Les comités / Personnel de comité
Embauche de conseillers experts : rémunération; rôle et neutralité
Débats, p. 10725-10726
Contexte
Le 15 avril 2002, Roger Gallaway (Sarnia–Lambton) soulève une question de privilège au sujet de deux experts embauchés par le Comité permanent du patrimoine canadien. M. Gallaway soutient que le fait que le ministère du Patrimoine canadien fournisse des fonds pour rémunérer les experts va à l’encontre du principe de l’indépendance qui devrait normalement exister entre la Chambre et le pouvoir exécutif[1]. Selon lui, cela viole ses privilèges, puisque cela l’empêche de recevoir des services de la part d’experts complètement indépendants du pouvoir exécutif. De plus, il soutient que les commentaires formulés dans les médias par l’un des experts au sujet de députés et d’activités politiques contreviennent aux modalités du contrat et remettent en question la neutralité et l’objectivité des conseils qu’il a donnés[2]. Jim Abbott (Kootenay–Columbia) intervient pour appuyer la question de privilège[3]. Le 16 avril 2002, le président du Comité permanent du patrimoine canadien, Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis), soutient que le Comité est demeuré autonome dans sa décision, puisque ni le ministre, ni le ministère n’ont donné de directive au Comité. À la lumière de cette précision, M. Lincoln conclut que l’on n’a pas porté atteinte aux privilèges de M. Gallaway[4]. Le Président prend la question en délibéré.
Résolution
Le Président rend sa décision le 23 avril 2002. Étant donné que le Comité a convenu d’embaucher les experts en étant pleinement conscient qu’ils seraient rémunérés par le ministère du Patrimoine canadien, et étant donné que le contrat était conforme aux dispositions de l’article 120 du Règlement qui habilite le Comité à retenir les services de spécialistes, le Président explique qu’il n’a pas à intervenir dans l’affaire. En ce qui concerne les commentaires publics de l’un des experts, le Président statue qu’ils ne contiennent pas de propos non parlementaires et qu’ils ne peuvent être considérés comme empêchant un député d’exercer ses fonctions parlementaires; par conséquent, il n’y a pas matière à question de privilège. En outre, le Président fait valoir que si le Comité est d’avis que les commentaires formulés par l’un des experts révèlent un parti pris qui pourrait empêcher cet expert de donner des conseils impartiaux, le Comité pourrait examiner et régler lui-même la question.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le 15 avril 2002 par le député de Sarnia–Lambton au sujet des experts embauchés par le Comité permanent du patrimoine canadien dans le cadre de son étude sur l’état de la radiodiffusion au Canada.
J’aimerais remercier l’honorable député de Sarnia–Lambton d’avoir porté cette question à l’attention de la présidence, ainsi que les honorables députés de Kootenay–Columbia et de Lac-Saint-Louis de leur contribution à cet égard.
Lors de son intervention, le député de Sarnia–Lambton a soulevé deux points qui, à son avis, démontrent qu’il y a eu violation de ses privilèges de député. Tout d’abord, les experts embauchés par le Comité permanent du patrimoine canadien sont rémunérés au moyen des fonds du ministère du Patrimoine canadien, plutôt que ceux de la Chambre des communes. Selon lui, cela va à l’encontre du principe de l’indépendance qui devrait normalement exister entre la Chambre et le pouvoir exécutif. Le député soutient en outre que, dans ces circonstances, il est impossible de considérer l’avis de ces experts comme neutre et objectif. Par conséquent, cela l’empêche d’effectuer son travail à titre de membre du Comité du patrimoine canadien et viole donc ses privilèges.
Le second point soulevé par l’honorable député de Sarnia–Lambton a trait aux commentaires que l’un des experts, M. David Taras, a faits aux médias. L’honorable député a fait valoir que le contrat signé par les experts embauchés par le Comité contient une disposition qui leur interdit de commenter publiquement les délibérations du Comité.
Il a également soutenu que les commentaires formulés publiquement par M. Taras contreviennent au contrat qui le lie au Comité et que leur caractère politique remet en question la neutralité et l’objectivité des conseils qu’il fournit au Comité. Le député de Sarnia–Lambton considère cela comme une preuve supplémentaire de la violation de ses privilèges, allégation au soutien de laquelle s’est porté le député de Kootenay–Columbia.
Je crois que la situation exposée par les députés est assez claire. Comme l’indiquent ses Procès-verbaux, le Comité dans son ensemble a convenu de retenir les services professionnels de ces deux experts une première fois le 6 décembre 2001, puis une seconde fois lorsqu’il a décidé, lors de sa réunion du 21 mars 2002, de renouveler leur contrat pour le nouvel exercice. Le Comité était parfaitement au courant, à ces deux occasions, que les experts étaient rémunérés à l’aide des fonds du ministère du Patrimoine canadien. Puisque le Comité du patrimoine canadien a convenu de l’embauche de ces experts et que l’article 120 du Règlement l’habilite à retenir les services de spécialistes, la présidence n’a pas à intervenir à ce sujet.
Notre pratique, telle qu’elle est énoncée à la page 804 de La procédure et les usages de la Chambre des communes et citée dans de nombreuses décisions antérieures de la présidence, est assez claire : la présidence n’intervient pas dans les affaires des comités. Certes, les membres du Comité du patrimoine canadien peuvent avoir certaines préoccupations quant aux gestes posés par le Comité, mais il conviendrait davantage qu’ils les soulèvent devant le Comité lui-même.
Dans la seconde partie de son exposé, le député de Sarnia–Lambton a abordé les commentaires récents que l’un des deux experts a faits aux médias. Il a cité le passage suivant du contrat qui lie l’expert en question :
Le contractant ne fera aucun commentaire en public sur les délibérations du comité qui étudie l’état du système de radiodiffusion […] Toutefois, ce qui précède n’interdit pas aux experts d’intervenir par écrit ou verbalement sur les questions touchant la radiodiffusion en général, comme ils le feraient dans le cours normal de leurs activités professionnelles.
Il a conclu que l’expert embauché par le Comité « ne peut donner son opinion sur l’avenir politique de certains députés ».
Après examen des documents qui m’ont été fournis, je ne puis conclure que les commentaires communiqués aux médias portent atteinte aux privilèges parlementaires. Ces commentaires ne contenaient pas de propos non parlementaires et ne pouvaient être considérés comme empêchant le député d’exercer ses fonctions parlementaires.
Toutefois, il est vrai que les commentaires en question étaient de nature politique et qu’ils se rapportaient à des députés de cette Chambre ainsi qu’à des événements politiques. Comme l’a mentionné le député de Kootenay–Columbia, on ne tolérerait pas que des employés de la Chambre des communes ou de la Bibliothèque du Parlement fassent ce genre de commentaires. Si les membres du Comité partagent l’avis du député de Sarnia–Lambton — qui soutient que les commentaires révèlent un parti pris qui pourrait empêcher l’expert de donner des conseils impartiaux au Comité — il faut alors que la question soit soulevée devant le Comité afin que les membres puissent la régler.
Je remercie tous les honorables députés qui ont fait des interventions à cet égard.
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[1] Comité permanent du patrimoine canadien, Procès-verbal, 21 mars 2002, séance no 46.
[2] Débats, 15 avril 2002, p. 10395-10397.
[3] Débats, 15 avril 2002, p. 10396-10397.
[4] Débats, 16 avril 2002, p. 10464-10466.