Les affaires émanant des députés / Limitations financières

Recommandation royale pour un projet de loi visant à prolonger la période d’admissibilité aux prestations de maternité sans entraîner de nouvelles dépenses

Débats, p. 7684–7685

Contexte

Le 11 avril 2016, dans une déclaration concernant les Affaires émanant des députés, le Président signale que les dépenses envisagées dans deux projets de loi figurant dans l’ordre de priorité empiéteraient sur la prérogative financière de la Couronne, et il encourage les députés qui souhaiteraient présenter des observations sur la nécessité d’accompagner d’une recommandation royale ces projets de loi à le faire le plus tôt possible[1]. L’une de ces mesures législatives, le projet de loi C-243, Loi visant l’élaboration d’une stratégie relative au programme national d’aide à la maternité et modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (prestations de maternité), inscrit au nom de Mark Gerretsen (Kingston et les Îles), vise à modifier la Loi sur l’assurance-emploi afin de laisser plus de latitude quant à la période de versement des prestations de maternité lorsque l’emploi de la future mère peut constituer un risque pour sa santé et pour celle de son enfant. Le 23 novembre 2016, M. Gerretsen fait valoir que son projet de loi n’exige pas de recommandation royale parce qu’il ne modifie pas les critères d’admissibilité prévus par la Loi sur l’assurance-emploi et qu’il n’augmente ni le montant total ni la période des prestations de maternité. En conséquence, le député estime que le projet de loi n’entraînerait aucune dépense nouvelle et distincte[2]. Le 25 novembre 2016, Kevin Lamoureux (secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes) déclare qu’en modifiant la période d’admissibilité aux prestations de maternité, le projet de loi modifie également les modalités définies par la recommandation royale initiale et que, par conséquent, il serait nécessaire d’obtenir une nouvelle recommandation royale[3]. Le Président prend l’affaire en délibéré.

Résolution

Le 6 décembre 2016, le Président rend sa décision. Il affirme qu’en plus de préciser la façon dont les fonds publics sont affectés, une recommandation royale définit l’objet, les fins et les conditions de l’autorisation de dépenser. Il souligne qu’en introduisant la notion de sécurité du milieu de travail pendant la grossesse, le projet de loi C-243 modifie les conditions de versement des prestations énoncées dans la recommandation royale initiale. Par conséquent, le Président conclut qu’une nouvelle recommandation royale serait nécessaire pour que la question puisse être mise aux voix à l’étape de la troisième lecture du projet de loi.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le recours au Règlement soulevé le 23 novembre 2016 par l’honorable député de Kingston et les Îles concernant la nécessité d’accompagner d’une recommandation royale le projet de loi C-243, Loi visant l’élaboration d’une stratégie relative au programme national d’aide à la maternité et modifiant la Loi sur l’assurance-emploi en ce qui concerne les prestations de maternité, lequel est inscrit à son nom.

Je remercie le député de Kingston et les Îles d’avoir soulevé cette importante question, ainsi que le secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes, l’honorable députée d’Essex, l’honorable député de Cambridge et l’honorable député de Perth—Wellington de leur intervention.

Ce projet de loi vise, premièrement, à élaborer et à mettre en œuvre une stratégie relative au programme national d’aide à la maternité et, deuxièmement, à modifier la Loi sur l’assurance-emploi. La présente affaire porte sur la deuxième partie du projet de loi.

Les articles 6 et 7 du projet de loi visent à permettre aux femmes enceintes de réclamer des prestations d’assurance-emploi si elles obtiennent un certificat délivré par un médecin attestant qu’elles sont incapables d’exercer les fonctions de leur emploi régulier ou habituel ou d’un autre emploi convenable parce que leurs tâches actuelles peuvent constituer un risque pour leur santé ou celle de l’enfant à naître.

Sous le régime actuel de la Loi sur l’assurance-emploi, les femmes enceintes peuvent bénéficier au total de 15 semaines de prestations de maternité, lesquel­les peuvent commencer à être versées au plus tôt huit semaines avant la date prévue de l’accouchement. Il revient à la prestataire de décider quand elle souhaite commencer à recevoir les prestations, et la loi n’assujettit ce choix à aucune condition ni à aucun critère. Le projet de loi permettrait aux femmes enceintes de recevoir des prestations 15 semaines avant la date prévue de leur accouchement si leur milieu de travail pose un risque pour la santé.

Autrement dit, au lieu de recevoir des prestations pendant les huit semaines précédant la naissance de son enfant puis pendant les sept semaines suivant l’accouchement, la prestataire pourrait recevoir ces prestations pendant les quinze semaines précédant la naissance de son enfant.

Le député de Kingston et les Îles soutient qu’il n’est pas nécessaire que le projet de loi C-243 soit accompagné d’une recommandation royale, car le projet de loi n’aurait pour effet ni d’augmenter le montant des prestations versées, ni de prolonger la période de prestations, ni d’augmenter le nombre de semaines de prestations qui peuvent être réclamées, ni de modifier les critères d’admissibilité de façon à ce que davantage de personnes puissent bénéficier de l’assurance emploi.

Puisque le projet de loi ne ferait qu’appliquer différemment les prestations actuelles, les coûts qui y seraient associés seraient simplement d’ordre administratif. L’argument principal du député de Kingston et les Îles est que la protection de la santé maternelle constitue déjà une fonction des prestations de maternité et que, puisque le projet de loi vise à atteindre le même objectif au moyen des prestations existantes, on ne peut pas dire qu’il crée une nouvelle fonction.

Le député de Kingston et les Îles a par la suite souligné que, puisque « [l]es femmes qui demandent des prestations de maternité y ont déjà droit pendant leur grossesse, soit à compter de la huitième semaine précédant la date prévue de leur accouchement […] [c]ela prouve concrètement que la santé maternelle et le maintien d’une grossesse sécuritaire sont des objectifs existants des prestations de maternité. »

La députée d’Essex, le député de Cambridge et le député de Perth—Wellington ont fait savoir dans leur intervention qu’ils appuyaient cette thèse.

Le secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre a soutenu que la recommandation royale qui accompagne la Loi sur l’assurance-emploi ne s’applique pas seulement aux prélèvements prévus dans cette loi, mais aussi aux modalités liées aux prestations. Il a affirmé, et je cite : « le fait de modifier le moment où une personne est admissible à des prestations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, et ce, même si ce changement n’augmente pas le prélèvement général, aurait pour effet de modifier les modalités […] ».

Voici ce qu’on peut lire à la page 834 de l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes :

En plus de fixer le montant du prélèvement, la recommandation royale en définit l’objet, les fins, les conditions et les réserves. Cela veut dire que la recommandation royale est nécessaire non seulement dans les cas où des sommes d’argent sont affectées, mais également lorsque l’autorisation de dépenser à une fin particulière est modifiée de façon significative. Sans recommandation royale, un projet de loi qui augmente le montant du prélèvement ou qui en élargit l’objet, les fins, les conditions ou les réserves est irrecevable du fait qu’il empiète sur l’initiative financière de la Couronne.

Dans la présente affaire, il est clair que, comme l’a soutenu le parrain du projet de loi, le montant total des prestations versées n’augmenterait pas. Le déplacement de la période de prestation n’aurait aucun effet sur les sommes totales déboursées.

Cependant, en pareil cas, le coût n’est pas la seule considération. La présidence doit déterminer si les changements proposés modifieraient de façon significative « l’objet, les fins, les conditions et les réserves » des prestations de sorte qu’une recommandation royale s’imposerait.

Le 8 mai 2008, le Président Miliken a rendu une décision sur le projet de loi C-490, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse pour ce qui est de la demande de supplément, de la rétroactivité de versements et d’autres modifications, laquelle figure à la page 5587 des Débats de la Chambre des communes. En plus de clairement prévoir une augmentation des prestations, le projet de loi aurait modifié la façon dont il aurait fallu présenter la demande de prestations et la mesure dans laquelle les personnes admissibles auraient pu demander des prestations rétroactives. Selon le Président Miliken, ces changements :

[…] auraient effectivement pour résultat de modifier les modalités qui se rattachaient à l’origine aux dépenses publiques relatives aux prestations de la Sécurité de la vieillesse et qui ont été approuvées par le Parlement.
Comme je l’ai rappelé maintes fois à la Chambre, le Parlement ne peut affecter des crédits que de la manière et, comme l’indique clairement le paragraphe 79(1) du Règlement, pour un objet précisé par la recommandation royale.

Dans le cas qui nous occupe, le projet de loi C-243 n’imposerait aucune imputation sur le Trésor, mais il créerait une nouvelle série de conditions relatives à la sécurité du milieu de travail pendant la grossesse au titre desquelles les femmes enceintes pourraient recevoir des prestations de maternité jusqu’à 15 semaines avant la naissance de leur enfant. Malgré les prétentions contraires du parrain du projet de loi, la présidence n’est pas convaincue que la loi actuelle autorise des dépenses dans les circonstances, de la façon et aux fins qu’il propose. Puisque la Loi sur l’assurance emploi ne prévoit rien à cet égard à l’heure actuelle, le projet de loi empiète sur les modalités précisées à l’origine par la recommandation royale qui accompagnait cette loi, et une nouvelle recommandation royale s’impose donc. Il en va ainsi même si le montant total des prestations demeure inchangé.

Par conséquent, la présidence ne mettra pas aux voix la question à l’étape de la troisième lecture du projet de loi dans son état actuel, à moins qu’une recommandation royale ne soit reçue.

Je remercie les honorables députés de leur attention.

Post-scriptum

Le 29 mai 2017, le Président fait savoir à la Chambre qu’après avoir examiné attentivement les amendements inclus dans le projet de loi dont a fait rapport le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, la présidence confirme que le projet de loi dans sa version modifiée ne nécessite plus de recommandation royale[4].

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[1] Débats, 11 avril 2016, p. 1965.

[2] Débats, 23 novembre 2016, p. 7129–7131.

[3] Débats, 25 novembre 2016, p. 7260.

[4] Débats, 29 mai 2017, p. 7260.