Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Le processus législatif / Étapes

Étude en comité : rapport à la Chambre; amendements irrecevables

Débats, p. 7386-7387

Contexte

Le 26 février 2007, Peter Van Loan (leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre responsable de la Réforme démocratique) invoque le Règlement pour demander une décision sur la recevabilité de trois amendements adoptés par le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées dans le cadre de son examen du projet de loi C-257, Loi modifiant le Code canadien du travail (travailleurs de remplacement), et présentés à la Chambre dans le neuvième rapport du Comité le 21 février 2007[1]. Le leader du gouvernement à la Chambre soutient que les amendements dépassent la portée et l’objet du projet de loi[2]. Après avoir entendu d’autres députés, le Président prend l’affaire en délibéré[3].

Résolution

Le Président rend sa décision le 27 février 2007. Il en profite pour rappeler à la Chambre que si le Président, en général, n’intervient pas dans les questions touchant les comités, il en va autrement lorsqu’un comité outrepasse ses pouvoirs, notamment en ce qui concerne un projet de loi. En l’espèce, il juge le premier amendement contesté recevable, parce qu’il n’introduit pas de questions dépassant la portée du projet de loi. En ce qui concerne les deux autres amendements, il les juge irrecevables, parce qu’ils dépassent la portée du projet de loi en deuxième lecture. Il conclut qu’ils sont nuls et non avenus et qu’ils ne font plus partie du projet de loi dont il a été fait rapport à la Chambre. Enfin, il ordonne que le projet de loi soit réimprimé pour remplacer la version réimprimée du Comité.

Décision de la présidence

Le Président : Le 26 février 2007, le leader du gouvernement à la Chambre des communes a soulevé un rappel au Règlement. Selon lui, les amendements qu’a adoptés le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées lors de son étude du projet de loi C-257, Loi modifiant le Code canadien du travail (travailleurs de remplacement), et dont il a fait rapport à la Chambre le 21 février 2007, sont irrecevables.

Les honorables députés de Davenport, de Roberval–Lac-Saint-Jean, de Scarborough–Rouge River et de Windsor–Tecumseh sont aussi intervenus dans le débat.

Comme le sait la Chambre, la présidence n’intervient pas dans les affaires pour lesquelles les comités ont le pouvoir de prendre des décisions. Toutefois, lorsqu’un comité a outrepassé ses pouvoirs, notamment en ce qui concerne un projet de loi, il est arrivé que la présidence soit appelée à intervenir après la présentation d’un rapport à la Chambre.

Lorsqu’il s’agit d’amendements à un projet de loi adoptés par un comité, si la présidence les a jugés irrecevables, ils seront retirés du projet de loi amendé car le comité n’avait pas l’autorité voulue pour les adopter. Tel que nous le rappelait l’honorable député de Roberval–Lac-Saint-Jean, ceci est expliqué de façon concise dans la décision que rendait le Président Fraser le 28 avril 1992, et que l’on retrouve à la page 9801 des Débats, et je cite :

Lorsqu’un projet de loi est renvoyé à un comité permanent ou législatif de la Chambre, ce comité est autorisé uniquement à adopter, à modifier ou à rejeter les dispositions qui se trouvent dans le projet de loi et à faire rapport du projet de loi à la Chambre avec ou sans propositions d’amendement. Dans ses travaux, le comité doit respecter un certain nombre de contraintes. Il ne peut empiéter sur la prérogative financière de la Couronne, il ne peut aller au-delà de la portée du projet de loi adopté à l’étape de la deuxième lecture, et il ne peut toucher à la loi originale en y apportant des amendements qui ne sont pas envisagés dans le projet, aussi tentant que cela puisse être.

Voilà exactement la question que je dois trancher aujourd’hui.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais commenter brièvement un précédent qui m’a été signalé plus tôt aujourd’hui; il s’agissait d’un amendement, adopté en comité, dont la recevabilité a été contestée, bien que pour des motifs différents de ceux qui nous intéressent aujourd’hui.

Le député de Roberval–Lac-Saint-Jean a fait allusion à la décision de la présidence rendue le 26 octobre 2006 concernant le projet de loi C-14, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté. Quoique le député de Roberval–Lac-Saint-Jean ait raison de citer cette décision en exemple, il y donne par contre une interprétation qui en est la sienne. Dans ce cas-là, la présidence a examiné avec soin une à une les modifications apportées par le comité et en a conclu que du point de vue du respect strict des règles de la procédure, le comité n’avait pas dépassé ses pouvoirs en adoptant les amendements contestés par le gouvernement.

Le cas actuel n’est pas du tout identique. La portée très étroite du projet de loi C-257 fait en sorte que tout amendement qui y est apporté doit l’être à l’intérieur des paramètres très limités des articles du Code canadien du travail modifiés par le projet de loi.

J’ai examiné avec soin le texte du projet de loi C-257 tel qu’adopté à l’étape de la deuxième lecture, le texte des amendements adoptés par le comité, les articles pertinents de la loi originale et du Code canadien du travail, et, bien sûr, les arguments présentés par les honorables députés qui sont intervenus à cet égard. Je suis maintenant prêt à rendre ma décision.

En ce qui concerne le premier amendement, le leader du gouvernement à la Chambre soutient que l’amendement au paragraphe 2.1 de l’article 2 du projet de loi, proposé en comité par l’honorable député de Davenport, est irrecevable puisqu’il vise à subordonner l’application du projet de loi à l’article 87.4 du Code canadien du travail. Comme l’a fait remarquer l’honorable député de Roberval–Lac-Saint-Jean, l’alinéa 2.1c) de la version en première lecture du projet de loi utilisait cette même expression; l’amendement ne faisait que la replacer à l’intérieur du même alinéa.

Par conséquent, je crois que l’amendement peut être qualifié de renvoi à l’article 87.4, plutôt que d’amendement au Code canadien du travail pour ce qui est du maintien des services. L’amendement au paragraphe 2.1 n’introduit pas en soi de questions qui dépassent la portée du projet de loi et est, par conséquent, recevable.

La recevabilité de deux autres amendements à l’article 2, tous deux proposés par l’honorable député de Davenport, est également contestée. Le premier amendement vise le paragraphe 2.3 et intègre le concept de « services essentiels ». Après avoir entendu de nombreuses observations sur la recevabilité de cet amendement, le président du Comité a jugé que l’amendement était irrecevable car il dépassait la portée du projet de loi. Cette décision a été contestée et annulée, puis l’amendement a été adopté. Le second amendement contesté, qui vise pour sa part le paragraphe 2.4, portait également sur les « services essentiels » et a fait l’objet du même traitement.

Lors de leurs interventions, les députés de Roberval–Lac-Saint-Jean et de Windsor–Tecumseh ont soutenu que ces deux amendements visaient à préciser l’intention des principales dispositions du projet de loi C-257. Selon eux, ces amendements sont recevables car ils ne font que clarifier les dispositions du projet de loi qui ont trait aux travailleurs de remplacement dans la mesure où elles influencent le maintien des services essentiels.

La présidence apprécie pleinement les arguments soulevés par mes honorables collègues. Je crains néanmoins que leur point de vue rejoigne ce à quoi le Président Fraser faisait allusion, dans sa décision de 1992 citée plus tôt, lorsqu’il signalait aux députés la difficulté d’éviter la tentation d’apporter des amendements qui ne sont pas envisagés dans le projet de loi d’origine.

Les honorables députés reconnaîtront que le projet de loi C-257 est limité dans sa portée. Comme l’indique le sommaire du projet de loi à son adoption en deuxième lecture :

Le texte a pour objet d’interdire aux employeurs visés par le Code canadien du travail d’embaucher des travailleurs de remplacement pour remplir les fonctions des employés en grève ou en lock-out.

Le projet de loi C-257 modifie trois articles du Code canadien du travail : l’article 87.6, qui porte sur la réintégration des employés après une grève ou un lock-out; l’article 94, qui porte sur les interdictions relatives aux travailleurs de remplacement; et l’article 100, qui porte sur les infractions et les peines.

L’article 2, auquel touchent les deux amendements contestés qu’il nous reste à traiter, vise l’article 94, qui porte sur les interdictions relatives aux travailleurs de remplacement. L’article 2 du projet de loi d’origine ne renvoie pas à l’article 87.4, qui est la disposition fondamentale du Code canadien du travail sur les services essentiels.

Il convient de noter que l’expression « service essentiel » elle-même — bien qu’elle nous soit bien connue — n’est pas utilisée dans le Code en tant que telle. Le Code n’utilise pas ce terme, mais mentionne le maintien ou la poursuite des activités pour prévenir tout « risque imminent et grave pour la sécurité ou la santé du public ».

Le premier amendement importe le concept étranger de services essentiels dans un article qui traitait, à l’origine, du droit des employeurs de protéger leurs biens. Quant au second amendement, bien qu’il ne vise pas directement à modifier l’article 87.4, il se reporte néanmoins à la loi existante et importe dans le projet de loi C-257 les modalités d’examen des ordonnances par le conseil mentionnées au paragraphe 87.4(7), concept absent du projet de loi dans sa version adoptée en deuxième lecture.

Par conséquent, sur le plan de la procédure uniquement, la présidence ne peut que conclure à l’exactitude de la décision du président du Comité : les deux derniers amendements dépassent la portée du projet de loi dans sa version adoptée à l’étape de la deuxième lecture, et sont par conséquent irrecevables.

Comme conséquence à cette décision, je me dois de conclure que les deux amendements irrecevables touchant les paragraphes 2.3 et 2.4 de l’article 2, adoptés par le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées, sont nuls et ne font plus partie du projet de loi dont il a été fait rapport à la Chambre.

De plus, j’ordonne que le projet de loi C-257 soit réimprimé le plus rapidement possible afin que la Chambre utilise cette nouvelle version à l’étape du rapport, et non la version réimprimée par le Comité.

Puisque nous entreprendrons demain l’étape du rapport du projet de loi, je demanderai aux greffiers au Bureau de veiller à ce que toute motion d’amendement soumise ce soir pour être présentée à l’étape du rapport le soit en bonne et due forme. Comme les députés le savent, ces motions doivent être présentées au plus tard à 18 heures ce soir.

Je tiens à remercier la Chambre de m’avoir donné l’occasion de régler cette situation complexe et inhabituelle.

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[1] Neuvième rapport du Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées, présenté à la Chambre le 21 février 2007 (Journaux, p. 1043).

[2] Débats, 26 février 2007, p. 7311-7313.

[3] Débats, 26 février 2007, p. 7312-7313; 27 février 2007, p. 7343-7346.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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