Les comités / Travaux des comités
Transcriptions de délibérations à huis clos : motion portant publication des transcriptions perçue comme outrepassant le mandat du comité
Débats, p. 1968-1969
Contexte
Le 1er avril 2004, John Reynolds (West Vancouver–Sunshine Coast) invoque le Règlement au sujet d’une motion proposée au Comité permanent des comptes publics par Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grace–Lachine) en vue de rendre publiques les délibérations d’une réunion à huis clos de la session précédente et où Chuck Guité, un ancien fonctionnaire, avait témoigné[1]. Citant un précédent, M. Reynolds soutient qu’un témoignage à huis clos ne peut être rendu public que sur ordre de la Chambre et que le Comité, en envisageant de le faire de lui-même, outrepasse ses pouvoirs. Il ajoute que le Président doit rendre une décision avant que le Comité mette la motion aux voix. Après avoir entendu l’intervention d’un autre député, le Président prend la question en délibéré[2]. (Note de la rédaction : À sa réunion du jeudi 1er avril 2004, le Comité reprend l’étude de la motion et l’adopte, après quoi le président du Comité a décidé que la publication du témoignage serait retardée jusqu’à temps que le Président se prononce sur l’affaire. La décision du président est par la suite contestée puis infirmée[3].)
Résolution
Le Président rend sa décision plus tard au cours de la séance. Il affirme qu’il n’a pas le pouvoir de substituer son jugement à celui d’un comité avant la prise d’une décision lui revenant, ni le pouvoir d’anticiper une telle décision ou d’intervenir dans les délibérations internes d’un comité. Comme il n’est pas en mesure de citer une règle qui empêcherait un comité de rendre ce genre de renseignements publics, il statue qu’il revient aux membres du Comité de décider des mesures qu’ils jugent appropriées. Toutefois, il ajoute que si les députés estiment que le Comité a besoin de conseils sur la question, ils pourraient envisager de demander à la Chambre de lui donner des instructions.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé plus tôt aujourd’hui par l’honorable leader de l’Opposition à la Chambre au sujet des délibérations du Comité permanent des comptes publics.
Je voudrais remercier l’honorable leader de l’Opposition à la Chambre d’avoir présenté cet argument à la Chambre, ainsi que l’honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre de ses commentaires.
Le leader de l’Opposition à la Chambre a indiqué que le Comité des comptes publics était saisi d’une motion portant sur la divulgation d’un témoignage à huis clos donné devant ce Comité au cours de la première session de la présente législature. Il a fait valoir que, par le passé, les témoignages à huis clos n’ont pu être rendus publics que sur un ordre de la Chambre. Il a soutenu qu’il faudrait que le Comité demande un tel ordre et que, s’il décidait plutôt d’agir de sa propre initiative en l’occurrence, le Comité outrepasserait les pouvoirs que la Chambre lui a délégués. Au soutien de ses arguments, le leader de l’Opposition à la Chambre a cité une lettre adressée à l’honorable député de Notre-Dame-de-Grâce–Lachine par le Greffier de la Chambre dans laquelle celui-ci indique qu’il serait prudent que le Comité demande un tel ordre à la Chambre.
Le leader de l’Opposition à la Chambre a également souligné que, si aucun acte préventif n’était posé pour empêcher le Comité de rendre ce témoignage public, les dommages qui en résulteraient seraient irréversibles et qu’il était par conséquent nécessaire que le Président rende dès que possible une décision afin d’écarter cette éventualité.
Lors de son intervention, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre a signalé qu’il était contraire à nos usages d’intervenir sur une question dont un comité était saisi. Selon lui, la procédure appropriée consiste à attendre que le comité fasse rapport à la Chambre. C’est à ce moment que les allégations d’irrégularité de procédure peuvent être soulevées et que le Président peut rendre une décision à cet égard.
J’aimerais tout d’abord indiquer à quel point la présidence considère cette question comme étant de toute première importance. Le Règlement accorde aux comités de larges pouvoirs pour leur permettre d’effectuer leur travail. Ils jouissent également d’une grande latitude pour organiser leurs enquêtes comme ils l’entendent et contrôler leurs travaux.
Il n’en reste pas moins que les comités sont créés par la Chambre. Ils sont soumis aux dispositions applicables du Règlement et ne peuvent outrepasser les pouvoirs dont ils disposent ni se conduire de façon contraire aux usages et aux traditions de notre Chambre.
C’est précisément pour cette raison qu’il revient d’abord au Comité des comptes publics d’assumer la responsabilité de ses actions. Bien entendu, je suis d’accord avec le leader de l’Opposition à la Chambre que d’importantes questions de procédure sont en jeu ici. Et les membres du Comité en sont évidemment conscients, ayant demandé conseil au Greffier de la Chambre.
Cependant, le Président n’est pas autorisé à substituer son jugement à celui du Comité avant la prise d’une décision revenant à ce dernier. Les membres du Comité décideront, en tenant compte des règles de la Chambre et des précédents en la matière, des mesures qu’ils estiment appropriées dans les circonstances. Le Président n’a pas le pouvoir d’anticiper une telle décision ni d’intervenir dans les délibérations internes du Comité, comme je l’ai déjà signalé à maintes occasions.
Bien que je sois conscient du grand intérêt que la question à l’étude devant le Comité suscite chez tous les députés et tous les Canadiens, cela ne change en rien le rôle du Président ni son obligation de s’abstenir de s’ingérer dans les affaires du Comité. Si les députés estiment que le Comité a besoin de conseils supplémentaires sur cette question, autres que ceux déjà fournis, ils voudront peut-être envisager la possibilité que la Chambre donne des instructions au Comité.
Encore une fois, je tiens à remercier l’honorable leader de l’Opposition à la Chambre d’avoir soulevé cette question. Je suis sûr que nous pouvons compter sur sa vigilance soutenue à l’égard des délibérations du Comité et des questions soulevées par les rapports que le Comité présente à la Chambre. Voilà la décision que je rends aujourd’hui en cette matière.
M. John Reynolds (West Vancouver–Sunshine Coast, PCC) : Monsieur le Président, je respecte parfaitement votre décision. J’aimerais vous demander, étant donné les propos du secrétaire parlementaire du gouvernement, si ce Comité devra faire rapport à la Chambre avant que ce document ne soit rendu public. Je crains que le Comité contrevienne au Règlement de la Chambre avant que nous ayons la chance de trancher la question.
Pourrait-on m’expliquer s’il peut publier un tel document, compte tenu des commentaires du Greffier, qui estime que cela ne serait pas approprié?
Je sais que les comités peuvent faire comme bon leur semble. Toutefois, si ce Comité prévoit faire quelque chose qui pourrait gêner la Chambre des communes, que pouvons-nous faire? Ou, peut-on nous garantir que le Comité n’agira pas sur un coup de tête et qu’ensuite, nous devrons en subir les conséquences?
Le Président : Le député de West Vancouver–Sunshine Coast sait bien que nous ne sommes pas en mesure de citer une règle qui empêcherait un comité de décider de rendre ce genre de renseignements publics. Il n’y a rien de ce genre dans le Règlement. Le Greffier nous a parlé de ce qui s’est déjà fait par le passé. Comme je l’ai déjà dit, le Comité peut prendre ses propres décisions dans cette affaire.
Si la Chambre veut donner des directives au Comité, en changeant le Règlement ou en donnant un ordre précis par une motion au Comité, elle peut le faire, mais je suis d’avis que le Comité est maître de ses délibérations. Si, par exemple, quelque chose d’inacceptable devait se produire au cours des délibérations d’un comité, il serait trop tard pour que la Chambre puisse prendre une mesure en vue d’empêcher cette action de se produire.
Les députés ne sont pas sans savoir que la Chambre est appelée à se pencher sur des questions de ce genre de temps à autre. Il est déjà arrivé que des députés se plaignent des agissements d’un comité et demandent au Président de régler la question. Je l’ai déjà dit, le Président n’est pas en mesure de s’ingérer dans les travaux d’un comité. Le comité est maître de ses propres délibérations. La Chambre peut formuler des directives, mais si elles ne sont pas respectées, que peut-elle faire? Cela reste une question intéressante.
C’est peut-être pour cette raison que la Chambre ne donne pas souvent de directives aux comités, si ce n’est pour leur demander d’étudier une question, mais encore là, elle ne leur impose généralement pas une façon de le faire. Le comité est maître de ses actes et il prend ses propres décisions à cet égard.
Si le député voulait bien relire le texte de ma décision, il verrait que c’est exactement ce que j’ai dit, peut-être pas dans les mêmes termes, mais presque.
Note de la rédaction
Voir aussi une décision connexe rendue le 4 mai 2004[4].
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[1] Comité permanent des comptes publics, Procès-verbal, 31 mars 2004, séance no 18.
[2] Débats, 1er avril 2004, p. 1944-1945.
[3] Comité permanent des comptes publics, Procès-verbal, 1er avril 2004, séance no 19.
[4] Débats, 4 mai 2004, p. 2716-2717.