Le privilège parlementaire / Droits de la Chambre
Outrage à la Chambre : premier ministre accusé d’avoir passé outre à une décision de la Chambre sur une nomination par décret
Débats, p. 5547-5548
Contexte
Le 12 avril 2005, Bob Mills (Red Deer) soulève la question de privilège[1] pour accuser Paul Martin (premier ministre) d’outrage au Parlement pour avoir passé outre à une décision de la Chambre, après l’adoption, le 6 avril 2005, du quatrième rapport du Comité permanent de l’environnement et du développement durable, qui recommandait de retirer la nomination de Glen Murray au poste de président de la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie[2]. Le 14 avril 2005, Dominic LeBlanc (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes) intervient sur la question de privilège, alléguant que le Comité savait qu’il n’avait pas le pouvoir de révoquer la nomination, et que la nomination avait eu lieu avant que le Comité fasse rapport de la question à la Chambre. Le Président prend alors la question en délibéré[3].
Résolution
Le Président rend sa décision le 3 mai 2005. Il rappelle aux députés que les comités n’ont pas le pouvoir d’annuler une nomination ou une proposition de nomination, et qu’une résolution de la Chambre n’entraîne pas nécessairement la prise d’une mesure, pas plus qu’elle ne lie la Chambre. Le Président fait savoir que les nominations par décret relèvent de la prérogative de la Couronne; à ce titre, il ne peut forcer le gouvernement à se soumettre à la recommandation du Comité. Il conclut donc qu’il n’y a pas matière à question de privilège.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le mardi 12 avril 2005 par l’honorable député de Red Deer au sujet du fait que le gouvernement n’a pas tenu compte de la motion adoptée par la Chambre relativement à une nomination par décret.
Je tiens à remercier l’honorable député de Red Deer d’avoir porté cette question à l’attention de la Chambre, ainsi que l’honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes pour son intervention.
Dans son exposé des faits, l’honorable député de Red Deer a accusé le premier ministre d’outrage au Parlement pour son mépris à l’égard de la motion adoptée par la Chambre le 6 avril 2005 qui recommandait que la nomination de M. Glen Murray à la présidence de la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie soit retirée. L’honorable député de Red Deer soutient que son privilège lui a été enlevé parce que le premier ministre, en nommant M. Murray à ce poste, a fait fi de la volonté de la Chambre des communes.
Je crois qu’il serait utile, afin que la Chambre saisisse bien tout le contexte de cette question de privilège, que je résume les événements qui y ont mené.
Le 17 février 2005, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes a déposé, conformément au paragraphe 110(2) du Règlement, le certificat de nomination de M. Glen Murray à titre de président de la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, après quoi ce certificat a été renvoyé au Comité permanent de l’environnement et du développement durable. M. Murray a par la suite été invité à comparaître devant le Comité afin de répondre à des questions sur ses qualifications pour le poste.
Le 8 mars 2005, le Comité a adopté la motion suivante :
Que, étant donné que M. Murray ne possède pas une expérience suffisante en matière d’environnement, le Comité demande au premier ministre de retirer immédiatement la nomination de M. Murray à la présidence de la Table ronde nationale sur l’environnement et sur l’économie.
Le président du Comité, l’honorable député de York Sud–Weston, a informé les membres du Comité que, même si le Comité n’avait pas le pouvoir de révoquer une nomination, une lettre serait envoyée au premier ministre pour l’aviser de la décision du Comité.
Le 22 mars 2005, le Comité a adopté une autre motion visant à faire rapport de sa décision à la Chambre et, le 24 mars 2005, le président du Comité a présenté à la Chambre le quatrième rapport du Comité. La Chambre a ensuite adopté, le 6 avril 2005, une motion agréant le rapport du Comité. Entre-temps, le Cabinet du premier ministre avait confirmé la nomination de M. Murray.
Le 14 avril 2005, l’honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre a présenté à la Chambre la position du gouvernement sur la question de privilège. L’honorable secrétaire parlementaire a fait part à la Chambre et à la présidence de faits supplémentaires qu’il croyait être pertinents. Il a déclaré que le gouvernement avait officialisé la nomination le 18 mars 2005, parce qu’il avait compris d’après la lettre du président du Comité que le Comité avait terminé son travail dans ce dossier et « en sachant fort bien qu’il n’était habilité à révoquer la nomination ». Il a souligné que c’est seulement après que la nomination avait été officialisée que le Comité a décidé de faire rapport de la question à la Chambre.
Au cours de mon examen de cette question de privilège, j’ai relu attentivement les articles 110 et 111 du Règlement portant sur l’examen par les comités permanents des décrets de nomination et des certificats de nomination proposée pour me rafraîchir la mémoire quant à leur application.
À titre d’information, permettez-moi de rappeler aux honorables députés que les articles 110 et 111 du Règlement ont été adoptés par la Chambre d’abord de façon provisoire en février 1986 et ensuite de façon permanente en juin 1987. Le paragraphe 110(1) prévoit le dépôt devant la Chambre d’une copie certifiée de tout décret annonçant la nomination d’une personne à un poste non judiciaire ainsi que son renvoi à un comité permanent pour examen.
Le paragraphe 110(2) du Règlement prévoit le dépôt d’un certificat annonçant que l’on propose de nommer une personne donnée à un poste non judiciaire particulier, ainsi que le renvoi du certificat à un comité permanent pour examen pendant une période maximale de 30 jours de séance. Il s’agit là du mécanisme par lequel la nomination de M. Murray a été soumise à l’étude du Comité permanent de l’environnement et du développement durable.
L’article 111 du Règlement énonce les modalités de l’examen par le comité désigné des personnes nommées ou proposées à un poste. En particulier, le Règlement restreint l’examen aux titres, qualités et compétences de l’intéressé et impose au comité une limite de dix jours de séance pour faire l’examen de la personne nommée ou proposée, à compter du jour où l’examen commence, et ce, dans le délai global de 30 jours.
J’aimerais également signaler aux honorables députés l’extrait suivant du Marleau et Montpetit, à la page 875 :
Les nominations entrent en vigueur le jour où elles sont annoncées par le gouvernement, et non à la date de publication ou de dépôt des certificats à la Chambre.
En outre, on peut lire, à la page 877 :
Les comités n’ont pas le pouvoir d’annuler une nomination ou proposition de nomination et peuvent seulement signaler qu’ils ont examiné la personne intéressée et donner leur avis sur la question de savoir si elle possède les qualités et la compétence voulues pour remplir les fonctions du poste auquel elle a été nommée ou on propose de la nommer.
Par ailleurs, La procédure et les usages de la Chambre des communes précise également, à la page 448, que l’adoption de :
Une résolution de la Chambre exprime une opinion ou une intention; elle n’entraîne pas nécessairement la prise d’une mesure, pas plus qu’elle ne lie la Chambre.
Pour conclure, il est évident, d’après ce qui précède, que les nominations par décret relèvent de la prérogative de la Couronne.
Bien que le gouvernement puisse s’inspirer des recommandations que formule un comité permanent au sujet de la nomination ou de la proposition de nomination d’une personne, le Président ne peut forcer le gouvernement à se soumettre à la recommandation du comité ni à la décision de la Chambre à cet égard. Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas matière à question de privilège dans le cas présent.
Je remercie l’honorable député de Red Deer d’avoir porté cette question à l’attention de la Chambre.
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[1] Débats, 12 avril 2005, p. 4950-4951.
[2] Journaux, 24 mars 2005, p. 564; 5 avril 2005, p. 579; 6 avril 2005, p. 583-584.
[3] Débats, 14 avril 2005, p. 5067-5068.