Les comités / Travaux des comités
Conduite de la présidence : interrompre un membre de comité pour que la question préalable soit proposée
Débats, p. 1949-1950
Contexte
Le 21 novembre 2002, Yvon Godin (Acadie–Bathurst) soulève une question de privilège au nom de son collègue, Joe Comartin (Windsor–St. Clair), étant donné que la question doit être soulevée à la première occasion. Sa question de privilège concerne la conduite du président du Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles, Raymond Bonin (Nickel Belt)[1]. Lors d’une réunion du Comité tenue plus tôt le jour même, M. Bonin a interrompu M. Comartin pendant le débat sur une motion visant à citer un témoin à comparaître devant le Comité, relativement à son étude du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, pour permettre à Benoît Serré (Timiskaming–Cochrane) de proposer que la motion soit mise aux voix, malgré les objections de M. Comartin. La motion de M. Serré a été adoptée et le président a immédiatement mis la motion principale aux voix[2]. M. Godin, citant La procédure et les usages de la Chambre des communes (éd. 2000), soutient que la séance aurait dû être suspendue ou levée. Après avoir entendu d’autres députés, le Président déclare que la présidence n’est pas une sorte de cour d’appel pour les décisions des présidents de comité, mais qu’il examinera néanmoins le compte rendu de la réunion et qu’il reviendra à la Chambre avec une décision. MM. Bonin et Comartin interviennent respectivement sur la question le 25 novembre 2002[3] et le 26 novembre 2002[4].
Résolution
Le Président rend sa décision le 27 novembre 2002. Il rappelle aux députés qu’il existe à la Chambre une tradition bien établie selon laquelle les comités sont maîtres de leurs travaux et que le Président n’est saisi d’une question concernant un comité que si le comité en fait rapport à la Chambre. Citant une décision du Président Fraser, il rappelle toutefois à la Chambre que, dans des circonstances spéciales très graves, le Président peut être appelé à se prononcer sur une question intéressant un comité même si le comité n’a pas fait rapport à la Chambre. Citant ensuite l’article 116 du Règlement, il souligne que la liberté accordée aux comités pour régir leurs travaux n’est pas absolue, et qu’on s’attend à ce que les comités se conforment aux règles et usages de la Chambre, sauf exception expresse comme dans le cas de l’article cité. Il reconnaît que les comités ne sont pas autorisés à employer la question préalable, mais fait observer que personne n’a contesté la décision du président, alors que les règles le permettent. Par conséquent, le Président statue que la question relève de la compétence du Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles et que c’est au Comité à trancher, et non au Président.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège qui a été soulevée par le député d’Acadie–Bathurst au nom du député de Windsor–St. Clair au sujet de choses qui se sont produites le jeudi 21 novembre 2002 durant la séance du Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles.
J’aimerais remercier l’honorable député d’avoir porté cette question à l’attention de la présidence, ainsi que l’honorable leader du gouvernement à la Chambre et les honorables députés de South Shore, de Sherbrooke et de Saint-Hyacinthe–Bagot pour leur contribution à cet égard. Je tiens également à remercier l’honorable député de Nickel Belt, président du Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles, et l’honorable député de Windsor–St. Clair pour leurs interventions ultérieures.
Il est allégué que, pendant que l’honorable député de Windsor–St. Clair était en train de débattre sa motion visant à faire comparaître un témoin devant le Comité, le président est intervenu pour proposer la mise aux voix de la motion, même si le député n’avait pas terminé son intervention.
En ma qualité de Président, je suis conscient de la responsabilité qui m’incombe de défendre les droits de tous les députés et en particulier ceux des députés qui représentent les points de vue minoritaires à la Chambre. Par contre, il existe une tradition bien établie dans cette enceinte qui veut que les comités soient maîtres de leurs travaux. En temps normal, la Chambre n’est saisie d’une question concernant un comité que si le comité lui en fait rapport en expliquant la situation à examiner.
Toutefois, il ne s’agit pas là d’une règle absolue. En effet, comme l’a déclaré le Président Fraser dans une décision rendue le 26 mars 1990, dans les Débats de la Chambre des communes, page 9756 :
[…] dans des circonstances spéciales très graves, le Président peut devoir se prononcer sur une question intéressant un comité bien que le comité n’ait pas fait rapport à la Chambre.
J’ai écouté attentivement les propos des intervenants lorsque cette question a été soulevée la première fois et j’ai également examiné les bleus de la réunion de comité en cause.
Il y a deux points que j’aimerais porter à l’attention de l’ensemble des députés. D’abord, je rappelle à tous que la liberté que la Chambre accorde à ses comités n’est pas absolue. À cet égard, l’article 116 du Règlement prévoit que :
Un comité permanent, spécial ou législatif observe le Règlement de la Chambre dans la mesure où il y est applicable, sauf les dispositions relatives à l’élection de l’Orateur, à l’appui des motions, à la limite du nombre d’interventions et à la durée des discours.
On s’attend à ce que les comités se conforment aux règles et usages de la Chambre, sauf exception expresse comme dans le cas de l’article susmentionné. Par ailleurs, je crois que tous les députés conviendront que, si un comité choisit d’exercer son jugement dans un domaine où il n’est pas tenu d’observer les usages de la Chambre, il doit le faire d’une façon normale et ordonnée. Cela signifie qu’il devrait procéder en adoptant des motions qui établissent les règles que le comité suivra pour régir ses travaux.
Le second point important à signaler dans le cas présent est l’interdiction d’utiliser dans les comités la question préalable, c’est-à-dire la motion proposant « que cette question soit maintenant mise aux voix ».
Il est bien dit à la page 786 de l’ouvrage intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes que l’emploi de la question préalable est interdit dans tous les comités de la Chambre, même un comité plénier. Cette règle figure dans tous les ouvrages qui font autorité, y compris la 1re édition d’Erskine May qui remonte à 1844. Ce n’est donc pas seulement le Président, mais aussi la Chambre comme telle qui s’attend à ce que ses comités mènent leurs travaux en respectant ces pratiques consacrées depuis longtemps.
Cela dit, il est aussi vrai que les comités jouissent d’une plus grande latitude dans la conduite de leurs travaux que ce qui se passe à la Chambre. Or, il peut arriver dans des circonstances particulières que la meilleure façon de procéder ne soit pas toujours évidente et, en fin de compte, la décision ultime est laissée à la discrétion du comité lui-même.
Même les décisions du président d’un comité peuvent être portées en appel devant le comité en entier. Le comité peut, s’il le juge indiqué, annuler la décision du président. Dans le cas qui nous occupe, je remarque qu’aucun appel n’a été interjeté à l’égard de la décision du président du comité.
En cas d’irrégularité ou si un comité estime qu’il y a eu manque de respect à l’égard de son autorité, il peut porter la question à l’attention de la Chambre et du Président au moyen d’un rapport à la Chambre.
Dans le cas présent, on a demandé au Président d’intervenir dans les travaux du Comité et d’annuler une mesure qui y a été prise. Des demandes de ce genre ont été faites à maintes reprises par le passé et les Présidents antérieurs ont tous, sans exception, résisté à la tentation d’intervenir.
La question initialement soulevée par le député d’Acadie–Bathurst au sujet de l’expérience vécue par le député de Windsor–St. Clair est une question qui relève de la compétence du Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles. C’est donc au sein de ce Comité qu’elle doit être tranchée. Malgré son importance, la question n’en est pas une où le Président se sent obligé d’intervenir.
Encore une fois, je tiens à remercier tous les honorables députés qui sont intervenus sur cette question.
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[1] Débats, 21 novembre 2002, p. 1738-1740.
[2] Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles, Procès-verbal, 21 novembre 2002, séance no 4.
[3] Débats, 25 novembre 2002, p. 1841-1842.
[4] Débats, 26 novembre 2002, p. 1912-1913.