Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Les procédures financières / Travaux des subsides

Motions de l’opposition : recevabilité; semblable à une recommandation contenue dans un rapport de comité

Débats, p. 1149-1150

Contexte

Le 31 octobre 2002, un député présente une motion portant adoption du deuxième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Le débat commence, mais est interrompu par les Déclarations de députés; il est donc réputé reporté[1]. Plus tard au cours de la séance, Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes) invoque le Règlement au motif que la motion des subsides, qui porte sur l’élection par scrutin secret des présidents et vice-présidents des comités, que l’Opposition officielle a choisi de mettre à l’étude ce jour-là, est identique à une recommandation contenue dans le rapport précité. Le leader du gouvernement à la Chambre soutient que, selon la règle d’anticipation, une motion ne peut anticiper sur une affaire à débattre inscrite au Feuilleton et que, par conséquent, la motion de l’opposition est irrecevable. Le Président écoute les interventions d’autres députés à ce sujet[2].

Résolution

Le Président rend sa décision sur-le-champ. Il déclare que la règle d’anticipation n’est guère observée au Canada et qu’on a toujours accordé à l’opposition une grande latitude à l’égard de ses motions. Il juge donc la motion recevable.

Décision de la présidence

Le Président : Premièrement, la présidence remercie tous les députés de l’avoir aidé à régler cette importante question.

Je rappelle tout d’abord que le leader du gouvernement à la Chambre a invoqué hier le Règlement et exprimé des préoccupations devant la perspective que le Président lise, en vertu de l’alinéa 81(14)a) du Règlement, plus d’un avis de motion à débattre à l’occasion d’une journée d’opposition. Je veux m’assurer que la Chambre sait que j’ai pris cette question en délibéré et que je fournirai à tout le moins un avis à la Chambre sur cette question à une date ultérieure, étant donné qu’une des deux motions a maintenant été retirée.

En ce qui concerne la question de l’admissibilité de la motion proposée pour la journée de l’opposition d’aujourd’hui, ou de ce qu’il en reste, j’attire votre attention sur une décision rendue le 6 mars 1973 par le Président Lamoureux et précisant ce qui suit :

L’article du Règlement, comme l’a fait remarquer le député, laisse une grande latitude à l’opposition pour les motions qu’elle présente. C’est l’une des raisons pour lesquelles, depuis l’entrée en vigueur de cet article du Règlement, en 1968, aucune motion d’opposition n’a jamais été déclarée irrecevable. À plusieurs reprises, la présidence s’est demandée si une motion d’opposition ne soumettait pas à l’attention de la Chambre une question qui avait déjà fait l’objet d’une décision au cours de la session. Cependant, dans tous les cas, on a donné au motionnaire le bénéfice du doute.

Une recherche a été effectuée aujourd’hui, et l’on a été incapable de trouver une motion ayant été jugée irrecevable. Il se peut qu’il y en ait eu une ou deux, mais nous avons été incapables d’en trouver une. Ce fait aide la présidence à rendre sa décision aujourd’hui. Il semble qu’une très grande latitude ait toujours été accordée à l’opposition en cette matière. Je suis sûr que le Président continuera à agir de la sorte maintenant et dans l’avenir.

Le leader du gouvernement à la Chambre a cependant fait mention de la page 477 de Marleau et Montpetit, et en particulier de la règle interdisant d’anticiper. Vous me permettrez de citer un extrait figurant à la page 476 de Marleau et Montpetit et portant sur la règle interdisant d’anticiper. On y lit que :

À une certaine époque, la présentation d’une motion était assujettie à la « règle interdisant d’anticiper », qui n’est plus strictement observée. D’après cette règle, qui s’appliquait également à d’autres travaux, une motion ne pouvait anticiper sur une affaire inscrite au Feuilleton, qu’il s’agisse d’un projet de loi ou d’une motion, et s’inscrivant dans une démarche plus opportune.

Autrement dit, si, comme c’est le cas actuellement, une motion portant adoption d’un rapport de comité est inscrite au Feuilleton, l’argument invoqué par le leader à la Chambre, d’après ce que j’ai compris, est que la règle concernant l’anticipation interdit de présenter une autre motion identique ou similaire.

Le texte ajoute :

Alors que l’interdiction d’anticiper fait partie du Règlement de la Chambre des communes britannique, cela n’a jamais été le cas à la Chambre des communes canadienne. En outre, les mentions des tentatives faites pour appliquer cette règle britannique à la pratique canadienne restent plutôt vagues.

En l’occurrence, compte tenu du caractère vague des mentions en question, la présidence peut difficilement accepter l’argument présenté par le leader du gouvernement à la Chambre, à savoir que la règle qui interdit d’anticiper empêche l’opposition de présenter cette motion.

Le texte précise également ce qui suit :

La règle découle du principe qui interdit de soulever deux fois la même question dans la même session. Toutefois, elle ne s’applique pas aux motions ou projets de loi similaires ou identiques qui sont inscrits au Feuilleton des avis avant d’être mis en délibération. La règle interdisant d’anticiper entre en jeu uniquement lorsqu’on examine l’une des deux motions similaires inscrites au Feuilleton. Par exemple, deux projets de loi portant sur le même sujet peuvent être inscrits au Feuilleton, mais un seul sera débattu. Si on retire le premier, on peut aller de l’avant avec le second.

Je pourrais poursuivre. Le cas qui nous occupe concerne une motion tendant à l’adoption d’un rapport de comité dont la teneur est semblable à celle de la motion dont l’opposition veut saisir la Chambre aujourd’hui. On demande à la présidence de statuer que, parce que le libellé de la motion de l’opposition est semblable à celui du rapport du Comité, dont l’adoption a été proposée, les deux sont identiques, le second devant donc être jugé irrecevable, du moins pour l’instant, à cause de la règle qui interdit d’anticiper.

La présidence hésite beaucoup à faire cela parce que, selon elle, l’opposition a le droit de proposer la motion de son choix, quelle qu’elle soit, lors d’une journée de l’opposition. Comme on l’a fait remarquer, donner raison au gouvernement ici voudrait dire que, chaque fois qu’il y a une motion de l’opposition gênante que le gouvernement ne veut pas débattre, il pourrait présenter un rapport de comité, proposer l’adoption de ce rapport et empêcher ainsi la tenue du débat.

Je suis certain que ce n’était pas là le but de cet article du Règlement. Ce n’était certainement pas l’intention du Comité de modernisation lorsqu’il a dit qu’il fallait donner avis un jour à l’avance, ce qui permet de jouer ce genre de jeu, si je peux m’exprimer ainsi.

En conséquence, je dois dire que, selon moi, la motion de l’opposition est recevable. Je dis cela malgré l’offre très généreuse du leader du gouvernement à la Chambre, qui était prêt à permettre que la motion qui avait été retirée soit réinscrite à l’ordre du jour et débattue si j’avais rendu la décision contraire. Je reconnais sa grande générosité à cet égard, comme tous les députés de l’opposition, j’en suis certain, et nous lui sommes tous très reconnaissants.

Dans les circonstances, je juge que la motion proposée est recevable et j’ai l’intention d’en saisir dès maintenant la Chambre.

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[1] Journaux, 31 octobre 2002, p. 147-148.

[2] Débats, 31 octobre 2002, p. 1147-1149.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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