Le programme quotidien / Affaires courantes ordinaires
Questions au Feuilleton : subdivisées par le Président
Débats, p. 3933-3934
Contexte
Le 20 septembre 2006, Tom Lukiwski (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre responsable de la Réforme démocratique) invoque le Règlement au sujet d’une question inscrite au Feuilleton des avis au nom de Dawn Black (New Westminster–Coquitlam). M. Lukiwski avance que Mme Black a donné avis non pas d’une, mais de 47 questions distinctes. Il fait valoir que selon le paragraphe 39(4) du Règlement, les députés peuvent inscrire au plus quatre questions à la fois, ajoutant que selon les conventions de la Chambre, les députés ne peuvent non plus soumettre une série de questions sous une rubrique générale en une seule question. Il prétend aussi que certaines questions ne relèvent pas de la responsabilité administrative du gouvernement. Il demande au Président de déclarer la question irrecevable. Le Président prend l’affaire en délibéré[1]. Quelques jours plus tard, d’autres députés interviennent à ce sujet[2].
Résolution
Le Président rend sa décision le 18 octobre 2006. Il explique qu’il s’est penché sur les critères qu’une question écrite doit respecter en matière de forme et de fond, soulignant spécialement qu’elle doit porter sur des sujets qui relèvent de la responsabilité administrative du gouvernement et que le paragraphe 39(2) donne au Greffier de la Chambre le pouvoir de rejeter ou de subdiviser en plusieurs questions distinctes les questions contenant des sous-questions non liées entre elles. Il fait allusion à une décision du Président Parent où il était sous-entendu que, pour qu’une question contenant de multiples questions secondaires soit recevable, il devait y avoir un fil conducteur entre ses différentes parties. Il explique également que l’interprétation du terme « concises », au paragraphe 39(2), a évolué et que le terme ne signifie plus « court » ou « bref », mais plutôt « compréhensible ». Dans le cas de la question no 90, il statue que son manque de cohérence la rend irrecevable dans sa forme actuelle et précise qu’il a demandé à la Greffière de la diviser en trois questions distinctes. En outre, il a conclu que deux des sous-questions portaient sur des sujets ne relevant pas de l’autorité administrative du gouvernement et demandé qu’elles soient supprimées. Enfin, compte tenu du fait que les renseignements demandés demeurent essentiellement les mêmes, il statue que la période de 45 jours dont dispose le gouvernement pour répondre serait rétroactive à la date du dépôt de l’avis de la question.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé le 20 septembre 2006 par le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre de la Réforme démocratique au sujet de la question no 90 inscrite au Feuilleton.
J’aimerais remercier l’honorable secrétaire parlementaire d’avoir soulevé cette question. Je souhaite également souligner la contribution qu’ont apportée l’honorable député de Windsor–Tecumseh et l’honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes, le 22 septembre dernier.
Permettez-moi tout d’abord de résumer le fond de la question no 90. Le 19 septembre 2006, la députée de New Westminster–Coquitlam a remis à la Direction des journaux une question comprenant 47 sous-questions. De façon générale, cette question a trait à la présence des Forces canadiennes en Afghanistan, et chaque sous-question pose une question distincte sur la politique du gouvernement en matière de défense et d’affaires étrangères relativement à la mission en Afghanistan.
Après avoir été évaluée par le personnel de la Direction des journaux de la façon habituelle, la question a été inscrite au Feuilleton des avis. Au terme de la période de préavis normale de deux jours, la question no 90 a été transférée au Feuilleton; elle est maintenant la seule question inscrite au nom de la députée de New Westminster–Coquitlam.
Lors de son intervention, le secrétaire parlementaire a fait part de ses préoccupations quant à la longueur de la question no 90. Il a ensuite soutenu que certaines sous-questions ne relevaient pas de l’autorité administrative du gouvernement, et a conclu en demandant à la présidence de déclarer la question no 90 irrecevable.
En réponse à ce rappel au Règlement, le député de Windsor–Tecumseh a soutenu que la pratique actuelle permettait l’inscription de longues questions au Feuilleton. Au soutien de ses arguments, il a renvoyé aux questions nos 5 et 7 présentées au cours de la dernière législature qui, selon lui, étaient plus longues que la question no 90 et avaient néanmoins obtenu réponse de la part du gouvernement. Le leader du gouvernement à la Chambre a répliqué que la longueur de la question no 90 était déraisonnable et que le fait de poser 47 questions camouflées en une seule constituait une violation de l’esprit de l’article 39 du Règlement.
Comme le savent déjà les honorables députés, l’inscription d’une question au Feuilleton a pour objectif de permettre aux députés d’obtenir des renseignements détaillés ou techniques sur des questions d’ordre public de la part d’un ou de plusieurs ministères ou organismes gouvernementaux, de façon à permettre aux députés de remplir leurs fonctions parlementaires.
Pour qu’une question écrite soit inscrite au Feuilleton, elle doit respecter certains critères de forme et de fond. Le paragraphe 39(1) du Règlement exige qu’aucun argument, ni aucun fait ou opinion superflu, n’y figure. De plus, la question doit porter sur une affaire publique, ce qui est une façon de désigner les questions relevant de l’autorité administrative du gouvernement. La question écrite sera également jugée recevable si elle se conforme aux règles générales relatives aux questions orales. L’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes énonce ce qui suit à la page 441 :
Comme une question écrite vise à obtenir une réponse précise et détaillée, il incombe au député qui fait inscrire une question au Feuilleton des avis « de veiller à ce qu’elle soit soigneusement formulée pour susciter les renseignements recherchés ».
Les règles modernes relatives aux questions inscrites au Feuilleton remontent à 1985, année du dépôt du troisième rapport du Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes, communément appelé le Comité McGrath. Ce Comité recommandait qu’un maximum de quatre questions à la fois soient inscrites au Feuilleton au nom d’un même député. Cette proposition visait à résoudre un problème vieux de plusieurs dizaines d’années, soit l’inscription au Feuilleton de centaines et parfois même de milliers de questions écrites demeurant sans réponse.
Le Comité avait néanmoins anticipé la possibilité que les députés essaient de contourner la limite de quatre questions écrites en soumettant des questions uniques composées de nombreuses sous-questions. Le Comité McGrath proposait de donner au Greffier le pouvoir de rejeter ou de subdiviser en plusieurs questions distinctes les questions contenant des sous-questions non liées entre elles. Ce que nous connaissons aujourd’hui en tant que paragraphe 39(2) du Règlement a été adopté par la suite. Il se lit ainsi :
Le Greffier de la Chambre, agissant pour le Président, a les pleins pouvoirs nécessaires pour s’assurer que l’on inscrive au Feuilleton des avis des questions cohérentes et concises, conformément aux coutumes de la Chambre. Il peut aussi, au nom du Président, ordonner que certaines questions soient posées séparément.
Les honorables députés qui étaient ici au cours de la 36e législature se souviendront peut-être d’une décision rendue par le Président Parent, le 8 février 1999, au sujet de la scission d’une question écrite. Cette décision faisait suite à un rappel au Règlement soulevé par l’honorable député de Delta–South Richmond, maintenant l’honorable député de Delta–Richmond-Est. On la retrouve aux pages 11531 à 11533 des Débats de la Chambre des communes de la première session de la 36e législature.
Lors de son intervention, le député avait soulevé plusieurs questions, notamment celle de la scission de sa question par le personnel du Greffier. Selon le député, sa question avait été scindée en raison de sa longueur. Le Président Parent avait conclu que le personnel du Greffier avait suivi la procédure appropriée et pris la décision de scinder la question, comme le permettait le paragraphe 39(2) du Règlement, non pas en raison de sa longueur, mais plutôt parce que ses sous-questions n’étaient pas liées entre elles. Le Président a alors déclaré :
Ce qui faisait problème, ce n’était pas la longueur de la question, mais plutôt le fait qu’elle comportait des questions secondaires sans rapport entre elles. Il se peut que, aux yeux du député, ces sous-questions aient un rapport, alors que, en réalité, elles sont distinctes et séparées.
Cette décision sous-entendait que, pour qu’une question comportant de multiples questions secondaires soit recevable, il devait exister un fil conducteur entre ses différentes parties.
Comme l’a judicieusement souligné le député de Windsor–Tecumseh lors de son intervention, de nombreuses longues questions comprenant des subdivisions multiples, et même des subdivisions aux subdivisions, ont été inscrites au Feuilleton par le passé. Mentionnons notamment, au cours de la 36e législature, les questions nos 28, 56, 91, 103, 132, 138 et 190, qui ont été jugées recevables.
De même, au cours de la 37e législature, les questions nos 17, 60, 225 et 240 ont été jugées recevables. Au cours de la dernière législature, les questions nos 5, 7 et 151 ont été inscrites au Feuilleton, de même que les questions nos 13 et 33, au cours de la législature actuelle.
Je ne me souviens d’aucune objection soulevée à l’occasion de leur inscription au Feuilleton, et le gouvernement a fourni des réponses à chacune d’elles, quoique peut-être pas toujours dans le délai de 45 jours prévu à l’alinéa 39(5)a) du Règlement.
Compte tenu des exemples que je viens de mentionner, il m’apparaît que l’interprétation du terme « concises », utilisé au paragraphe 39(2) du Règlement, a évolué depuis l’adoption de cette règle. Il n’est plus compris comme voulant dire « court » ou « bref », mais plutôt comme ayant le sens de « compréhensible ». Cette vision des choses a sans aucun doute évolué dans le but de contourner la limite de quatre questions par député.
Mettons de côté l’aspect longueur des questions pour porter notre attention sur leur fond, soit l’exigence du Règlement selon laquelle les questions doivent être « cohérentes et concises ». Comme les députés le savent déjà, la Greffière et son personnel corrigent souvent le texte des questions et, de temps à autre, divisent les questions pour qu’elles soient conformes au Règlement. Dans les cas discutables, ils donnent habituellement le bénéfice du doute au député et laissent la question être inscrite au Feuilleton. La présidence ne s’en mêle que rarement, soit lorsque des objections sont exprimées, comme c’est le cas ici.
En gardant cela à l’esprit, j’ai soigneusement examiné les 47 parties de la question no 90. Tenant compte de la règle de cohérence, je dois admettre que la question, dans sa forme actuelle, comporte quelques éléments dont les liens sont bien peu évidents. Par conséquent, je suis arrivé à la conclusion que, pour des raisons de cohérence, elle se devait d’être scindée. Par conséquent, je juge la question no 90 irrecevable dans sa forme actuelle.
Pour remédier à cette situation sans pénaliser indûment la députée de New Westminster–Coquitlam, j’ai demandé à la Greffière de diviser la question no 90 en trois questions distinctes. La première porte sur l’objectif, la stratégie, la vision, les résultats et les capacités relatifs à la mission en Afghanistan et comprend 33 questions secondaires. La seconde a trait de façon précise aux pertes parmi les membres des Forces canadiennes en Afghanistan et comprend cinq questions secondaires. Sept questions secondaires ayant trait aux questions financières sont regroupées en une troisième question.
Lors de mon examen de la question d’origine, j’ai également vérifié si celle-ci respectait les exigences du Règlement en ce qu’elle visait à obtenir des renseignements relevant de l’autorité administrative du gouvernement. J’ai déterminé que ce n’était pas le cas pour deux des sous-questions portant sur les forces alliées et les organisations non-gouvernementales. J’ai donc demandé qu’elles soient supprimées. Une autre sous-question a été modifiée de façon à en retirer les allusions à des agences et organisations multilatérales, pour les mêmes raisons.
Copies de ces trois questions sont disponibles au Bureau et pourront également être lues dans le Feuilleton de demain sous les nos 106, 107 et 108.
En dernier lieu, compte tenu du fait que les renseignements demandés demeurent essentiellement les mêmes, la période de 45 jours dont dispose le gouvernement pour répondre aux questions sera rétroactive à la date du dépôt de l’avis de la question no 90 originale, soit le 19 septembre 2006. J’estime que ces mesures règlent les objections soulevées au sujet de la question no 90 tout en respectant les droits de la députée de New Westminster–Coquitlam de demander des renseignements sous forme de questions écrites conformes au Règlement.
Je remercie les députés de m’avoir permis de clarifier nos pratiques ayant trait aux questions écrites. Si les députés ont d’autres préoccupations à l’égard des règles et usages relatifs aux questions écrites, ils peuvent bien sûr en saisir le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Il s’est écoulé 20 ans depuis que cet article du Règlement est entré en vigueur. La Chambre voudra peut-être examiner s’il a toujours l’effet voulu.
Entre-temps, je suis convaincu que, pour éviter les difficultés, les députés pourront obtenir de bons conseils de la part de la Greffière et de son personnel pour la rédaction des questions à inscrire au Feuilleton. Vous me pardonnerez de n’avoir pas rendu une décision aussi concise que l’exige le Règlement à l’égard des questions.
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[2] Débats, 22 septembre 2006, p. 3134-3136.