Le processus décisionnel / Vote par appel nominal

Admissibilité d’un ministre à voter; allégation d’intérêts personnels; Code régissant les conflits d’intérêts

Débats, p. 15775.

Contexte

Le 8 novembre 2017, Gabriel Ste-Marie (Joliette) invoque le Règlement concernant le vote par appel nominal qui s’est tenu le 26 octobre 2016 sur la motion M-42 (évitement fiscal), inscrite aux Affaires émanant des députés. Il soutient que Bill Morneau (ministre des Finances) a enfreint le Code régissant les conflits d’intérêts des députés en votant sur cette motion, dans laquelle il avait un intérêt personnel. M Ste-Marie demande que l’on reprenne le vote sur la motion[1]. Le 22 novembre 2017, Luc Thériault (Montcalm) invoque le Règlement afin d’ajouter que, par l’entremise de son secrétaire parlementaire, le ministre des Finances a tenté d’influencer la Chambre dans le but de favoriser ses intérêts personnels[2].

Résolution

Le 30 novembre 2017, le Président rend sa décision. Il explique que la présidence n’a pas pour rôle de déterminer s’il y a un conflit d’intérêts, mais qu’elle doit plutôt veiller à ce que les droits et les privilèges des députés soient protégés en tout temps. En outre, il déclare qu’en sa qualité de Président, il ne peut unilatéralement priver un député de son droit de voter ni ordonner la reprise d’une mise aux voix. Enfin, il précise que même si les députés n’ont pas le droit de voter ou de débattre sur une affaire lorsqu’ils ont un intérêt personnel, le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique est l’unique autorité pouvant enquêter sur des allégations de conflits d’intérêts et appliquer les dispositions du Code.

Décision de la présidence

Le Président :Je suis maintenant prêt à me prononcer sur le rappel au Règlement soulevé le 22 novembre 2017 par le député de Montcalm au sujet dela participation du ministre des Finances au vote sur la motion M-42. Lors de son intervention, le député de Montcalm a répété les arguments avancés par le député de Joliette le 8 novembre 2017 selon lesquels le ministre des Finances avait contrevenu au Code régissant les conflits d’intérêts des députés en participant au vote sur la motion M-42, qui portait sur l’évasion fiscale. Il a également soutenu que le ministre avait tenté, par l’intermédiaire de son secrétaire parlementaire, d’influencer la Chambre pour qu’elle agisse de manière à favoriser ses intérêts personnels.

Il est écrit, à la page 568 de l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, et je cite :

Aucun député n’a le droit de prendre part à un débat ni de voter sur une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel (anciennement appelé « intérêt pécuniaire direct »). Son vote serait rejeté si l’on jugeait subséquemment qu’il avait eu lieu dans ces circonstances […]
Si le vote d’un député est ultérieurement contesté, il est d’usage d’accepter sa parole. Si la Chambre ne veut pas en rester là, il faut d’abord donner avis d’une motion de fond en vue de rejeter le vote du député.

En outre, l’article 13 du Code régissant les conflits d’intérêts des députés, qui a été créé pour guider les députés à s’acquitter de leurs fonctions de manière éthique, précise ce qui suit :

Le député ne peut participer à un débat ou voter sur une question dans laquelle il a un intérêt personnel.

Vu la contrainte prévue par le Code, il apparaît clair que le droit des députés de débattre et de voter n’est pas absolu. De plus, le président Milliken, dans une décision du 6 octobre 2005 figurant à la page 8473 des Débats, a déclaré ce qui suit, et je cite :

[…] le Code régissant les conflits d’intérêts contient des règles que la Chambre a adoptées pour sa gouverne et […] la Chambre a donné au commissaire à l’éthique le mandat d’interpréter et d’appliquer le code.

C’est au commissaire qu’est conféré le pouvoir exclusif d’appliquer les dispositions du Code et de faire enquête sur toute allégation de conflit d’intérêts. Cependant, il est à noter que les députés peuvent renvoyer des affaires au commissaire. L’article 27 du Code établit le processus applicable lorsque des doutes sont soulevés sur un possible conflit d’intérêts concernant un député. La Chambre peut elle aussi, par résolution, ordonner au commissaire de faire une enquête. L’article 28 présente la façon dont la Chambre doit procéder si le commissaire conclut qu’un député a manqué aux obligations qui lui incombent au titre du Code.

La présidence n’a pas pour rôle de déterminer s’il existe un conflit d’intérêts, mais plutôt de veiller à protéger en tout temps les droits et privilèges des députés. Il s’ensuit que, en ma qualité de Président, je ne peux priver unilatéralement un député de son droit de voter, pas plus que je ne peux ordonner unilatéralement à la Chambre de recommencer un vote.

Les députés comprendront sûrement que, étant donné la gravité de l’accusation portée contre le député, la présidence doit être absolument certaine que les procédures dont la Chambre s’est dotée sont suivies à la lettre. Je remercie les députés de leur attention.

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[1] Débats, 8 novembre 2017, p. 15138.

[2] Débats, 22 novembre 2017, p. 15432.