vue matière à question de privilège, la présidence doit être convaincue que les faits confirment les propos du député selon lesquels il a été gêné dans l’exercice de ses fonctions parlementaires et que la question a un lien direct avec les délibérations du Parlement.

Compte tenu des précédents établis par mes prédécesseurs, il n’y a rien en l’espèce qui confirme que les députés ont été gênés dans l’exercice de leurs fonctions parlementaires. Par conséquent, je me dois de déclarer qu’il n’y pas de motifs suffisants pour conclure à une question de privilège fondée de prime abord.

Je remercie les députés de leur attention.

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[1] Débats, 17 novembre 2014, p. 9365–9367, 18 novembre 2014, p. 9471–9472.