Les comités / Comité outrepassant ses pouvoirs

Délibérations des comités; expurgation d'un témoignage - mention dans le compte rendu; ordre et décorum; non-ingérence du Président dans les délibérations; paroles antiparlementaires prononcées par un témoin - refus de les retirer; pouvoirs des comités

Débats, p. 17071-17072

Contexte

Le 10 mars 1993, le Comité législatif sur le projet de loi C-113, Loi portant compression des dépenses publiques, entend le témoignage d'un représentant de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale. Celui-ci formule alors des commentaires qui offensent plusieurs députés. Après que le témoin eut refusé de retirer ses remarques comme le lui demandaient les députés, le Comité adopte une motion visant à radier son témoignage du compte rendu.

Le 11 mars 1993, M. Cid Samson (Timmins-Chapleau) soulève une question de privilège pour protester contre cette décision qui, à son avis, équivaut à une forme de censure et risque de nuire au fonctionnement des autres comités. Il estime notamment que les comités n'ont pas le droit d'expurger le compte rendu textuel de leurs délibérations parce que les témoignages entendus seraient alors incomplets et que les députés qui ne partagent pas l'avis de la majorité en seraient lésés. Il conclut ses remarques en demandant que la motion visant à expurger la transcription officielle soit déclarée nulle, que la déposition du témoin soit rétablie dans le compte rendu ou que le témoin soit de nouveau invité à comparaître devant le Comité, qu'une déclaration soit faite afin de préciser que l'expurgation de témoignages est inacceptable, et que la question de la conduite de certains membres du Comité législatif soit soumise au comité compétent.

Après avoir écouté les commentaires du président (M. Doug Fee) et des autres membres du Comité, le Président prend l'affaire en délibéré[1]. Le 16 mars 1993, il rend une décision qui réitère les points soulevés par les députés et celle-ci est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président: Le 11 mars 1993, le député de Timmins-Chapleau a soulevé la question de privilège au sujet de ce qui s'était produit la veille au Comité législatif qui étudie le projet de loi C-113. Des membres du Comité ont trouvé les remarques d'un témoin offensantes; après que le témoin eut refusé à plusieurs reprises, à la demande du président et de membres siégeant des deux côtés de la table du Comité de retirer sa remarque, le Comité a adopté une motion statuant que la déposition du témoin serait radiée du compte rendu du Comité.

Le député a soutenu que la mesure prise n'était pas dans les attributions du Comité parce que la présentation de témoignages à un comité fait l'objet d'une immunité. En outre, la rectification du compte rendu, qui relève du Comité, ne peut aller jusqu'à supprimer des passages complets de la transcription intégrale et enfin, la majorité des membres du Comité s'est conduite de manière à réduire le témoin au silence. Le député a ajouté que le président du Comité aurait pu intervenir pendant la présentation du témoignage pour avertir le témoin ou même l'expulser.

À l'appui de cette argumentation, le député de Notre-Dame-de-Grâce (l'hon. Warren Allmand) a ajouté que la mesure extrême qui a été prise, celle de rayer toute la déposition, à cause d'une affirmation inacceptable, était sans précédent d'après son expérience et contraire aux procédures parlementaires et démocratiques.

Le député de Red Deer, président du Comité, a ensuite relaté brièvement les événements en cause du point de vue de la présidence du Comité. Il a dit qu'il avait hésité à quelques reprises à interrompre la déposition à cause de remarques discutables et qu'une « déclaration extrêmement incendiaire » était arrivée à la toute fin de la déposition. Il a alors demandé au témoin de retirer sa remarque. Pendant l'échange qui a suivi, lui et plusieurs membres du Comité ont réitéré cette demande, mais, quand la motion portant radiation de la déposition a été proposée, il a jugé qu'il n'avait d'autre choix que celui de la soumettre au Comité.

Le député d'Ontario (M. René Soetens), qui a proposé la motion soumise au président, a soutenu que la conduite du Comité était acceptable puisqu'un comité a, comme la Chambre elle-même, le pouvoir de faire respecter les règles relatives à l'ordre et à la courtoisie par tous ceux qui sont devant lui et il a aussi celui d'exclure le public de ses délibérations. Il a par ailleurs noté que la Chambre n'avait pas encore reçu de rapport du Comité sur ce sujet, et il a cité le commentaire 107 de la 6e édition de Beauchesne, qui affirme que « la Chambre seule connaît des atteintes au privilège commises en comité ».

Je remercie les députés qui ont pris part aux délibérations sur ce sujet pour la concision de leurs interventions et leur retenue dans l’argumentation. Les événements survenus en comité étaient manifestement de nature à soulever de vives réactions et la présidence est reconnaissante pour la logique et l'objectivité dont tous les députés ont fait preuve en exprimant leurs vues.

Je tiens à remercier plus particulièrement le député de Red Deer pour son aide. Il a semblé, à un moment, se demander si la présidence d'un comité législatif était une grande marque d'estime comme il l'avait cru. Je tiens à le rassurer. Aux yeux du Président, la nomination au Comité des présidents, comme l'accession à la présidence, est une grande marque d'estime, même si c'est parfois éprouvant pour le système nerveux.

Pour ce qui est de la question soulevée, je n'ai pas à rappeler à la Chambre le nombre de fois où la présidence a fait état de sa répugnance à intervenir dans les délibérations d'un comité. J'ai déjà moi-même cité le commentaire 107 de Beauchesne invoqué par le député d'Ontario.

Comme les députés le savent, cette règle n'est toutefois pas absolument rigide : le Président peut se prononcer sur une telle question si elle est très urgente ou très grave ou s'il y a absence de pratique canadienne, soit récente, soit pertinente, qui pourrait guider les députés. En s'écartant ainsi de la pratique ordinaire, on ne crée pas, à mon avis, de précédent.

Il existe en réalité des précédents canadiens à la radiation de courts passages des délibérations de la Chambre à cause de leur caractère antiparlementaire ou offensant. Le plus récent que la présidence a pu retrouver remonte au [5 et 7] avril 1933; le Président a décidé que des paroles antiparlementaires déjà prononcées à la Chambre devaient être rayées du compte rendu des débats[2].

Dans la 21e édition de May, on lit aux pages 634 [et 635] que des comités ont radié des dépositions qui « étaient impropres ou irrecevables[...] qui, à vrai dire, ne constituaient pas une déposition[...] et même la totalité de la déposition d'un témoin ». Cela correspond à ce qu'on peut déduire du paragraphe 113(5) de notre Règlement qui confère à un comité législatif le pouvoir de « faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont il ordonne l'impression », et, par voie de conséquence, celui de ne pas les imprimer.

Les objections de procédure invoquées contre les mesures prises par le Comité tiennent, en résumé, à ce que les dépositions font l'objet d'une immunité et que la rectification du compte rendu ne peut aller jusqu'à la suppression d'un passage entier. Il semble à la présidence que la nature privilégiée des témoignages, dont il est question au commentaire 106 de la 6e édition de Beauchesne, a trait à l'immunité du témoin contre les poursuites plutôt qu'à l'inviolabilité du témoignage lui-même. Je reconnais que ce qui a été fait dans le cas présent n'est pas une rectification comme celle dont parle le commentaire 828 de la 6e édition de Beauchesne, mais plutôt, comme je l'ai déjà dit, la décision de ne pas exercer une attribution que le Comité possède manifestement.

Une telle décision d'un comité sera sans doute mentionnée dans le compte rendu de ses délibérations, et la 21e  édition de Erskine May, à la page 636, propose que « le comité [...] signale dans le compte rendu des délibérations les endroits du texte où il y a eu omission de témoignage ». Je crois comprendre que c'est ce qui a été fait dans le cas présent.

En fin de compte, la présidence conclut que les mesures prises par le Comité, selon le rapport qu'en a fait son président, relevait de ses attributions et que l'affaire soulevée par le député de Timmins-Chapleau ne constitue pas une question de privilège.

F0913-f

34-3

1993-03-16

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[1] Débats, 11 mars 1993, p. 16872-16876.

[2] Débats, 3 avril 1933, p. 3606-3607; 5 avril 1933, p. 3705; 7 avril 1933, p. 3781.