Les affaires émanant des députés / Limitations financières
Recommandation royale : répétition de rappels au Règlement semblables
Débats, p. 6816-6817
Contexte
Le 13 février 2007, Peter Van Loan (leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre de la Réforme démocratique) soulève un rappel au Règlement au sujet du projet de loi C-288, Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, inscrit au nom de Pablo Rodriguez (Honoré–Mercier). Il fait valoir que le projet de loi exige une recommandation royale, en raison d’amendements apportés à l’étape du comité qui supposaient des dépenses publiques. Après avoir écouté d’autres députés, le Président prend l’affaire en délibéré[1].
Résolution
Le Président rend sa décision le 14 février 2007. Il affirme que les arguments invoqués par M. Van Loan sont essentiellement les mêmes que ceux présentés lors de rappels précédents sur lesquels la présidence a déjà statué, et qu’il a déjà établi que le projet de loi C-288 ne renferme pas de dispositions autorisant des dépenses publiques à des fins particulières. Par conséquent, le projet de loi ne nécessite pas de recommandation royale. Il ajoute que même si l’on peut concevoir qu’un député craigne qu’un projet de loi entraîne des difficultés constitutionnelles ou juridiques, la compétence de la présidence se limite à l’interprétation de la procédure parlementaire, et ne touche pas aux questions de droit ou de politique publique. Le Président se dit troublé qu’on soulève à nouveau le même rappel au Règlement, et fait remarquer qu’une telle insistance « frôle dangereusement ce qui serait un appel de la décision de la présidence », un procédé expressément interdit par l’article 10 du Règlement.
Décision de la présidence
Le Président : Hier soir, juste avant le débat sur les Affaires émanant des députés, l’honorable leader du gouvernement à la Chambre a invoqué le Règlement relativement au projet de loi C-288, Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, inscrit au nom de l’honorable député d’Honoré–Mercier.
La Chambre se souviendra que le vendredi 9 février 2007, le débat sur le projet de loi C-288 a pris fin et que les votes par appel nominal sur les motions à l’étape du rapport ont été différés jusqu’au 14 février 2007. C’est pour cette raison que j’ai cru nécessaire de faire remarquer à l’honorable leader du gouvernement à la Chambre que son intervention était très tardive. J’ai néanmoins écouté ses arguments pour voir s’il apporterait un éclairage nouveau au projet de loi.
Après son intervention, les honorables députés de Wascana, de Scarborough–Rouge River et d’Honoré–Mercier ont fait valeur leur point de vue.
J’ai soigneusement étudié les commentaires du leader du gouvernement à la Chambre et je dois avouer que je trouve un peu troublant que le ministre ne présente aucun nouvel argument et, de surcroît, frôle dangereusement ce qui serait un appel de la décision de la présidence, procédé expressément interdit par l’article 10 du Règlement.
Le fond du raisonnement qu’a présenté le leader du gouvernement à la Chambre, malgré deux décisions de la présidence opposées à ses vues, est que le projet de loi C-288 doit être accompagné d’une recommandation royale parce que les mesures qu’il propose entraîneraient une affectation de deniers publics.
Il s’agit essentiellement des mêmes arguments que ceux si judicieusement présentés par le prédécesseur du ministre le 16 juin 2006. Ces arguments n’étaient pas convaincants alors; ils ne le sont pas plus aujourd’hui.
Je me permets de renvoyer l’honorable leader du gouvernement à la Chambre aux pages 3314 et 3315 des Débats du 27 septembre dernier, où l’on retrouve ma décision sur le premier rappel au Règlement en la matière, soulevé le 16 juin dernier. Puisque la dernière intervention sur le sujet n’a pas apporté d’éléments nouveaux, permettez-moi de simplement citer cette décision. Faisant référence à une décision que j’avais rendue antérieurement dans des circonstances similaires, j’ai indiqué que, et je cite :
[dans le cas du projet de loi C-292, Loi portant mise en œuvre de l’Accord de Kelowna,] j’ai établi une distinction entre un projet de loi dans lequel on demande à la Chambre d’approuver des objectifs précis et un autre dans lequel on demande à la Chambre d’approuver des mesures visant à atteindre des objectifs particuliers. Cette distinction est encore valide aujourd’hui [pour le projet de loi C-288]. L’adoption d’un projet de loi engageant le gouvernement à mettre en œuvre le Protocole de Kyoto pourrait imposer au gouvernement l’obligation de prendre les mesures nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés dans le Protocole. Toutefois, la présidence ne peut pas avancer d’hypothèses sur ces mesures. Si des dépenses sont nécessaires, comme l’allègue le leader du gouvernement à la Chambre, une demande précise de fonds devra être soumise au moyen soit d’une loi de crédit […], soit d’une autre mesure législative renfermant une autorisation d’engager des dépenses publiques à des fins particulières.
À l’heure actuelle, le projet de loi C-288 ne renferme pas de dispositions autorisant expressément des dépenses aux fins du Protocole de Kyoto. Le projet de loi demande en fait au Parlement d’autoriser le gouvernement à mettre en œuvre le Protocole. Si cette autorisation est donnée, le gouvernement décidera des mesures qu’il souhaite prendre — ce qui pourrait se traduire par une loi de crédits ou un autre projet de loi proposant des dépenses précises. Ces projets de loi nécessiteraient alors une recommandation royale.
En conclusion, la présidence estime que le projet de loi C-288, dans sa forme actuelle, ne nécessite pas de recommandation royale et qu’il peut aller de l’avant.
Cette première décision me semble très claire. La Chambre se souviendra également que, le 2 février 2007, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre a fait un rappel au Règlement alléguant que les amendements apportés au projet de loi dont avait fait rapport le Comité permanent de l’environnement et du développement durable le 8 décembre 2006 nécessitaient une recommandation royale. Quelques honorables députés avaient alors commenté l’intervention du secrétaire parlementaire. Leurs propos se retrouvent aux pages 6341 et 6342 des Débats. J’avais alors également conclu que le projet de loi ne nécessitait pas de recommandation royale et je recommande cette décision à l’attention de tous les honorables députés. Bref, on ne m’a pas présenté de précédents qui pourraient me convaincre de revenir sur ma décision.
Je peux comprendre que le leader du gouvernement à la Chambre ressente de la frustration à l’idée que ce qu’il qualifie de « mauvaise loi » soit adoptée et qu’elle entraîne les difficultés constitutionnelles qu’il anticipe. Mais cela ne relève pas de la compétence de la présidence, qui se limite à l’interprétation de la procédure parlementaire, sans toucher les questions de droit ou de politique publique.
Le projet de loi C-288 veille à ce que le Canada honore les engagements qu’il a pris dans le domaine des changements climatiques mondiaux en vertu du Protocole de Kyoto, ratifié par le Canada le 17 décembre 2002, mais il ne renferme aucune disposition autorisant des dépenses à cette fin. Il n’y a donc rien, sur le plan de la procédure, qui puisse empêcher le projet de loi d’aller de l’avant ou la Chambre de se prononcer à l’étape du rapport et de la troisième lecture.
En guise de conclusion, permettez-moi de dire que, à titre de Président, je prends très au sérieux ma responsabilité d’interpréter la procédure et les usages de cette Chambre dans des cas particuliers, surtout lorsque la prérogative de la Couronne est mise en cause et à l’occasion de dossiers controversés comme celui-ci, où les partis ont des vues très divergentes sur la ligne de conduite à adopter.
Les nouvelles règles de la Chambre sur les initiatives parlementaires font pleinement ressortir le rôle et la responsabilité de la présidence dans ce genre de situation. Je crois qu’une lecture attentive des décisions que j’ai rendues dans ces cas-là — y compris les deux décisions se rapportant au projet de loi C-288 — révélera qu’elles satisfont parfaitement aux usages de la Chambre. Je remercie les députés de leur attention.
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[1] Débats, 13 février 2007, p. 6796-6799.