Le privilège parlementaire / Droits des députés
Liberté de parole : mauvaise utilisation; lien entre un ministre et une société d’État
Débats, p. 8926
Contexte
Le 28 janvier 2002, Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est) soulève la question de privilège, alléguant que la Chambre et lui-même ont été délibérément induits en erreur par Alfonso Gagliano (l’ancien député de Saint-Léonard–Saint-Michel), alors qu’il était ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, quant au lien entre le ministre et une société d’État. M. Goldring avance que le ministre a contredit des déclarations faites par Jon Grant, ancien président du conseil d’administration de la Société immobilière du Canada, au sujet des pratiques d’embauche de l’organisme fédéral. Il ajoute que même si M. Gagliano a démissionné de la Chambre des communes depuis que les déclarations en question ont été faites, cela n’empêche en rien de le blâmer. Après avoir écouté un autre député, le Président prend la question en délibéré[1].
Résolution
Le Président rend sa décision le 18 février 2002. Il rappelle aux députés que, bien que les déclarations faites à la Chambre soient protégées de façon absolue par le privilège parlementaire, les députés doivent faire preuve d’une extrême prudence lorsqu’ils font des commentaires, surtout s’ils visent un ancien collègue qui n’a plus la possibilité de se défendre lui-même devant la Chambre. Il ajoute qu’il y a divergence d’opinions quant au lien qui existait entre le ministre et la Société immobilière du Canada, mais qu’il n’est pas possible de conclure que les déclarations en question étaient délibérément malhonnêtes. Il rappelle aussi aux députés qu’ils ne devraient pas invoquer des déclarations faites en dehors de la Chambre ou des documents publiés ailleurs pour mettre en doute les déclarations faites à la Chambre. Il conclut n’avoir trouvé aucune preuve soutenant, de prime abord, l’existence d’une atteinte au privilège.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée par l’honorable député d’Edmonton-Centre-Est au sujet de déclarations faites à la Chambre par l’ancien ministre des Travaux publics.
J’aimerais remercier l’honorable député d’avoir porté cette question à l’attention de la Chambre, ainsi que le leader du gouvernement à la Chambre pour ses commentaires.
Lors de son intervention, l’honorable député d’Edmonton-Centre-Est a soutenu que l’ancien ministre des Travaux publics avait à plusieurs reprises induit délibérément la Chambre en erreur quant au lien entre celui-ci et les activités de certaines sociétés d’État. Pour soutenir ses dires, l’honorable député a cité des déclarations, rapportées dans divers journaux, qu’aurait faites un ancien président du conseil d’administration de la Société immobilière du Canada.
Il faut d’abord reconnaître que l’affaire qui nous occupe porte sur des déclarations visant le comportement d’un ancien ministre qui ne fait plus partie de la Chambre. Je tiens à rappeler aux députés la prudence qui s’impose lorsqu’il s’agit de faire des remarques sur des individus qui ne font pas partie de la Chambre. Au sujet de la liberté d’expression des députés, le Président Fraser a déclaré, le 5 mai 1987, à la page 5766 des Débats :
Un tel privilège donne de lourdes responsabilités à ceux qu’il protège. Je songe en particulier aux députés. Les conséquences d’un abus risquent d’être terribles. Des innocents risquent d’être victimes de diffamation sans avoir aucun recours. Des réputations risquent d’être ruinées par de fausses rumeurs.
Étant donné que les déclarations faites à la Chambre sont protégées de façon absolue par le privilège parlementaire, les députés doivent faire preuve d’une extrême prudence lorsqu’ils formulent leurs déclarations. Je crois que tous les députés reconnaîtront que cet élément de prudence devient encore plus important lorsque les déclarations visent un ancien collègue qui n’a plus la possibilité de se défendre lui-même devant la Chambre.
Il est évident que la présidence doit prendre au sérieux les allégations de fausses déclarations ou de malhonnêteté qui peuvent compromettre tant la capacité des députés d’exercer leur rôle de parlementaire que la dignité du Parlement lui-même.
J’ai examiné soigneusement les déclarations de l’honorable député d’Edmonton-Centre-Est et je suis d’accord avec lui qu’il existe des points de vue divergents sur les questions qu’il a soulevées, ainsi qu’une mésentente fondamentale sur le lien entre le ministre et les activités de la Société immobilière du Canada. Ces divergences, bien qu’elles puissent être faciles à relever, ne mènent pas nécessairement à la conclusion qu’elles constituent des gestes délibérément malhonnêtes.
Nos règles relatives aux divergences d’opinions sur les faits sont établies depuis longtemps et mes prédécesseurs les ont appliquées de façon uniforme. À titre d’exemple, je cite le Président Fraser, dans les Débats du 4 décembre 1986, à la page 1792 :
Les divergences de vues au sujet de faits et de détails ne sont pas rares à la Chambre et ils ne constituent pas inévitablement une violation du privilège.
Le député a traité dans sa question d’une affaire dont le ministre a reconnu l’importance. Les divergences d’opinion sur les questions de fait, quelles qu’elles soient, ne constituent cependant pas une atteinte aux privilèges. La présidence n’a donc pas à trancher ce différend.
Je remarque que cette décision faisait suite à une question soulevée par le député de Saint-Léonard–Anjou, à l’époque, M. Alfonso Gagliano, en réponse à des observations faites par le ministre du Revenu national de l’époque, M. Elmer MacKay.
Une autre décision pourrait intéresser les députés. Elle a été rendue par le Président Lamoureux le 16 novembre 1971. On la trouve à la page 923 des Journaux de la Chambre. Il a déclaré :
[…] les précédents tendent à établir dans l’ensemble qu’on ne doit pas invoquer des déclarations faites en dehors de la Chambre ou des documents publiés ailleurs pour mettre en doute les déclarations à la Chambre de députés d’un côté ou de l’autre de la Chambre.
Il poursuivait en donnant des exemples appuyant sa position. Par conséquent, sur le fondement des arguments présentés par l’honorable député d’Edmonton-Centre-Est, j’en arrive à la conclusion que, bien qu’il existe une divergence évidente quant à l’interprétation des événements qui ont entouré cette question fort sérieuse, la présidence n’a trouvé aucune preuve soutenant, de prime abord, l’existence d’une atteinte au privilège.
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[1] Débats, 28 janvier 2002, p. 8332-8333.