La procédure financière / La législation

Projet de loi du Sénat : enfreindre la prérogative de la Couronne en matière financière

Débats, p. 10788-10791

Contexte

Le 18 novembre 1998, l’honorable Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes) invoque le Règlement au sujet du projet de loi S‑13, Loi constituant la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes et instituant un prélèvement sur l’industrie du tabac, adopté au Sénat et parrainé à la Chambre par Carolyn Bennett (St. Paul’s). Le leader du gouvernement soutient que le projet de loi n’est pas recevable parce qu’il propose une mesure fiscale et qu’à ce titre, il aurait dû émaner de la Chambre des communes et être précédé d’une motion des voies et moyens. Mme Bennett fait valoir, quant à elle, que le Président ne devrait pas pousser l’enquête au-delà de la teneur du projet de loi, car s’il le faisait, il déborderait le cadre de la procédure et tomberait dans le domaine juridique. Après débat, le Président déclare qu’il examinera toute la documentation qui lui a été fournie et qu’il fera part de sa décision à la Chambre[1].

Résolution

Le 2 décembre 1998, le Président se prononce sur le rappel au Règlement. Il déclare que la redevance imposée par le projet de loi ne procure pas d’avantage à l’industrie du tabac, mais vise à soutenir un objectif de la politique publique. Elle constitue donc une taxe et ne peut de ce fait être considérée comme un prélèvement. Il signale que seule la Chambre des communes, agissant sur l’initiative de ministres de la Couronne, a le droit de légiférer en matière financière. Or, comme le projet de loi propose de percevoir une taxe sans avoir été présenté à la Chambre des communes ni précédé d’une motion des voies et moyens, l’étape de la première lecture est nulle et non avenue et l’affaire est radiée du Feuilleton[2].

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le [rappel] au Règlement soulevé le 18 novembre 1998 par le leader du gouvernement à la Chambre, à propos de la recevabilité du projet de loi S‑13, Loi constituant la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes et instituant un prélèvement sur l’industrie du tabac.

Je veux d’abord remercier l’honorable leader du gouvernement à la Chambre et l’honorable députée de St. Paul’s de leur contribution savante à la discussion de ce sujet.

Je veux également remercier les autres députés qui sont intervenus sur ce rappel au Règlement, soit les honorables députés de Macleod (Grant Hill), Winnipeg-Centre-Nord (Judy Wasy), Pictou—Antigonish—Guysborough (Peter MacKay), Haldimand—Norfolk—Brant (Bob Speller), Esquimalt—Juan de Fuca(Keith Martin), Hillsborough (George Proud), Kamloops, Thompson and Highland Valleys (Nelson Riss), Pierrefonds—Dollard (Bernard Patry), Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest (Greg Thomson), Lac-Saint-Jean (Stéphan Tremblay), Delta—South Richmond (John Cummins), Whitby—Ajax (Judy Longfield), Burnaby—Douglas (Svend Robinson) et Wentworth—Burlington (John Bryden). Leurs contributions ont été très utiles pour la présidence dans le cadre de l’examen de cette affaire.

Nous avons entendu durant presque deux heures des arguments sur ce rappel au Règlement et, bien que je ne me propose pas de passer en revue ces arguments dans les détails, je demande à la Chambre de faire preuve de patience à mon égard pendant que j’expliquerai les faits de l’affaire dont nous sommes saisis et des conclusions que j’en ai tiré.

Le projet de loi S‑13 constitue la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes, personne morale sans but lucratif dont la mission est de réduire l’usage des produits du tabac chez les jeunes au Canada. À cette fin, le projet de loi S‑13 propose qu’un prélèvement soit imposé aux fabricants des produits de tabac pour fournir à la Fondation les fonds nécessaires à la réalisation de sa mission.

Le projet de loi S‑13 d’initiative parlementaire vient de l’autre endroit, où il a été adopté le 10 juin 1998, et il a franchi l’étape de la première lecture à la Chambre des communes le 18 novembre 1998.

Dans son rappel au Règlement, l’honorable leader du gouvernement à la Chambre allègue, pour ainsi dire, que le projet de loi S‑13 propose une mesure fiscale et, à ce titre, le projet de loi n’aurait dû émaner de la Chambre des communes qu’après adoption d’une motion des voies et moyens. Pour ces raisons, il soutient que la Chambre n’a pas été saisie convenablement du projet de loi et demande à la présidence de statuer que la Chambre des communes ne peut étudier le projet de loi.

Avant de disposer de ce rappel quant au fond, je voudrais répondre à l’assertion faite par la députée de St. Paul’s. Elle soutient que, en ne s’en tenant pas au libellé du projet de loi et en mettant en question les dispositions précises de ce dernier, on déborde du cadre de la procédure et on tombe dans le domaine juridique, dont le Président ne devrait pas s’occuper. La députée fait valoir que la question de savoir si le projet de loi S‑13 impose une taxe est une question de droit et d’interprétation juridique et que, partant, elle ne relève pas normalement de la compétence du Président.

La proposition générale selon laquelle le Président ne décide d’aucune question juridique est énoncée dans Beauchesne, 6e édition, commentaire 168(5), à la page 51. Mais la députée de St. Paul’s n’a pas invoqué ce commentaire. Les exemples cités dans Beauchesne portaient sur des questions qui ne pouvaient être considérées que comme des questions juridiques et qui ne comportaient pas d’aspect de procédure. Dans les deux cas, la question était de savoir si la proposition législative devant la Chambre relevait des pouvoirs législatifs de la Chambre en conformité avec la Loi constitutionnelle de 1867.

La question que je dois examiner relativement au projet de loi S‑13, à savoir si la redevance imposée par le projet de loi constitue ou non une taxe, se rapporte aux règles de procédure et aux usages de la Chambre ainsi qu’au privilège traditionnel de la Chambre à l’égard des mesures fiscales.

Plus précisément, deux questions ont été soulevées dans ce rappel au Règlement, et elles relèvent toutes deux clairement de ma compétence à titre de Président. Premièrement, est-ce qu’une motion des voies et moyens est nécessaire dans le cas du projet de loi S‑13? Deuxièmement, est-ce que ce projet de loi aurait dû émaner de la Chambre et non de l’autre endroit? Ces deux questions dépendent toutefois de la réponse qui doit être donnée à une troisième question : est-ce que le projet de loi S‑13 impose une taxe? Dans l’affirmative, une motion des voies et moyens s’impose et le projet de loi aurait dû émaner de la Chambre.

Il faut nécessairement répondre à cette troisième question pour pouvoir trancher les questions de procédure et de privilège. Pour cette raison, bien qu’il se peut que cette question fiscale soit qualifiée de question juridique — et, dans un autre contexte, à l’extérieur de la Chambre, qu’elle soit soulevée et considérée comme une question juridique — elle est considérée ici uniquement comme faisant partie intégrante d’une question de procédure et de privilège parlementaire. Par conséquent, il convient que je tranche cette question maintenant.

Dans sa présentation, l’honorable leader du gouvernement à la Chambre a fait valoir que le projet de loi S‑13 aurait dû émaner de la Chambre des communes puisqu’il impose une taxe.

L’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 est libellé comme suit, et je cite :

Tout bill ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts, devra originer dans la Chambre des communes.

Par ailleurs, comme le dit la citation 980, à la page 274 de Beauchesne, 6e édition, les projets de loi qui imposent une taxe doivent être précédés de l’adoption d’une motion des voies et moyens.

Afin de sauvegarder les privilèges financiers de la Chambre des communes, chaque député de cette Chambre doit faire preuve de vigilance et s’assurer que chaque projet de loi présenté devant la Chambre respecte ce critère.

L’article 80 du Règlement est catégorique à ce sujet et se lit, en partie, comme suit :

Il appartient à la Chambre des communes seule d’attribuer des subsides et crédits parlementaires au souverain. Les projets de loi portant ouverture de ces subsides et crédits doivent prendre naissance à la Chambre des communes […]

Pour résumer, la Chambre des communes fait valoir sa prééminence sur les questions financières — à savoir les dépenses publiques et la taxation — et la législation s’y rapportant doit émaner de la Chambre.

Afin de savoir si le projet de loi S‑13 a été présenté régulièrement à la Chambre, la présidence doit déterminer s’il impose une taxe. Si tel est le cas, le projet de loi aurait dû émaner de la Chambre des communes et être précédé d’une motion des voies et moyens.

Les députés comprendront que cette affaire comporte des questions de nature technique complexes. C’est pourquoi la présidence a apporté un soin particulier à l’étude des autorités pertinentes sur le sujet. J’ai consulté de façon approfondie les ouvrages d’Erskine May et je suis d’avis qu’ils constituent une source d’information complète et fiable sur les questions de procédure financière. Je demande à la Chambre d’être patiente pendant que je vais faire l’exposé du problème qui nous occupe.

Comme les députés le savent, la procédure financière concerne principalement l’autorisation des dépenses publiques et l’imposition. On a fait valoir que la redevance proposée par le projet de loi S‑13 n’était pas une taxe parce que les fonds perçus ne seront pas versés au Trésor.

Sous la rubrique « Question nécessitant une autorisation par voie de résolution des voies et moyens », May écrit, à la page 777 de la 22e édition :

Même si les impositions ne sont pas généralement des redevances prélevées sur les contribuables [c’est à dire des taxes] à moins que le produit ne soit versé au Trésor, l’absence d’obligation de versement au Trésor n’est pas en soi une indication concluante qu’il ne s’agit pas d’un prélèvement sur les contribuables. Si, par exemple, l’argent perçu par imposition par voie législative ne doit pas être versé au Trésor, mais doit néanmoins être utilisé au profit du public en général ou à des fins qui auraient nécessité par ailleurs un financement du Trésor, il est probablement nécessaire que cette imposition soit autorisée par une résolution des voies et moyens.

Autrement dit, si une redevance permet de recueillir des fonds qui sont versés au Trésor, elle constitue une taxe. Même si les fonds sont dirigés ailleurs, la redevance peut tout de même être une taxe. Toutefois, une redevance ne peut être considérée comme une taxe, et donc échapper aux contraintes habituelles de la procédure financière, que si elle est prélevée aux fins d’une industrie.

Par conséquent, le rappel au Règlement, ainsi que je le vois, dépend de la nature de la redevance prévue dans le projet de loi S‑13 et de son objet. Un examen plus poussé du projet de loi s’impose donc.

Il a été soutenu que le projet de loi S‑13 imposait un prélèvement « aux fins d’une industrie ». Au chapitre 32, consacré aux voies et moyens et aux projets de loi financiers, dans la 22e édition de May, nous pouvons lire ce qui suit, à la page 779 :

Les prélèvements sur les employeurs dans une industrie en particulier afin de constituer un fonds destiné à financer des activités dont bénéficiera l’industrie ne sont pas normalement considérés comme des redevances [c’est-à-dire des taxes].

May ajoute :

La législation moderne, toutefois, prévoit fréquemment l’imposition d’autres types de droits ou de paiements qui, bien qu’ils ne constituent pas une taxe dans le sens propre du terme, comportent suffisamment de caractéristiques de la taxation pour qu’ils doivent être traités comme des « redevances prélevées sur les contribuables » et donc être autorisés par résolution des voies et moyens proposée par un ministre. Cette distinction entre les types de paiements qui sont ou non visés par les règles de la procédure financière n’est pas toujours claire en pratique.

En d’autres termes, la question centrale en l’espèce est de savoir si le prélèvement imposé par le projet de loi S‑13 est une redevance imposée principalement dans l’intérêt de l’industrie du tabac. Si tel est le cas, la redevance ne constituerait pas une taxe.

Encore ici, May est utile, car il décrit un cas qui présente des similitudes avec le projet de loi S-13, soit le projet de loi britannique intitulé « Merchant Shipping Bill » de 1973-1974. Ce projet de loi obligeait les importateurs de pétrole à contribuer à un fonds international à des fins d’indemnisation pour les dommages imputables à la pollution par le pétrole. Dans la 21e édition, à la page 731, May écrit ceci :

Il était si évident que cette imposition n’était pas au profit de l’industrie concernée qu’il a été décidé qu’elle constituait une taxe malgré le fait que son produit n’était pas versé au Trésor.

En dernière analyse, il a été décidé que le projet de loi en question était régi par les règles de la procédure financière et que, par conséquent, il devait être précédé d’une résolution des voies et moyens avant d’être étudié par la Chambre des communes du Royaume-Uni.

Dans le cas qui nous occupe, j’ai examiné la question de savoir si la Chambre a déjà eu affaire à un projet de loi prévoyant un prélèvement sur une industrie. Au cours de la deuxième session de la 35e législature, le projet de loi C‑32 intitulé, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, prévoyait l’imposition d’une redevance sur les bandes sonores vierges.

Cette industrie bénéficiait de cette redevance puisque cette dernière permettait la reproduction d’éléments audio visés par le droit d’auteur à des fins personnelles. Cela aurait pour effet de faire croître le marché pour les bandes sonores vierges. La redevance sur les bandes sonores était destinée à percevoir des fonds permettant d’indemniser les propriétaires de droits d’auteur pour les pertes subies du fait de la reproduction de ces éléments à des fins personnelles. Le lien entre l’avantage pour l’industrie et l’imposition de la redevance semble clair dans ce cas. La redevance semble satisfaire le critère selon lequel elle constituait un avantage pour l’industrie et ne constituerait donc pas une taxe.

Le projet de loi C‑32 n’a pas été subordonné aux procédures financières habituelles et n’a pas été précédé d’une motion des voies et moyens.

Dans le cas du projet de loi S‑13, la présidence doit déterminer la nature de la redevance imposée par celui-ci. On a fait valoir que la redevance est un prélèvement dont l’industrie du tabac bénéficie. Pour étayer ce point de vue, on nous renvoie à l’article 3 du projet de loi à l’intertitre « Objet », dont le paragraphe (1) est formulé en partie comme suit :

(1) La présente loi a pour objet de donner à l’industrie canadienne du tabac les moyens de réaliser l’objectif qu’elle s’impose publiquement de réduire l’usage du tabac chez les jeunes au Canada […]

Je mettrai de côté sans faire de commentaire la question de savoir si l’industrie a affirmé publiquement qu’elle avait pour objectif la réduction du nombre de fumeurs dans un segment quelconque de la population.

Permettez-moi seulement de continuer la citation du paragraphe (1) de l’article 3, qui précise comme suit l’objet du projet de loi pour réduire la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada :

[…] du fait que :
a) de nombreuses maladies débilitantes ou mortelles sont liées à l’usage du tabac, qui peut entraîner des conséquences néfastes;
b) les jeunes au Canada souffrent de dépendance envers les produits du tabac qu’ils consomment; […]
d) ces produits sont fabriqués et commercialisés, dans la mesure où les jeunes y ont accès; […]

Le texte continue au paragraphe (2) du même article, et se lit comme suit :

(2) La présente loi vise à compléter la réponse législative générale […] au grave problème de santé publique.

Il me semble que ces énoncés montrent que l’objet du projet de loi concerne une question d’ordre public, soit la santé des jeunes au Canada et non, comme plusieurs députés l’ont soutenu, la création d’un avantage pour l’industrie du tabac.

Il y a ceux qui disent que l’un n’empêche pas l’autre et que l’avantage pour l’industrie est tel que la redevance en question est un prélèvement et non une taxe. Les partisans de ce point de vue citent l’alinéa (1)c) de cet article 3, qui se lit comme suit:

c) l’industrie est incapable de régler elle-même ce problème de l’usage du tabac chez les jeunes parce que, de son propre aveu, ses membres et ses mandataires manquent de crédibilité pour promouvoir la diminution de l’usage des produits du tabac;

Sûrement, le manque de crédibilité dont il est fait mention ici fait appel au bon sens qui nous dicte que l’industrie du tabac sert ses propres intérêts, à savoir que, en tant qu’entreprise commerciale, son but premier est de faire croître ses marchés et ainsi d’augmenter ses bénéfices. Les jeunes représenteraient pour cette industrie la croissance éventuelle de son marché. Comment pourrait-il être avantageux pour l’industrie de réduire le nombre de fumeurs chez ceux-là même qui représentent la croissance de son marché?

C’est cette proposition peu plausible qui sous-tend le problème de crédibilité dont le projet de loi fait mention.

Les partisans du projet de loi font valoir que l’avantage que procure l’établissement de la fondation sur le plan des relations publiques constituerait un avantage pour l’industrie. Ils citent l’autonomie de la fondation projetée et son rôle dans la coordination, à l’échelle nationale, de la lutte au tabagisme. N’est-il pas raisonnable de supposer que, si l’industrie avait voulu améliorer son image publique de cette façon, elle aurait pu elle-même créer un organisme sans lien de dépendance comme la fondation? Pourquoi une mesure législative comme celle-ci est-elle nécessaire?

Revenons à l’article 3, pour examiner cette fois l’alinéa (1)e), qui se lit comme suit :

e) il est prévisible que de nouvelles restrictions seront apportées à la capacité de l’industrie de produire et vendre des produits du tabac si le taux d’usage du tabac chez les jeunes n’est pas réduit;

On a fait valoir que cette disposition procure encore un avantage pour l’industrie puisque les activités de la fondation peuvent prévenir l’imposition d’autres restrictions à l’industrie. On anticipe de ce fait les mesures gouvernementales qui pourraient être prises dans l’avenir et on conclut que l’établissement de la fondation permettra d’éviter la nécessité d’adopter de telles mesures. Cela ne revient-il pas à dire que cette redevance dans ce projet de loi est avantageuse pour l’industrie du seul fait que des mesures futures pourraient être moins intéressantes?

J’ai examiné avec attention tous les arguments présentés ainsi que tous les cas que les députés ont portés à mon attention, même si, dans la présente décision, je n’ai pas parlé de chacun de façon détaillée.

Je suis forcé de conclure que la redevance imposée par le projet de loi S‑13 ne vise pas à créer un avantage pour l’industrie du tabac mais vise une question d’ordre public, à savoir, la santé des jeunes au Canada, un but louable sans aucun doute.

On cherche par le projet de loi à établir la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes dont l’objectif est de réduire et finalement d’éliminer l’usage des produits du tabac par les jeunes au Canada. Cela frise la crédulité que de vouloir prétendre que cet objectif constitue un avantage pour l’industrie du tabac.

Quelle que soit l’ingéniosité avec laquelle on s’est employé à rédiger et à structurer le projet de loi de sorte qu’il ressemble à un projet de loi dont l’objet vise une industrie, objet qui améliorerait peut-être la place qu’occupe l’industrie du tabac dans notre société, le projet de loi S‑13 a pour objet principal la réduction et l’élimination de la consommation du tabac. Ceci constitue une question de santé publique et c’est en raison de cet objet d’ordre public que j’en suis arrivé à la conclusion que la redevance qu’impose le projet de loi S‑13 sur l’industrie constitue une taxe.

Seule la Chambre des communes a le droit et l’obligation de légiférer sur des mesures financières. Seule la Chambre des communes, agissant sur l’initiative des ministres de la Couronne, peut imposer des taxes pour générer les fonds nécessaires au financement de programmes d’ordre public. J’ai l’obligation, en tant que Président de la Chambre, de faire en sorte que ces privilèges fondamentaux en matière financière ne soient pas compromis.

En bref, les projets de loi imposant une taxe doivent émaner de la Chambre des communes et doivent être précédés d’une motion des voies et moyens. Le projet de loi S‑13 impose une taxe, n’a pas émané de la Chambre des communes et, par conséquent, n’a pas été précédé d’une motion des voies et moyens. Je conclus donc qu’il n’a pas été valablement présenté à la Chambre.

En conséquence, l’étape de la première lecture est nulle et non avenue et cette affaire est rayée du Feuilleton.

Je remercie les députés de leur attention.

P0612-f

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1998-12-02

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[1] Débats, 18 novembre 1998, p. 10145, 10147-65.

[2] Journaux, 2 décembre 1998, p. 1360.