Les procédures financières / Travaux des subsides
Phase législative : budget supplémentaire des dépenses; recevabilité d’un crédit
Débats, p. 7453-7455
Contexte
Le 1er novembre 2001, John Williams (St. Albert) invoque le Règlement relativement à deux crédits inscrits dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2001-2002[1], déposé à la Chambre plus tôt en journée : le crédit 10 d’Environnement Canada et le crédit 10 de Ressources naturelles Canada. M. Williams soutient qu’ensemble, ces crédits constituent une subvention de 100 millions de dollars à la Fondation du Canada pour l’appui technologique au développement durable, dont deux sommes de 25 millions de dollars correspondant à chacun des crédits ont déjà été transférées, en avril 2001, à une société sans but lucratif appelée la Fondation du Canada pour l’appui technologique au développement durable à partir du crédit pour éventualités du Conseil du Trésor. Il fait valoir que le projet de loi C-4, Loi sur la Fondation du Canada pour l’appui technologique au développement durable, la mesure législative prévoyant la prorogation de la société sans but lucratif en tant que fondation, n’a reçu la sanction royale qu’en juin 2001. M. Williams conteste l’utilisation apparente par le gouvernement d’un crédit pluriannuel de même que du processus budgétaire et de lois portant octroi de crédits pour engager des fonds dans des programmes n’ayant pas fait l’objet d’une autorisation législative. Il demande donc à la présidence de déclarer irrecevables le crédit 10 d’Environnement Canada et le crédit 10 de Ressources naturelles Canada[2]. Après avoir entendu un autre député, le Président prend l’affaire en délibéré[3].
Résolution
Le Président rend sa décision le 22 novembre 2001. Il déclare qu’en l’instance, il ne peut être question d’un crédit pluriannuel et qu’il n’y a pas eu tentative de légiférer au moyen du processus budgétaire. Selon sa conclusion, bien que les subventions aient fait l’objet d’une autorisation législative, aucune demande d’autorisation n’a été présentée au Parlement dans le cadre du processus d’affectation des crédits pour les subventions antérieures de 50 millions de dollars; en outre, il estime que les notes contenues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) à l’égard du versement de ces sommes ne sont pas suffisantes pour être considérées comme une demande d’autorisation des subventions. Le Président se dit préoccupé par le manque de clarté et de transparence de l’affaire, mais s’abstient de déclarer irrecevables les crédits contestés, en faisant valoir que le gouvernement a amplement le temps de corriger le tir en présentant une demande de crédit au Parlement par le truchement du budget supplémentaire.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé le jeudi 1er novembre 2001 par le député de St. Albert au sujet de deux crédits du Budget supplémentaire des dépenses : le crédit 10, de 50 millions de dollars, pour le Fonds d’appui technologique au développement durable sous la rubrique « Environnement Canada », et le crédit 10, de 50 millions de dollars également, pour le Fonds d’appui technologique au développement durable, sous la rubrique « Ressources naturelles Canada ».
Dans son intervention, le député de St. Albert a fait valoir que ces crédits devraient être déclarés irrecevables pour deux raisons. Tout d’abord, il considère que la dépense de 100 millions de dollars aux fins du financement de la Fondation du Canada pour l’appui technologique au développement durable constitue un crédit pluriannuel. Ensuite, il soutient qu’il y a déjà eu un transfert de fonds à ces fins sans l’approbation du Parlement.
Il a invoqué à l’appui de ses arguments les observations de la vérificatrice générale, qu’on lit dans les Comptes publics du Canada 2000-2001, document déposé à la Chambre le 27 septembre 2001. Elle y fait part de ses graves préoccupations quant aux circonstances de l’octroi de ces subventions.
J’aimerais remercier l’honorable député de St. Albert d’avoir soulevé la question et je voudrais aussi souligner la contribution de l’honorable leader du gouvernement à la Chambre à cet égard.
J’aimerais, d’entrée de jeu, attirer l’attention de la Chambre non seulement sur la gravité de la question, mais aussi sur sa complexité. Je demanderais aux honorables députés d’être indulgents pendant que je passe en revue les événements qui lui ont donné naissance.
Permettez-moi de présenter la chronologie des événements, qui pourra nous éclairer.
La première annonce de la subvention pour l’appui technologique au développement durable a été faite dans l’exposé budgétaire présenté à la Chambre par le ministre des Finances le 28 février 2000. Le texte législatif qui appuyait cette initiative, le projet de loi C-46, Loi créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l’appui technologique au développement durable, est resté en plan au Feuilleton lors de la dissolution de la 36e législature.
Au début de la législature actuelle, le 2 février 2001, un nouveau projet de loi portant le numéro C-4 a été déposé et lu pour la première fois.
Outre les dispositions que contenait le projet de loi C-46, le projet de loi C-4 permet au gouvernement de désigner une société déjà constituée sous le régime de la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes, de manière qu’elle soit prorogée en tant que Fondation du Canada pour l’appui technologique au développement durable. Une société sans but lucratif de ce genre a été établie en mars 2001. Au début d’avril dernier, Ressources naturelles Canada et Environnement Canada ont chacun accordé 25 millions de dollars à cette société sans but lucratif à partir de fonds transférés du crédit pour éventualités du Conseil du Trésor pour l’exercice en cours.
Le 14 juin 2001, le projet de loi C-4, Loi créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l’appui technologique au développement durable, a reçu la sanction royale et est ainsi devenu loi avant le dépôt du Budget supplémentaire des dépenses (A). Il n’y a donc pas lieu de croire qu’il y ait eu tentative de prendre des mesures législatives par le biais des crédits.
La présidence n’a décelé, dans le processus d’affectation de crédits, aucune demande d’autorisation visant ces deux versements à la société. En d’autres mots, ni le Budget principal des dépenses pour 2001-2002, ni les crédits provisoires ne mentionnent ces subventions. Il s’agit d’un point important et nous y reviendrons plus tard.
Cela dit, et il s’agit d’un aspect technique de grande importance, les sommes transférées à Ressources naturelles Canada et à Environnement Canada pour effectuer ces paiements provenaient du crédit pour éventualités du Conseil du Trésor pour l’exercice en cours. En conséquence, il ne peut être question ici d’un crédit pluriannuel. Cela répond à la première préoccupation du député.
Il reste à examiner l’allégation voulant que les dépenses initialement faites n’aient jamais été approuvées. J’ai dit plus tôt n’avoir pu trouver aucune autorisation visant les subventions initiales totalisant 50 millions de dollars, que ce soit dans le Budget principal des dépenses de 2001-2002 ou dans les crédits provisoires.
Revenons donc aux demandes contenues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour 2001-2002, déposé à la Chambre le 1er novembre.
On retrouve à la page 74 du Budget supplémentaire des dépenses, au crédit 10 sous la rubrique « ministère de l’Environnement », une demande de 50 millions de dollars pour le Fonds d’appui technologique au développement durable. Une note précise que : « L’avance de fonds d’un montant de 25 000 000 $ provient du crédit pour éventualités du Conseil du Trésor en vue de financer temporairement ce programme. » Une note similaire figure à la page 127, pour le même programme, au crédit 10 sous la rubrique « ministère des Ressources naturelles ». Par conséquent, un total de 100 millions de dollars est demandé pour le Fonds d’appui technologique au développement durable.
Cela soulève deux questions.
La première a trait à la confusion entre le « Fonds » mentionné dans le Budget supplémentaire des dépenses et la « Fondation » constituée par le projet de loi C-4.
Ni le projet de loi C-4, ni son prédécesseur, le projet de loi C-46, ne font mention du « Fonds d’appui technologique au développement durable ». En fait, lors du débat sur le projet de loi C-4 à l’étape de la deuxième lecture, l’honorable ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé a déclaré, et je cite les Débats du 19 février 2001, page 852 :
C’est dans le budget de 2000 que nous avons annoncé l’intention du gouvernement de créer une fondation, avec une mise de fonds initiale de cent millions de dollars, dans le but de stimuler le développement et le déploiement de nouvelles technologies [de l’] environnement relatives, notamment, aux changements climatiques et à la pollution atmosphérique. En présentant le projet de loi C-4, nous respectons l’engagement pris dans le budget de 2000. Ce projet de loi crée la structure organisationnelle et définit le statut juridique et le mode de fonctionnement de la nouvelle fondation.
Je suis porté à conclure, à la lumière de la déclaration du ministre, que les fonds demandés dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) visent le financement de la Fondation du Canada pour l’appui technologique au développement durable, constituée en vertu du projet de loi C-4. Du point de vue de la procédure, une telle demande ne fait pas de problème.
Toutefois, le Budget supplémentaire des dépenses ne désigne pas la Fondation en tant que bénéficiaire, mais mentionne plutôt un Fonds d’appui technologique au développement durable.
La seconde question est le nœud du problème : quel lien y a-t-il, le cas échéant, entre les 100 millions de dollars demandés dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour la Fondation/le Fonds et les 50 millions de dollars déjà versés à la société sans but lucratif en avril dernier?
Comme je l’ai déjà dit dans l’exposé chronologique des événements, certaines notes du Budget supplémentaire des dépenses désignent le Fonds d’appui technologique au développement durable en tant que bénéficiaire d’un financement provisoire total de 50 millions de dollars par l’entremise du crédit pour éventualités du Conseil du Trésor. Par contre, cette somme a été versée à la société sans but lucratif préexistante, constituée aux termes d’une loi entièrement différente, la Loi sur les corporations canadiennes, et non aux termes du projet de loi C-4 constituant la Fondation.
La présidence n’arrive pas à voir en quoi la demande de financement de 100 millions de dollars est liée de quelque façon que ce soit aux subventions initiales versées à la société sous l’autorité de la Loi sur l’efficacité énergétique et de la Loi sur le ministère de l’Environnement. En termes plus simples, disons que les 100 millions de dollars demandés à l’heure actuelle ne peuvent servir à la fois à financer la Fondation et à rembourser les 50 millions versés antérieurement à la société à partir du crédit pour éventualités du Conseil du Trésor.
On retrouve, à la page 416 de la 4e édition de l’ouvrage de Bourinot, les commentaires suivants sur la question des budgets supplémentaires des dépenses : « Ces prévisions budgétaires sont ventilées en crédits ou en résolutions par lesquels des sommes précises sont affectées à des services déterminés. Elles sont disposées par postes de dépenses distincts de façon à fournir des renseignements complets sur tous les éléments qui y sont contenus. »
Le manque de clarté et de transparence qu’on relève dans le cas présent préoccupe sérieusement la présidence. Les demandes de fonds contenues dans le Budget sont liées à des programmes précis soumis à l’approbation préalable du Parlement. J’ai évidemment tenu compte du commentaire de la vérificatrice générale, exprimant l’avis que la Loi sur l’efficacité énergétique et la Loi sur le ministère de l’Environnement autorisaient ces subventions. Pourtant, l’autorisation qui aurait dû être demandée au Parlement, au cours du processus d’affectation des crédits, pour effectuer ces versements ne l’a jamais été. Voilà le point essentiel du problème de procédure soulevé par le député de St. Albert et je dois conclure que son analyse de la situation est exacte, bien que la solution qu’il propose ne puisse être retenue.
En résumé, la présidence conclut qu’aucune demande d’autorisation n’a jamais été présentée au Parlement pour les subventions de 50 millions de dollars versées en avril dernier à la société sans but lucratif. Elle est également d’avis que les notes contenues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) à l’égard du versement de ces sommes ne sont pas suffisantes pour être considérées comme une demande d’autorisation de ces subventions. En d’autres mots, l’autorisation demandée dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) ne peut être considérée comme comprenant une autorisation tacite de la subvention antérieure de 50 millions de dollars.
Néanmoins, puisque le gouvernement a amplement le temps de corriger le tir et de présenter au Parlement la demande appropriée par le processus du budget supplémentaire, la présidence ne s’étendra pas sur la question. Le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour 2001-2002 peut donc aller de l’avant.
Je tiens à remercier le député de St. Albert d’avoir porté cette question à l’attention de la Chambre. Je le félicite de sa vigilance sur les questions de budget et lui suis particulièrement reconnaissant d’avoir soulevé rapidement cette question complexe, ce qui a donné à la présidence le temps nécessaire pour l’examiner soigneusement. J’espère que ma décision n’aura pas semé la confusion.
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[1] Débats, 1er novembre 2001, p. 6801, Journaux, p. 777-779.
[2] Débats, 1er novembre 2001, p. 6802-6803.