Le privilège parlementaire / Les droits des députés

Accès à l’information : fonctionnaires refusant de permettre l’accès à des séances d’information à l’intention des médias

Débats, p. 9589-9590

Contexte

Au début de la période réservée aux Ordres émanant du gouvernement, le 21 mars 1997, Val Meredith (Surrey—White Rock—South Langley) soulève une question de privilège. Elle déclare que le matin même, on lui a refusé l’accès à une séance d’information technique donnée à l’intention des médias par des fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l’immigration en prévision d’une conférence de presse du ministre concernant le Programme d’immigration des investisseurs du ministère. Elle soutient que le refus des fonctionnaires de lui permettre l’accès à la salle jusqu’à ce que la séance d’information des médias soit terminée l’a privé de son droit à l’information et a porté atteinte à ses privilèges de député, ce qui constitue donc un outrage au Parlement. Le vice-président (David Kilgour) entend les interventions de l’honorable Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général) et de John Williams (St. Albert) avant de prendre l’affaire en délibéré[1].

Résolution

Le 12 avril 1997, à l’ouverture de la séance, le vice-président rend sa décision. Il signale que la présidence n’a pu constater que Mme Meredith avait été empêchée de s’acquitter de ses fonctions de député et que l’affaire ne concerne pas l’accès aux délibérations parlementaires. Les fonctionnaires lui avaient offert de lui donner la même séance d’information après les Questions orales. Les députés ne se sont pas vu refuser de l’information et n’ont pas été empêchés de s’acquitter de leurs fonctions parlementaires. La conférence de presse était diffusée sur le réseau en circuit fermé de la Chambre, de sorte que tous les députés y avaient accès. La présidence a du mal à se persuader que les actes en question constituaient un outrage à l’autorité ou à la dignité de la Chambre. Pour ces raisons et à la lumière des précédents en la matière, le vice-président considère qu’il n’y a pas eu de prime abord atteinte aux privilèges de la députée.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le vice-président : Chers collègues, je suis maintenant prêt à rendre une décision sur la question de privilège soulevée par l’honorable députée de Surrey—White Rock—South Langley, le vendredi 21 mars, à propos des actes qu’auraient faits des fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l’immigration.

Je tiens à remercier le leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, ainsi que l’honorable député de St. Albert pour leurs commentaires sur cette question.

La députée de Surrey—White Rock—South Langley prétend que le matin du 21 mars des fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l’immigration lui ont refusé l’accès à une séance d’information sur les changements apportés au Programme d’immigration des investisseurs. La députée prétend qu’en fournissant cette information aux médias avant de la fournir aux députés, le ministère a commis un outrage au Parlement et a porté atteinte à ses privilèges de députée.

J’ai examiné les faits qui entourent cet incident, et suite à mes consultations, voici ce que je comprends de cette affaire. Le bureau du ministre de la Citoyenneté et de l’immigration a fait parvenir un avis aux médias annonçant que le ministre tiendrait une conférence de presse sur le Programme d’immigration des investisseurs à l’amphithéâtre national de la presse le vendredi 21 mars, à 10 h 15. Il était précisé dans l’avis que la conférence serait précédée d’une séance d’information, à 9 heures, donnée par des fonctionnaires du ministère.

On m’a par ailleurs confirmé qu’on n’admet qu’un nombre limité de personnes aux conférences de presse qui se tiennent à l’amphithéâtre de la presse. Mais on m’informe que ce n’est pas le cas pour les séances d’information que les ministères y tiennent fréquemment. Enfin, on m’a dit que la séance d’information en question n’était pas « officielle », de sorte qu’elle ne serait pas diffusée à la télévision en circuit fermé de la Chambre des communes et, par conséquent, que les députés ne la verraient pas.

Dans la présente affaire, la présidence doit examiner deux questions. Je traiterai d’abord de la question de savoir s’il y a eu atteinte aux privilèges de la députée du fait que les fonctionnaires ministériels lui ont refusé l’accès à de l’information. J’examinerai ensuite son allégation que les actes du ministère constituent un outrage au Parlement.

Lorsqu’un député s’est plaint le 1er décembre 1992 que le gouvernement avait fourni aux médias de l’information sur l’aide financière aux compagnies aériennes canadiennes alors que cette information avait été refusée aux députés, le Président Fraser a jugé qu’il ne s’agissait pas d’une question de privilège (p.14360 des Débats). Il a également rappelé à la Chambre que:

[…] on ne peut à bon droit soulever la question de privilège que lorsqu’il s’est produit une chose qui rend impossible ou presque impossible de s’acquitter des obligations que l’on a à titre de député[2].

Le 15 décembre 1987, un député s’est élevé contre le fait que le gouvernement avait prévu une séance d’information à huis clos pour la presse sur un projet de programme agricole et que cette séance n’était pas ouverte aux députés. Dans sa décision, qu’on trouve à la page 11788 des Débats, le Président a jugé qu’il ne s’agissait pas, à première vue, d’une question de privilège, puisque cela n’avait pas empêché le député de s’acquitter de ses obligations de député.

Dans la question soulevée par la députée de Surrey—White Rock—South Langley, la présidence n’a pas constaté qu’elle a été empêchée de s’acquitter de ses fonctions de député. En l’occurrence, il n’était pas question d’accès aux délibérations parlementaires, que ce soit à la Chambre ou à la salle de réunion d’un comité. Et comme la députée l’a signalé dans son exposé, les fonctionnaires ont fini par lui proposer de lui donner la même séance d’information après la période des questions.

Sur la question d’outrage, permettez-moi d’abord de me reporter de nouveau à une décision du Président Fraser, rendue le 10 octobre 1989, et qui stipulait ce qui suit :

En gros, les outrages sont des délits contre l’autorité ou la dignité de la Chambre des communes.

Le fait que les médias aient obtenu de l’information avant que celle-ci ne soit fournie aux députés constitue-t-il un outrage à la Chambre des communes? Voici ce qu’on peut lire à la page 125 du chapitre [9] de la 21e édition de l’ouvrage d’Erskine May au sujet de la question d’outrage :

La Chambre poursuivra quiconque empêche les députés de s’acquitter de leurs obligations envers la Chambre ou de participer à ses délibérations.

Il me semble que les députés ne se sont pas vu refuser de l’information ni empêchés de s’acquitter de leurs fonctions parlementaires. Après tout, il y avait une conférence de presse de prévue ce matin-là, qui a été diffusée à la télévision en circuit fermé de. la Chambre, de sorte que tous les députés y avaient accès. La présidence a du mal à se persuader que les actes en question constituaient un outrage à l’autorité ou à la dignité de la Chambre.

Pour les raisons que j’ai évoquées et à la lumière des précédents en la matière, je considère qu’il n’y a pas, à première vue, atteinte aux privilèges de la députée.

La présidence n’a aucun contrôle sur ces activités, et elle ne devrait pas en avoir, que ce soit sur leur mode d’organisation ou sur la façon dont on en réglemente l’accès.

La députée de Surrey—White Rock—South Langley a peut-être un grief légitime, auquel elle pourra vouloir donner suite ailleurs, mais, en termes de procédure, la question est réglée, en ce sens qu’il ne s’agit pas d’une atteinte au privilège parlementaire ni d’un outrage au Parlement.

Je tiens à remercier la députée d’avoir porté cette question à l’attention de la présidence.

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1997-04-11

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[1] Débats, 21 mars 1997, p. 9311-9312.

[2] Débats, 1er décembre 1992, p. 14360.