Les comités / Travaux des comités
Conduite de la présidence : questions posées à un témoin jugées irrecevables; atteinte alléguée à la liberté d’expression d’un député
Débats, p. 10539-10540
Contexte
Le 19 mars 2002, Francine Lalonde (Mercier) soulève une question de privilège émanant de la décision de la présidente du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, Jean Augustine (Etobicoke–Lakeshore), de juger certaines questions irrecevables à la réunion du Comité tenue plus tôt en journée[1]. Mme Lalonde soutient qu’en vertu du paragraphe 111(2) du Règlement, le Comité avait le droit d’interroger Alfonso Gagliano, nommé par décret au poste d’ambassadeur du Canada au Danemark, sur ses qualités et sa compétence à occuper ce poste. Elle avance que la présidente a outrepassé ses pouvoirs en décidant d’empêcher les membres du Comité de poser des questions concernant l’expérience ministérielle du témoin. Elle allègue qu’il y a eu atteinte à ses privilèges, puisque la décision de la présidente, dont on avait fait appel en vain, a porté atteinte à sa liberté de parole. Après les interventions d’autres députés, Ralph Goodale (leader du gouvernement à la Chambre des communes, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits) plaide qu’il s’agit simplement d’un désaccord entre les membres du Comité sur la nature des travaux du Comité et soutient qu’étant donné que les comités sont maîtres de leurs travaux, c’est au Comité qu’il incombe de trancher le désaccord. Le Président prend la question en délibéré[2].
Résolution
Le Président rend sa décision le 18 avril 2002. Il déclare que, puisque les comités sont maîtres de leur destinée, c’est à eux qu’il revient de résoudre les problèmes de procédure qu’ils éprouvent. Il cite une décision du Président Fraser énonçant qu’il revient au comité de se prononcer sur la conduite de son président, à moins qu’il choisisse de faire rapport de la question à la Chambre. Il rappelle à la Chambre que lorsque certains membres du Comité ont fait appel de la décision de la présidente de refuser certaines questions destinées à M. Gagliano, sa décision a été maintenue. Le Président conclut qu’il ne peut substituer son jugement à la décision d’un comité ou de son président et que la présidence ne doit pas devenir un palier d’appel supplémentaire pour les décisions prises en comité.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée par l’honorable députée de Mercier le 19 mars 2002, au sujet de certaines mesures qu’a prises la présidente du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international au cours du témoignage, devant le Comité, de M. Alfonso Gagliano à titre de personne nommée par décret au poste d’ambassadeur canadien au Danemark.
J’aimerais remercier la députée de Mercier d’avoir soulevé cette question ainsi que les députés de Burnaby–Douglas, de Portage–Lisgar, de Cumberland–Colchester, de Winnipeg–Transcona, l’ancien député de Gander–Grand Falls, le leader du gouvernement à la Chambre, le secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et le député de Pictou–Antigonish–Guysborough, qui ont chacun apporté leur contribution à cet égard.
Lors de son intervention, l’honorable députée de Mercier a soutenu qu’il y avait eu atteinte à ses privilèges parlementaires lorsque la présidente du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a refusé certaines de ses questions, ce qui, selon l’honorable députée, a fait entrave à son droit de poser des questions exhaustives sur les qualités et la compétence du témoin à titre de nouvel ambassadeur.
L’honorable députée a expliqué que certains membres du Comité et elle-même avaient tenté de poser des questions au témoin conformément au paragraphe 111(2) du Règlement, autrement dit, d’examiner « les titres, les qualités et la compétence de l’intéressé et sa capacité d’exécuter les fonctions du poste auquel il a été nommé ».
Pour soutenir la légitimité de ses questions, la députée a cité le passage suivant, tiré de la page 876 de l’ouvrage La procédure et les usages [de] la Chambre des communes :
Toute question peut être admise s’il peut être prouvé qu’elle a un rapport direct avec l’aptitude de la personne à remplir le poste.
L’honorable députée a soutenu que la présidente du Comité avait outrepassé ses pouvoirs. L’interdiction, prononcée par la présidente, de poser des questions portant sur l’expérience de travail du témoin a empêché les députés de poser des questions pertinentes sur la capacité du candidat de remplir ses fonctions.
De plus, chaque député qui est intervenu a fait valoir l’importance fondamentale de la liberté de parole dans le cadre des travaux parlementaires.
J’ai trouvé, lors de l’étude des faits en cause, que les arguments présentés par les honorables députés exposaient le problème de façon claire et concise. Néanmoins, les honorables députés savent que les nombreux précédents rendus dans cette Chambre par mes prédécesseurs — dont je partage l’opinion — ont toujours conclu que les comités étaient maîtres de leur destinée. Il revient exclusivement au comité de résoudre les problèmes de procédure qu’il peut rencontrer. Les Présidents ont choisi presque invariablement — et, à mon avis, avec sagesse — de ne pas s’immiscer dans ces questions.
J’aimerais porter à l’attention des honorables députés une décision rendue à la Chambre le 26 mars 1990 par le Président Fraser à l’égard de mesures prises par le président du Comité permanent des finances de l’époque. Il s’est exprimé ainsi :
Le président d’un comité est élu par ce dernier. Comme le Président de la Chambre, il est le serviteur du corps qui l’a élu. Il répond de ses actes devant le comité et c’est là qu’on devrait normalement se prononcer sur sa conduite, tant que le comité n’a pas, le cas échéant, choisi de faire rapport à la Chambre — chose que ce comité n’a pas encore choisi de faire.
Contrairement aux décisions rendues par le Président de la Chambre, les décisions des présidents des comités peuvent faire l’objet d’un appel. Cela illustre de façon éloquente l’indépendance des comités.
Si je comprends bien, dans le cas qui nous occupe, la décision de la présidente du Comité de refuser certaines questions a fait l’objet d’un appel, mais cette décision a été maintenue. Bien que je comprenne la frustration des honorables députés, je ne peux substituer mon jugement à une décision, prise soit par la présidence d’un comité, soit par le comité lui-même. La présidence ne doit pas devenir un palier d’appel supplémentaire pour les décisions prises en comité. Les comités doivent rester maîtres de leur procédure.
Je suis convaincu que les présidents des comités continueront à s’acquitter consciencieusement de leurs responsabilités en rendant des décisions équitables et pondérées qui s’inspirent des traditions démocratiques de la Chambre. Les membres des comités doivent, pour leur part, chercher à résoudre les problèmes de procédure de façon que les règles soient respectées et que les délibérations en comité soient équilibrées et productives.
Je remercie encore une fois les honorables députés de leurs interventions.
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[1] Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, Procès-verbal, 19 mars 2002, séance no 65.
[2] Débats, 19 mars 2002, p. 9833-9838.