Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Les règles du débat / Ordre et décorum

Langage non parlementaire : Questions orales; distinction entre traiter un ministre de « menteur » et employer le mot « mensonges »

Débats, p. 7082-7083

Contexte

Le 3 novembre 2009, Rick Dykstra (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) invoque le Règlement. Il allègue que, pendant la période des questions ce jour-là, Gilles Duceppe (Laurier–Sainte-Marie) a accusé plusieurs fois Jason Kenney (ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme) d’être un menteur et lui demande de se rétracter. M. Duceppe nie avoir traité le ministre de menteur, mais admet avoir employé le mot « mensonges », mot qui, soutient-il, est régulièrement accepté à la Chambre. Il refuse donc de se rétracter. Après avoir entendu un autre député, le Président encourage les députés à ne pas utiliser ces mots du tout, puis il mentionne qu’il examinera les enregistrements vidéo et que s’il constate un problème, il fera part de sa décision à la Chambre[1].

Résolution

Le Président rend sa décision le 23 novembre 2009. Il déclare qu’après avoir examiné le compte rendu et les enregistrements vidéo, il n’a pas réussi à discerner le mot employé à l’égard du ministre et que, par conséquent, il doit croire M. Duceppe sur parole, comme le veut la pratique établie. Il ajoute qu’il ne veut pas donner aux députés l’impression qu’ils peuvent prononcer des paroles sans tenir compte du contexte et sans se soucier de leur incidence sur le décorum de la Chambre. Par conséquent, il conclut que les propos de M. Duceppe ont semé suffisamment de désordre pour compromettre la dignité de la Chambre et que, pour cette raison, ils étaient non parlementaires. Il demande à M. Duceppe de les retirer.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé par l’honorable secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration le 3 novembre dernier concernant l’usage d’un langage non parlementaire par l’honorable député de Laurier–Sainte-Marie pendant la période des questions orales ce jour-là. Je remercie l’honorable secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration d’avoir porté cette question à mon attention, ainsi que l’honorable député de Laurier–Sainte-Marie, l’honorable député de Lévis–Bellechasse et l’honorable député de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord pour leurs commentaires.

Dans son intervention, le secrétaire parlementaire a allégué que le député de Laurier–Sainte-Marie avait accusé plusieurs fois le ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme d’être un menteur et a demandé au député de retirer ses paroles.

Pour sa part, le député de Laurier–Sainte-Marie a nié avoir traité le ministre de menteur, mais a admis avoir employé le mot « mensonges » en soutenant que l’usage de ce terme était régulièrement accepté à la Chambre.

Comme j’avais alors promis de le faire, j’ai examiné l’extrait pertinent du hansard et de l’enregistrement vidéo. Vu qu’il m’a été impossible de discerner le mot employé à l’égard du ministre, je me dois de croire sur parole le député de Laurier–Sainte-Marie comme le veut la pratique établie. Cela dit, je faillirais à mon devoir de Président si je laissais aux honorables députés l’impression qu’ils peuvent prononcer des paroles sans tenir compte du contexte et sans se soucier de leur incidence sur le décorum de la Chambre. À la page 619 de La [procédure] [2] et les usages de la Chambre des communes (deuxième édition), on peut lire ceci :

Lorsqu’il doit décider si des propos sont non parlementaires, le Président tient compte du ton, de la manière et de l’intention du député qui les a prononcés, de la personne à qui ils s’adressaient, du degré de provocation et, ce qui est plus important, de la question de savoir si oui on non les remarques faites ont semé le désordre à la Chambre. Ainsi, des propos jugés non parlementaires un jour pourraient ne pas nécessairement l’être le lendemain.

Le 26 mai 2009, dans une autre décision concernant l’usage d’un langage non parlementaire que l’on retrouve aux pages 3702 et 3703 des Débats, j’ai déclaré que :

[…] certains mots, même s’ils n’étaient pas adressés à une personne en particulier et n’étaient donc pas contraires au Règlement, peuvent néanmoins provoquer de l’agitation et être perçus comme offensants par ceux qui les entendent, et donc semer le désordre à la Chambre.
C’est l’utilisation de ce genre de langage que la présidence doit, selon le Règlement, non seulement décourager mais également dénoncer.

Cette déclaration est aussi pertinente aujourd’hui qu’elle l’était alors et elle est autant utile pour nous aider à déterminer si le langage des députés est acceptable.

Une fois de plus, j’exhorte les honorables députés de tous les partis à redoubler de discernement dans le choix de leurs mots. La maîtrise de soi, à un degré raisonnable, n’est pas un luxe; elle est indispensable à la tenue de débats civilisés et au maintien de la dignité de notre institution. C’est là un point qui a été souligné dans bon nombre des rappels au Règlement soulevés plus tôt aujourd’hui.

Par conséquent, dans l’affaire qui nous occupe, je me dois de conclure que les paroles du député de Laurier–Sainte-Marie ont semé suffisamment de désordre pour compromettre la dignité de la Chambre et que, pour cette raison, elles constituent des propos non parlementaires. Je lui demande donc de les retirer.

Je remercie les députés de leur attention.

Post-scriptum

M. Duceppe retire ses propos tout de suite après la décision du Président.

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[1] Débats, 3 novembre 2009, p. 6567.

[2] Les Débats publiés devraient lire « procédure » au lieu de « pratique ».

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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