Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Les affaires émanant des députés / Limitations financières

Établissement du premier ordre de priorité : déclaration du Président au sujet de la recommandation royale

Débats, p. 1777-1779

Contexte

Pour marquer la publication du premier ordre de priorité complet pour l’étude des Affaires émanant des députés de la 39e législature, le Président fait une déclaration au sujet des règles régissant ces affaires. Il souligne que les règles portant sur les Affaires émanant des députés, adoptées de façon provisoire par la Chambre en 2003, sont maintenant permanentes. Il rappelle à la Chambre que si les nouvelles règles donnent aux députés plus d’occasions de soumettre des mesures au Parlement, certaines réalités constitutionnelles imposent des contraintes législatives à la présidence et aux députés. Le Président consacre ensuite le reste de sa déclaration à l’exigence selon laquelle « tout projet de loi qui autorise le gouvernement à dépenser des fonds publics » doit être accompagné d’une recommandation royale avant la fin de la troisième lecture.

Déclaration de la présidence

Le Président : Je demande l’attention de la Chambre. Comme nous sommes sur le point d’étudier une mesure d’initiative parlementaire pour la première fois depuis le début de la session, je voudrais faire une déclaration au sujet de la gestion de ces affaires et surtout de la façon dont elle a évolué ces quelques dernières années.

En mars 2003, la Chambre a adopté des règles de procédure provisoires régissant l’étude des initiatives parlementaires. Il n’est pas nécessaire de les décrire toutes dans le détail. Je dirai simplement qu’un des principaux principes de cette réforme veut qu’au cours d’une législature, chaque député admissible ait la possibilité de faire débattre et mettre aux voix une mesure qu’il a proposée. Depuis, ces règles sont devenues permanentes. Il ne fait aucun doute que le nouveau système donne aux simples députés plus d’occasions de soumettre des mesures au Parlement, mais il importe de signaler que les possibilités ne sont pas illimitées. Certains impondérables découlant de la Constitution et de notre procédure font intervenir dans l’étude des mesures législatives certaines contraintes avec lesquelles le Président et les députés doivent composer.

Au début de la dernière législature, le 18 novembre 2004, j’ai rappelé aux députés les nouvelles règles de procédure qui régissent les Affaires émanant des députés ainsi que le rôle de la présidence dans la gestion de leur application. L’un des principes sur lesquels j’ai insisté alors — et dans d’autres déclarations faites au cours de la 38e législature — est que certains projets de loi d’initiative parlementaire doivent être accompagnés d’une recommandation royale.

Aussi nouvelle que cette préoccupation de la présidence puisse sembler être, le fait est qu’elle découle des principes constitutionnels énoncés dans la Loi constitutionnelle de 1867. Le texte de l’article 54 de cette Loi est repris dans le paragraphe 79(1) du Règlement, que voici :

La Chambre des communes ne peut adopter des projets de crédits, ou des projets de résolutions, d’adresses ou de lois comportant des affectations de crédits, notamment d’origine fiscale, que si l’objet lui en a été préalablement recommandé par message du Gouverneur général au cours de la session où ces projets sont présentés.

Tout projet de loi qui autorise le gouvernement à dépenser des fonds publics ou qui porte affectation de fonds publics doit être accompagné d’un message du gouverneur général recommandant à la Chambre de procéder à cette dépense. Ce message, officiellement appelé recommandation royale, ne peut être transmis à la Chambre que par un ministre.

Cet usage préserve un élément fondamental du gouvernement responsable. En effet, si toutes les dépenses doivent être autorisées par le Parlement, seule la Couronne, c’est-à-dire le gouvernement, peut demander des fonds.

Le gouvernement doit par la suite répondre au Parlement de la façon dont les fonds sont dépensés.

Les modifications apportées récemment à sa procédure amènent la Chambre à prêter une attention accrue à la recommandation royale. Il n’y a encore que quelques années, les simples députés ne pouvaient même pas présenter de projets de loi proposant de dépenser des deniers publics. Depuis 1994, ils peuvent le faire, et l’étude de ces projets de loi est poussée jusqu’à la troisième lecture inclusivement, pour le cas où un ministre obtiendrait une recommandation royale. Si cela ne s’est pas encore produit à la fin du débat de troisième lecture, le Président doit mettre fin au débat et déclarer le projet de loi irrecevable.

À la faveur des réformes adoptées en 2003, les projets de loi d’initiative parlementaire pouvant faire l’objet d’un vote se sont multipliés, ce qui a pour conséquence qu’un plus grand nombre de ces projets de loi peuvent atteindre l’étape de la troisième lecture. Par ailleurs, comme les députés ne peuvent parrainer de mesure qu’une seule fois par législature, la présidence tient à leur donner toutes les chances possibles de corriger les défauts que leurs projets de loi peuvent comporter au plan de la procédure. Aussi un certain nombre de pratiques inédites ont-elles été instituées.

Lorsqu’il apparaît qu’il faudra vraisemblablement obtenir une recommandation royale à l’appui d’un projet de loi, le conseiller législatif chargé de le rédiger en avise le député dont il émane, qui en est aussi informé par écrit par un greffier au Bureau.

Si le député décide de maintenir son projet de loi et de le faire inscrire dans l’ordre de priorité, le Président signale à la Chambre dès l’ouverture du débat de deuxième lecture que le projet de loi pourrait exiger une recommandation royale. Les députés peuvent alors intervenir à cet égard, et au besoin, la présidence rend une décision définitive plus tard au cours du processus législatif.

Comme le précise La procédure et les usages de la Chambre des communes à la page 712, et je cite :

Il est du devoir du Président d’assurer que les dispositions du Règlement sur la recommandation royale, ainsi que la prescription constitutionnelle, soient respectées. Aucune règle de la procédure financière ne permet au Président de laisser la Chambre décider ou de s’en remettre à son consentement unanime.

Un certain nombre de projets de loi inscrits dans l’ordre de priorité suscitent quelques préoccupations à la présidence. À première vue, certaines dispositions semblent nécessiter une recommandation royale.

Les projets de loi en cause sont: le projet de loi C-292, inscrit au nom du très honorable député de LaSalle–Émard; le projet de loi C-257, inscrit au nom du député de Gatineau; le projet de loi C-293, inscrit au nom du député de Scarborough–Guildwood; le projet de loi C-286, inscrit au nom du député de Lévis–Bellechasse; le projet de loi C-284, inscrit au nom du député de Halifax-Ouest; le projet de loi C-278, inscrit au nom du député de Sydney–Victoria; le projet de loi C-269, inscrit au nom de la députée de Laurentides–Labelle; le projet de loi C-295, inscrit au nom de la députée d’Île de Vancouver-Nord; le projet de loi C-303, inscrit au nom de la députée de Victoria; et le projet de loi C-279, inscrit au nom du député de Burlington.

Si j’ai des doutes au sujet de ces projets de loi, je ne suis toujours pas disposé à me prononcer de façon définitive à leur sujet. Comme toujours, la présidence aborde ces questions avec un esprit ouvert. Si des députés souhaitent exposer les raisons pour lesquelles ils estiment que ces projets de loi requièrent ou non une recommandation royale, je suis tout disposé à les entendre et j’informerai ensuite la Chambre de ma décision finale en temps opportun.

En terminant, je sais bien que c’est à moi qu’il incombe, à titre de Président, de veiller à l’application du Règlement et, exceptionnellement, comme dans le cas présent, de la Constitution, mais je dois vous avouer que la tâche de vérifier tous les projets de loi d’initiative parlementaire pour assurer qu’ils ne comportent pas de dispositions financières m’est de plus en plus exigeante. Aussi saurais-je gré à la Chambre, aux leaders à la Chambre et, surtout, au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre de toute suggestion qu’ils pourraient me faire sur la façon d’améliorer notre modus operandi relativement à cet aspect de la gestion des Affaires d’initiative parlementaire.

Je remercie les députés de leur attention.

Post-scriptum

Tout de suite après cette déclaration, Réal Ménard (Hochelaga) demande des précisions quant aux critères justifiant une recommandation royale. En réponse, le Président ajoute ce qui suit :

Le Président: Ce serait certainement un plaisir, pour la présidence, de faire une autre déclaration à la Chambre sur cette question, mais l’honorable député sait très bien qu’il existe sans doute une liste d’éléments de ce genre dans le Marleau et Montpetit, que j’ai cité dans ma décision d’aujourd’hui. Il peut consulter ce livre et il aura beaucoup d’occasions de consulter les personnes qui préparent les projets de loi pour leur présentation en Chambre, parce qu’il connaît très bien les règlements à ce sujet. L’honorable député pourrait être avisé des problèmes avec son projet de loi ou des propos qui y sont inclus qui occasionneraient peut-être des problèmes avec la présidence plus tard.

Je peux certainement considérer l’idée de faire une présentation, mais il y a vraiment un seul principe, et je l’ai cité dans ma décision quand j’ai mentionné ce fait. C’est écrit ici en anglais, mais il s’agit du paragraphe 79(1) du Règlement, qui se lit comme suit :

La Chambre des communes ne peut adopter des projets de crédits, ou des projets de résolutions, d’adresses ou de lois comportant des affectations de crédits, notamment d’origine fiscale, que si l’objet lui en a été préalablement recommandé par message du Gouverneur général au cours de la session où ces projets sont présentés.

Je crois que c’est la chose importante. Peut-être pouvons-nous créer une liste mais les règlements sont, en ce moment, assez clairs selon moi. C’est simplement une question de déterminer si un projet de loi ou une motion propose une dépense d’argent et, en pareil cas, il faut une recommandation royale avant l’adoption en Chambre.

Note de la rédaction

Voir déclarations semblables marquant la publication du premier ordre de priorité complet de la 38e législature, le 18 novembre 2004, et de la 40e législature, le 25 février 2009.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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