Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Le privilège parlementaire / Droits de la Chambre

Outrage à la Chambre : publicité du gouvernement prétendument utilisée pour influencer les délibérations du Parlement et l’opinion publique

Débats, p. 1822-1823

Contexte

Le 25 novembre 2002, Joe Clark (Calgary-Centre) soulève la question de privilège au sujet d’un message publicitaire sur les changements climatiques diffusé à la télévision quelques jours à peine après que le gouvernement eut donné avis d’une résolution demandant à la Chambre de ratifier le Protocole de Kyoto, une question sur laquelle le Parlement ne s’est pas encore prononcé. M. Clark avance qu’on ne peut faire la promotion des positions de principe du Parlement tant qu’elles n’ont pas été adoptées et que l’utilisation de deniers publics pour influencer une décision du Parlement constitue un outrage à la Chambre. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes) souligne que le message publicitaire en question ne prétend pas que le Protocole a été approuvé par le Parlement et que la motion dont la Chambre est saisie était de nature consultative, étant donné que les traités internationaux peuvent être ratifiés sans résolution de la Chambre. Un autre député intervient aussi sur l’affaire[1].

Résolution

Le Président rend sa décision sur-le-champ. Il fait remarquer que le message publicitaire contesté ne mentionne nullement qu’une décision a déjà été prise, mais dit simplement que le Parlement est saisi de la question. Il ajoute que des publicités semblables ont déjà été autorisées, du moment qu’elles ne donnaient pas à penser que le Parlement avait déjà pris une décision qu’il n’avait pas prise ou qu’il ne modifierait pas une proposition dont il était saisi. Par conséquent, le Président conclut que la question de privilège n’est pas fondée de prime abord.

Décision de la présidence

Le Président : Encore une fois, après avoir écouté les interventions du très honorable député de Calgary-Centre, du secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre et du député de West Vancouver–Sunshine Coast, je suis disposé à traiter de cette question.

Dès le début de l’exposé du très honorable député de Calgary-Centre, je me suis rappelé la décision rendue par le Président Fraser dont le député a grandement fait mention. Il s’agissait de la première décision rendue à la Chambre après ma première élection ici et je me souviens clairement de cette journée. D’ailleurs, je me souviens encore plus clairement de la décision et surtout de sa conclusion que le très honorable député a citée.

Je suis d’accord sur la conclusion tirée à l’époque, mais, dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, la question est très claire. Je voudrais revenir au début de la décision où le Président citait les propos du chef de l’Opposition[2]. Il a lu un extrait de l’avis dont on se plaignait, et je cite :

Le 1er janvier 1991, le régime de la taxe fédérale de vente connaîtra des modifications. Veuillez conserver cet avis. Il explique les modifications apportées et les raisons qui y président.

Ensuite, le Président Fraser a ajouté :

Je signale que c’était une pleine page publicitaire, en très gros caractères.

Il a ensuite répété tout cela en français. L’annonce semblait insinuer que les modifications avaient déjà été approuvées. La teneur de l’annonce publicitaire était extrêmement importante, surtout en ce qui concernait la décision que rendait le Président Fraser, comme il l’a reconnu, puisque, premièrement, la date à laquelle entraient en vigueur les modifications y était indiquée alors que la Loi n’avait pas été adoptée par le Parlement et, deuxièmement, on demandait aux gens de conserver l’avis, car aucun autre changement n’allait être apporté et l’avis décrivait bien le système qui serait en vigueur à compter du 1er janvier 1991.

Ce sont là les deux caractéristiques de la campagne publicitaire que contestait M. Turner et sur lesquelles le Président Fraser émettait de sérieuses réserves.

Madame la Présidente Sauvé a également eu à rendre une décision similaire.

Le 17 octobre 1980, il y a eu une question de privilège comme celle qui est soulevée aujourd’hui par le très honorable député de Calgary-Centre.

La Présidente a pris en considération une objection contre une campagne de publicité du gouvernement. On soutenait que c’était un outrage à la Chambre que de faire de la publicité sur une politique ou une opinion partisane, avant que la Chambre ne donne son approbation. La Présidente a jugé que ce n’était pas le cas.

Généralement, la publicité a été permise, mais ce qui a été critiqué, notamment par le Président Fraser, et qui appelait ses réserves au sujet de la campagne de publicité, c’est le fait que la publicité dise qu’il y avait une date de mise en œuvre et que ce qui était présenté dans la publicité était le produit final. Telle était l’objection. Selon moi, c’était là le fondement de l’objection soulevée par le leader de l’Opposition à l’époque. L’objection n’a pas été jugée fondée, mais le Président Fraser a ajouté que, si la chose se reproduisait, sa décision pourrait être fort différente.

Dans les propos que le très honorable député a cités à la présidence au sujet des publicités du week-end dernier, il n’est dit nulle part qu’il s’agit d’un fait accompli, ni que la question a été tranchée d’une façon ou d’une autre. Selon moi, on dit plutôt que le Parlement est saisi de la question. La publicité pour ou contre une mesure a été autorisée par le passé, pourvu que, comme dans le cas des publicités au sujet de la taxe sur les produits et services, elle ne dise pas que la décision a été prise et que le Parlement n’apportera aucun changement.

Voilà l’élément que, dans l’allégation d’outrage, le Président Fraser a trouvé tellement inadmissible, mais je ne trouve rien de tout cela dans ce qu’on m’a dit aujourd’hui des publicités. Bien que je ne sois pas certain qu’il y ait des divergences d’opinions à la Chambre sur le bien-fondé de l’utilisation de fonds publics pour de la publicité sur une question dont la Chambre est saisie, mes prédécesseurs ont toujours soutenu que la présidence doit s’abstenir d’intervenir, à moins que les publicités elles-mêmes ne signalent que le Parlement n’a rien à dire sur la question ou que la décision est prise à l’avance et que le Parlement prendra telle décision à telle date ou avant telle date.

Dans le cas qui nous occupe, je ne trouve rien de tout cela. En conséquence, je ne peux conclure que la question de privilège est fondée pour l’instant, mais il est évident que le contenu des publicités change parfois, et je suis convaincu que le très honorable député demeurera vigilant. S’il estime que des publicités sont inadmissibles, je suis persuadé qu’il les signalera à la présidence ultérieurement, et qu’il pourra se faire entendre.

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[1] Débats, 25 novembre 2002, p. 1820-1822.

[2] Le chef de l’Opposition à l’époque était John Napier Turner.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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