Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Le programme quotidien / Affaires courantes ordinaires

Motions : article 56.1 du Règlement; adoption d’un rapport du comité de sélection

Débats, p. 828-829

Contexte

Le 22 octobre 2002, John Reynolds (West Vancouver–Sunshine Coast) invoque le Règlement concernant la tentative, plus tôt au cours de la séance, de Don Boudria (ministre d’État et leader du gouvernement à la Chambre des communes) de se servir de l’article 56.1 du Règlement pour proposer l’adoption du premier rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui établit la composition des divers comités permanents pour la session[1]. M. Reynolds soutient que le leader du gouvernement à la Chambre aurait dû proposer sa motion sous la rubrique « Motions » et non sous « Dépôt de documents ». Ensuite, il affirme qu’il aurait dû demander le consentement unanime en vue d’adopter le rapport plus tôt ce jour-là, avant de présenter la motion en vertu de l’article 56.1. Enfin, M. Reynolds prétend qu’on ne peut avoir recours à l’article 56.1 pour adopter un rapport de comité, puisque la motion traite de questions de fond et non de questions courantes. Après avoir entendu le leader du gouvernement à la Chambre, le Président prend la question en délibéré[2].

Résolution

Le Président rend sa décision le 24 octobre 2002. Il commence par déclarer que, bien que l’article 56.1 du Règlement exige uniquement que les motions soient proposées pendant les Affaires courantes, elles devraient être proposées sous la rubrique « Motions », sauf s’il y a consentement unanime pour procéder autrement. Il statue également que le Règlement exige seulement que le consentement unanime ait été refusé pour la motion, sans exiger que ce soit le même jour. Enfin, le Président déclare que, bien que les motions portant adoption de rapports établissant la composition des comités n’aient jamais, selon les usages modernes, fait l’objet de débats ou de modifications, il serait exagéré d’extrapoler de ce fait qu’il s’agit d’affaires courantes et non de motions de fond. Par conséquent, il conclut que l’article 56.1 du Règlement ne peut servir de recours dans les cas où on refuse le consentement unanime pour l’adoption de rapports du comité de sélection.

Décision de la présidence

Le Président : J’aimerais maintenant aborder le rappel au Règlement soulevé le 22 octobre dernier par l’honorable député de West Vancouver–Sunshine Coast au sujet de l’application de l’article 56.1 du Règlement. L’honorable député soutient qu’il y a eu abus de procédure lorsque, plus tôt ce jour-là, le gouvernement a proposé aux termes de l’article 56.1 du Règlement une motion à laquelle le consentement unanime avait été refusé. La motion visait le rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre établissant la liste des membres des comités pour la session en cours.

J’aimerais remercier l’honorable député de West Vancouver–Sunshine Coast d’avoir soulevé cette question ainsi que l’honorable leader du gouvernement à la Chambre pour sa contribution à cet égard.

Lors de son intervention, l’honorable député de West Vancouver–Sunshine Coast a soulevé les trois objections suivantes : la motion présentée aux termes de l’article 56.1 du Règlement a été proposée sous la rubrique « Dépôt de documents » des Affaires courantes ordinaires plutôt que sous la rubrique « Motions »; le gouvernement n’a pas présenté sa motion le jour même où le consentement unanime avait été refusé; la motion visant l’adoption du rapport du comité de sélection était une motion de fond plutôt qu’une motion pour affaire courante et, par conséquent, n’aurait pas dû être soumise à l’application de l’article 56.1 du Règlement.

Dans La procédure et les usages de la Chambre des communes, l’article 56.1 est commenté à la page 571 de la façon suivante :

Si, à un moment quelconque au cours d’une séance de la Chambre, le consentement unanime est refusé pour la présentation d’une « motion pour affaire courante », un ministre peut demander à la présidence, pendant les Affaires courantes, de mettre la motion aux voix. À ces fins, l’expression « motion pour affaire courante » désigne les motions qui peuvent s’imposer pour l’observation du décorum de la Chambre, le maintien de son autorité, l’administration de ses affaires, l’agencement de ses travaux, la détermination des pouvoirs de ses comités, l’exactitude de ses archives ou la fixation des jours où elle tient ses séances ainsi que des heures où elle les ouvre ou les ajourne. La motion, qui ne peut être ni débattue ni modifiée, est immédiatement mise aux voix par le Président. Si 25 députés ou plus s’opposent à la motion, elle est réputée retirée; sinon, elle est adoptée.

Les questions qu’a soulevées l’honorable député de West Vancouver–Sunshine Coast sont liées à la bonne compréhension de l’article 56.1 du Règlement, dont l’application soulève parfois certaines interrogations.

Les procédures de la Chambre sont encadrées par des règles écrites, notamment le Règlement de la Chambre, ainsi que par des usages non écrits que les honorables députés ont jugé bon de suivre au fil des ans. Nos usages veulent que la procédure qui a répondu aux besoins de la Chambre jusqu’ici continue à s’appliquer, à moins que la Chambre n’adopte une règle explicite établissant une nouvelle procédure, possibilité dont elle peut évidemment se prévaloir. Lorsque nos usages ne fournissent pas de balises dans un cas particulier, les députés peuvent soulever un rappel au Règlement et demander l’aide de la présidence. Il revient alors au Président de trancher parmi les diverses interprétations de bonne foi qui peuvent être soulevées. Je crois qu’un tel cas s’est présenté aujourd’hui. Examinons donc chacun des éléments de l’objection qui a été soulevée.

L’honorable député de West Vancouver–Sunshine Coast affirme que la rubrique appropriée pour la présentation de motions au cours de l’étude des Affaires courantes est celle des « Motions ». Il est vrai, comme l’a indiqué le leader du gouvernement à la Chambre, que le libellé de l’article 56.1 exige seulement que la motion soit présentée pendant les Affaires courantes. Pourtant, l’usage veut que, au cours de l’étude des Affaires courantes, les motions — ou les « motions pour affaire courante », pour citer le texte du Règlement — soient présentées sous la rubrique qui leur est consacrée. Un examen de l’application antérieure de l’article 56.1 ne démontre aucun exemple où nous avons procédé de façon différente.

[Avant-hier][3], la Chambre — et j’ose même dire la présidence — a peut-être été prise par surprise lorsqu’une telle motion a été présentée au début des Affaires courantes sous la rubrique « Dépôt de documents ». Comme la motion a été réputée retirée par la suite, j’estime qu’on peut considérer cet événement comme un cas exceptionnel non susceptible de se reproduire. Notre pratique est bien claire à cet égard: les motions fondées sur l’article 56.1 du Règlement doivent être présentées sous la rubrique « Motions », sauf s’il y a consentement unanime pour procéder autrement.

Le deuxième point soulevé par l’honorable député de West Vancouver–Sunshine Coast vise le bien-fondé d’un recours à l’article 56.1 du Règlement, qui serait exercé un jour autre que celui où le consentement unanime a été demandé et refusé.

Après examen des comptes rendus de la Chambre, il apparaît que cette façon de procéder est acceptable.

On peut citer plusieurs exemples à l’appui. Le consentement unanime a été demandé le 28 septembre 1994 ainsi que le 6 octobre suivant afin qu’un sous-comité puisse obtenir l’autorisation de voyager. Comme ce consentement a été refusé, une motion a été présentée aux termes de l’article 56.1 du Règlement le 8 octobre 1994.

L’honorable député peut consulter les Débats du 28 septembre 1994, p. 6263, et du 6 octobre, p. 6642, et les Journaux du 7 octobre, p. 780. De même, le consentement unanime a été refusé le 7 juin 1995 pour une motion semblable visant l’autorisation de voyager et il y a eu recours à l’article 56.1 du Règlement le jour suivant. Voir les Débats du 7 juin 1995, p. 13375, et les Journaux du 8 juin, p. 1594. Et comme troisième exemple, le 21 avril 1997, le consentement unanime a été refusé lors de la présentation d’une motion portant sur l’heure de séance de la Chambre à la suite de la cérémonie de la sanction royale. Cette motion a été présentée aux termes de l’article 56.1 du Règlement le 24 avril suivant. Voir les Débats du 21 avril 1997, p. 10012-10013, et les Journaux du 24 avril, p. 1524.

Ces exemples démontrent bien que l’article 56.1 du Règlement exige seulement que le consentement unanime ait été refusé pour la motion, que ce soit ce jour-là ou un jour précédent.

Le dernier point soulevé par l’honorable député de West Vancouver–Sunshine Coast est la question de savoir si le recours à l’article 56.1 du Règlement pour proposer l’adoption d’un rapport du comité de sélection est acceptable sur le plan de la procédure.

Il soutient, à ce propos, que le fait de permettre l’adoption hâtive de ce rapport nuirait à l’étude de certaines propositions sur lesquelles se penche actuellement le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. La présidence n’est pas tout à fait convaincue du bien-fondé de cette affirmation. Bien entendu, le Président et la Chambre doivent tenir compte de toute modification qui est apportée au Règlement. Toutefois, il serait imprudent — pour ne pas dire irresponsable — de la part de la présidence d’entraver le déroulement normal des affaires de la Chambre tout simplement parce qu’un certain nombre de propositions de modification font actuellement l’objet d’une étude en comité.

L’élément capital de ce rappel au Règlement est, à mon avis, la question de savoir si une motion visant l’adoption d’un rapport établissant les membres des comités au début d’une session peut raisonnablement être qualifiée d’« affaire courante » et ainsi être assujettie à l’article 56.1 du Règlement.

Comme je l’ai précisé le 18 septembre 2001 dans une décision antérieure sur le même article du Règlement, et je réfère les honorables députés aux Débats du 18 septembre 2001, p. 5258, et je cite :

L’article 56.1 n’a jamais été utilisé pour se substituer aux décisions que la Chambre elle-même doit prendre sur des questions importantes.

Pour répondre aux préoccupations soulevées en 1991 lors de l’adoption de l’article 56.1 du Règlement, le Président Fraser a apporté les précisions suivantes :

[…] si j’ai bien compris, la disposition dérogatoire ne peut s’appliquer qu’à un éventail défini et très limité de motions proposées par un ministre à un moment bien précis de notre programme journalier […]

Le Président Fraser a ensuite mentionné que « la proposition n’aurait qu’une application fort limitée ». J’ai trouvé ces conseils de prudence très éclairants pour m’aider à prendre la présente décision.

Les honorables députés conviendront que la Chambre juge très souvent opportun d’approuver par consentement unanime la liste des membres des comités ou les changements qui y sont apportés. En effet, la présidence reconnaît, après examen des usages modernes de la Chambre, qu’il n’est jamais arrivé que les motions visant l’adoption des rapports du comité de sélection aient été débattues ou modifiées. Toutefois, comme je l’ai signalé dans une décision antérieure, toujours à la page 5258 des Débats :

[…] si la Chambre devait à l’occasion s’entendre sur une façon de procéder par consentement unanime […] on ne pourrait supposer que de telles ententes entreraient automatiquement dans la catégorie des affaires courantes au sens de l’article 56.1.

D’après nos recherches, les motions visant l’adoption des rapports des comités de sélection n’ont jamais, selon les usages modernes, fait l’objet de débats ou de modifications. La présidence est d’avis qu’il serait exagéré d’extrapoler de ce fait que ces motions sont de la nature des affaires courantes plutôt que des motions de fond. Par conséquent, j’en conclus que l’article 56.1 du Règlement ne peut servir de recours dans les cas où le consentement unanime pour l’adoption d’un rapport établissant les membres des comités de la Chambre a été demandé et refusé.

Je peux comprendre le point de vue du leader du gouvernement à la Chambre qui a insisté sur l’urgence de régler la composition des comités, mais je tiens à lui rappeler que l’article 56.1 du Règlement n’est pas destiné à servir de solution de rechange pour limiter le débat.

Si les circonstances l’exigent, je suis certain que le leader du gouvernement à la Chambre constatera qu’il dispose d’autres moyens au plan de la procédure pour accélérer le processus.

Pour terminer, j’aimerais encore une fois remercier l’honorable député de West Vancouver–Sunshine Coast d’avoir soulevé cette question et le leader du gouvernement à la Chambre d’avoir présenté son point de vue.

J’espère que ma décision a fait la lumière sur quelques aspects de l’article 56.1 du Règlement et qu’elle sera utile à la Chambre dans les années à venir.

Certains sites Web de tiers peuvent ne pas être compatibles avec les technologies d’assistance. Si vous avez besoin d’aide pour consulter les documents qu’ils contiennent, veuillez communiquer avec accessible@parl.gc.ca.

[1] Journaux, 22 octobre 2002, p. 91.

[2] Débats, 22 octobre 2002, p. 757-759.

[3] Les Débats publiés indiquaient « Hier » au lieu de « Avant-hier ».

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

Haut de la page