Le privilège parlementaire / Droits de la Chambre
Outrage à la Chambre : désordre à la tribune; complicité alléguée d’un député
Débats, p. 6690-6691
Contexte
Le 26 octobre 2009, pendant la période des questions orales, des protestataires assis dans la tribune du public perturbent les délibérations de la Chambre[1]. Le 27 octobre 2009, Jay Hill (leader du gouvernement à la Chambre des communes) soulève la question de privilège pour accuser Jack Layton (Toronto–Danforth) d’outrage à la Chambre en raison de sa complicité alléguée relativement au désordre survenu dans la tribune. Le leader du gouvernement à la Chambre soutient que les protestataires étaient des invités du chef du Nouveau Parti démocratique, qui leur a réservé une salle dans laquelle ils ont répété les slogans qu’ils ont ensuite scandés pour faire entrave aux délibérations de la Chambre et intimider des députés. Après avoir entendu d’autres députés, le Président déclare que, bien qu’il n’ait pu voir ce qui se passait dans la tribune derrière lui, il se pencherait sur l’affaire et rendrait sa décision plus tard. Il précise que s’il conclut à une atteinte au privilège, il autorisera le leader du gouvernement à la Chambre à proposer une motion pour renvoyer la question à un comité[2].
Le 5 novembre 2009, M. Layton invoque le Règlement pour nier toute responsabilité à l’égard du désordre survenu dans la tribune. Déclarant qu’il ignorait tout des intentions des protestataires, il invite le leader du gouvernement à la Chambre à s’excuser de l’avoir accusé[3].
Résolution
Le 5 novembre 2009, le Président rend sa décision. Compte tenu de la longue tradition de la Chambre voulant que l’on croie les députés sur parole, et comme M. Layton a nié connaître les intentions des protestataires, le Président statue que l’affaire est close. Il rappelle ensuite à tous les députés d’être vigilants quant à la nature et aux intentions des groupes accédant à des locaux parlementaires par leur entremise.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le 27 octobre par l’honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes concernant le désordre survenu dans la tribune pendant la période des questions orales le 26 octobre.
Je remercie le leader du gouvernement à la Chambre, le député de Mississauga-Sud, le député de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord, la députée de Vancouver-Est et le député de Langley pour leurs interventions.
Les députés se souviendront que, lors de la période des questions le 26 octobre dernier, un désordre s’est produit pendant que le chef du Nouveau Parti démocratique posait une question. Il y a eu du chahut dans la tribune, et la Chambre a dû interrompre ses délibérations durant quelques minutes, le temps que les agents de sécurité fassent sortir les protestataires.
Lorsqu’il a soulevé sa question de privilège, de leader du gouvernement à la Chambre a accusé le député de Toronto–Danforth d’un outrage pour avoir joué un rôle dans l’incident. L’essentiel de son allégation — une version des faits corroborée par le secrétaire parlementaire du ministre de l’Environnement — est résumé à la page 6240 des Débats du 27 octobre 2009. Voici ce qu’il a dit :
Le chef des protestataires était l’organisateur des manifestations politiques du NPD. Son groupe a eu accès à la Cité parlementaire grâce à l’intervention du chef du NPD, qui a obtenu une salle de préparation pour ce groupe. Le groupe a ainsi été autorisé à se rendre de la salle jusqu’à la tribune, où il a fait entrave aux délibérations de la Chambre et a intimidé certains députés.
Le leader du gouvernement à la Chambre a expliqué qu’il avait appris par la suite que certains députés s’étaient sentis mal à l’aise et avaient craint pour leur sûreté.
En réponse à cette très grave allégation, la leader à la Chambre du Nouveau Parti démocratique a déclaré catégoriquement que le député de Toronto–Danforth n’avait joué aucun rôle dans la protestation survenue dans la tribune. Elle a dit qu’il s’était simplement acquitté de ses fonctions en acceptant de rencontrer les membres du groupe, ce qu’ont également fait d’autres députés, et qu’il ignorait tout de la protestation qui se tramait.
Ce matin, le député de Toronto–Danforth a assuré à la Chambre qu’il ne savait pas que les visiteurs qu’il a rencontrés le 26 octobre avaient prévu de causer du désordre. Il nie avoir joué quelque rôle que ce soit dans l’incident et se dit consterné par ces affirmations.
Tout d’abord, la présidence tient à souligner qu’elle considère l’interruption des délibérations de la Chambre comme une affaire très sérieuse. Comme l’a signalé le leader du gouvernement à la Chambre, il est dit, à la page 84 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, que :
La présidence a régulièrement réaffirmé que la Chambre se devait de protéger contre toute intimidation, obstruction ou ingérence son droit de bénéficier des services de ses députés.
Certains députés se souviendront peut-être de deux incidents de désordre dans la tribune qui sont survenus en 1990 et qui sont fort pertinents en l’espèce. Le premier s’est produit le 10 avril 1990. Deux visiteurs avaient alors perturbé les délibérations de la Chambre en lançant des projectiles de papier aux députés dans l’enceinte. Le jour suivant, un député souleva une question de privilège, accusant un autre député d’outrage à la Chambre au motif qu’il avait fourni des laissez-passer aux protestataires et qu’il savait qu’une protestation allait avoir lieu. Le 27 avril, tel que rapporté à la page 10760 des Débats de la Chambre des communes, le député accusé nia toute connaissance préalable de l’incident, ce qui régla la question.
Le second incident remonte au 17 octobre 1990. Cette fois encore, des protestataires se trouvant dans la tribune avaient lancé des projectiles — dans ce cas, des macaronis et des cartes de protestation — sur le parquet de la Chambre. Le lendemain, un député souleva une question de privilège, tel que rapporté de la page 14359 à la page 14368 des Débats de la Chambre des communes, où il accusa un autre député de n’avoir rien fait pour empêcher la manifestation, alors qu’il savait qu’elle allait se produire. Il fit valoir que son collègue s’était ainsi rendu complice d’un outrage à la Chambre. Le député accusé déclara qu’il n’avait joué aucun rôle dans l’incident. Dans sa décision rendue le 6 novembre 1990, le Président Fraser déclara l’affaire close, le député ayant nié toute participation à l’incident.
Dans l’affaire qui nous occupe, les allégations concernant la participation du député de Toronto–Danforth au désordre survenu dans la tribune le 26 octobre dernier ont été catégoriquement démenties. Conformément à la jurisprudence précitée et à la longue tradition dans cet endroit voulant que l’on croie les députés sur parole, la présidence accepte la déclaration du député de Toronto–Danforth selon laquelle il n’a joué aucun rôle dans l’incident. Par conséquent, je statue que ce volet de l’affaire est clos.
Ayant réglé cette partie de la question de privilège soulevée par le leader du gouvernement à la Chambre, la présidence souhaite néanmoins souligner sa profonde préoccupation au sujet du désordre survenu dans la tribune. En usant d’un subterfuge pour accéder à la tribune et perturber ensuite nos délibérations, les protestataires, qui formaient un groupe assez important, ont agi de façon tout à fait inacceptable et ont ainsi jeté le discrédit sur eux-mêmes et leur cause.
Ils ont manqué de franchise quant à leurs intentions, et l’agressivité manifestée par certains d’entre eux pendant qu’on les escortait à l’extérieur était particulièrement choquante. S’il y a une chose qu’on puisse dire, c’est que cet incident illustre clairement l’ampleur de la vulnérabilité des députés et l’importance de faire preuve de vigilance pour éviter que leurs invités abusent de leur confiance.
Avant de terminer, j’aimerais remercier le personnel de sécurité de la Chambre pour son excellent travail le 26 octobre dernier. Son intervention rapide pour évacuer la tribune dans des circonstances difficiles a permis à la Chambre de reprendre ses délibérations sans trop tarder.
Je remercie tous mes collègues de leur attention.
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[1] Débats, 26 octobre 2009, p. 6163-6164.
[2] Débats, 27 octobre 2009, p. 6239-6241.