Le privilège parlementaire / Les droits des députés

Entraver des députés : la conduite de fonctionnaires gouvernementaux

Débats, p. 963-964

Contexte

Le 21 octobre 1999, Jim Hart (Okanagan—Coquihalla) soulève une question de privilège au sujet du fait que des fonctionnaires du ministère de la Défense nationale ont retardé— délibérément, selon lui — la diffusion d’informations qui devaient lui être communiquées en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. M. Hart soutient que ces fonctionnaires, par leurs gestes délibérés, l’ont entravé dans l’exercice de ses fonctions de député et que ces gestes devraient être considérés comme un outrage au Parlement. Après avoir entendu les interventions d’autres députés, le Président dit qu’il prend l’affaire en délibéré et qu’il fera part de sa décision à la Chambre[1].

Résolution

Au début de la séance du 2 novembre 1999, le Président rend sa décision. Il signale que M. Hart s’est plaint de la conduite des deux fonctionnaires au commissaire à l’information. Dans son rapport, le commissaire a conclu que les instructions données par ces personnes constituaient une ingérence inacceptable dans la façon dont la Loi prévoit que les demandes d’accès à l’information doivent être traitées. Suite à la plainte du député et au rapport du commissaire, le ministère de la Défense nationale a été avisé de cette action inacceptable et a pris des mesures pour corriger la situation. Le Président ajoute que bien que la conduite des deux fonctionnaires ait pu être inadmissible aux termes de la Loi sur l’accès à l’information, il ne revient pas à la présidence d’en juger. Le Président déclare qu’il ne peut statuer qu’il y a eu entrave à l’exercice des fonctions parlementaires de M. Hart et que, par conséquent, il n’y a pas de prime abord matière à question de privilège. Le fait que ces fonctionnaires ne se soient pas convenablement acquittés de leurs fonctions ne constitue pas de facto une preuve pour les accuser d’outrage. Pour affirmer qu’il y a eu atteinte à ses privilèges ou outrage à la Chambre, il faut que le député lésé l’ait été dans le cadre des travaux du Parlement.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président : Chers collègues, je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée par le député d’Okanagan—Coquihalla le 21 octobre 1999, concernant le retard dans la communication de renseignements en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, retard attribuable au personnel du ministre de la Défense nationale.

Je tiens tout d’abord à remercier le député d’avoir soulevé cette question, et à souligner aussi la collaboration du leader du gouvernement à la Chambre, du député de Langley—Abbotsford et du secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre dans cette affaire.

Le député d’Okanagan—Coquihalla a soutenu qu’il y a eu atteinte à ses privilèges ainsi qu’à ceux d’autres députés parce que deux employés du ministre de la Défense nationale, soit MM. Aldege Bellefeuille et David Robinson, ont retardé la communication de renseignements, entravant ainsi l’exercice de ses fonctions parlementaires.

Le député a ajouté que cela constituait un outrage à la Chambre.

Dans son traité intitulé Le privilège parlementaire au Canada, Joseph Maingot définit l’outrage au Parlement comme étant, et je cite : « tout ce qui porte atteinte à l’autorité de la Chambre[2] ».

Dans la 22e édition d’Erskine May, on peut lire :

Tout acte ou omission qui entrave une chambre ou l’un de ses membres ou de ses fonctionnaires dans l’exercice de ses fonctions, ou qui tend à produire un tel résultat, directement ou indirectement, peut être considéré comme un outrage, même s’il n’existe aucun précédent à l’infraction[3].

Le député d’Okanagan—Coquihalla n’a pas dit clairement dans son exposé de la question de privilège, ni dans le complément d’information fourni à la présidence, qu’il avait été personnellement entravé dans son travail. D’après les faits qui m’ont été présentés, le député d’Okanagan—Coquihalla a fait des demandes auprès du ministère de la Défense nationale pour obtenir des renseignements en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, et il a obtenu des réponses à ses demandes après un retard qu’il qualifie d’intentionnel et de délibéré de la part de MM. Bellefeuille et Robinson. Après coup, le député a fait part de ses critiques au commissaire à l’information. Dans son rapport, le commissaire a jugé que les instructions données par ces personnes constituaient une ingérence inacceptable dans le traitement des demandes d’accès à l’information prévu par la loi. Suite à la plainte du député et au rapport du commissaire, le ministère de la Défense nationale a été avisé de cette action inacceptable, et il a pris des mesures pour corriger la situation.

Bien que les actes de MM. Bellefeuille et Robinson aient pu être inacceptables aux termes de la Loi sur l’accès à l’information, il n’appartient pas à la présidence d’en juger. Comme le Président Fraser l’a si bien dit dans sa décision du 28 janvier 1988[4] :

Je rappelle à la Chambre qu’il n’appartient pas à la présidence de se prononcer sur le comportement des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions. Son seul devoir est de déterminer, en se fondant sur la preuve présentée, s’il y a eu de prime abord atteinte au privilège ou outrage à la Chambre.

Le fait que ces fonctionnaires ne se soient pas acquittés convenablement de leurs fonctions ne constitue pas de facto une preuve pour les accuser d’outrage.

Théoriquement, faire entrave à un député dans l’exercice de ses fonctions parlementaires est considéré comme un outrage à la Chambre. Toutefois, comme Joseph Maingot le note dans Le privilège parlementaire au Canada, à la page 84 :

[…] le député doit exercer ses fonctions parlementaires dans un comité ou à la Chambre dans le cadre des travaux du Parlement. Ce qu’il dit ou fait dans ces circonstances est dit ou fait au cours des « délibérations du Parlement »; en d’autres termes, il doit exercer ses activités, non pas dans l’antichambre ou dans sa circonscription, mais en participant effectivement aux travaux du Parlement, et il faut que ses propos ou ses actes s’y rapportent nécessairement, […]

Ainsi, pour affirmer qu’il y a eu atteinte à ses privilèges ou outrage à la Chambre, il faut que le député ait été en train de participer effectivement aux travaux du Parlement.

Joseph Maingot précise ce point à la page 88 de son ouvrage :

L’activité d’un député est directement liée aux « délibérations du Parlement » lorsqu’il inscrit une question au Feuilleton, qu’il dépose un avis de motion, un avis de motion portant production de documents, un avis d’amendement à l’étape du rapport, ou lorsqu’il obtient de l’aide pour procéder à une de ces formalités ou pour rédiger un projet de loi.

Pour s’acquitter de leurs fonctions parlementaires, les députés doivent évidemment avoir accès aux renseignements dont ils ont besoin. La présidence est bien consciente des multiples responsabilités, fonctions et activités des députés, ainsi que de l’importance qu’elles ont dans le travail du député.

Toutefois, la collecte de renseignements par un élu par des moyens autres que ceux dont il dispose exclusivement ne fait pas, en soi, partie intégrante des « délibérations du Parlement ».

Comme on peut le lire à la page 121 de la 22e édition d’Erskine May :

La correspondance avec des électeurs ou des organismes officiels, par exemple, et la communication de renseignements demandés par les députés sur des questions d’intérêt public seront très souvent, selon les circonstances, considérées comme ne faisant pas partie des « délibérations du Parlement », qui sont la pierre de touche des questions de privilège.

Je tiens à assurer à tous les députés que toute question concernant leurs privilèges, et notamment tout ce qui pourrait constituer un outrage à la Chambre, est examinée avec le plus grand soin par la présidence. Dans le cas qui nous occupe, toutefois, et à la lumière des faits qui ont été présentés, la présidence ne peut statuer qu’il y a eu entrave à l’exercice des fonctions parlementaires du député. Par conséquent, conformément à l’usage, je dois conclure qu’il n’y a pas à première vue matière à soulever la question de privilège.

En terminant, je remercie le député d’Okanagan—Coquihalla d’avoir porté cette question à l’attention de la Chambre.

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1999-11-02

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[1] Débats, 21 octobre 1999, p. 508-510.

[2] Maingot, 2e éd., p. 225.

[3] May, 22e éd., p. 108.

[4] Débats, 28 janvier 1988, p. 12360-12361.