Les règles du débat / Ordre et décorum
Langage non parlementaire : citer un document
Débats, p. 300-301
Contexte
Le 27 janvier 2009, peu après le début d’une nouvelle session, Michel Guimond (Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord) fait un rappel au Règlement qu’il avait déjà soulevé à la session précédente, le 3 décembre 2008[1]. Son rappel concerne des courriels provenant du public que Cheryl Gallant (Renfrew–Nipissing–Pembroke)[2] et Larry Miller (Bruce–Grey–Owen Sound)[3] avaient lus à la Chambre les 2 et 3 décembre 2008 et qui, selon lui, contenaient des propos antiparlementaires. Il demande au Président si les députés ont le droit de faire indirectement ce qu’ils n’ont pas le droit de faire directement. Le Président déclare qu’il ne rend pas de décision sur des questions soulevées dans les sessions ou législatures précédentes, mais que, comme la question est maintenant de nouveau soulevée, il peut la prendre en délibéré[4]. Le 29 janvier 2009, Mme Gallant et M. Miller présentent leurs excuses pour les propos que les autres députés ont trouvé offensants[5].
Résolution
Le Président rend sa décision le 3 février 2009. Il déclare que l’article 18 du Règlement de même que La procédure et les usages de la Chambre des communes (éd. 2000) interdisent clairement aux députés de tenir des propos injurieux à la Chambre. Bien que les députés soient autorisés à citer des extraits de correspondance privée, à condition d’en nommer l’auteur et d’assumer pleinement la responsabilité de leur contenu, le Président renvoie les députés à une décision du Président Parent selon laquelle les députés ne peuvent reprendre des mots d’une autre personne que les députés eux-mêmes n’ont pas le droit d’utiliser. Il exhorte ensuite les députés à utiliser un langage plus judicieux dans leurs interventions. Enfin, comme les députés concernés ont déjà exprimé des regrets à l’égard de leurs propos, le Président déclare l’affaire réglée.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé par l’honorable député de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord au sujet des propos lus en Chambre par l’honorable députée de Renfrew–Nipissing–Pembroke le mardi 2 décembre 2008.
Le député de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord avait soulevé ce rappel au Règlement une première fois le 3 décembre 2008 au cours de la session précédente et l’a soulevé de nouveau le 27 janvier 2009.
Je remercie le député d’avoir soulevé cette question ainsi que l’honorable leader du gouvernement à la Chambre et l’honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre pour leurs interventions le 3 décembre 2008.
Le député de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord s’est dit préoccupé par les propos qu’a lus la députée de Renfrew–Nipissing–Pembroke au cours du débat le 2 décembre dernier sur la motion du gouvernement portant sur l’énoncé économique et financier.
Il a demandé à la députée de retirer ses propos qu’il juge antiparlementaires et a, par la même occasion, demandé à la présidence une directive concernant le droit des députés de lire des extraits de courriels ou de lettres qui contiennent des propos qui ne sont pas normalement acceptés en Chambre.
Pour sa part, le leader du gouvernement à la Chambre s’est dit préoccupé par le bruit et le langage non parlementaire dont nous étions témoins à la Chambre à ce moment-là. Le secrétaire parlementaire a défendu, quant à lui, le droit de la députée de Renfrew–Nipissing–Pembroke de citer le texte contenu dans un courriel.
Je m’étais engagé à examiner cette question et ensuite à faire part à la Chambre de ma décision à ce sujet, mais la session a été prorogée le lendemain.
Comme l’a mentionné le député de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord lors de son intervention, l’article 18 du Règlement stipule que :
Aucun député ne doit parler irrévérencieusement du Souverain ou d’un autre membre de la famille royale, ni du Gouverneur général ou de la personne qui administre le gouvernement du Canada. Nul député ne doit se servir d’expressions offensantes pour l’une ou l’autre des deux Chambres ni pour un de leurs membres.
De plus, comme l’a mentionné le député de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord, l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes précise, à la page 525, que :
Les délibérations de la Chambre sont fondées sur une longue tradition de respect de l’intégrité de tous les députés. Par conséquent, l’utilisation de propos injurieux, provocants ou menaçants à la Chambre est strictement interdite. Les attaques personnelles, les insultes et les propos ou mots obscènes sont antiréglementaires.
Cette question a été soulevée à plusieurs reprises dans le passé. Il est vrai que les députés peuvent citer des extraits de documents. La procédure et les usages de la Chambre des communes mentionne à la page 517 :
Ils […]
en parlant des députés
[…] peuvent citer des extraits de correspondance d’origine privée à condition d’en nommer l’expéditeur ou d’assumer la pleine responsabilité de leur contenu.
Toutefois, mon prédécesseur, le Président Parent, a déclaré le 18 novembre 1998, à la page 10133 des Débats :
Je rappelle à tous les députés que nous ne pouvons reprendre dans cette enceinte des mots venant d’une autre personne qu’il ne nous est pas permis d’utiliser ici. Je vous demande à tous de faire preuve de prudence dans vos déclarations.
J’ai également signalé le 8 novembre 2006 que la présidence ne tolère pas l’utilisation par un député d’expressions non parlementaires en citant les propos d’une autre personne. Ayant revu l’ensemble des paroles qui ont causé cette difficulté — paroles que je n’oserais répéter — il est clair qu’elles étaient non parlementaires.
Le député de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord a eu tout à fait raison de souligner que les usages de la Chambre ne permettent pas que l’on fasse indirectement ce qu’il ne nous est pas permis de faire directement.
Je profite donc de l’occasion pour rappeler de nouveau aux honorables députés d’utiliser un langage plus judicieux dans leurs interventions. Le climat politique à la Chambre était très enflammé en décembre dernier, mais j’ose espérer qu’un climat modéré sera dorénavant de norme et, dans ce but, j’exhorte tous les députés à ne pas laisser de côté les règles de civilité et de courtoisie.
Je remercie la députée de Renfrew–Nipissing–Pembroke ainsi que le député de Bruce–Grey–Owen Sound pour les regrets qu’ils ont exprimés concernant les propos tenus les 2 et 3 décembre 2008. En conséquence, je considère que cette affaire est réglée. Je remercie la Chambre de son attention.
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[1] Débats, 3 décembre 2008, p. 576-577.
[2] Débats, 2 décembre 2008, p. 547-548.