Le processus législatif / Forme des projets de loi
Projets de loi omnibus : demande de division
Débats, p. 5328-5329
Contexte
Le 20 septembre 2001, Vic Toews (Provencher) soulève la question de privilège à l’égard du projet de loi C-15, Loi de 2001 modifiant le droit criminel. M. Toews soutient qu’il s’agit d’un projet de loi omnibus contenant plusieurs principes n’ayant aucun rapport entre eux, ce qui entrave la capacité des députés de discuter et de voter sur le projet de loi de façon responsable et intelligible. À son avis, l’affaire devrait constituer une question de privilège, parce que le travail des députés à titre de législateurs est menacé. Il estime que le projet de loi pourrait, selon certains critères, être divisé en cinq grands domaines. Enfin, alléguant qu’il est impossible pour l’opposition d’exprimer ses opinions, M. Toews demande au Président de se prévaloir de son pouvoir pour diviser le projet de loi. D’autres députés interviennent sur la question[1].
Résolution
Le Président rend sa décision immédiatement. Il déclare que la question de privilège n’est pas justifiée et qu’il traitera plutôt l’affaire comme un recours au Règlement. Il fait remarquer que presque tous les amendements du projet de loi C-15 concernent le Code criminel du Canada et ajoute qu’il n’y a aucun précédent où la présidence aurait divisé un tel projet de loi. Citant La procédure et les usages de la Chambre des communes (éd. 2000), il rappelle à la Chambre que la pratique canadienne n’autorise pas la présidence à diviser un projet de loi sous prétexte qu’il est complexe ou de caractère composite. Par conséquent, le Président statue qu’il n’appartient pas à la présidence de scinder un projet de loi à l’étude à la Chambre.
Décision de la présidence
Le Président : La présidence a étudié attentivement les arguments présentés par les députés ce matin. Je les remercie de leurs interventions.
À mon avis, la question de privilège n’est pas justifiée. Au mieux, un recours au Règlement est indiqué et je traiterai d’ailleurs la question comme telle. Je ne crois pas que les débats portant sur cette affaire mettent en cause le privilège de la Chambre.
Je ne puis que constater que le projet de loi C-15, dont la Chambre est saisie, apporte des modifications au Code criminel et à d’autres lois en conséquence. Il y a des modifications mineures mais presque toutes celles qui sont contenues dans ce volumineux projet de loi concernent le Code criminel du Canada.
J’imagine quel cauchemar ce serait pour le Comité permanent de la justice et des affaires juridiques s’il devait étudier un projet de loi contenant la totalité du Code criminel.
Cela s’est déjà produit, puisque la Chambre a eu à adopter le Code criminel à un moment donné. Le projet de loi à l’étude était beaucoup plus volumineux que le projet de loi C-15 dont nous sommes actuellement saisis, mais il a apparemment été adopté.
À ma connaissance, on n’a jamais demandé au Président de diviser le projet de loi en blocs. Si des arguments en ce sens ont été présentés, on ne les a pas retenus, car on n’a cité à la présidence aucun précédent où la présidence aurait divisé un projet de loi. Je l’ai constaté dans tous les arguments qui ont été présentés ce matin. J’ai demandé qu’on me réfère à une citation en ce sens, mais on n’en a trouvé aucune, car j’estime qu’il n’existe pas de précédent que la présidence ait divisé un projet de loi de ce genre.
Je ne puis que renvoyer la Chambre, comme l’a fait le leader du gouvernement à la Chambre dans son argumentation, et il l’a fait avant moi, aux articles de Marleau et Montpetit qu’on m’a cités après que j’ai reçu l’avis de la question de privilège du député de Provencher, hier. Permettez-moi de citer de nouveau ces dispositions :
Il est en effet tout à fait admissible, sur le plan de la procédure, qu’un projet de loi modifie, abroge ou édicte plusieurs lois à condition d’en donner le préavis, de l’assortir de la recommandation royale (au besoin) et de respecter la forme exigée. Pour ce qui est, toutefois, d’amener la présidence à diviser un projet de loi simplement parce qu’il est complexe ou de caractère composite, nombre de précédents permettent de conclure que la pratique canadienne n’autorise rien de tel.
Le passage cité à l’appui comprend par exemple les décisions de Madame le Président Sauvé qui ont été évoquées dans l’argumentation. Elle a refusé de scinder le projet dont la Chambre était saisie, ce qui a provoqué beaucoup d’agitation et l’incident des cloches.
Puis, bien entendu, il y a eu la décision du Président Fraser, à qui on avait demandé de scinder le projet de loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. C’était en juin 1988, et je sais que le leader du gouvernement à la Chambre est peut-être intervenu dans ce débat en juin. S’il a laissé entendre que quelqu’un que je connais personnellement est intervenu, il fait erreur. Je n’ai été élu qu’en novembre 1988, et je ne suis pas intervenu dans ce débat. De toute façon, la demande de division du projet de loi a été rejetée, et le Président Fraser a déclaré ceci :
Tant que la Chambre n’aura pas adopté de règles précises concernant les projets de loi omnibus, le Président n’a aucun recours, et il doit s’abstenir d’intervenir dans le débat et laisser la Chambre régler la question.
À regret, je dois décider qu’il n’appartient pas à la présidence de scinder un projet de loi à l’étude à la Chambre. Je crois que l’argument serait plus solide s’il s’agissait ici de ce qu’on peut appeler un projet de loi omnibus, c’est-à-dire un projet de loi qui apporte une multitude de modifications à de nombreuses lois, comme c’était le cas, par exemple, pour le projet de loi de mise en œuvre du libre-échange, et non d’un projet de loi qui vise à modifier une seule loi fédérale.
À mon avis, ce n’est pas un recours au règlement et nous pouvons continuer le débat à la Chambre.
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[1] Débats, 20 septembre 2001, p. 5326-5328.