Les procédures financières / Travaux des subsides
Motions de l’opposition : recevabilité; adoption d’un projet de loi à toutes les étapes
Débats, p. 6790-6791
Contexte
Le 27 octobre 2009, Jay Hill (leader du gouvernement à la Chambre des communes) invoque le Règlement pour contester la recevabilité d’une motion de l’opposition inscrite au Feuilleton au nom de Bruce Hyer (Thunder Bay–Superior-Nord). La motion propose de faire franchir toutes les étapes du processus législatif au projet de loi C-311, Loi sur la responsabilité en matière de changements climatiques, après seulement quelques heures de débat, ce qui, selon le leader du gouvernement à la Chambre, ne peut se faire sans le consentement unanime. Après l’intervention d’autres députés, le Président déclare la motion irrecevable et précise qu’il reviendra sur la question avec une décision plus étayée[1].
Résolution
Le Président rend sa décision le 16 novembre 2009. Il rappelle aux députés que des modifications récentes aux règles relatives aux motions de l’opposition rendent le régime particulièrement sévère : premièrement, les règles prévoient ce qui correspond en fait à un mécanisme de clôture automatique, puisque la motion est mise aux voix à la fin de la journée, garantissant ainsi la prise d’une décision sur la motion; deuxièmement, aucune modification ne peut être apportée à la motion sans le consentement du motionnaire. Il explique que les motions de l’opposition présentées lors des jours désignés n’ont jamais été envisagées comme un moyen d’accélérer l’adoption des projets de loi ou de contourner le processus législatif et que la motion, dans son libellé actuel, n’offre pas aux députés l’occasion de débattre du projet de loi, ce qui revient dans les faits à contourner le processus législatif. C’est pour ces raisons qu’il a déclaré la motion irrecevable.
Décision de la présidence
Le Président : À l’ordre, s’il vous plaît. Je demande l’indulgence de la Chambre.
Le mardi 27 octobre 2009, le leader du gouvernement à la Chambre a invoqué le Règlement quant à la recevabilité d’une motion de l’opposition inscrite au Feuilleton des avis le 26 octobre dernier au nom du député de Thunder Bay–Superior-Nord. La députée de Vancouver-Est est intervenue dans l’affaire, tout comme le député de Wascana. Afin d’éviter que les travaux de la Chambre ne soient retardés, j’ai alors déclaré sur-le-champ que la motion était irrecevable en promettant de faire part à la Chambre d’une décision pleinement étayée à une date ultérieure.
J’aimerais donc maintenant exposer à la Chambre les motifs de ma décision.
Permettez-moi d’abord de rappeler aux députés le libellé de la motion inscrite au Feuilleton des avis, à savoir, et je cite :
Que le projet de loi C-311, Loi visant à assurer l’acquittement des responsabilités du Canada pour la prévention des changements climatiques dangereux, soit réputé avoir fait l’objet d’un rapport sans amendement du comité, réputé avoir été adopté à l’étape du rapport et réputé lu une troisième fois et adopté.
Lorsqu’il a expliqué pourquoi la motion devait à son avis être déclarée irrecevable, le leader du gouvernement à la Chambre a fait valoir comme principal argument que ce que la motion proposait n’était possible qu’avec le consentement unanime de la Chambre.
Il a ajouté que le mieux que l’on puisse faire pour accélérer l’adoption d’un projet de loi sans obtenir le consentement unanime de la Chambre était de présenter une motion qui tient compte de chaque étape séparément avec un vote distinct pour chacune d’elles. Il a soutenu qu’autrement il suffirait à un parti de l’opposition de déposer une motion draconienne du même genre à l’égard de tout projet de loi d’initiative parlementaire pour lui faire franchir rapidement toutes les étapes du processus législatif.
Pour sa part, la leader à la Chambre du NPD a souligné la grande latitude dont jouissent les partis de l’opposition pour le choix des motions qu’ils présentent lors des journées de l’opposition.
Pour étayer son argument, elle a cité La procédure et les usages de la Chambre des communes, où l’on peut lire ceci à la page 724, et je cite :
Le Règlement donne énormément de latitude aux députés pour les motions de l’opposition présentées lors des jours consacrés à l’étude des subsides et à moins que la motion ne soit nettement et indubitablement irrégulière (c’est-à-dire qu’on ne puisse réellement pas soutenir, du point de vue de la procédure, qu’elle est recevable), la présidence n’intervient pas.
Les députés se souviendront que, le 21 mars 2007, dans une affaire semblable à celle qui nous occupe, j’ai déclaré irrecevable une motion de l’opposition inscrite au Feuilleton des avis au nom de la députée de Notre-Dame-de-Grâce–Lachine. Cette motion visait à faire franchir toutes les étapes du processus législatif à plusieurs projets de loi d’initiative ministérielle, d’une manière analogue à celle prévue dans la motion du député de Thunder Bay–Superior-Nord.
Comme je l’ai indiqué dans une décision subséquente, rendue le 29 mars 2007, la présidence intervient rarement à l’égard des motions de l’opposition et, lorsqu’elle le fait, c’est que la motion est « nettement et indubitablement irrégulière ». Dans cette décision, j’ai aussi expliqué qu’il n’y a absolument rien dans les ouvrages de procédure qui indique que les motions de l’opposition présentées lors des jours des crédits aient été envisagées comme un moyen d’accélérer l’adoption de projets de loi inscrits ailleurs au Feuilleton. À la page 701 de La [procédure][2] et les usages de la Chambre des communes, on souligne l’un des principes clés qui sous-tendent les travaux de crédits, à savoir « Qu’il doit être tenu compte des doléances de la Chambre » — et, par extension, de l’opposition par l’intermédiaire des motions qu’elle présente lors des jours désignés […]
[…] avant qu’elle examine et approuve les demandes budgétaires de la Couronne […]
Comme je l’ai affirmé en 2007 dans les Débats du 29 mars, à la page 8138, il est évident, à en juger par l’historique parlementaire, que les motions de l’opposition présentées lors des jours désignés n’ont jamais été perçues comme un moyen de contourner le processus législatif. Voici ce que j’ai alors dit, et je cite :
L’exigence très contraignante de consentement unanime constitue une protection essentielle qui garantit que toute mesure présentée à la Chambre sera examinée en profondeur et avec soin. Ce qui est proposé non seulement fait disparaître cette protection, mais également tire parti du régime sévère des jours des subsides. À cet égard, il importe de noter que la priorité est accordée aux motions de l’opposition plutôt qu’aux motions de crédits du gouvernement lors des jours désignés.
En outre, des modifications récentes apportées aux règles relatives à ces motions constituent un régime particulièrement sévère : premièrement, les règles prévoient ce qui correspond en fait à un mécanisme de clôture automatique, puisque la motion est mise aux voix à la fin de la journée, garantissant ainsi la prise d’une décision sur la motion; deuxièmement, aucune modification ne peut être apportée à la motion sans le consentement du motionnaire.
En revanche, toute motion pouvant être présentée par le gouvernement pour accélérer l’étude d’un projet de loi serait sujette à débat et à amendement, et l’imposition d’une attribution de temps ou de la clôture exigerait la mise aux voix d’une question distincte de la motion proposant l’adoption du projet de loi à l’une ou l’autre des étapes du processus législatif.
De plus, comme je l’ai mentionné au moment où j’ai déclaré la motion irrecevable, celle-ci est libellée de façon qu’elle n’offre pas aux députés l’occasion de débattre du projet de loi, ce qui revient dans les faits à contourner le processus législatif. Bien que la présidence soit consciente de la vaste latitude dont jouit l’opposition à l’égard des motions présentées lors des jours désignés, il est de mon devoir, en ma qualité de Président, de veiller à ce que les affaires soumises à la Chambre soient conformes aux règles de celles-ci. Les raisons que je viens d’énumérer montrent clairement pourquoi la motion du député de Thunder Bay–Superior-Nord a été déclarée irrecevable.
En terminant, je demande aux députés de tenir compte des décisions rendues aujourd’hui et le 29 mars 2007 lors de la préparation de motions de l’opposition. J’accorderai la latitude habituelle aux parrains des motions devant faire l’objet d’un débat lors des travaux des crédits, mais je compte sur leur coopération pour respecter — et ne pas dépasser — les limites habituelles de ces motions.
Je remercie la Chambre de l’attention qu’elle a portée à cette question.
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[1] Débats, 27 octobre 2009, p. 6245-6246.
[2] Les Débats publiés indiquaient « pratique » au lieu de « procédure ».