Les comités / Témoins
Témoignages : intimidation prétendue d’un fonctionnaire
Débats, p. 7239
Contexte
Le 26 novembre 2009, Jack Harris (St. John’s-Est) soulève une question de privilège. Il allègue que le gouvernement a fait supprimer des éléments de preuve devant être présentés au Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan[1]. Le Comité comptait invoquer son pouvoir de convoquer des témoins et d’exiger des documents afin d’obtenir les preuves que le gouvernement a fait supprimer en vertu des articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada. Le Comité avait reçu comme avis du légiste de la Chambre des communes que le privilège parlementaire a primauté sur les dispositions précitées de la Loi et que, par conséquent, ces dispositions n’empêchent pas les témoins de témoigner et de produire des documents au Comité. Le Comité a donc appelé Richard Colvin, haut diplomate, à comparaître. C’est alors que M. Colvin a reçu de son employeur, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, un courriel l’informant que le gouvernement ne reconnaissait pas l’avis du légiste et lui conseillant de se comporter conformément à l’interprétation que le gouvernement fait de la Loi sur la preuve au Canada. M. Harris soutient qu’un tel geste constitue un outrage au Parlement et une violation évidente du privilège des députés, en ce que le gouvernement tente d’intimider le témoin et de faire obstruction au bon fonctionnement du Comité. Tom Lukiwski (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes) fait remarquer que le Comité a adopté la veille une motion portant production de documents et que le gouvernement allait bientôt répondre[2]. D’autres députés interviennent aussi sur la question de privilège[3].
Résolution
Le Président statue immédiatement. Il affirme que sans un rapport du Comité, il ne peut conclure qu’il s’agit d’une question de privilège concernant la Chambre. Étant donné que le témoin a comparu devant un comité de la Chambre, le Président statue qu’il appartient au Comité de déterminer s’il y a eu atteinte à ses privilèges ou à ceux de ses membres, puis d’en faire rapport à la Chambre, sans quoi il ne peut se prononcer sur la question.
Décision de la présidence
Le Président : J’en ai assez entendu à ce sujet.
Je voudrais remercier les honorables députés qui ont soulevé cette question, surtout l’honorable député de St. John’s-Est, que je remercie de ses interventions à ce sujet.
À mon avis, il ne s’agit pas d’une question de privilège qui concerne la Chambre pour l’instant, et je dis bien « pour l’instant », car cela pourrait changer.
Le témoin en question comparaît devant un comité de la Chambre et non devant la Chambre. À mon avis, cette question de privilège devrait être soulevée au Comité. Le Comité a le pouvoir de décider si, oui ou non, il y a eu atteinte à ses privilèges, et il voudra le faire lorsqu’il verra les renseignements qui lui seront fournis par les témoins.
Les témoins n’avaient peut-être pas tous les documents avec eux le jour de leur comparution, mais il est possible que ces documents soient déposés ou apportés au Comité à une date ultérieure. Le Comité peut décider s’il a reçu ou non les renseignements qu’il était en droit de recevoir et s’il y a eu ou non atteinte à ses privilèges, et il peut ensuite présenter un rapport à la Chambre.
Si un rapport est présenté à la Chambre, c’est au Président de décider si ce rapport justifie qu’un député soulève une question de privilège à ce sujet, et cette affaire sera alors traitée en priorité à la Chambre, comme c’est le cas pour toute question de privilège.
Je renvoie les députés aux pages 151 et 152 de l’ouvrage d’O’Brien et Bosc, qui portent sur les comités. On peut y lire ceci :
Si le président du comité estime que la question concerne un privilège […] le comité peut alors envisager de présenter un rapport à la Chambre sur la question. Le président du comité recevra une motion qui constituera le texte du rapport. On devrait y exposer clairement la situation, résumer les faits, nommer les personnes en cause, indiquer qu’il pourrait y avoir atteinte aux privilèges ou outrage, et demander à la Chambre de prendre les mesures qui s’imposent. La motion peut être débattue et modifiée, et le comité devra l’étudier en priorité. Si le comité décide qu’il y a effectivement lieu de faire rapport de la question à la Chambre, il adoptera le rapport, qu’il présentera à la Chambre au moment prévu sous la rubrique « Présentation de rapports de comités » au cours des Affaires courantes.
Dès que le rapport lui aura été présenté, la Chambre sera officiellement saisie de la question. Après avoir transmis l’avis approprié, un député pourra ensuite soulever une question de privilège à ce sujet. Le Président accueillera la question et pourra entendre d’autres députés, avant de décider si les allégations constituent de prime abord matière à question de privilège. Comme le Président Fraser l’a noté en rendant une décision, « […] la présidence ne prononce pas de jugement sur cette question. Seule la Chambre peut le faire. La présidence se contente de décider en fonction des témoignages présentés si la question doit être abordée en priorité ». Si le Président décide qu’il y a atteinte aux privilèges de prime abord, la prochaine étape sera, pour le député qui a soulevé la question de privilège, de proposer une motion demandant à la Chambre de prendre les mesures qui s’imposent. Si le Président juge que la question de privilège n’est pas fondée de prime abord, elle n’aura pas priorité.
À mon avis, il s’agit clairement d’une question qui relève du Comité. S’il décide qu’il y a eu atteinte à ses privilèges et à ceux de ses membres, il peut présenter un rapport à la Chambre, après quoi nous pourrons traiter la question.
Selon moi, il n’y a pas eu atteinte aux privilèges de la Chambre pour l’instant. Il est possible qu’il y ait eu atteinte aux privilèges du Comité — et je ne me prononce pas sur ce point —, mais lorsque le Comité présentera un rapport, j’entendrai des arguments au besoin et rendrai une décision à ce moment-là, conformément à la pratique établie.
Je crois toutefois qu’il serait prématuré que le Président de la Chambre se prononce sur une question dont un comité est saisi sans qu’elle ait été soumise à la Chambre par le Comité lui-même, mais bien uniquement par le député. Le Comité devra décider de sa propre initiative si ce qui est arrivé constitue une atteinte aux privilèges du Comité ou de ses membres.
Nous allons nous arrêter là pour l’instant et passer à l’ordre du jour.
Post-scriptum
Le Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan a plus tard déposé son troisième rapport à la Chambre au sujet de cette question et de sa demande de production de documents[4]. Le 30 novembre 2009, Paul Dewar (Ottawa-Centre) a soulevé la question de privilège en se fondant sur ce rapport. Le Président a affirmé que le rapport ne contenait pas suffisamment d’information sur une atteinte présumée aux privilèges du Comité et que, par conséquent, il ne pouvait rendre de décision pour l’instant[5]. Le Président a rendu une décision sur une question de privilège connexe le 27 avril 2010[6].
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[1] Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan, Procès-verbal, 18 novembre 2009, séance no 15.
[2] Voir Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan, Procès-verbal, 25 novembre 2009, séance no 16.
[3] Débats, 26 novembre 2009, p. 7236-7239.
[4] Troisième rapport du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan, présenté à la Chambre le 27 novembre 2009 (Journaux, p. 1101).
[5] Voir Débats, 30 novembre 2009, p. 7386-7387.
[6] Voir Débats, 27 avril 2010, p. 2039-2045.