Le privilège parlementaire / Droits de la Chambre

Présentation déformée du rôle du Parlement dans les communications du gouvernement au sujet de la taxe proposée sur les produits et services : annonces dans les journaux

Débats, p. 4457-4461

Contexte

En août 1989, pendant le congé d’été, le gouvernement fait paraître dans les journaux d’un bout à l’autre du pays une annonce indiquant que la taxe proposée sur les produits et services (TPS) entrera en vigueur le 1er janvier 1991. À la reprise des travaux parlementaires le 25 septembre 1989, le très hon. John Turner (chef de l’Opposition) soulève une question de privilège à propos de l’annonce. À son avis, en indiquant la date d’entrée en vigueur de la TPS dans une annonce publiée dans les journaux, le gouvernement a nié le rôle du Parlement en matière de fiscalité et préjuge des délibérations de la Chambre et de ses comités. D’autres députés prennent également part au débat[1]. Le 10 octobre 1989, le Président rend la décision qui est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président : Je suis maintenant prêt à rendre une décision sur la question de privilège qu’a soulevée le très honorable chef de l’opposition, le 25 septembre, au sujet des annonces publicitaires du gouvernement concernant la taxe projetée sur les produits et services qui ont paru dans les journaux le 26 août.

Dès le départ, je tiens à insister sur le fait que la présidence n’a nullement l’intention de traiter des limitations ou mérites relatifs du projet de taxe; la présidence n’a absolument aucun rôle à jouer dans ce débat politique. Elle n’a pas d’autre responsabilité en l’occurrence que de déterminer si la question soulevée par le chef de l’Opposition justifie qu’on s’écarte des travaux réguliers de la Chambre.

Je citerai ici le commentaire 84(2) de la 5e édition du Règlement annoté et formulaire de la Chambre des communes de Beauchesne :

On a souvent rappelé que le rôle [du Président], en pareille circonstance, se borne à statuer sur la question de savoir si l’affaire dont il est saisi répond aux normes prescrites, c’est-à-dire si elle est telle qu’elle doit avoir priorité sur les motions ou autres articles de l’ordre du jour inscrits au Feuilleton. Il ne lui appartient pas de statuer sur le fond, autrement dit de juger s’il y a eu, oui ou non, atteinte au privilège. Seule la Chambre est compétente à cet égard.

Je tiens à souligner encore une fois que le Président ne décide pas si une atteinte au privilège ou un outrage a effectivement été commis. Le Président détermine seulement si une demande fondée sur une allégation d’outrage ou d’atteinte au privilège est, à première vue, assez importante pour qu’il suspende les travaux réguliers de la Chambre et soumette l’affaire pour décision à cette dernière. C’est là le point limité que la présidence doit trancher.

Il y a peut-être lieu de passer d’abord en revue les faits entourant l’affaire qui nous occupe. Le 26 août 1989, le ministère des Finances a fait paraître dans les journaux, partout au pays, une annonce publicitaire où il était dit ceci :

Le 1er janvier 1991, le régime de la taxe fédérale de vente connaîtra des modifications. Veuillez conserver cet avis. Il explique les modifications apportées et les raisons qui y président.

Je signale que c’était une pleine page publicitaire, en très gros caractères.

Permettez-moi de répéter le texte de l’annonce en français.

Le 1er janvier 1991, le régime de la taxe fédérale de vente connaîtra des modifications. Veuillez conserver cet avis. Il explique les modifications apportées et les raisons qui y président.

Je devrais signaler que le texte français allait peut-être même plus loin que la version anglaise laissait entendre.

On expliquait en outre dans cette annonce que la taxe sur les produits et services « remplacera l’actuelle taxe fédérale de vente », et on y exposait dans leurs grandes lignes des modifications projetées bien précises. C’est vrai que, dans l’annonce, quelques-unes de ces modifications figuraient sous l’en-tête « Principaux changements proposés ».

Au cours des interventions faites le 25 septembre, le député de Parkdale—High Park (M. Jesse Flis) a signalé que cette publicité avait également paru dans un bon nombre de journaux ethnoculturels dans l’ensemble du pays. À la suggestion du député, j’ai examiné un certain nombre des journaux en question, et constaté que la plupart de ces annonces avaient été publiées au début de septembre et que certaines d’entre elles étaient rédigées en italien et en lithuanien.

Pour sa part, le député d’Ottawa—Vanier (M. Jean-Robert Gauthier) a insisté sur le fait qu’en français le texte de l’annonce donnait à entendre que les modifications avaient déjà été apportées ou adoptées, dans la mesure où il était fait usage d’un « participe passé », soit le mot « apportées ».

Dans son exposé à l’appui de la question de privilège, le chef de l’Opposition a soulevé plusieurs graves questions. Pour résumer ses arguments, si on veut bien me le permettre, il invoque deux choses principalement : d’abord, que cette publicité nuit aux futures délibérations de la Chambre et du comité des finances qui a entrepris l’étude d’un document technique sur la question; et deuxièmement, que ces annonces constituent un outrage au Parlement parce qu’elles amènent les lecteurs à conclure que la Chambre n’a aucun rôle à jouer dans l’adoption de cette taxe, induisant ainsi le public canadien en erreur au sujet de la procédure suivie par le Parlement pour l’adoption d’une telle mesure législative. Le très honorable député s’exprime en ces termes, aux pages 3809 et 3810 du Hansard, et je cite :

L’expression « Veuillez conserver cet avis », suivi de l’énumération des prétendues modifications fiscales, donne ouverture à une question de privilège.

Du moins, c’est le raisonnement du chef de l’Opposition. Il a ajouté :

Cette expression « Veuillez conserver cet avis » constitue un outrage au Parlement; c’est un acte d’intimidation à l’endroit du Parlement parce que l’unique conclusion qu’on peut tirer de ces mots « Veuillez conserver cet avis » c’est qu’on se fiche de ce que les députés pourront décider au sujet de ces taxes; on se fiche de ce que le comité des finances pourra décider au sujet de ces taxes.

Et ensuite :

Ces annonces publicitaires portent atteinte à la tradition parlementaire de deux autres façons. D’abord, elles compromettent les délibérations en cours au sein du Comité permanent des finances; ensuite, elles compromettent également les débats qui pourraient éventuellement avoir lieu ici à la Chambre des communes.

L’honorable député d’Oshawa et chef du Nouveau Parti démocratique (l’hon. Edward Broadbent) a appuyé les prétentions du chef de l’Opposition. Il a en outre soulevé la question de la régularité de la dépense de deniers publics faite par le gouvernement pour faire de la publicité à l’appui de sa position dans un débat qui n’a pas encore eu lieu au Parlement. Pour ce qui est de ce point, j’aimerais faire immédiatement état de la décision rendue par madame le Président Sauvé le 17 octobre 1980, à la page 3781 du Hansard, et je cite :

Le fait que certains députés ont le sentiment d’être désavantagés parce qu’ils n’ont pas les mêmes fonds pour la publicité que le gouvernement, fait qui pourrait constituer un point à débattre sur le plan de la régularité d’action, ne constitue a priori un cas d’atteinte aux privilèges […].

J’estime, tout comme l’a conclu madame le Président Sauvé, qu’il s’agit là d’une question importante qui mérite considération, mais cela ne devrait pas se faire sous le couvert du privilège.

Parmi les arguments présentés à la présidence sur la question de privilège, le ministre de la Justice (l’hon. Doug Lewis) a fait valoir pour sa part trois points principaux en faveur du rejet de la demande au titre de l’atteinte au privilège ou de l’outrage à la Chambre. Il a fait état du fait que le Comité des finances a lui-même recommandé à l’unanimité que le gouvernement, s’il décidait d’instaurer une taxe sur la valeur ajoutée, en fasse connaître publiquement les détails. Il a aussi expliqué que le gouvernement avait indiqué, dans le budget qui a été approuvé par la Chambre, que la taxe sur les produits et services entrerait en vigueur le 1er janvier 1991. Il a enfin avancé qu’on ne pouvait faire valoir que le Comité était empêché d’accomplir son travail, puisque le Comité étudie présentement cette question.

La présidence a aussi examiné les arguments des députés de Windsor-Ouest (l’hon. Herb Gray) de Kamloops (M. Nelson Riis) et de Peace River (M. Albert Cooper). Je tiens à les remercier de leurs interventions sur cette grave question.

Dans la présente affaire, la présidence doit examiner plusieurs questions. Je me propose de traiter d’abord de la question de savoir s’il y a eu atteinte au privilège dans la mesure où la publicité en question nuirait aux travaux de la Chambre ou du Comité. Je traiterai ensuite de l’allégation à l’effet que cette publicité constitue un outrage au Parlement parce qu’elle suppose que la Chambre n’a aucun rôle à jouer dans l’adoption de cette taxe et donne au public canadien une image déformée de la procédure suivie par le Parlement pour l’adoption des mesures législatives.

Avant d’aborder la première question, j’estime qu’il pourrait être utile d’expliquer brièvement aux députés la différence entre l’ « outrage » à la Chambre et l’« atteinte au privilège ».

Les privilèges consentis à chacun des députés et à la Chambre en tant que collectivité sont délimités. On les classe généralement en cinq catégories : la liberté de parole, l’immunité d’arrestation dans les affaires civiles, l’exemption de l’obligation de faire partie d’un jury, l’exemption de l’obligation de comparaître comme témoin et la protection contre les tracasseries. Ainsi qu’on l’explique aux pages 70 et 71 de la 20e édition d’Erskine May :

On reconnaît le privilège à son caractère accessoire. Les privilèges du Parlement sont ceux qui sont « absolument indispensables à l’exercice de ses pouvoirs ». Ils sont départis aux députés en tant que tels : la Chambre serait en effet dans l’incapacité de s’acquitter de ses fonctions si elle ne pouvait librement disposer des services de tous ses membres. Mais ils sont également étendus à chacune des Chambres en vue de la protection de ses membres et de la proclamation de son autorité et de sa dignité propres.

Il en résulte que lorsque des députés prétendent qu’une certaine action constitue une atteinte au privilège, ils doivent préciser de quel privilège il s’agit.

Par contre les outrages ne peuvent être énumérés ni classés par catégories. Ainsi que l’expliquait madame le Président Sauvé dans une décision rendue le 29 octobre 1980, qu’on trouve à la page 4214 du Hansard :

[…] bien que nos privilèges soient définis, la violation de privilège n’est pas circonscrite. On aura beau inventer de nouvelles façons de s’immiscer dans nos délibérations, la Chambre pourra toujours conclure, dans les cas pertinents, qu’il y a eu violation de privilège.

En gros, les outrages sont des délits contre l’autorité ou la dignité de la Chambre des communes. Ils englobent les situations qu’on ne peut classer précisément comme des atteintes aux privilèges de la Chambre. Ainsi qu’on le signale aux pages 71 et 143 de la 20e édition d’Erskine May :

Chacune des Chambres revendique également le droit de punir des actes qui, sans porter atteinte à un privilège spécifique, font offense à son autorité ou sa dignité; c’est le cas de la désobéissance à ses ordres légitimes, ou des propos diffamatoires à son égard ou à celui de ses fonctionnaires ou de ses membres. Ces actes, pourtant souvent qualifiés d’ « atteintes au privilège » sont plus exactement des « outrages ».

Je continue la citation :

Il serait vain d’essayer d’énumérer tous les actes susceptibles d’être considérés comme des outrages, car le pouvoir d’imposer des sanctions pour outrage est de [par] sa nature un pouvoir discrétionnaire. […] On peut dire en général que tout acte ou toute omission qui entrave une Chambre ou l’un de ses membres ou de ses fonctionnaires dans l’exercice de ses fonctions, ou qui tend [directement ou indirectement] à produire un tel résultat, peut être considéré comme un out rage, même s’il n’existe aucun précédent à l’in fraction.

Ainsi que je l’ai déjà mentionné, il est impossible de classer par catégories ou de décrire ce qui peut rentrer dans la définition de l’outrage. Une autorité en matière de procédure en ce qui concerne le Lok Sabha, en Inde, donne l’explication suivante à la page 209 de Practice and Procedure of Parliament:

Les outrages au Parlement peuvent toutefois varier considérablement quant à leur nature et à leur gravité. À un extrême, il peut s’agir tout au plus de mots grossiers et irréfléchis; à l’autre extrême, ce peut être de graves attaques qui sapent l’institution parlementaire même[2].

En résumé, toutes les atteintes au privilège constituent des outrages à la Chambre mais les outrages ne sont pas tous forcément des atteintes au privilège. L’outrage peut consister en une action ou une omission; il n’est pas nécessaire que celle-ci constitue effectivement une entrave pour la Chambre ou un député, il suffit qu’elle tende à produire ce résultat. Les cas d’outrage peuvent aller du manquement mineur au décorum à l’attaque grave contre l’autorité du Parlement.

Dans le présent cas, le chef de l’opposition soutient que l’annonce publicitaire du ministère des Finances nuit aux futures délibérations de la Chambre et du comité des finances.

La présidence doit déterminer quels sont ceux des privilèges définis de la Chambre auxquels il aurait été porté atteinte.

Il est certain qu’on n’a pas porté atteinte à la liberté de parole. Le Comité poursuit ses délibérations et la Chambre débattra sans doute les diverses questions liées au projet de taxe sur les produits et services, soit dans le cadre de la période des questions, soit à la suite du rapport du comité des finances qui sera présenté à la Chambre au plus tard le 28 novembre 1989. La Chambre aura aussi la possibilité de tenir un débat sur tout projet de loi que le gouvernement pourra proposer à la Chambre et, en outre, celle de voter sur des motions de voies et moyens, lesquelles précèdent nécessairement le dépôt de tels projets de loi. Les possibilités de débat et d’amendements ne peuvent être énumérées, car elles sont trop nombreuses. Qu’il suffise de dire qu’elles n’ont pas été réduites.

Y a-t-il eu, par contre, entrave à l’exécution des fonctions de la Chambre ou de certains députés? Il aurait fallu, pour qu’il y ait entrave, qu’une action quelconque empêche la Chambre ou des députés d’exercer leurs fonctions, ou tende à discréditer si gravement un député qu’elle l’empêche de s’acquitter de ses responsabilités. J’estime que tel n’est pas le cas dans la présente affaire.

Je tiens aussi à souligner que la Chambre et ses comités ne travaillent pas en vase clos. Les députés sont constamment soumis à des facteurs et à des pressions venant de l’extérieur. Vu qu’il n’y a eu ni menace ni corruption, il est difficile de voir comment on aurait nui aux travaux de la Chambre ou du Comité des finances ou à quel privilège précis on aurait porté atteinte.

À ce chapitre, il m’est impossible de conclure qu’on a porté atteinte à quelque privilège.

L’annonce publicitaire du ministère des Finances équivaut-elle dans le présent cas à un outrage à la Chambre des communes? Le chef de l’opposition soutient que la publicité en question est trompeuse du fait qu’elle donne au grand public l’impression que cette modification projetée du système fiscal est un fait accompli et que le Parlement n’a aucun rôle à jouer dans l’examen et l’approbation des modifications en question. Cela peut avoir pour effet de tendre à miner l’autorité de la Chambre aux yeux du public.

Le ministre de la Justice a répondu en disant, et je cite l’argument du ministre à la page 3821 du Hansard :

Les annonces publicitaires sur les changements proposés sont parues à des fins informatives. D’ailleurs, elles ont atteint leur but puisque nous avons reçu des centaines et des milliers de demandes de renseignements. Nous nous efforçons d’informer les gens.

Le ministre de la Justice a expliqué que le gouvernement n’avait jamais eu l’intention de donner l’impression que la mesure législative en question ne ferait pas l’objet d’un débat au Parlement. Au cours de la période des questions, le 25 septembre, le ministre des Finances (l’hon. Michael Wilson) a aussi déclaré que l’annonce publicitaire avait un but informatif et qu’elle était en accord avec les autres documents du budget présenté au printemps.

La présidence devrait-elle accepter l’explication du gouvernement et conclure qu’aucun outrage délibéré n’a été commis? À ce stade, il peut être utile de citer une autorité canadienne en matière de privilège. Joseph Maingot explique ce qui suit à la page 253 [de la première édition] de son ouvrage intitulé Le privilège parlementaire au Canada :

Il s’agit d’actes qui, sans faire concrètement obstacle aux activités de la Chambre des communes ou des députés, entravent néanmoins la Chambre dans l’exercice de ses fonctions en portant atteinte au respect qui lui est dû. À l’instar d’un tribunal, la Chambre des communes a droit au plus profond respect.

La publicité en question porte-t-elle atteinte au respect dû à la Chambre? Le député de Windsor-Ouest avance l’argument suivant, à la page 3823 du Hansard :

[…] lorsque l’annonce en question déclare en substance qu’il y aura une nouvelle taxe le 1er janvier 1991, […] l’annonce a pour objet de donner l’impression que le Parlement s’est prononcé à son sujet, parce que c’est, j’en suis sûr, la façon dont les Canadiens pensent qu’une taxe comme celle-ci est finalement adoptée et entre en vigueur. Comme c’est le cas, il s’agit bien d’un outrage au Parlement, car cela revient à déformer le rôle joué par la Chambre […]

La présidence est dans l’embarras. On offre des deux côtés des arguments très sérieux. Et pour ajouter aux problèmes de la présidence, il se trouve en outre que les autorités en matière de procédure signalent qu’on ne peut se reposer sur les précédents pour déterminer s’il y a outrage. Par contraste, il est plus facile pour la présidence de déterminer quand il y a eu atteinte au privilège car les catégories sont limitées et elle peut fonder ses décisions sur les précédents ou les ouvrages faisant autorité. Le présent cas n’est certainement pas unique. On peut établir des analogies avec la décision rendue par madame le Président Sauvé le 17 octobre 1980, mais à l’époque, la question tournait autour de la régularité des dépenses publiques effectuées par le gouvernement pour faire de la publicité sur un point avant que le débat sur la question n’ait eu lieu à la Chambre. Il ne s’agissait pas de savoir si l’on avait porté atteinte à la dignité de la Chambre.

Dans ces conditions, la présidence estime qu’elle doit faire preuve d’une extrême prudence pour ne pas restreindre indûment le pouvoir de la Chambre de s’occuper de ce qui est perçu comme un cas d’outrage, compte tenu notamment des arguments qui ont été présentés.

Je dois avouer que j’ai certains doutes pour ce qui concerne la présente affaire. Normalement, il est d’usage pour les Présidents, en cas de doute, d’autoriser la présentation d’une motion en bonne et due forme tendant à soumettre l’affaire à la décision de la Chambre. J’aimerais citer ici une décision dans ce sens du Président Jerome qu’on trouve à la page 3975 du Hansard du 21 mars 1978, dans laquelle le Président cite un rapport du Comité des privilèges parlementaires du Royaume-Uni :

[…] il semble que, pour décider s’il devait faire passer avant les questions à l’ordre du jour une plainte à l’égard d’une violation de privilège […], [le Président] se soit posé la question suivante : À priori, s’agit-il […] d’une atteinte aux privilèges? Si l’on s’en tient rigoureusement à ce principe, la Chambre ne pourrait se prononcer sur aucune. plainte à l’égard d’une atteinte aux privilèges, à moins que [le Président] n’estime qu’il s’agisse là effectivement d’une atteinte aux privilèges […]
Les cas douteux ou contestables seraient exclus automatiquement, car [le Président] ne pourrait dire qu’à son avis l’acte ou la conduite ayant fait l’objet d’une plainte constitue, à première vue, une atteinte aux privilèges.
À mon avis […] il devrait se demander […] si la plainte du député est justifiable. Et si [le Président] a le moindre doute il devrait […] laisser à la Chambre le soin de trancher la question.

C’est un extrait d’une décision du Président Jerome qui citait, je le répète, le Comité spécial des privilèges parlementaires du Royaume-Uni.

Afin de clarifier dans mon esprit la question de présomption d’outrage et de dissiper les doutes dont j’ai fait état, j’ai considéré le but visé par l’annonce publicitaire incriminée comparativement à sa teneur. Je puis dire qu’à mon avis le texte a manifestement été rédigé de façon cavalière; il y a un élément d’assurance, voire d’audace, dans l’emploi d’une expression aussi définitive que « Veuillez conserver cet avis ».

Les ministres de la Justice et des Finances ont dit à la Chambre que cette publicité avait pour but d’informer les Canadiens. Les députés savent bien qu’il est dans nos usages d’accepter la parole d’un membre de la Chambre. acceptation des explications des ministres répond donc à la question d’intention, et de ce fait certains des doutes de la présidence sont aussi dissipés. Une fois établi que l’annonce publicitaire ne visait pas à porter atteinte à la dignité de la Chambre, il est difficile de conclure que nous avons affaire à première vue à un cas l’outrage.

Je veux toutefois que la Chambre comprenne très clairement que si jamais le Président est appelé à examiner de nouveau une situation comme celle-ci, la présidence ne sera pas aussi généreuse. À mon avis c’est une situation qui ne devrait jamais se reproduire. Je m’attends à ce que le ministère des Finances et les autres ministères étudient cette décision avec soin et je rappelle à tous, dans la Fonction publique, que nous sommes une démocratie parlementaire et non une démocratie de type exécutif ou de type administratif.

Afin que tous les députés comprennent exactement la procédure et afin que le public qui suit les délibérations comprenne exactement la procédure, je répète ce que j’ai dit : si j’avais décidé que la Chambre devrait être saisie de la question, il y aurait pu y avoir un débat et un vote.

Je crois qu’il est dans l’intérêt de notre système parlementaire de gouvernement que le Président fasse une déclaration claire qu’on ne puisse pas mal interpréter dans un débat ou par suite d’un vote. Un vote sur cette question pourrait ne pas constituer un appui pour le très important message que votre Président veut communiquer, un message qui, je l’espère, sera dûment pris en considération à l’avenir par les gouvernements, les dirigeants ministériels et les agences de publicité dont ils auront retenu les services. Cette annonce publicitaire ne constitue peut-être pas un outrage à la Chambre dans les limites étroites établies par une définition de procédure mais elle est mal conçue, à mon sens, et elle dessert les grandes traditions de la Chambre. Si nous ne préservons pas ces grandes traditions nos libertés seront menacées et nos conventions seront bafouées. J’insiste, et je crois que j’ai l’appui de la majorité des membres modérés et sérieux de cette Chambre — de part et d’autre de celle-ci — sur le fait que cette annonce est répréhensible et qu’on ne devrait pas la répéter.

J’ai délibérément apporté beaucoup de soin à l’élaboration de cette décision afin que mes observations puissent guider la Chambre dans ses délibérations si jamais elle est appelée de nouveau à débattre et étudier cette question.

F0101-f

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1989-10-10

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[1] Débats, 25 septembre 1989, p. 3809-3829.

[2] M.N. Kaul et S.L. Shakdher, Practice and Procedure of Parliament, 3e éd., New Delhi: Metropolitan Book Co. Pvt., Ltd., réimpr. 1986.