Le programme quotidien / Affaires courantes ordinaires
Questions au Feuilleton : recevabilité mise en doute en raison de la quantité d’information demandée
Débats, p. 3254-3256
Contexte
Le 27 janvier 2003, Don Boudria (ministre d’État et leader du gouvernement à la Chambre des communes) invoque le Règlement au sujet des questions Q-59 à Q-71 et Q-77, inscrites au Feuilleton, à savoir si elles sont raisonnables ou recevables. Il soutient qu’il est impossible de produire et de traduire les réponses à ces questions dans le délai prescrit de 45 jours, parce que l’information demandée couvre de nombreux sujets. Il souligne qu’en vertu du paragraphe 39(6) du Règlement, ces questions ne peuvent être transférées aux « Motions portant production de documents », parce qu’elles ne visent pas à obtenir des documents. Il suggère ensuite que l’on modifie le paragraphe 39(6) pour donner au gouvernement un moyen de demander à la présidence de rejeter pour certains motifs de telles demandes d’information. Il demande également au Président de déterminer si le Greffier de la Chambre, qui est chargé d’examiner les questions écrites, a le pouvoir de rejeter les questions déraisonnables ou auxquelles il est impossible de répondre. Il estime que les demandes qui sont excessivement coûteuses ou qui prennent un temps excessif devraient être rejetées, ou que le gouvernement devrait pouvoir les soumettre à un débat. Après avoir entendu d’autres députés, le Président prend l’affaire en délibéré[1].
Résolution
Le Président rend sa décision le 6 février 2003. Il fait valoir que depuis que le leader du gouvernement à la Chambre a fait ce rappel au Règlement, le gouvernement a répondu à chacune des questions en cause, en dépassant toutefois le délai de 45 jours. Il déclare qu’à l’avenir, les délais seront appliqués de façon stricte et qu’on ne pourra se servir de rappels au Règlement pour éviter ou repousser le moment de répondre à des questions. Le Président déclare également qu’il ne peut se prononcer sur le fond des questions, et que le Greffier et son personnel ont pour tâche de s’assurer que les questions sont recevables du point de vue de la forme uniquement. Toutefois, il fait remarquer que la procédure de la Chambre permet au gouvernement de répondre à une question en déclarant qu’il ne peut fournir de réponse en raison du temps et des ressources humaines ou financières que cela demanderait.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé le 27 janvier 2003 par le leader du gouvernement à la Chambre au sujet des questions écrites et des difficultés qu’éprouve le gouvernement à y répondre dans le délai de 45 jours imposé par l’alinéa 39(5)a) du Règlement.
Je remercie le leader du gouvernement à la Chambre d’avoir soulevé cette question ainsi que le leader de l’Opposition officielle à la Chambre et le député de St. John’s-Ouest pour leurs interventions.
En exposant son point de vue, le leader du gouvernement à la Chambre a affirmé que les questions nos 59 à 71 et 77, inscrites au Feuilleton des avis les 20 et 21 novembre 2002, exigeaient une énorme quantité de renseignements sur les subventions, prêts, contributions et contrats accordés par le gouvernement dans certaines circonscriptions sur une période de huit ans. Il a ajouté qu’en raison de la nature même des questions, il était en pratique impossible au gouvernement de fournir une réponse dans le délai réglementaire de 45 jours.
L’honorable leader du gouvernement à la Chambre a présenté plusieurs faits pour appuyer sa position. Il a précisé que les renseignements de ce genre sont conservés dans les dossiers pendant au plus six ans et que les ministères fédéraux ne sont pas obligés de tenir ces dossiers par circonscription. En outre, il a signalé que les renseignements recueillis en vue de la préparation de la réponse du gouvernement doivent tous être traduits selon le paragraphe 32(4) du Règlement, qui exige que tous les documents distribués ou déposés à la Chambre le soient dans les deux langues officielles.
Pour résoudre le dilemme, il a proposé de modifier le paragraphe 39(6) du Règlement — qui permet actuellement de transférer certaines questions aux « Motions portant production de documents » — afin de fournir au gouvernement un autre moyen de répondre aux longues questions.
En terminant son intervention, le leader du gouvernement à la Chambre a proposé que le Greffier de la Chambre, qui est chargé d’examiner et d’accepter les questions écrites en vue de leur publication au Feuilleton des avis, rejette toute question qui « n’est pas raisonnable » ou qui est si mal rédigée qu’elle nécessite de multiples clarifications.
J’aimerais apporter ici une précision. Le leader du gouvernement à la Chambre a signalé que les questions en cause visent à obtenir du gouvernement des renseignements au sujet d’organismes non gouvernementaux. Or, selon ce que je comprends à la lecture des questions, on demande des renseignements sur « les organismes quasi/non gouvernementaux subventionnés par le gouvernement ». Ces organismes, appelés « QUANGOS » au Royaume-Uni, sont en fait des organismes publics, qu’on définit comme des organismes qui jouent un rôle dans les processus d’un gouvernement et qui, bien qu’ils ne rendent pas de comptes à un ministre, relèvent en dernier ressort de la responsabilité finale des ministres. Par conséquent, il me semble que les questions visent en fait à obtenir ces renseignements auprès de la bonne source.
Revenons maintenant au cas qui nous occupe. Je dois d’abord signaler que depuis le 27 janvier dernier, jour où le rappel au Règlement a été soulevé, le gouvernement a déposé une réponse à chacune des questions en cause.
Dans les faits, les réponses ont été déposées après l’expiration du délai prévu par l’alinéa 39(5)a) du Règlement.
Depuis que la présidence a pris en délibéré le rappel au Règlement le 27 janvier dernier, la désignation de ces questions et leur renvoi en comité ont été suspendus dans l’attente de ma décision. Aujourd’hui, puisque les réponses ont été fournies, la présidence ne désignera pas ces questions et elles ne seront pas renvoyées à un comité. Néanmoins, je tiens à ce que tout soit très clair. Il s’agit d’une procédure relativement nouvelle et je suis prêt à accorder au gouvernement le bénéfice du doute dans ce cas-ci. Néanmoins, à l’avenir, les délais seront appliqués de façon stricte et l’absence de réponse à une question ne pourra être justifiée du fait qu’il y a un rappel au Règlement et qu’une décision est attendue du Président.
Pour résumer, même si les questions visées ne posent plus de problème immédiat, la présidence est prête à faire part de ses conclusions sur le rappel au Règlement qui a été soulevé dans l’espoir que cela contribuera à résoudre des problèmes futurs.
Après examen des points soulevés par l’honorable leader du gouvernement à la Chambre, je dois avouer que je suis un peu réticent à intervenir. Je m’explique.
Je renvoie les députés à la décision du Président Fraser rendue le 14 juin 1989, dont le leader du gouvernement à la Chambre a fait mention dans son intervention. Plus précisément, je me permets d’en citer le passage qui, à mon avis, résume succinctement les difficultés que les questions écrites continuent de présenter :
Le dilemme est le suivant : il nous faut concilier les besoins urgents d’informations dont les députés ne peuvent se passer pour fonctionner et la nécessité tout aussi grande d’utiliser de façon rationnelle et honnête les ressources limitées dont on dispose pour fournir les réponses.
Il poursuit ainsi :
Selon une autre pratique parfaitement acceptable sur la plan de la procédure […] on peut simplement déclarer qu’il est impossible de répondre à la question en raison du temps et des ressources humaines ou financières que cela demanderait […] Le gouvernement peut continuer de refuser simplement de répondre aux questions qui imposent, à son avis, une charge trop lourde, en expliquant sa décision. […] Il faut comprendre que le gouvernement n’est pas obligé de donner une réponse parfaite; il n’est tenu que de donner une réponse honnête.
Puis, le Président Fraser ajoute une mise en garde très importante :
Par sa façon de rédiger sa question, le député assume une partie de la responsabilité en ce qui concerne la qualité de la réponse.
Bref, notre procédure permet au gouvernement de répondre à une ou plusieurs questions en déclarant qu’il ne peut fournir de réponse en raison du temps et des ressources humaines ou financières que cela demanderait.
Il est peut-être étonnant de constater que c’est exactement ce qu’a fait le leader du gouvernement à la Chambre lorsqu’il a soulevé son rappel au Règlement. En présentant son point de vue, il a signifié que le gouvernement ne pouvait répondre aux questions nos 59 à 71 et 77 en raison de certaines ambiguïtés dans la formulation de ces questions, du temps nécessaire pour recueillir les renseignements demandés et des ressources humaines et financières que cela exigerait.
Sur un autre plan, le leader du gouvernement à la Chambre a avancé une solution possible au dilemme exposé, soit que le personnel du Greffier de la Chambre exerce une plus grande rigueur dans l’acceptation des questions à inscrire au Feuilleton des avis.
Je ne peux souscrire à cet argument puisque, quel que soit le degré de rigueur exercé, il est impossible au personnel de la Chambre d’évaluer de façon précise les ressources nécessaires à la préparation d’une réponse. Il y aura toujours des divergences d’opinions entre le gouvernement et les députés de l’opposition sur la façon dont les questions doivent être formulées ou sur le caractère satisfaisant des renseignements fournis dans les réponses.
Les membres du personnel qui travaillent sous l’égide du Greffier ont la tâche d’examiner les questions écrites sur le plan de la forme et d’en vérifier la conformité à nos lignes directrices, mais la responsabilité d’évaluer le fond d’une question ou la possibilité pour le gouvernement d’y fournir une réponse ne leur revient pas.
Nous retrouvons la précision suivante à la page 441 de l’ouvrage de Marleau et Montpetit :
Le Greffier, qui agit au nom du Président, dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour s’assurer que les questions inscrites au Feuilleton des avis respectent les règles et coutumes de la Chambre. Comme une question écrite vise à obtenir une réponse précise et détaillée, il incombe au député qui fait inscrire une question au Feuilleton des avis « de veiller à ce qu’elle soit soigneusement formulée pour susciter les renseignements recherchés ».
De même, comme le savent les députés, nos règles ne permettent pas au Président d’examiner le contenu d’une réponse; cela serait même inapproprié. À cet égard, je me contente de signaler que les députés qui jugent insatisfaisante la réponse du gouvernement peuvent poser des questions supplémentaires, que ce soit verbalement ou par écrit.
Je dois signaler qu’il est fort probable que la situation actuelle soit attribuable à la frustration que les députés éprouvent devant les contraintes qui leur sont imposées pour les questions écrites. Je me souviens de l’époque où les députés n’étaient soumis à aucune limite quant au nombre de questions à inscrire au Feuilleton, tandis qu’à l’heure actuelle le paragraphe 39(4) du Règlement impose à chaque député une limite de quatre questions à la fois.
Il ne faut peut-être pas se surprendre de voir que les députés ont fait preuve de leur ingéniosité habituelle pour contourner cette limite en préparant des questions à multiples parties du genre dont se plaint le ministre.
Ainsi, alors qu’il y aurait pu y avoir plusieurs questions, chacune adressée à un ministère ou un organisme particulier, il n’y a maintenant qu’une seule question qui vise tous les ministères et organismes et qui, pour faire bonne mesure, englobe les organismes publics « QUANGOS ». Le ministre hérite donc de la tâche plutôt ingrate de recueillir tous ces renseignements dans un délai de 45 jours s’il veut respecter le délai de réponse réglementaire.
Comme je l’ai dit plus tôt, je suis arrivé à la conclusion, après examen de la situation, que la présidence ne peut se prononcer sur le fond des questions écrites adressées au gouvernement, pas plus qu’elle ne peut porter un jugement sur le fond des réponses fournies par le gouvernement.
La tâche qui incombe au Greffier et à son personnel est de s’assurer que les questions écrites sont recevables uniquement sur le plan de la forme. C’est au gouvernement qu’il revient de décider s’il peut ou non donner une réponse, compte tenu de la nature et de l’étendue de la question.
Étant donné que les réponses aux questions ayant donné lieu au rappel au Règlement ont déjà été déposées à la Chambre, la présidence estime que l’affaire est réglée et espère que la présente décision contribuera à régler des situations semblables qui pourraient survenir.
Si les députés demeurent préoccupés par les règles actuelles relatives aux questions écrites, je leur suggère d’en saisir soit le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, soit le Comité spécial sur la modernisation, qui étudie actuellement nos procédures.
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[1] Débats, 27 janvier 2003, p. 2721-2723.