Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Les comités / Mandat

Rapport : recevabilité mise en doute parce que le comité aurait outrepassé son mandat

Débats, p. 4022-4023

Contexte

Le 10 juin 2010, Paul Szabo (Mississauga-Sud) invoque le Règlement concernant la recevabilité du troisième rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires. Le rapport, présenté à la Chambre plus tôt en journée, fait suite à l’étude du Comité sur l’allégation selon laquelle Derek Lee (Scarborough–Rouge River) faisait activement du lobbying auprès du gouvernement alors qu’il était député[1]. M. Szabo soutient qu’en étudiant cette allégation, le Comité a outrepassé son mandat, puisque, selon l’article 108 du Règlement, les questions liées au Code régissant les conflits d’intérêts des députés et la conduite des députés relèvent plutôt du mandat du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. M. Szabo fait également valoir que l’opinion dissidente soumise par M. Lee n’a pas été jointe au rapport, ce qui le rend incomplet. Après l’intervention d’un autre député, le Président prend l’affaire en délibéré[2].

Résolution

Le Président rend sa décision le 17 juin 2010. Il affirme tout d’abord que seuls les membres d’un comité peuvent soumettre des opinions dissidentes et que, puisque M. Lee n’est pas membre du Comité, son opinion dissidente ne peut être jointe au rapport. Il précise, toutefois, que cela ne rend pas le rapport invalide ou incomplet pour autant. Ensuite, en ce qui concerne la question principale, le Président fait remarquer que les comités ont le pouvoir de se pencher sur les questions que la Chambre leur renvoie et que leur pouvoir de faire rapport se limite aux questions qui relèvent de leur mandat ou que la Chambre leur a confiées expressément. Il déclare qu’un comité ne peut usurper les pouvoirs d’un autre comité et conclut que c’est précisément ce que le Comité a fait en présentant son troisième rapport. Il souligne que si un comité souhaite élargir la portée de son mandat, il doit en demander l’autorisation à la Chambre, qui le lui accorderait en adoptant une motion d’instruction. Par conséquent, il déclare le troisième rapport irrecevable et retiré d’office. Il déclare également retirée d’office la motion inscrite au Feuilleton portant adoption du rapport et ordonne qu’aucune autre délibération n’ait lieu sur le rapport. Le Président clôt sa décision en rappelant aux députés que malgré les pouvoirs considérables dont les comités jouissent, ils ont néanmoins la responsabilité de respecter leur mandat.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé le 10 juin dernier par le député de Mississauga-Sud au sujet de la recevabilité du troisième rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, présenté à la Chambre plus tôt ce jour-là.

Je remercie l’honorable député de Mississauga-Sud d’avoir porté cette question à l’attention de la Chambre ainsi que l’honorable député d’Eglinton–Lawrence pour ses observations.

Lors de son intervention, le député de Mississauga-Sud a indiqué que le troisième rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires faisait suite à une étude sur l’allégation selon laquelle le député de Scarborough–Rouge River faisait activement du lobbying auprès du gouvernement du Canada, et ce, comme député. Il a soutenu que c’est le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre qui, conformément au sous-alinéa 108(3)a)(viii) du Règlement, a le pouvoir de se pencher sur toute question liée au Code régissant les conflits d’intérêts des députés ou à leur conduite, et non le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires.

De plus, il a affirmé que le Comité avait outrepassé son mandat et que, par conséquent, son rapport était irrecevable.

Il a également déploré le fait que l’opinion dissidente du député de Scarborough–Rouge River, selon ce qu’il a appris, n’ait pas été jointe au rapport. Par conséquent, il estime que ce dernier est incomplet.

Permettez-moi de régler la question immédiatement. Selon l’alinéa 108(1)a) du Règlement, les annexes aux rapports doivent être présentés par les membres du Comité seulement. Or, puisque le député de Scarborough–Rouge River n’est pas membre de ce Comité, son opinion dissidente ne peut être jointe au rapport, qui demeure toutefois valide et complet.

Examinons maintenant ce que je considère comme la question essentielle dont est saisie la présidence : sur le plan de la procédure, le rapport est-il non valide du fait que le Comité a entrepris d’étudier une question qui ne relève pas du mandat prévu par le Règlement de la Chambre, et d’en faire rapport?

Le pouvoir d’un comité de se pencher sur les questions que la Chambre lui renvoie est incontestable. Il est précisé à la page 985 de la deuxième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes, et je cite :

Comme tous les autres pouvoirs des comités permanents, la faculté de faire rapport ne s’utilise uniquement que pour des questions relevant de leur mandat ou que la Chambre leur a confiées expressément. Chaque rapport doit d’ailleurs préciser l’autorité en vertu de laquelle il est présenté.

Le député d’Eglinton–Lawrence avait raison de dire que, bien que les comités soient maîtres de leurs agissements et puissent faire ce qu’ils veulent, ils ont été créés par la Chambre et sont tenus de respecter les intentions de celle-ci lors de leurs travaux.

Les restrictions imposées aux comités sont également précisées à la page 1048 de la deuxième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes, où il est écrit ceci :

Ces libertés ne sont toutefois pas totales ou absolues. D’abord, il est utile de rappeler que les comités sont une émanation, une création de la Chambre des communes. Cela signifie que les comités n’ont pas d’existence indépendante qui les autoriserait à faire usage de leur autorité à n’importe quelle fin et de n’importe quelle façon.

On écrit plus loin que :

[…] les comités ont la liberté d’organiser leurs travaux comme ils l’entendent en autant que leurs études ainsi que les motions et rapports qu’ils adopteront respectent les ordres de renvoi et instructions de la Chambre.

Les auteurs soulignent ensuite que les ordres de renvoi, les instructions, le Règlement de la Chambre et les décisions du Président priment sur les règles dont les comités sont susceptibles de se doter.

Autrement dit, même si un comité décide de mener une étude conformément à la procédure établie, il reste qu’il ne peut pas simplement usurper les pouvoirs d’un autre comité. Il doit plutôt demander à la Chambre l’autorisation d’élargir la portée de son ordre de renvoi. Voici ce qui est dit dans la 6e édition de l’ouvrage de Beauchesne, à la page 242, commentaire 831(3) :

Quand elle l’a jugé souhaitable, la Chambre a élargi au moyen d’une instruction la portée de l’ordre de renvoi d’un comité.

Ce n’est pas d’hier que la transgression des limites de leur mandat par les comités suscite de l’opposition. À titre d’exemple, pendant la 39e législature, le 15 mai 2008 — voir les Débats à la page 5924 —, la présidence a conclu que le septième rapport du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique outrepassait le mandat du Comité et qu’il était, par conséquent, irrecevable. J’en suis arrivé à la même conclusion lorsque, le 2 avril 2009 — voir les Débats aux pages 2301-2302 —, j’ai déclaré irrecevable le deuxième rapport du Comité permanent des finances.

Dans cette décision, j’ai affirmé ceci :

[…] la Chambre a pris grand soin de définir et de distinguer les responsabilités de ses comités, en particulier lorsqu’il peut sembler y avoir à première vue un chevauchement des compétences.

Pour les besoins de l’espèce, j’ai soigneusement examiné l’alinéa 108(3)c) du Règlement, qui précise le mandat du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires.

Il ne fait aucun doute pour la présidence que la Chambre n’a pas autorisé ce Comité à étudier des questions liées au lobbying. Le député de Mississauga-Sud a raison de dire que, conformément au sous-alinéa 108(3)a)(viii) du Règlement, c’est le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre qui détient le pouvoir d’examiner les questions relatives au Code régissant les conflits d’intérêts des députés ou à leur conduite. Le pouvoir d’examiner les autres questions liées au lobbying, y compris l’examen des rapports du commissaire au lobbying, a été conféré au Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique.

C’est pourquoi je dois conclure que le troisième rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires est irrecevable. En conséquence, je déclare que ce rapport est retiré d’office. De plus, je déclare que la motion portant adoption du rapport, inscrite au Feuilleton au nom du député de Winnipeg-Centre, est également retirée d’office et qu’aucune autre délibération n’aura lieu sur ce rapport.

À ce propos, je réitère un important message contenu dans la décision rendue le 2 avril 2009, et je cite :

Il est vrai [que la Chambre] accorde à ses comités des mandats généraux et des pouvoirs considérables, mais cela s’accompagne de la responsabilité de respecter le mandat et les limites de leur compétence.

Je remercie les honorables députés de leur attention.

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[1] Troisième rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, présenté à la Chambre le 10 juin 2010 (Journaux, p. 502).

[2] Débats, 10 juin 2010, p. 3640-3641.

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