Les comités / Rapports

Divulgation d’un rapport de comité : question de privilège jugée fondée de prime abord

Débats, p. 5368-5369

Contexte

Le 17 mars 2000, au début de la séance, Joe Fontana (London-Centre-Nord), président du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, soulève une question de privilège au sujet de la divulgation prématurée aux médias d’un rapport confidentiel de son comité par Leon Benoit (Lakeland) avant sa présentation à la Chambre. Aux dires de M. Fontana, cela constitue une atteinte aux privilèges des députés siégeant au Comité et à tous les autres députés de la Chambre. Comme M. Benoit n’est pas à la Chambre, le Président reporte la question[1]. Le 21 mars, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration présente son premier rapport concernant la divulgation prématurée et le président suppléant (Ian McClelland) réserve sa décision[2]. Plus tard le même jour, M. Benoit s’adresse à la Chambre sur le sujet. Suivant les interventions d’autres députés, le Président réserve sa décision[3].

Résolution

Le 28 mars 2000, le Président rend sa décision. Il rappelle les différents moyens à la disposition des comités pour que les députés puissent régler leurs désaccords ou pour qu’ils puissent exprimer leurs préoccupations devant leurs collègues et que les comités sont maîtres de leurs travaux. Il rappelle de plus que lorsqu’un comité estime qu’une situation est irrégulière à un point tel qu’elle doit être signalée à la Chambre, son rôle est différent. Il rappelle que même les rapports adoptés en séance publique sont considérés confidentiels jusqu’à leur présentation à la Chambre. Le Président dit qu’il est lié par les règles telles qu’elles existent et cite à cet effet La procédure et les usages de la Chambre des communes. Il conclut que cette affaire constitue une question de privilège fondée de prime abord. Il invite donc le député de London-Centre­Nord à proposer sa motion.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée par le député de London-Centre-Nord le vendredi 17 mars 2000. Je tiens à remercier le député d’avoir porté cette question à l’attention de la Chambre (l’honorable Don Boudria). Je voudrais également remercier le député de Lakeland, le leader du gouvernement à la Chambre et tous les autres députés pour avoir aidé à présenter les faits pertinents à la Chambre.

Le député de London-Centre-Nord, qui est le président du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, soutient que le député de Lakeland a porté atteinte aux privilèges de tous les députés en divulguant prématurément l’ébauche d’un rapport du Comité. La divulgation a été faite lors d’une conférence de presse que le député de Lakeland a tenue le 16 mars en utilisant les installations du Parlement, après avoir transmis un avis à l’intention des médias par l’entremise de CPAC et des services de communication interne de la Chambre. L’accusation portée contre ce député a par la suite été réitérée dans le premier rapport du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration déposé le 21 mars.

Ce même jour, en réponse à cette accusation, le député de Lakeland a soulevé un certain nombre de questions. Il a signalé que le Comité avait clairement décidé, lors de sa réunion du 2 mars, d’étudier en séance publique l’ébauche de son rapport sur le processus de détermination du statut de réfugié et les migrants clandestins. Une motion à cet effet se trouve au Procès-verbal du Comité de cette journée-là. Le député soutient que, même si les réunions pendant lesquelles le Comité a discuté de l’ébauche du rapport ont, en fait, été tenues à huis clos, la nature secrète de la réunion était contraire à une décision expresse du Comité. En contestant ce qu’il estimait être une procédure irrégulière du Comité, le député a fait renvoi à une décision antérieure de la présidence, rendue le 9 octobre 1997[4] dans laquelle celle-ci rappelait que tous les comités doivent prévoir bien clairement la manière dont les ébauches de rapports doivent être traitées.

Je tiens d’abord à souligner qu’il n’appartient pas au Président de surveiller le fonctionnement interne des comités. Les comités sont maîtres de leurs travaux et la liberté d’action dont ils disposent est assortie de la responsabilité de veiller à ce que leurs travaux se déroulent selon les règles et les usages de la Chambre. Il se peut fort bien que l’honorable député de Lakeland ait raison de se plaindre de la façon dont le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration a mené ses travaux. Toutefois, dans les cas où les députés sont en désaccord, de façon tacite ou explicite, avec une décision d’un président de comité, nos règles prévoient des recours qui leur permettent, soit d’en appeler de la décision, soit d’exprimer ouvertement leurs préoccupations en comité devant leurs collègues. Toutefois, j’ai un rôle différent à jouer lorsqu’un comité estime qu’une situation est irrégulière à un point tel qu’elle doit être signalée à la Chambre. Comme je l’ai déjà. mentionné, le président du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration a fait rapport à la Chambre de l’incident en question le 21 mars dernier. Le député de Lakeland a déclaré qu’il avait consciemment et délibérément tenu une conférence de presse dans le but de rendre public le contenu de l’ébauche du rapport du Comité. Il estimait qu’il avait le droit d’agir ainsi du fait que l’ébauche avait été examinée par le Comité à l’occasion d’une réunion qui, à son avis, aurait dû être une réunion publique. Or, le Procès-verbal du 16 mars 2000 indique clairement que la réunion du Comité a été tenue à huis clos. De même, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration rejette le point de vue de l’hon. député en déclarant sans équivoque dans son premier rapport que :

Les membres du comité ont examiné la question […] et ont eu l’impression que la divulgation faite par le député de Lakeland (Alberta) amoindrissait leurs privilèges et constituait une violation du huis clos.

À titre de Président, je ne suis pas appelé à porter un jugement sur la manière dont le Comité a procédé pour annuler sa décision antérieure et, comme le Comité a jugé indiqué de faire rapport de cet incident à la Chambre, je me dois de traiter la plainte du Comité avec le plus grand soin.

Nos règles sont claires en ce qui concerne la divulgation de l’ébauche d’un rapport. Les députés peuvent lire, à la page 884 du manuel intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes, la déclaration de principe suivante :

Les rapports de comités doivent être présentés à la Chambre avant de pouvoir être rendus publics.

Il est également précisé à la même page la règle suivante :

Même lorsqu’un rapport est adopté en séance publique, il est considéré comme confidentiel jusqu’à sa présentation à la Chambre.

La présidence se rend compte que certains députés ou les comités eux-mêmes peuvent, à l’occasion, trouver cette règle gênante et qu’il existe des divergences d’opinion sur la manière dont les comités doivent exercer leurs activités lors des délibérations sur le contenu d’un rapport à présenter à la Chambre. Toutefois, à titre de Président, je suis lié par les règles telles qu’elles existent et je n’ai d’autre choix que de conclure que cette affaire constitue une question de privilège fondée de prime abord.

J’invite maintenant le député de London-Centre-Nord à proposer sa motion.

Post-scriptum

M. Fontana propose que la question soit renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Durant le débat sur la motion de M. Fontana — « Que la question de la divulgation prématurée du rapport de comité par le député de Lakeland soit renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre » —, Ken Epp (Elk Island) propose un amendement à la motion[5]. M. Benoit intervient et déclare qu’en raison de la décision du Président, il présente ses excuses à la Chambre pour ses actes[6]. Sur ce, M. Fontana invoque le Règlement et demande le consentement unanime pour retirer la motion. Le consentement est refusé à deux reprises[7]. Puis, l’honorable Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes) invoque le Règlement et demande le consentement unanime pour proposer que le débat sur la motion relative à la question de privilège soit réputé terminé, que l’amendement soit réputé mis aux voix et que le vote par appel nominal soit réputé demandé et différé jusqu’au mercredi 29 mars 2000, à la fin des Ordres émanant du gouvernement. Le consentement est accordé et la motion est adoptée[8]. Le 29 mars 2000, du consentement unanime l’amendement est réputé retiré et la motion — « Que la question de la divulgation prématurée du rapport de comité par le député de Lakeland soit renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre » — est mise aux voix et rejetée[9].

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2000-03-28

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[1] Débats, 17 mars 2000, p. 4805-4806.

[2] Journaux, 21 mars 2000, p. 1413.

[3] Débats, 21 mars 2000, p. 4959-4962.

[4] Débats, 9 octobre 1997, p. 689.

[5] Débats, 28 mars 2000, p. 5382.

[6] Débats, 28 mars 2000, p. 5384.

[7] Débats, 28 mars 2000, p. 5384-5385.

[8] Débats, 28 mars 2000, p. 5386-5387.

[9] Débats, 29 mars 2000, p. 5410, 5434-5435.