Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Le privilège parlementaire / Droits des députés

Protection contre l’obstruction, l’ingérence, l’intimidation et la brutalité : mauvaise utilisation alléguée des ressources et des services parlementaires; courriel

Débats, p. 713-714

Contexte

Le 4 février 2009, Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce–Lachine) soulève la question de privilège au sujet d’un courriel envoyé à l’ensemble des députés par Maria Mourani (Ahuntsic). Mme Jennings allègue que le courriel contenait des articles et des images soutenant des groupes que le gouvernement fédéral considère comme des organisations terroristes, et soutient que le contenu pourrait être qualifié de propagande haineuse. Elle estime qu’il s’agit d’une mauvaise utilisation des ressources et des services parlementaires et soutient que les destinataires du courriel ont été exposés à de la propagande antisémite. Après avoir convenu d’attendre que Mme Mourani s’explique, le Président laisse pour l’instant la question en suspens[1].

Le 5 février 2009, Mme Mourani prend la parole à la Chambre et admet qu’elle aurait dû prendre connaissance de tout le contenu accessible à partir des liens apparaissant dans son courriel avant de l’envoyer. Après avoir condamné ce qu’elle qualifie effectivement de propagande haineuse, elle présente ses excuses à la Chambre ainsi qu’à tous les députés pour avoir envoyé ce courriel et promet d’être plus vigilante à l’avenir. Après avoir entendu d’autres députés, le Président prend la question en délibéré[2].

Résolution

Le Président rend sa décision le 12 février 2009. Il déclare qu’à son avis, le nœud de la question est de savoir si l’incident a empêché Mme Jennings d’exercer ses fonctions de députée. Il rappelle à la Chambre les lignes directrices qui encadrent l’emploi des comptes de courriel des députés et déclare qu’il n’appartient pas à la présidence, mais aux députés eux-mêmes, de surveiller le contenu de leurs courriels et autres communications électroniques. Le Président constate que les députés ont certes été offusqués par ce qu’ils ont reçu, mais déclare qu’il ne peut conclure qu’il y a eu atteinte aux privilèges de Mme Jennings. Faisant remarquer que Mme Mourani a présenté ses excuses et promis de faire attention, il déclare l’affaire réglée.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée par l’honorable députée de Notre-Dame-de-Grâce–Lachine, le mercredi 4 février, concernant les allégations d’usage inapproprié du matériel et des services parlementaires par l’honorable députée d’Ahuntsic.

Je remercie l’honorable députée de Notre-Dame-de-Grâce–Lachine d’avoir soulevé cette question importante. L’honorable député de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord et l’honorable secrétaire parlementaire du ministre de la Justice pour leurs interventions, ainsi que l’honorable députée d’Ahuntsic pour sa déclaration.

Lorsqu’elle a soulevé cette question de privilège, la députée de Notre-Dame-de-Grâce–Lachine a expliqué que, le lundi 1er février, elle avait reçu sur le BlackBerry que lui fournit la Chambre des communes un courriel de la députée d’Ahuntsic, qui aurait été envoyé à tous les députés.

Selon la députée, le courriel « contenait des textes et des images qui soutenaient et glorifiaient trois organisations que le gouvernement fédéral a estimé être des organisations terroristes ». En fait, elle a qualifié de propagande antisémite certains de ces textes et images.

La députée a soutenu que la diffusion de ce courriel constituait un usage abusif du matériel et des services parlementaires. Soulignant que la députée d’Ahuntsic avait indiqué ne pas avoir visionné toutes les images, la députée de Notre-Dame-de-Grâce–Lachine a fait valoir qu’il appartient à chaque député de s’assurer qu’il n’expose pas, intentionnellement ou non, les députés à du matériel de ce genre.

L’honorable députée de Notre-Dame-de-Grâce–Lachine a poursuivi en affirmant qu’un tel usage abusif des services parlementaires constituait une violation de son privilège à titre de députée. Pour appuyer ses allégations, elle a attiré l’attention de la présidence sur une décision semblable, selon elle, rendue relativement à une question de privilège soulevée par l’ancien député de Saskatoon–Humboldt, M. Pankiw, dans les Débats de la Chambre des communes le 12 février 2003, aux pages 3470 et 3471.

Pour la gouverne des députés, j’ajouterais que cette décision portait sur la diffusion massive par courriel d’un sondage provenant du bureau du député qui avait été bloqué par divers ministères fédéraux parce qu’il perturbait leurs systèmes.

J’ai étudié soigneusement les interventions faites par tous les honorables députés dans ce cas-ci, et il me semble que le noeud de la question est de savoir si les actes de l’honorable députée d’Ahuntsic ont, d’une quelconque façon, empêché l’honorable députée de Notre-Dame-de-Grâce–Lachine d’exercer ses fonctions.

La procédure et les usages de la Chambre des communes nous rappelle, à la page 52, que « […] les députés ne peuvent invoquer le privilège ou l’immunité pour des questions qui ne sont pas liées à leurs fonctions à la Chambre ». Ainsi, à moins que l’on ne puisse faire la preuve que les actes faisant l’objet d’une plainte étaient étroitement liés à des travaux parlementaires, la présidence ne peut intervenir.

Après l’examen de la décision mentionnée par la députée de Notre-Dame-de-Grâce–Lachine à l’appui de sa position, j’estime que cette décision portait principalement sur le droit du député d’obtenir des renseignements dans le cadre des délibérations parlementaires, mais je n’y vois aucun motif procédural me permettant de conclure qu’il y a matière à question de privilège dans le cas présent. À cette époque cependant, j’avais recommandé aux députés de tenir compte des lignes directrices régissant l’utilisation de leur compte de courriel.

J’ai consulté de nouveau ces lignes directrices, qui sont catégoriques : « les députés sont responsables du contenu des messages électroniques envoyés au moyen de leur compte », et les titulaires « ne doivent pas utiliser leurs comptes pour accéder à des données ou participer à des activités pouvant être considérées comme du harcèlement ou qualifiées d’obscènes, racistes, malveillantes, frauduleuses ou diffamatoires ».

Comme je l’ai signalé à la page 6828 des Débats dans une décision sur l’utilisation d’Internet rendue le 8 juin 2005, les nouvelles technologies de communication ont des répercussions sur la façon dont les députés s’acquittent de leurs fonctions. Ils doivent tenir compte d’un élément important : les communications par Internet et par courriel peuvent ne pas être protégées par le privilège parlementaire et ils peuvent s’exposer à des poursuites pour la diffusion de ce genre de matériel.

Toutefois, il n’appartient pas à la présidence de surveiller le contenu des courriels et autres communications électroniques que les députés envoient et reçoivent, ce n’est pas possible ni souhaitable. Cette responsabilité incombe aux députés eux-mêmes.

Lors de son intervention à la Chambre le 5 février dernier, l’honorable députée d’Ahuntsic a admis qu’elle aurait dû prendre connaissance de l’ensemble des liens joints dans le courriel avant de l’envoyer. Elle l’a fait depuis, et a reconnu qu’il s’agissait de matériel de propagande haineuse, ce qu’elle condamne, et a présenté ses excuses à la Chambre et aux députés de leur avoir fait parvenir ce courriel. Elle a alors déclaré vouloir faire preuve d’une plus grande vigilance à l’avenir et assuré la Chambre qu’une telle erreur de sa part ne se reproduirait plus.

Après l’examen des faits, la présidence ne peut conclure que ce regrettable incident a porté atteinte de quelque façon que ce soit aux privilèges de la députée de Notre-Dame-de-Grâce–Lachine, mais il ne fait aucun doute que le matériel reçu l’a offusquée de même que les autres députés.

De plus, de l’aveu même de la députée d’Ahuntsic, les lignes directrices de la Chambre des communes sur l’utilisation appropriée du courriel n’ont pas été respectées dans ce cas-ci. Toutefois, étant donné les excuses en bonne et due forme présentées par la députée d’Ahuntsic, la présidence estime l’affaire réglée et close.

Je remercie la Chambre pour son attention.

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[1] Débats, 4 février 2009, p. 353-354.

[2] Débats, 5 février 2009, p. 409-410.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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