Privilège parlementaire / Droits des députés

Protection contre l’obstruction : allégation de réponse insuffisante à une question écrite

Débats, p. 6856–6858

Contexte

Le 14 mars 2012, Hélène Laverdière (Laurier–Sainte-Marie) invoque le Règlement au sujet de la réponse du gouvernement à la question écrite Q-410. Mme Laverdière déclare qu’elle n’a pas reçu réponse à ses questions et que la réponse du gouvernement, selon laquelle de plus amples informations seraient transmises sous peu, ne convient pas. Elle demande au secrétaire parlementaire de dire si le gouvernement compte y répondre avant l’expiration du délai prévu de 45 jours. Tom Lukiwski (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes) réplique que le gouvernement a bien répondu dans les 45 jours et confirme que d’autres informations suivraient[1]. Le 28 mars 2012, Mme Laverdière soulève une question de privilège sur le même sujet, réitérant que la réponse du gouvernement ne répondait pas aux questions ni aux 21 sous-questions, bien que l’information demandée soit disponible. Peter Van Loan (leader du gouvernement à la Chambre des communes) ajoute que le gouvernement a déclaré à la Chambre qu’une bonne partie des demandes qu’on lui faisait étaient prématurées et que l’information demandée n’existait pas encore. En outre, il déclare qu’il ne revient pas au Président d’en décider, puisque la présidence n’a pas compétence pour juger du contenu des réponses du gouvernement. Le Président prend l’affaire en délibéré[2].

Résolution

Le 3 avril 2012, le Président rend sa décision. Il déclare que le rôle de la présidence dans pareilles instances est extrêmement limité, puisque le Règlement ne contient aucune disposition autorisant le Président à juger de l’exactitude ou du caractère approprié des réponses du gouvernement. Par ailleurs, les différends quant à l’exactitude ou au caractère approprié d’une réponse ont habituellement été réputés un sujet de débat. De plus, il confirme qu’il est acceptable que le gouvernement fasse savoir qu’il ne peut donner de réponses ou de réponses supplémentaires à des questions auxquelles il a déjà donné réponse. Étant donné que le gouvernement s’est conformé aux exigences de l’article 39(5) du Règlement[3], le Président conclut qu’il n’y a pas, de prime abord, matière à question de privilège. Le Président invite la députée à faire part de son insatisfaction à l’égard du processus des questions écrites au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le 28 mars 2012 par la députée de Laurier—Sainte-Marie concernant la réponse du gouvernement à la question écrite Q-410.

Je remercie l’honorable députée d’avoir soulevé cette question ainsi que l’honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes pour son intervention.

Pour la gouverne des députés, la présidence va relater les événements qui ont mené à la question de privilège.

Le 14 mars 2012, la députée de Laurier—Sainte-Marie a invoqué le Règlement pour déclarer qu’elle n’était pas satisfaite de la réponse donnée par le gouvernement à sa question écrite Q-410 — réponse déposée devant la Chambre par le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes le 12 mars 2012 et reproduite à la page 6088 des Débats. Elle a déclaré que le gouvernement n’avait pas pleinement répondu à toutes les questions ni donné les renseignements détaillés qu’elle avait demandés.

Signalant qu’il était écrit dans la réponse que de plus amples renseignements seraient fournis sous peu et qu’il restait seulement deux jours avant l’expiration du délai de 45 jours imparti au gouvernement, la députée a demandé si ce dernier allait donner une réponse plus complète d’ici là. Le secrétaire parlementaire a rétorqué que le gouvernement avait déjà répondu dans le délai imparti, que la réponse « se passait d’explication » et que de plus amples détails seraient communiqués sous peu.

Lorsqu’elle a soulevé la question de privilège le 28 mars 2012, l’honorable députée de Laurier—Sainte-Marie a de nouveau fait valoir que la réponse du gouvernement était, de son propre aveu, incomplète. Elle a indiqué que le gouvernement n’avait pas répondu à ses sous-questions, pas plus qu’il n’avait fourni les détails additionnels promis avant l’expiration du délai, le 16 mars 2012. Elle s’est aussi objectée au contenu de la déclaration faite par le secrétaire parlementaire le 14 mars — à savoir que de plus amples détails seraient communiqués sous peu —, soutenant qu’elle ne voulait pas recevoir d’autres « points de discussion », pour reprendre ses termes, mais qu’elle souhaitait obtenir des réponses précises à des questions précises.

La députée a soutenu que le refus du gouvernement de répondre à sa question avait porté atteinte à ses droits de députée et l’avait empêchée d’exercer ses fonctions, déclarant et je cite : « Les questions écrites font partie de la trousse à outils que les Canadiens, par l’entremise de leur représentants élus, peuvent utiliser pour obliger le gouvernement à rendre des comptes. » Par conséquent, elle a demandé au Président de reconnaître qu’il y a, de prime abord, matière à question de privilège.

Avant d’aborder les points soulevés par la députée de Laurier—Sainte-Marie, il pourrait être utile de revoir la procédure relative aux questions écrites en examinant les modifications successives apportées à la disposition qui les régit actuellement, l’article 39 du Règlement [4].

Depuis la Confédération, le Règlement contient des dispositions autorisant les députés à poser des questions écrites au gouvernement. Au fil des ans, on a revu et modifié les règles et l’usage concernant le nombre de questions pouvant être posées, ainsi que le contenu de celles-ci et les modalités de réponse. Par exemple, avant 1986, les députés pouvaient faire inscrire au Feuilleton et Feuilleton des avis un nombre illimité de questions écrites : certains députés avaient l’habitude de soumettre des dizaines — et, dans un cas, des centaines — de questions écrites.

En 1986, la Chambre a adopté des changements afin, d’une part, de limiter à quatre par député le nombre de questions pouvant être inscrites au Feuilleton en même temps et, d’autre part, de codifier le droit des députés d’exiger que le gouvernement réponde dans un délai de 45 jours.

En 2001, la Chambre a de nouveau modifié le Règlement, cette fois afin de prévoir que si la question reste sans réponse à l’expiration du délai de 45 jours, l’absence de réponse de la part du gouvernement est réputée renvoyée à un comité permanent pour examen.

Il importe également de signaler que depuis l’adoption du changement limitant le nombre de questions pouvant être inscrites au Feuilleton par chaque député, la longueur des questions a beaucoup augmenté. Comme l’ont signalé à diverses occasions les porte-parole du gouvernement, la longueur des questions peut faire en sorte qu’il soit difficile d’y répondre dans le délai de 45 jours et la préparation d’une réponse peut nécessiter des ressources considérables.

Les députés conviendront que les questions écrites constituent un outil très important pour les députés qui souhaitent obtenir des renseignements détaillés, approfondis ou techniques pour faciliter l’exercice de leurs fonctions. À la page 520 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, il est écrit ceci, et je cite :

Comme une question écrite vise à obtenir une réponse précise et détaillée, il incombe au député qui fait inscrire une question au Feuilleton des avis « de veiller à ce qu’elle soit soigneusement formulée pour susciter les renseignements recherchés ».

On peut également lire ceci à la page 522, et je cite :

Les lignes directrices sur la forme et le contenu des questions écrites s’appliquent également aux réponses fournies par le gouvernement. Ainsi, aucun argument ou opinion ne doit être présenté et seule l’information nécessaire à la réponse doit être fournie afin que le processus demeure un échange de renseignements plutôt que de devenir une occasion de débat.

Dans l’affaire qui nous occupe, je peux comprendre la frustration éprouvée par la députée à l’égard de la réponse qu’elle a reçue. Cela dit, les ouvrages de référence sont clairs : le rôle du Président dans les affaires de ce genre est extrêmement limité.

Comme l’a fait remarquer le leader du gouvernement à la Chambre, la procédure de la Chambre en ce qui concerne de telles questions est clairement expliquée à la page 522 de l’ouvrage d’O’Brien et Bosc, où il est dit ceci, et je cite :

Aucune disposition du Règlement ne permet au Président de contrôler les réponses que le gouvernement donne aux questions.

Comme l’a déclaré mon prédécesseur, le Président Milliken, dans une décision rendue le 8 février 2005 et rapportée à la page 3234 des Débats, et je cite :

Toute contestation de l’exactitude ou du caractère approprié de cette réponse est un sujet de débat. Ce n’est pas là une question que le Président a le pouvoir de trancher.

On peut lire ceci à la page 522 de l’ouvrage d’O’Brien et Bosc, et je cite :

Comme c’est le cas pour les questions orales, le gouvernement peut, en réponse à une question écrite, indiquer à la Chambre qu’il ne peut y répondre.

Ensuite, aux pages 522 et 523, on résume comment la présidence s’inspire de la jurisprudence dans les affaires de ce genre. Il y est écrit, et je cite :

S’il est arrivé à plusieurs reprises que des députés soulèvent une question de privilège à la Chambre concernant l’exactitude des renseignements fournis en réponse à des questions écrites, dans aucun cas on a jugé qu’il y avait de prime abord atteinte au privilège. Le Président a jugé qu’il ne lui incombe pas de déterminer si le contenu des documents déposés à la Chambre est exact [...]

J’ajouterai à cette citation le mot « complet ».

Le leader du gouvernement à la Chambre et le secrétaire parlementaire ont tous les deux indiqué que le gouvernement a l’intention de fournir des renseignements additionnels en réponse à la question de la députée. Cela est conforme à l’usage de la Chambre, comme le confirme le passage suivant tiré de la page 522 de l’ouvrage d’O’Brien et Bosc. Je cite :

Il est arrivé que le gouvernement fournisse des réponses supplémentaires à des questions auxquelles il avait déjà répondu.

La réponse donnée à la question Q-410 nous indique que c’est la manière dont entend procéder le gouvernement en l’espèce; il a d’ailleurs fourni récemment des réponses supplémentaires à d’autres questions.

En conséquence, je dois conclure que le gouvernement s’est conformé aux exigences du Règlement et, par conséquent, je ne puis conclure qu’il y a, de prime abord, matière à question de privilège.

Cependant, il est manifeste que l’honorable députée de Laurier—Sainte-Marie s’estime lésée par l’insuffisance de la réponse qu’elle a reçue. Je l’inviterais donc à soulever ses préoccupations quant à l’usage régissant les questions écrites auprès du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre dans le cadre de son examen du Règlement. Bien entendu, en ma qualité de Président, et compte tenu des diverses plaintes qui ont été formulées à la Chambre par des députés de tous les partis au sujet des questions écrites, j’encourage le Comité à se pencher attentivement sur les règles en vigueur pour voir si des améliorations pourraient être apportées afin de mieux répondre aux besoins de la Chambre et des députés.

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[1] Débats, 14 mars 2012, p. 6286–6287.

[2] Débats, 28 mars 2012, p. 6631–6632.

[3] Voir l’annexe A, « Dispositions citées : Règlement de la Chambre des communes », article 39(5).

[4] Voir l’annexe A, article 39.