Les comités / Comité outrepassant ses pouvoirs

Télédiffusion des délibérations d'un comité sans l'autorisation de la Chambre ; infraction aux pratiques de la Chambre en autorisant le filmage des délibérations des comités par les médias

Débats, p. 5015-5016

Contexte

Le 9 avril 1987, M. Jean -Robert Gauthier (Ottawa—Vanier) soulève une question de privilège en alléguant que le Comité permanent des droits de la personne a dépassé ses pouvoirs plus tôt au cours de la journée lorsqu'il a autorisé par vote « la télévision à filmer une partie des délibérations du Comité ». Après avoir expliqué que la télédiffusion des délibérations de la Chambre a été approuvée par une résolution de la Chambre et relève de l'autorité du Président, il soutient qu'une approche similaire devrait être adoptée pour les comités[1]. Il rappelle qu'il a déjà soulevé une question de privilège semblable le 28 octobre 1986[2].

Plusieurs députés interviennent sur cette question. Bon nombre d'entre eux font valoir le dilemme devant lequel se trouvait le Comité en raison de l'importance et de la renommée du témoin, Mme Coretta Scott King, veuve du Dr. Martin Luther King. Selon le président du Comité, M. Reginald Stackhouse (Scarborough-Ouest), les membres du Comité ignoraient probablement qu'ils allaient à l'encontre des règles de la Chambre lorsqu'ils ont pris cette décision et n'avaient certes pas l'intention de manquer de respect envers la Chambre. Il soutient que cette décision du Comité ne devrait pas être considérée comme un précédent, mais plutôt comme une mesure spécifique prise dans des circonstances exceptionnelles. À la fin des interventions des députés le Président rend immédiatement une décision[3]. Celle-ci est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président: Premièrement, je veux dire que c'est un sujet qui est très important. Je remercie l'honorable député d'Ottawa—Vanier pour son intervention et aussi pour tous les arguments concernant la position présente. C'est clair. Ce n'est pas une position contre le principe de la télévision au comité. C'est un principe qui change l'autorité, qui change le pouvoir, qui change les règlements appropriés. Il n'est pas approprié pour un comité d'avoir la télévision pour la diffusion des délibérations du comité.

Personne ne prétend un seul instant qu'il n'y a pas eu infraction au Règlement de la Chambre. Des députés ont dit que l'on peut enfreindre le Règlement dans certaines circonstances. Je rappelle à tous les députés que c'est une position que la présidence est parfois fort tentée de prendre, mais je m'efforce autant que possible de me conformer au Règlement. Si je ne le faisais pas, tous les députés auraient certainement des reproches à faire à la présidence qui est au service de la Chambre. C'est la Chambre qui établit son propre Règlement, lequel doit bien entendu être respecté.

Pour la gouverne des Canadiens qui suivent nos délibérations, je tiens à réaffirmer que nous sommes députés; nous sommes des législateurs, héritiers d'une tradition de la règle du droit. Par conséquent, aucun d'entre nous ne doit prendre à la légère les infractions au Règlement.

Il se trouve qu'en l'occurrence Coretta Scott King, une personne très éminente, remarquable et très appréciée, a comparu devant le Comité. D'ailleurs, le Comité avait selon moi d'autres options. Il aurait pu siéger en tant que groupe spécial. Il aurait pu annexer ses délibérations à celles du Comité lorsque celui-ci aurait à nouveau siégé au complet. Cela n'est peut-être venu à l'esprit des membres du Comité, mais je signale qu'il y avait d'autres façons de procéder.

Il est évident que les députés sont favorables à l'idée de téléviser les délibérations des comités, ou du moins de certains d'entre eux. Le député de Cochrane-Supérieur (M. Keith Penner) a signalé de façon très pertinente que la période des questions, qui offre la meilleure occasion de rendre des comptes pour le gouvernement d'un pays libre, ne reflète pas tout le Parlement. Je l'ai entendu avec plaisir signaler l'énorme travail qui se fait aux comités. Je suis heureux que les députés l'aient répété à maintes reprises car en tant que Président de la Chambre, je suis souvent tenu de rappeler au public que si tous les députés ne sont pas à la Chambre après la période des questions, c'est parce qu'ils assistent aux séances de comités, dont une trentaine ou une quarantaine siègent continuellement, y compris les comités législatifs.

Cependant, étant donné que nous respectons la règle du droit, je dois rappeler aux députés que nos délibérations sont régies par les précédents des décisions rendues par mes prédécesseurs et par le Règlement établi par les députés eux-mêmes.

Je rappelle aux députés que le 6 novembre 1980, Mme le Président Sauvé a dit exactement à ce sujet :

J'ai suivi très attentivement le débat de cet après-midi, mais je n'ai entendu aucun argument qui me fasse changer d'avis ou qui me permette de penser que mon prédécesseur avait tort. Je reste donc convaincue que la télédiffusion des délibérations des comités permanents et des comités spéciaux de la Chambre ne peut être autorisée que par la Chambre elle-même[4].

Il y a quelque temps, avant que je devienne Président, le Bureau de régie interne avait proposé une sorte d'ordre qui aurait pu être présenté à la Chambre pour que les délibérations des comités, ou de certains comités, soient télévisées. Cette résolution n'a jamais été présentée à la Chambre et, comme d'autres députés l'ont fait remarquer aujourd'hui, si cette Chambre est en faveur du filmage des délibérations des comités, ou de certains comités, ou dans certaines circonstances, alors il appartient aux députés de tous les partis de mettre en place les règles de procédure pour que cela puisse se faire. A la réunion du Comité, aujourd'hui, il y avait des députés des trois partis et, franchement, tous ont dit être en faveur du filmage des délibérations. J'en comprends les raisons.

Le député d'Ottawa—Vanier, comme il l'a dit au début, a déjà soulevé cette question et ce n'est pas parce qu'il est contre le principe-ce que je comprends­ mais bien parce qu'il est justement respectueux des règles que nous adoptons et que nous devons respecter.

On a laissé entendre que c'était peut-être une question de privilège. Je ne pense pas qu'il soit dans l'intérêt des députés que je poursuive mes recherches dans cette direction. Je pense que le sujet a été amplement traité. J'estime qu'il n'y a aucun doute que ce qui a été fait était contraire au Règlement, mais on aurait pu procéder autrement et si l'on veut le faire de nouveau il appartient aux députés de s'assurer qu'ils agissent légalement.

F0911-f

33-2

1987-04-09

Certains sites Web de tiers peuvent ne pas être compatibles avec les technologies d’assistance. Si vous avez besoin d’aide pour consulter les documents qu’ils contiennent, veuillez communiquer avec accessible@parl.gc.ca.

[1] Débats, 9 avril 1987, p. 5011-5012.

[2] Débats, 28 octobre 1986, p. 822-825.

[3] Débats, 9 avril 1987, p. 5012-5016.

[4] Débats, 6 novembre 1980, p. 4531-4532.