Le privilège parlementaire / Droits des députés
Liberté de parole : propos tenus à l’extérieur de la Chambre par une ministre au sujet d’un autre député
Débats, p. 8444-8445
Contexte
Le 10 décembre 2001, Paul Forseth (New Westminster–Coquitlam–Burnaby) soulève la question de privilège au sujet d’Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), qui aurait laissé entendre, dans le cadre de propos tenus à l’extérieur de la Chambre le mercredi 5 décembre 2001, qu’il avait induit la Chambre en erreur. Ses propos ont été repris dans les journaux le lendemain. Il allègue que la ministre l’a accusé de propager des mensonges et lui a attribué des paroles et des actes assimilables à de la trahison, tentant ainsi délibérément de ternir sa réputation, et qu’elle a donc porté atteinte à ses privilèges ainsi qu’à ceux de la Chambre. Après avoir entendu un autre député, le Président prend la question en délibéré[1].
Résolution
Le Président rend sa décision le 29 janvier 2002. Il fait valoir que les propos n’étaient pas adressés au député personnellement et qu’ils ont été prononcés à l’extérieur de la Chambre. Pour ces raisons, il conclut qu’il n’y a pas matière à question de privilège.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le lundi 10 décembre 2001, par le député de New Westminster–Coquitlam–Burnaby. Je remercie celui-ci d’avoir soulevé cette question ainsi que le leader du gouvernement à la Chambre pour son intervention.
Dans ses propos, le député a mentionné les commentaires de la ministre d’alors de la Citoyenneté et de l’Immigration, rapportés dans un article de journal récent et a soutenu que ces commentaires constituaient une attaque personnelle à son endroit et une atteinte à la dignité du Parlement.
La présidence a constaté que, juste avant le congé de Noël, la période des questions orales a été marquée par l’échange de propos particulièrement virulents et l’expression vigoureuse d’opinions. Le lundi 3 décembre, l’honorable député et la ministre d’alors ont eu un échange de ce genre. Je renvoie les députés aux Débats du 3 décembre, pages 7765 et 7766.
Il faut bien sûr s’attendre à de tels échanges lorsque les positions sont bien arrêtées de part et d’autre sur une question litigieuse. C’est pourquoi j’ai jugé utile de rappeler à tous les députés, le mercredi 5 décembre, d’être judicieux dans leur choix de paroles, autant dans les réponses que dans les questions. Encore une fois, je renvoie les députés aux Débats du 5 décembre 2001, page 7896.
La situation qui nous occupe présentement est différente puisqu’elle vise des propos tenus à l’extérieur de la Chambre. J’ai eu l’occasion d’examiner l’article de journal dont a fait mention le député de New Westminster–Coquitlam–Burnaby et d’étudier les précédents pertinents. Le fait reproché, comme l’a expliqué le député, est la publication de remarques formulées par la ministre d’alors en dehors de la Chambre au sujet des échanges tenus au cours de la période des questions le 3 décembre dernier.
Je renvoie les députés au passage suivant de la page 522 de La procédure et les usages de la Chambre des communes :
Les remarques adressées directement à un autre député qui mettent en doute son intégrité, son honnêteté ou sa réputation sont antiréglementaires.
Dans le cas présent, les remarques étaient de nature générale et n’étaient pas adressées au député. On peut aussi lire au même paragraphe de Marleau et Montpetit :
Le Président n’est pas habilité à rendre des décisions au sujet de déclarations faites en dehors de la Chambre des communes par un député contre un autre.
Après un examen approfondi, j’en suis arrivé à la conclusion que la question soulevée par le député comporte deux faiblesses : les commentaires reprochés ne s’adressaient pas clairement au député de façon personnelle et ils ont été prononcés à l’extérieur de la Chambre.
Par conséquent, la présidence estime qu’il n’y a pas dans ce cas matière à question de privilège, même si le député a pu se sentir blessé par les commentaires de la ministre d’alors.
Cela dit, j’aimerais répéter mon message du 5 décembre et encourager tous les honorables députés à être judicieux dans leur choix de paroles à la Chambre lors de la période des questions, tant pour poser des questions que pour donner des réponses, ainsi qu’en dehors de la Chambre pour commenter les questions qui y ont été débattues. Je ne crois pas que cette demande soit irréaliste.
Un de mes prédécesseurs, le Président Fraser, a souvent dit de la Chambre des communes qu’elle n’est pas et n’a jamais été une cour de récréation.
Le 10 octobre 1991, dans les Débats, aux pages 3562 à 3564, il a affirmé que :
Il y a souvent de la provocation dans cette Chambre, et cela, de part et d’autre. […] Bien sûr, un certain sérieux doit présider à nos actions, parce que […] les hommes et les femmes qui y travaillent ont des convictions profondes, et il leur arrive parfois de donner libre cours à la passion et à la conviction qui les animent.
La présidence est d’avis que ce genre d’escalade de langage a pour effet d’enflammer plutôt que d’éclairer les débats sur des questions importantes. Je demanderais encore une fois à tous les députés de collaborer et d’utiliser un langage plus tempéré.
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[1] Débats, 10 décembre 2001, p. 8067-8068.