Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Le processus législatif / Étapes

Adoption des amendements du Sénat : motion portant adoption d’un message du Sénat visant à scinder un projet de loi non considérée comme une étape; attribution de temps

Débats, p. 5363-5364

Contexte

Le 7 avril 2003, John Reynolds (West Vancouver–Sunshine Coast) invoque le Règlement au sujet d’une motion visant à adopter un message du Sénat censé scinder le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu[1]. M. Reynolds prétend qu’on ne peut considérer la motion visant à adopter le message du Sénat comme une étape du projet de loi, et qu’on ne peut considérer la scission du projet de loi C-10 par le Sénat comme un amendement au projet de loi. Il affirme que la motion visant à adopter le message du Sénat ne devrait donc pas figurer au Feuilleton sous la rubrique « Projets de loi émanant du gouvernement » comme une motion en réponse à un amendement apporté à un projet de loi, mais plutôt comme une motion émanant du gouvernement. Il ajoute qu’une motion corollaire d’attribution de temps, dont le gouvernement a donné avis, serait donc invalide, puisqu’une motion du gouvernement ne peut faire l’objet d’une attribution de temps et, en plus, que la motion ne serait pas libellée correctement, du fait qu’elle vise à adopter le message du Sénat concernant un amendement à un projet de loi. M. Reynolds demande au Président de rejeter la proposition d’attribution de temps et de reporter le vote sur la motion concernant le message du Sénat jusqu’à ce que la question soit réglée. Après avoir entendu d’autres députés, le Président prend la question en délibéré[2].

Résolution

Le Président rend sa décision le 10 avril 2003. Faisant référence à sa décision précédente du 5 décembre 2002 sur la même question[3], il réitère que la motion visant à adopter le message du Sénat est conforme et qu’elle a été présentée à la Chambre de manière conforme. Il conclut, après avoir examiné les arguments présentés à l’égard de cette situation exceptionnelle, que la motion fait partie intégrante du processus législatif de ce projet de loi en particulier. Il déclare que la Chambre doit prendre la décision d’adopter ou de rejeter la motion d’adoption de la proposition du Sénat visant à scinder le projet de loi. Par conséquent, il conclut qu’il est acceptable que le gouvernement donne avis d’une motion d’attribution de temps et qu’il la présente pour l’étude de la motion en cause.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé le lundi 7 avril dernier par le député de West Vancouver–Sunshine Coast au sujet de la motion d’adoption inscrite au Feuilleton qui fait suite au message du Sénat visant la scission du projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu.

Je tiens à remercier le député de West Vancouver–Sunshine Coast d’avoir soulevé cette question. J’aimerais également remercier le leader du gouvernement à la Chambre ainsi que le député de Vancouver-Est pour leur contribution à cet égard.

Le député de West Vancouver–Sunshine Coast a soulevé un certain nombre de questions intéressantes. Il a soutenu que le message du Sénat concernant le projet de loi C-10 ne pouvait être considéré comme une étape du projet de loi pas plus que la scission du projet de loi par le Sénat ne pouvait être considérée comme un amendement à celui-ci. Ainsi, selon lui, la motion d’adoption faisant suite au message du Sénat ne devrait pas figurer au Feuilleton sous la rubrique « Projets de loi émanant du gouvernement » comme une motion déposée en réponse à un amendement à un projet de loi, mais devrait plutôt être inscrite comme une motion du gouvernement.

Par conséquent, il a fait valoir que l’avis donné par le gouvernement en vue de limiter le débat sur la motion était invalide, puisque l’article 78 du Règlement ne peut être invoqué que pour écourter le débat sur une motion se rapportant à une étape d’un projet de loi et non pour écourter le débat sur une motion du gouvernement.

Au moment où le rappel au Règlement a été soulevé, j’ai indiqué que cette question avait déjà été discutée à la Chambre en décembre 2002, lorsqu’on a traité de la recevabilité de la motion et du risque d’atteinte aux privilèges de la Chambre que présentait la mesure prise par l’autre endroit pour scinder le projet de loi.

Dans la décision que j’ai rendue le 5 décembre 2002, j’ai indiqué qu’il n’y avait de prime abord, aucune atteinte aux privilèges. J’avais, à cette occasion, précisé ce qui suit :

[…] bien que le Président soit d’accord avec le Président Fraser quand il dit que les privilèges de la Chambre sont mis en cause lorsque le Sénat scinde un projet de loi de la Chambre sans avoir l’accord de cette dernière, ce n’est pas ce qui s’est passé en l’occurrence. De fait, on nous a demandé notre accord. […]

Voir les Débats de la Chambre des communes du 5 décembre 2002, page 2336.

Étant donné les conclusions contenues dans ma décision de décembre, la motion d’adoption faisant suite au message du Sénat concernant la scission du projet de loi est acceptable et a été présentée selon nos règles; par conséquent, je considère que la question de la recevabilité de la motion est réglée.

Dans ma décision de décembre, j’ai également fait savoir aux députés qu’ils auraient l’occasion, lorsque la motion serait présentée à la Chambre, de l’étudier et d’y proposer les amendements qu’ils jugeraient opportuns. Ce processus est déjà bien entamé. L’étude de la motion d’adoption de la demande du Sénat visant la scission du projet de loi C-10 a débuté le 6 décembre 2002 et des députés de l’Opposition officielle ont déjà proposé un amendement et un sous-amendement à la motion.

Le 14 février 2003, le gouvernement a donné avis d’une attribution de temps pour l’étude de la motion d’adoption faisant suite au message du Sénat, et il s’agit là de la question que j’aimerais maintenant aborder. Lors de son intervention, le député de West Vancouver–Sunshine Coast s’est demandé si le message du Sénat visant à faire adopter la scission du projet de loi C-10 pouvait effectivement être considéré comme un amendement et traité comme une étape du projet de loi aux termes de l’article 78 du Règlement. Dans ma décision de décembre, j’avais conclu que la motion était recevable et donc présentée à la Chambre selon nos règles.

Après avoir soigneusement examiné les arguments présentés à l’égard de cette situation exceptionnelle, j’arrive maintenant à la conclusion que la motion d’adoption faisant suite au message du Sénat concernant la scission du projet de loi C-10 fait effectivement partie intégrante du processus législatif de ce projet de loi particulier.

Le député de West Vancouver–Sunshine Coast a cherché à établir un parallèle entre cette situation et celle d’une motion de la Chambre donnant instruction à l’un de ses comités de scinder un projet de loi. Bien qu’on puisse prétendre qu’une telle motion est complémentaire au processus législatif déjà en cours et qu’elle n’en fait pas vraiment partie intégrante, dans le cas qui nous occupe, la motion visant à renoncer aux privilèges de la Chambre et à permettre à l’autre chambre de scinder le projet de loi C-10 fait clairement partie, à mon avis, du cheminement législatif propre à ce projet de loi.

Pour que ce projet de loi suive son cheminement législatif bien particulier — et de toute évidence sans précédent — jusqu’à la sanction royale et la proclamation, la Chambre doit prendre la décision d’adopter ou de rejeter la motion d’adoption de la proposition du Sénat visant à scinder le projet de loi. Par conséquent, j’estime que cette motion fait partie du processus législatif du projet de loi et ne constitue pas une motion supplémentaire visant à apporter quelque chose à un projet de loi dont la Chambre a été saisie.

Dans ces circonstances particulières, je conclus qu’il est acceptable que le gouvernement donne avis d’une motion d’attribution de temps et présente celle-ci conformément à l’article 78 du Règlement pour l’étude de la motion en cause. J’attire l’attention des députés à la page 563 du Marleau et Montpetit, où il est dit ce qui suit à propos de l’attribution de temps :

[…] même si le Règlement permet au gouvernement de négocier avec les partis d’opposition en vue d’adopter un calendrier pour faire étudier par la Chambre un projet de loi à une ou à plusieurs étapes (y compris l’étude des amendements apportés par le Sénat), il lui permet aussi d’imposer au débat des limites de temps strictes.

Par conséquent, je conviens avec le député de West Vancouver–Sunshine Coast qu’il s’agit effectivement d’un cas sans précédent. À défaut d’un usage ou d’une règle définitive de la Chambre quant à la proposition du Sénat de scinder des projets de loi de la Chambre, la présidence croit qu’il vaut mieux faire preuve d’excès de prudence. Le Sénat a demandé en bonne et due forme le consentement de la Chambre à la scission du projet de loi et attend maintenant notre décision avant d’aller plus loin. Comme l’a souhaité le Sénat, cette motion demande clairement le consentement de la Chambre à la scission du projet de loi C-10. Ce dialogue fait partie intégrante du processus législatif propre au projet de loi C-10 et le Président est par conséquent tenu de reconnaître que la procédure retenue est acceptable dans les circonstances.

J’aimerais encore une fois profiter de cette occasion pour rappeler aux honorables députés qu’ils peuvent toujours débattre de la motion et y proposer des amendements, en conformité avec les règles de la Chambre.

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[1] Débats, 7 avril 2003, p. 5182-5184.

[2] Débats, 7 avril 2003, p. 5185-5187.

[3] Débats, 5 décembre 2002, p. 2334-2336.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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