Privilège parlementaire / Droits des députés

Protection contre l’obstruction et l’ingérence : gouvernement accusé de bloquer l’accès à l’information

Débats, p. 13868–13869

Contexte

Le 31 janvier 2013, Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier) soulève une question de privilège après avoir tenté d’obtenir des renseignements auprès de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. M. Bélanger prétend que les procédures gouvernementales obligeant les élus à passer par le bureau du ministre pour obtenir de l’information, alors que le public en général peut l’obtenir directement du ministère, donnent lieu à une inégalité d’accès à l’information entre les ministres et les députés de l’opposition. Il soutient que ces procédures l’ont empêché de s’acquitter de ses fonctions de député, d’autant plus qu’il avait besoin des renseignements pour se préparer aux questions orales. D’autres députés interviennent le même jour ainsi que le 1er février 2013[1]. Le 4 février 2013, Tom Lukiwski (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes) réplique que les activités concernant les circonscriptions ne relèvent pas du privilège et fait valoir que la meilleure façon pour les députés d’obtenir de l’information du gouvernement consiste à poser des questions orales ou écrites. Le Président prend la question en délibéré[2].

Résolution

Le Président rend sa décision le 7 février 2013. Il confirme que le privilège parlementaire s’applique uniquement aux cas où les députés prennent part à ce qui est considéré comme étant des délibérations du Parlement et que le travail de circonscription ou le fait de se préparer à poser une question orale ne fait pas partie des délibérations parlementaires. Il ajoute que même si le député avait un grief légitime, il n’appartient pas à la présidence d’intervenir dans les affaires des ministères ou dans les processus gouvernementaux. Par conséquent, le Président ne peut conclure que cela a nui à M. Bélanger dans l’exercice de ses fonctions parlementaires et qu’il y a eu, de prime abord, atteinte au privilège.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le 31 janvier 2013 par l’honorable député d’Ottawa—Vanier au sujet des formalités du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux applicables à la communication de renseignements aux députés.

Je remercie le député d’Ottawa—Vanier d’avoir soulevé cette question, ainsi que l’honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes, l’honorable leader à la Chambre de l’Opposition officielle et l’honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes pour leurs commentaires.

Le député d’Ottawa—Vanier dénonce le fait que les formalités obligeant les représentants élus à obtenir certains renseignements publics auprès du cabinet du ministre, alors que les citoyens ordinaires peuvent obtenir les mêmes renseignements directement au ministère, l’ont empêché de s’acquitter de ses fonctions de député, d’autant plus qu’il avait besoin de renseignements pour préparer des questions à poser au cours de la période des questions orales. Le député a dit craindre que le gouvernement ne cherche à lui rendre difficile, voire impossible, la tâche de servir ses électeurs.

Le député a aussi dit qu’il croyait qu’on se servait de ce double régime pour créer une inégalité entre les ministériels et les députés de l’opposition en ce qui concerne l’accès à l’information.

Quant au secrétaire parlementaire, il a fait valoir que les fonctions afférentes aux circonscriptions ne sont pas visées par le privilège parlementaire et il a indiqué que le député pouvait recourir à d’autres moyens pour obtenir les renseignements dont il a besoin, à savoir aux questions écrites et orales.

Étant donné que l’accès des députés à des renseignements exacts et à jour est l’une des pierres angulaires de notre système parlementaire, il ne faut pas s’étonner que d’autres députés aient, par le passé, soulevé des préoccupations très semblables au sujet de l’accès à l’information détenue par les ministères.

Autrement dit, la question de privilège soulevée par le député d’Ottawa—Vanier nous pousse à nous demander si la prétendue ingérence dans la capacité d’un député à obtenir des renseignements d’un ministère en temps opportun et de manière équitable constitue, de prime abord, une atteinte au privilège.

Lors de son intervention initiale dans cette affaire, le député a fait état de la nécessité d’avoir « des règles du jeu équitables en matière d’accès à l’information dans l’intérêt des personnes qui nous ont élus pour les représenter. »

Un examen attentif des précédents portant sur la question de savoir si le privilège parlementaire s’applique aux responsabilités de circonscription révèle que mes prédécesseurs ont déclaré plutôt catégoriquement que le privilège parlementaire s’applique seulement aux cas où le député participe aux travaux parlementaires. Comme l’a expliqué le Président Parent le 9 octobre 1997, à la page 689 des Débats, et je cite :

La présidence est consciente des multiples responsabilités, fonctions et activités de circonscription qui incombent à tous les députés et de l’importance qu’elles ont dans le travail de chacun des députés. Cependant, à titre de Président, mon rôle consiste à ne tenir compte que des questions qui influent sur le travail parlementaire des députés.

Dans la même décision, le Président Parent ajoutait, à la page 688 des Débats de la Chambre des communes :

Ainsi, pour qu’un député puisse soutenir qu’il y a eu atteinte à un privilège ou outrage, il doit avoir agi à titre de député, c’est-à-dire avoir effectivement participé aux délibérations du Parlement. Les activités des députés dans leur circonscription ne semblent pas correspondre à la définition de « délibérations du Parlement ».

Dans une décision portant sur une question similaire rendue le 4 février 2008, qui se trouve à la page 2540 des Débats, le Président Milliken en est arrivé à la même conclusion. D’autres présidents ont également eu l’occasion de définir clairement ce qu’on entendait par « travaux parlementaires » ou « délibérations parlementaires ».

L’honorable député d’Ottawa—Vanier a bien tenté d’établir un lien avec les délibérations parlementaires lorsqu’il a déclaré qu’il avait besoin des renseignements visés pour le travail de préparation d’une question à poser durant la période des questions. La présidence est d’avis que cela ne correspond pas aux définitions établies du travail parlementaire. Encore une fois, la décision rendue le 9 octobre 1997 par le Président Parent est fort éclairante à cet égard. Il a déclaré, à la page 688 des Débats de la Chambre des communes :

Après avoir soigneusement examiné les précédents, la présidence conclut que les activités relatives à la demande de renseignements en vue de préparer une question ne tombent pas sous le coup de la stricte définition de ce qui constitue des « délibérations du Parlement » et que, en conséquence, elles ne sont pas protégées par le privilège.

Pour sa part, le leader à la Chambre de l’Opposition officielle a rappelé aux députés la décision rendue le 15 mai 1985 par le Président Bosley, qui se trouve à la page 4769 des Débats, où il avait déclaré, et je cite :

On a admis à maintes reprises à la Chambre qu’une plainte sur les agissements ou sur l’inaction du gouvernement ne pouvait donner lieu à la question de privilège.

Cela ne veut pas dire que l’honorable député n’a aucun grief légitime, ni que la réponse et les formalités du ministère dont il a fait l’expérience ne méritent pas d’être soumises à un examen, ne serait-ce que pour leur apparente inefficacité. Le député voudra peut-être s’adresser au ministre pour voir s’il est possible d’en arriver à un arrangement satisfaisant. De plus, ainsi que le Président Milliken l’avait déjà proposé dans un cas semblable, le député pourra également demander à ce que le comité permanent compétent se penche sur les formalités ministérielles qui existent pour aider les députés qui souhaitent obtenir des renseignements, en vue de formuler des recommandations quant aux améliorations à apporter.

Néanmoins, à titre de Président, je suis contraint d’évaluer les situations de ce genre selon les stricts paramètres qui découlent des précédents et des usages de la Chambre ayant trait au privilège parlementaire. Il n’appartient pas à la présidence d’intervenir dans les affaires des ministères ni de se mêler des processus gouvernementaux, peu importe à quel point ils semblent frustrants aux yeux du député.

Ainsi donc, conformément aux précédents cités, la présidence se voit dans l’impossibilité de conclure que le député d’Ottawa—Vanier a été entravé dans l’exercice de ses fonctions parlementaires et, par conséquent, je ne puis conclure qu’il y a eu, de prime abord, atteinte au privilège.

Je remercie les députés de leur attention.

Certains sites Web de tiers peuvent ne pas être compatibles avec les technologies d’assistance. Si vous avez besoin d’aide pour consulter les documents qu’ils contiennent, veuillez communiquer avec accessible@parl.gc.ca.

[1] Débats, 31 janvier 2013, p. 13526–13527, 1er février 2013, p. 13575–13576.

[2] Débats, 4 février 2013, p. 13632–13633.