Les comités / Mandat
Rapport : recevabilité mise en doute parce que le comité aurait outrepassé son mandat
Débats, p. 5924-5925
Contexte
Le 14 mai 2008, Jay Hill (ministre d’État et whip en chef du gouvernement) invoque le Règlement au sujet de la recevabilité du septième rapport du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, présenté à la Chambre plus tôt en journée. Le rapport recommande des modifications au Code régissant les conflits d’intérêts des députés[1]. Citant l’article 108 du Règlement, le whip en chef du gouvernement soutient que le Code relève du mandat du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre et que, par conséquent, le rapport déposé est irrecevable. Il ajoute qu’à la séance du Comité où le rapport a été adopté, le président, Paul Szabo (Mississauga-Sud), a d’abord jugé irrecevable la motion portant adoption du rapport, mais que sa décision a fait l’objet d’un rappel, qu’elle a été annulée et que la motion a été adoptée[2]. M. Szabo, pour sa part, avance que le Comité a sciemment adopté un rapport sur un sujet relevant du mandat du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre uniquement parce que ce Comité n’était pas en mesure de s’acquitter de ses fonctions et en raison du caractère urgent de l’objet du rapport. (Note de la rédaction : Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre n’avait pas encore élu de président et ne pouvait donc mener de travaux.) Après avoir entendu d’autres députés, le Président déclare que la situation particulière du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre ne justifie pas qu’un comité outrepasse le mandat que lui confère le Règlement. Le Président prend ensuite la question en délibéré[3].
Résolution
Le Président rend sa décision le 15 mai 2008. Il affirme que, conformément au Règlement, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a compétence pour examiner le Code régissant les conflits d’intérêts des députés et pour recommander des modifications aux dispositions pertinentes du Règlement, alors que le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique s’est vu confier un mandat différent, axé sur le fonctionnement du Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique. Selon le Président, le fait que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre ne pouvait pas mener ses travaux ne justifie pas qu’un autre comité s’approprie son mandat. Faisant valoir qu’il existe d’autres moyens pour débattre de la question et la résoudre, il affirme que le sujet du septième rapport ne relève pas du mandat du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique et que, par conséquent, il est irrecevable. Il déclare donc que le rapport est retiré d’office et qu’aucune autre délibération n’aura lieu à son sujet. Enfin, les deux avis de motion d’adoption du rapport inscrits au Feuilleton des avis sont aussi déclarés retirés d’office.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé par l’honorable secrétaire d’État et whip en chef du gouvernement le 14 mai 2008 en ce qui a trait à la recevabilité du septième rapport du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique qui a été présenté à la Chambre ce même jour.
Je remercie le secrétaire d’État et whip en chef du gouvernement d’avoir porté cette affaire à l’attention de la Chambre. Je remercie aussi le député de Mississauga-Sud, le député d’Acadie–Bathurst, le député de Scarborough–Rouge River et le secrétaire parlementaire de la ministre des Affaires intergouvernementales et ministre de la Diversification de l’économie de l’Ouest canadien pour leur contribution à cet égard.
Dans son intervention détaillée sur cette affaire, le whip en chef du gouvernement a soutenu que les recommandations contenues dans le septième rapport du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, qui cherche à modifier le Code régissant les conflits d’intérêts des députés, débordaient le mandat du Comité et devaient donc être jugées irrecevables. Il a signalé que même le président du Comité de l’éthique avait jugé que la question ne relevait pas du mandat du Comité, mais que sa décision avait été contestée et renversée par les membres du Comité.
Dans son intervention, le député de Mississauga-Sud a reconnu que le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique était bien conscient du fait que la question ne relevait pas de son mandat lorsqu’il a adopté son septième rapport recommandant des modifications au Code régissant les conflits d’intérêts. Toutefois, le député a fait valoir l’argument selon lequel le Comité avait raison d’agir ainsi parce le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui a la responsabilité de proposer de telles modifications, était actuellement incapable de s’acquitter de ses fonctions à cet égard. De plus, il a fait ressortir le caractère urgent de l’objet du rapport, soutenant que tout retard dans le règlement de cette question pourrait limiter injustement les droits et privilèges des députés. Bref, il a soutenu que les députés n’avaient aucun autre moyen à leur disposition pour régler rapidement cette question fondamentale.
Lors de son intervention, l’honorable député d’Acadie–Bathurst a convenu qu’il faudrait que cette question soit examinée le plus tôt possible. Il a également mentionné le principe de procédure bien connu selon lequel les comités sont maîtres de leurs délibérations.
Le député de Scarborough–Rouge River a reconnu que le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique avait outrepassé son mandat dans cette affaire, mais a laissé entendre que la compétence qu’il était en droit d’exercer du point de vue de la procédure suffisait peut-être pour que le rapport soit recevable.
Comme l’a signalé le secrétaire d’État et whip en chef du gouvernement, le sous-alinéa 108(3)a)(viii) du Règlement, qui traite du mandat du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, précise que ce mandat comprend « l’examen de toute question relative au Code régissant les conflits d’intérêts des députés et la présentation de rapports à ce sujet ». J’ajouterai que, conformément au sous-alinéa 108(3)a)(iii), c’est également le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre qui a le mandat de modifier le Règlement, dont le Code régissant les conflits d’intérêts est une annexe.
Par contre, l’alinéa 108(3)h) du Règlement, qui décrit le mandat du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, précise au sous-alinéa (iii) que ce mandat comprend « l’étude de l’efficacité, de l’administration et du fonctionnement du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique ainsi que de ses plans opérationnels et de dépenses, et la présentation de rapports à ce sujet », tandis qu’on peut lire au sous-alinéa (v) que ce mandat comprend également, « de concert avec d’autres comités, l’étude de tout projet de loi ou règlement fédéral ou de toute disposition du Règlement qui a une incidence sur l’accès à l’information ou la protection des renseignements personnels des Canadiens ou sur les normes en matière d’éthique des titulaires de charge publique ».
Les honorables députés se souviendront que la question du mandat du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique a été soulevée récemment et a fait l’objet d’une décision rendue par le Président le 14 mars 2008. Ainsi que mentionné dans cette décision, je désire citer encore une fois la page 879 de La Procédure et les usages de la Chambre des communes :
Le droit des comités de faire rapport à la Chambre s’étend uniquement aux questions relevant de leur mandat. Ils doivent alors indiquer en vertu de quelle autorité (Règlement ou ordre de renvoi) l’étude a été effectuée. Par le passé, dans les cas où le rapport d’un comité avait dépassé son ordre de renvoi ou abordé des questions non comprises dans celui-ci, le Président a déclaré le document complet, ou la partie incriminée, irrecevable.
Comme l’a mentionné le secrétaire d’État et whip en chef du gouvernement, le Président Parent a donné une orientation claire sur la question qui nous a été soumise dans la décision qu’il a rendue le 20 juin 1994, et que l’on retrouve à la page 5583 du hansard :
Bien que, selon la tradition de cette Chambre, les comités soient maîtres de leurs délibérations, ils ne peuvent instituer de procédure qui dépasse les pouvoirs que la Chambre leur a conférés.
Cette règle prévaut encore aujourd’hui et on ne la changera pas tout simplement en raison d’une situation qui a surgi devant un autre comité ou parce que l’on invoque l’urgence d’aborder une question ou la gravité de cette question.
Comme le savent les députés, et comme il est expliqué à la page 857 de l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des Communes, les décisions du président d’un comité peuvent faire l’objet d’un appel devant le comité. Cependant, les députés se souviendront peut-être que, dans la décision que j’ai rendue le 14 mars dernier, j’ai soulevé de sérieuses préoccupations au sujet des comités qui renversaient des décisions de leur président fondées du point de vue de la procédure, et des conséquences que cela pouvait entraîner. En l’occurrence, je trouve particulièrement troublant que le Comité ait décidé de procéder comme il l’a fait, en sachant très bien que ce qu’il faisait outrepassait son mandat.
D’après certains arguments présentés dans cette affaire, le septième rapport du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique était le seul moyen possible de s’occuper d’une question importante et urgente de façon expéditive. À mon avis, il existe d’autres moyens pour débattre et régler la question en cause. En outre, comme je l’ai déclaré le 14 mai, lorsque cette affaire a été soulevée, le fait que [le][4] Comité de la procédure et des affaires de la Chambre ne fonctionne pas en ce moment ne permet pas à d’autres comités de s’approprier son mandat.
Je tiens à rappeler aux députés que la présidence doit appliquer les règles de la Chambre comme elles sont écrites. Le sujet du septième rapport du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique ne relève clairement pas du mandat de ce Comité tel qu’il est énoncé à l’article 108 du Règlement. J’estime donc qu’il est irrecevable.
Pour cette raison, je déclare que le septième rapport du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique est retiré d’office et qu’aucune autre délibération n’aura lieu sur ce rapport. Par conséquent, les deux avis de motion d’adoption du rapport qui sont présentement inscrits au Feuilleton [des avis][5] au nom des députés de Moncton–Riverview–Dieppe et de Halifax-Ouest seront retirés.
Je remercie l’honorable secrétaire d’État et whip en chef du gouvernement d’avoir soumis cette affaire à l’attention de la présidence.
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[1] Septième rapport du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, présenté à la Chambre le 14 mai 2008 (Journaux, p. 818).
[2] Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, Procès-verbal, 13 mai 2008, séance no 34.
[3] Débats, 14 mai 2008, p. 5856-5860.
[4] Les Débats publiés devraient lire le mot « le » au lieu de « la ».
[5] Les mots « des avis » manquent dans les Débats publiés.