Le privilège parlementaire / Droits des députés
Protection contre l’obstruction, l’ingérence, l’intimidation et la brutalité : privilège de franchise postale; prétendue utilisation à des fins politiques
Débats, p. 605-606
Contexte
Le 27 novembre 2008, Wayne Easter (Malpeque) soulève la question de privilège au sujet d’une lettre envoyée par David Anderson (secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources naturelles et pour la Commission canadienne du blé), dans laquelle il encourageait prétendument les producteurs de grains à appuyer certains candidats à la prochaine élection des administrateurs de la Commission canadienne du blé. M. Easter soutient que M. Anderson a utilisé à tort des listes d’envoi confidentielles, son papier à en-tête de député ainsi que le privilège de franchise postale de la Chambre des communes à des fins politiques. Après avoir entendu d’autres députés, le Président prend la question en délibéré[1].
Résolution
Le Président rend sa décision le 4 décembre 2008. En ce qui concerne l’utilisation du privilège de franchise postale, il déclare que la question relève davantage de la sphère administrative. Quant à savoir si les gestes de M. Anderson ont porté atteinte aux privilèges de M. Easter, le Président déclare qu’il ne trouve pas de motifs suffisants pour conclure qu’il y a, de prime abord, matière à question de privilège, étant donné que la lettre n’était pas diffamatoire envers M. Easter et qu’elle n’a pas nui à sa capacité d’exercer ses fonctions parlementaires.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège qu’a soulevée l’honorable député de Malpeque le 27 novembre 2008 au sujet de la lettre que l’honorable secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources naturelles et pour la Commission canadienne du blé a adressée aux producteurs de grains afin de les inviter à appuyer certains candidats à la prochaine élection des administrateurs de la Commission canadienne du blé.
Je remercie le député de Malpeque d’avoir soulevé cette importante question et d’avoir aimablement communiqué à la présidence une copie de la lettre envoyée par le secrétaire parlementaire. Je remercie également le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, la députée de Winnipeg-Sud, ainsi que le député de Yukon pour leurs interventions.
Lorsqu’il a soulevé cette question de privilège, le député de Malpeque a allégué que le secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources naturelles et pour la Commission canadienne du blé avait utilisé à tort, à des fins politiques, des listes d’envoi confidentielles et le privilège de franchise postale de la Chambre. Il a fait valoir que l’utilisation de papier à en-tête du Parlement et du privilège de franchise postale d’un député dans le but d’influencer un processus démocratique constitue une violation des privilèges parlementaires.
Dans sa réponse, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes a soutenu que les actes du secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources naturelles et pour la Commission canadienne du blé n’entravaient pas la capacité des députés d’exercer leurs fonctions parlementaires. Il a ajouté qu’il n’y avait aucune preuve que le secrétaire parlementaire avait utilisé une liste confidentielle.
Les députés de Winnipeg-Centre-Sud et de Yukon ont réitéré les préoccupations exprimées par le député de Malpeque au sujet de l’utilisation du privilège de franchise postale, du papier à en-tête du Parlement et de listes confidentielles, et ils ont remis en question le bien-fondé de l’utilisation de certaines ressources de la Chambre à cette fin par le secrétaire parlementaire.
Il serait peut-être utile de rappeler aux députés certains des principes en cause. Le privilège de franchise postale dont bénéficient les députés est prévu dans la Loi sur la Société canadienne des postes.
La question du privilège de franchise postale a été soulevée dans le passé et a fait l’objet de décisions. Dans l’un des cas, certains députés de la Chambre s’étaient prévalus de la franchise postale pour envoyer des messages en faveur d’un parti politique lors d’une élection provinciale. Dans sa décision, consignée aux pages 405 et 406 des Débats du 16 octobre 1986, le Président Fraser déclarait :
« […] je crois qu’il pourrait y avoir des cas où le recours à la franchise postale pourrait donner lieu à une question de privilège, notamment si la teneur de l’envoi portait atteinte aux droits des députés de s’exprimer librement et de s’acquitter de leurs obligations. »
Dans ce cas, il avait estimé qu’il ne s’agissait pas d’une question de privilège.
Un autre cas concernait l’envoi postal par un député de bulletins parlementaires de nature partisane lors d’une élection partielle. Tout comme les députés de Winnipeg-Centre-Sud et de Yukon l’ont fait, plusieurs députés avaient à l’époque remis en question l’interprétation des lignes directrices et l’utilisation des ressources de la Chambre à cet égard.
Dans ce cas précis, le Président Fraser déclarait ce qui suit dans sa décision rendue le 18 mars 1987, comme l’indique la page 4301 des Débats :
De toute façon, le fait de ne pas respecter les lignes directrices ne constitue pas nécessairement une atteinte aux privilèges. […] Il semble à la présidence que les initiatives qui ont fait l’objet des plaintes n’ont nullement empêché la Chambre ni un député d’assumer les fonctions pour lesquelles ils ont été élus.
Comme dans les cas cités, nous sommes devant un dilemme à deux volets. D’une part, il faut déterminer le bien-fondé de l’utilisation du privilège de franchise postale, que la Loi accorde aux députés. De telles questions relèvent davantage d’avenues administratives plus appropriées.
D’autre part, il faut démontrer que l’envoi postal a porté atteinte aux privilèges des députés. On pourrait arriver à une telle conclusion s’il avait été établi que la diffusion du document en question était diffamatoire ou nuisait d’une quelconque façon à la capacité d’un député d’exercer ses fonctions parlementaires. Or, aucun argument et aucune preuve en ce sens n’ont été présentés.
À la lumière des précédents, du libellé des Règlements administratifs de la Chambre des communes et du contenu de la lettre envoyée par le secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources naturelles et pour la Commission canadienne du blé, la présidence ne croit pas qu’il y a de prime abord matière à question de privilège dans le cas qui nous préoccupe.
La présidence ne croit pas qu’il y a de prime abord matière à question de privilège dans le cas qui a été soulevé.
Le député de Malpeque voudra peut-être explorer les avenues administratives pertinentes sur la question du privilège de franchise postale ou du contenu du courrier expédié en franchise.
Je remercie les députés de leurs interventions.
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[1] Débats, 27 novembre 2008, p. 320-321.