Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Les affaires émanant des députés / Limitations financières

Recommandation royale

Débats, p. 7650-7651

Contexte

Le 2 novembre 2010, Tom Lukiwski (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes) soulève un rappel au Règlement au sujet du projet de loi C-507, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (pouvoir fédéral de dépenser), inscrit au nom de Josée Beaudin (Saint-Lambert)[1]. M. Lukiwski affirme que le projet de loi exige une recommandation royale, puisqu’il empiète sur la prérogative financière de la Couronne. Il fait valoir que, selon la loi, le gouvernement fédéral peut effectuer des dépenses directes dans les champs de compétence des provinces en accordant directement de l’argent à des particuliers, des organismes ou des municipalités, mais que le projet de loi C-507 autorise le gouvernement fédéral à transférer de l’argent directement uniquement aux provinces. Il ajoute que le projet de loi changerait les conditions rattachées aux paiements destinés aux provinces et que certains transferts deviendraient inconditionnels. Enfin, il soutient que le projet de loi autorise le prélèvement sur le Trésor de paiements à verser aux provinces qui choisissent de ne pas participer aux programmes fédéraux dans les secteurs de compétence provinciale, c’est-à-dire à des fins qui ne sont pas autorisées par la loi. Le Président prend l’affaire en délibéré.

Résolution

Le 3 février 2011, le Président rend sa décision. Il déclare que les paragraphes pertinents du projet de loi C-507 ne permettent aucunement l’utilisation de crédits actuels à des fins nouvelles, et qu’ils portent plutôt sur la question de savoir si les crédits sont réellement dépensés ou non. Il ajoute que le projet de loi aurait aussi pour effet de permettre le transfert de fonds aux provinces qui avaient choisi de ne pas participer aux programmes fédéraux sans que d’autres conditions y soient rattachées. Étant donné que ces fonds peuvent être dépensés à des fins qui ne sont pas restreintes aux crédits originaux, le Président conclut que le projet de loi nécessite une recommandation royale avant qu’il puisse être mis aux voix à l’étape de la troisième lecture.

Décision de la présidence

Le Président : La présidence est maintenant prête à rendre sa décision sur le recours au Règlement soulevé le 2 novembre 2010 par l’honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes au sujet de la nécessité d’accompagner d’une recommandation royale le projet de loi C-507, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (pouvoir fédéral de dépenser), inscrit au nom de l’honorable députée de Saint-Lambert.

Je remercie le secrétaire parlementaire d’avoir soulevé cette question importante. Dans son intervention, le secrétaire parlementaire a avancé deux motifs distincts pour lesquels, selon lui, le projet de loi C-507 empiète sur l’initiative financière de la Couronne. D’abord, il a soutenu que le projet de loi visait à modifier les conditions liées aux recommandations royales qui autorisent actuellement des paiements sur le Trésor destinés aux provinces et aux municipalités à diverses fins. Cette modification prendrait deux formes distinctes. Dans le cas des transferts subordonnés à la condition que les provinces respectent certaines normes fédérales, ces transferts deviendraient inconditionnels. Dans le cas des subventions du gouvernement fédéral versées à des particuliers, à des organismes ou à des municipalités, ces subventions seraient maintenant versées uniquement aux provinces.

Le secrétaire parlementaire a fait valoir que cette modification de la façon dont sont transférés les fonds contrevient aux modalités des recommandations royales actuelles dont dépendent ces transferts.

La seconde réserve mise en l’avant par le secrétaire parlementaire est l’effet des dispositions du projet de loi C-507 sur les paiements à verser aux provinces qui choisissent de ne pas participer aux programmes fédéraux dans les secteurs de compétence provinciale. Ces paiements seraient autorisés chaque fois qu’une province n’a pas délégué sa responsabilité au gouvernement fédéral pour un programme fédéral dans un secteur de compétence provinciale. Le secrétaire parlementaire a soutenu qu’il en découlerait l’autorisation de prélever sur le Trésor des paiements destinés à des fins qui ne sont pas autorisées à l’heure actuelle.

La présidence a examiné soigneusement les dispositions du projet de loi C-507 à la lumière des arguments présentés. Les raisons de la nécessité d’une recommandation royale sont expliquées à la page 834 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition :

En plus de fixer le montant du prélèvement, la recommandation royale en définit l’objet, les fins, les conditions et les réserves. Cela veut dire que la recommandation royale est nécessaire non seulement dans les cas où des sommes d’argent sont affectées, mais également lorsque l’autorisation de dépenser à une fin particulière est modifiée de façon significative. Sans recommandation royale, un projet de loi qui augmente le montant du prélèvement ou qui en élargit l’objet, les fins, les conditions ou les réserves est irrecevable du fait qu’il empiète sur l’initiative financière de la Couronne.

Dans chaque cas, il faut déterminer si le projet de loi introduit de nouveaux crédits, augmente des crédits actuels ou entraîne des modifications à l’objet, aux fins, aux conditions ou aux réserves de crédits actuels de manière à autoriser leur utilisation à une fin nouvelle.

Le projet de loi C-507 vise à modifier la Loi sur la gestion des finances publiques en y ajoutant les nouveaux paragraphes 26.1(1) et (2), qui empêcheraient le gouvernement fédéral d’effectuer des paiements relativement à des dépenses afférentes à un secteur de compétence provinciale à moins que le gouvernement de la province visée ne lui en ait délégué le pouvoir. Le nouveau paragraphe 26.1(3) établit un cadre temporel pour cette délégation. Bien qu’il ait été soutenu que les nouveaux paragraphes 26.1(1), (2) et (3) auraient pour effet de modifier les conditions auxquelles l’autorisation de dépenser est subordonnée à l’heure actuelle, la présidence n’est pas du même avis. Ces nouvelles dispositions ne permettent aucunement l’utilisation de crédits actuels à des fins nouvelles. Elles portent plutôt sur la question de savoir si les crédits sont réellement dépensés ou non. Les crédits mêmes demeureraient inchangés, ce qui ne donne pas lieu à la nécessité d’une recommandation royale.

Quand à la seconde question soulevée par le secrétaire parlementaire, la présidence renvoie les honorables députés au nouveau paragraphe 26.1(4), qui rend obligatoires les paiements aux provinces qui n’ont pas accordé la délégation visée au paragraphe 26.1(2). Selon la présidence, cette disposition aurait pour effet de permettre le transfert de fonds sans que des conditions y soient rattachées. En d’autres termes, ces fonds pourraient être dépensés à des fins qui ne sont pas restreintes ou régies par les conditions — ou les fins — des crédits originaux. De toute évidence, il s’agirait pour le moins d’un assouplissement des conditions applicables et cela constituerait nécessairement un empiètement sur la prérogative financière de la Couronne, puisque les crédits pourraient être utilisés à des fins qui n’ont pas été approuvées par le législateur lorsqu’il les a votés.

Pour ces motifs, je conclus que le projet de loi C-507, dans son état actuel, nécessite une recommandation royale. Par conséquent, je ne mettrai pas la question aux voix à l’étape de la troisième lecture du projet de loi dans son état actuel, à moins qu’une recommandation royale ne soit produite.

Toutefois, le débat d’aujourd’hui concerne la motion portant deuxième lecture et celle-ci sera mise aux voix à la fin du débat à l’étape de la deuxième lecture.

Je remercie les honorables députés de leur attention.

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[1] Débats, 2 novembre 2010, p. 5642-5643.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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