Chapitre II — Les députés
Introduction
Bien que la présidence soit tenue de faire observer le décorum à la Chambre, il incombe en grande partie aux députés eux-mêmes de se comporter de manière à maintenir la dignité de la Chambre. Les articles du Règlement regroupés dans le présent chapitre énoncent ces responsabilités fondamentales des députés.
Commentaire de l’article 15
En session, la présence pendant les séances de la Chambre ne constitue pour le député qu’une obligation parmi d’autres. Comme la Chambre siège aux principales heures de la journée de travail, les conflits d’horaire avec d’autres engagements parlementaires ou officiels (réunions de comités, par exemple) empêchent souvent les députés d’assister à tous les travaux de la Chambre. La présidence a même demandé à maintes reprises que l’on évite de faire état de l’absence d’un député, parce que « les députés doivent être à bien des endroits, afin de bien remplir les devoirs de leur charge ». [1]
Néanmoins, dans le but de prévenir les abus de la part de députés qui voudraient s’absenter pendant de longues périodes sans motifs valables, la Loi sur le Parlement du Canada prévoit des déductions sur l’indemnité de session en cas d’absence. [2]
Historique de l’article 15
Avant 1994, la règle énonçait que tout député devait assister aux séances de la Chambre « à moins qu’elle ne lui ait accordé un congé ». [3] L’exigence relative au congé n’a été appliquée à la lettre que pendant la première décennie de la Confédération. Un député qui souhaitait s’absenter de la Chambre devait obtenir une autorisation à cette fin, au moyen d’une motion proposée par un de ses collègues. Si le motif de la demande de congé était généralement la maladie, les raisons familiales et personnelles étaient également invoquées de façon courante. [4] La présence obligatoire était prise au sérieux, à tel point que lorsque le premier ministre Sir John A. Macdonald s’absenta un jour sans autorisation en 1873, la Chambre donna l’ordre de le faire arrêter et comparaître à sa barre. Il dut effectivement comparaître, mais fut rapidement remis en liberté lorsque son collègue, le médecin Charles Tupper, présenta un certificat médical attestant que Sir John avait dû s’absenter pour des raisons de santé. [5]
Néanmoins, après 1878, la règle cessa de s’appliquer; la Chambre sembla s’en remettre plutôt aux dispositions légales qui prévoyaient des pénalités monétaires en cas d’absence. [6] Pourtant, on tenta à plusieurs reprises d’invoquer de nouveau cette règle par la suite. Ainsi, en 1906, une proposition relative à la création d’un registre officiel des présences fut rapidement rejetée. [7] De même, en 1964, une proposition concernant les présences obligatoires aux séances de comité [8] n’obtint pas l’approbation de la Chambre. On a encore invoqué la règle à maintes reprises à la Chambre pour signaler l’absence d’un député, mais en pure perte. [9]
Si l’article en question était devenu de toute évidence désuet, [10] ce n’est qu’en 1994 qu’on a adopté son libellé actuel. [11] On a supprimé l’exigence relative au congé et reconnu officiellement que les députés pouvaient s’acquitter de leurs fonctions parlementaires sans être présents à la Chambre.
Commentaire de l’article 16(1)
Pour que les députés puissent voter en ayant entendu la question, et que le Greffier puisse annoncer les noms des députés sans être dérangé lors d’un vote par appel nominal, ces derniers n’ont le droit ni d’entrer ni de circuler dans la Chambre, ni d’en sortir, ni de faire du bruit à partir du moment où le Président commence à poser la question jusqu’à l’annonce des résultats du vote. La coutume veut également que l’on ne compte pas la voix de ceux qui entrent dans la Chambre pendant qu’une proposition est mise aux voix ou après qu’elle l’a été. [1] Parfois, la validité du vote de certains députés a été contestée parce qu’ils ont quitté la Chambre immédiatement après avoir voté (avant l’annonce des résultats du vote par le Greffier), [2] ou parce qu’ils ne sont pas restés assis pendant toute la durée du vote. [3]
Historique de l’article 16(1)
Jusqu’en 1955, la question du décorum lors de la mise aux voix d’une proposition n’était pas entièrement régie par le Règlement. Cette année-là, une disposition visant à interdire d’entrer dans la Chambre lors de la mise aux voix d’une question fut ajoutée à la règle, qui n’avait encore subi aucun changement depuis 1867. Cette lacune n’avait pourtant pas empêché l’instauration d’un double usage concernant, d’une part, le fait de quitter ou de traverser la Chambre, et d’autre part, le fait d’y pénétrer, pendant une mise aux voix.
Dès 1869, Alexander Mackenzie s’est demandé s’il convenait que les députés quittent la Chambre avant l’annonce des résultats d’un vote. [4] En 1881, on a signalé au Président qu’un député quittait la Chambre à quatre pattes avant la fin d’une mise aux voix; le vote du député a été annulé, car on a estimé qu’il avait enfreint le Règlement. [5] Quelques années plus tard, en 1889, la validité du vote d’un autre député a été mise en cause, car il avait, lui aussi, quitté la Chambre avant l’annonce des résultats. En revanche, cette fois, le Président a déclaré la chose suivante en faisant remarquer que les règles du décorum avaient été enfreintes : « pour pouvoir priver un membre de son droit de vote, il faut qu’il y ait une disposition explicite de la loi, et je n’entreprendrai pas de régler le vote d’un membre, en vertu de cette règle ». [6]
Environ à la même époque, on s’est demandé s’il convenait que les députés entrant à la Chambre pendant ou après la mise aux voix d’une question puissent voter. En 1891, après qu’on eut contesté la validité du vote de deux députés pour cette raison, le Président a déclaré : « si un député n’est pas présent dans la Chambre quand la question est posée par l’Orateur, il ne peut pas faire inscrire son vote ». [7]
En fonction de ces différentes décisions, la Chambre en est donc venue à obliger les députés à rester dans leur fauteuil pendant toute la durée d’un vote par appel nominal. Les députés qui sortaient de la Chambre ou y circulaient pendant la mise aux voix d’une question ou pendant le vote étaient rappelés à l’ordre. À ceux qui entraient en retard, le Président demandait s’ils avaient entendu le texte de la question dans son intégralité; [8] dans la négative, leur nom était rayé de la liste du vote. [9] Au cours des années suivantes, l’usage est resté inchangé et le Président a rappelé à l’occasion aux députés qu’ils devaient respecter le décorum pour permettre au Greffier de faire le décompte des voix. [10]
En 1955, apparemment pour aligner le Règlement sur l’usage, du moins en ce qui concerne le décorum, on a décidé d’inclure à l’article 12(1) du Règlement de l’époque, actuellement l’article 16(1), une disposition interdisant d’entrer à la Chambre pendant la mise aux voix d’une question. [11] Il existe plusieurs exemples de cas survenus après 1955 où le décorum n’a pas été respecté tant pendant la mise aux voix d’une question que pendant le décompte des voix. À plusieurs reprises, on a refusé de compter la voix de députés qui étaient entrés à la Chambre en retard. [12] En d’autres occasions, lorsque l’ordre a été troublé alors qu’on appelait le nom des députés, le Président a simplement rappelé le Règlement aux députés, afin qu’ils l’observent mieux à l’avenir. [13] Certains Présidents ont aussi menacé de rayer de la liste des députés ayant voté le nom de ceux qui persistaient à mal se conduire durant un vote. [14] Dans un cas au moins, un député a été officiellement autorisé à quitter la Chambre avant l’annonce des résultats d’un vote. [15] La durée extraordinairement longue de certaines sessions de vote a aussi entraîné de nombreuses atteintes au décorum. [16]
- 16.
-
- (2)
- Lorsqu’un député a la parole, il est interdit à tout député de passer entre lui et le fauteuil ou de l’interrompre sauf pour soulever un rappel au Règlement.
-
- (3)
- Aucun député ne doit passer entre le fauteuil et le Bureau, ni entre le fauteuil et la Masse lorsqu’elle a été enlevée du Bureau par le Sergent d’armes.
-
- (4)
- À l’ajournement de la Chambre, les députés doivent rester à leur siège tant que le Président n’a pas quitté le fauteuil.
Commentaire de l’article 16(2), (3) et (4)
Les dispositions des paragraphes (2), (3) et (4) de l’article 16 du Règlement régissent la conduite des députés pendant les débats et lors de l’ajournement de la Chambre à la fin d’une séance. Elles visent à éviter les interruptions inutiles et à faire en sorte que les délibérations se déroulent avec le cérémonial voulu.
Pendant le débat, les députés n’ont pas le droit d’interrompre leur collègue qui a la parole, sauf pour faire un rappel au Règlement. Malgré cette interdiction, il arrive quelquefois qu’un député interrompe son discours et cède la parole à un de ses collègues qui souhaite obtenir des éclaircissements sur une question qu’il a soulevée dans son discours ou qui veut lui poser une question précise en découlant. Le député qui permet cette question n’est nullement tenu de répondre et il rechigne souvent à le faire étant donné que le temps passé à répondre lui sera décompté de son temps de parole. Le plus souvent, ces questions sont posées à la fin des discours, pendant la période prévue à cette fin (voir l’article 43 du Règlement). En revanche, le Président ferme en général les yeux sur les nombreuses interruptions, telles que les applaudissements ou les cris d’approbation ou de désapprobation, qui ponctuent parfois les débats. Toutefois, il met rapidement un frein aux interruptions abusives, surtout lorsque le député qui a la parole le lui demande. De même, il assure l’ordre en réprimandant les députés lorsqu’ils distraient leur collègue qui a la parole en passant entre lui et le fauteuil. [1]
La masse reste sur le Bureau pendant que la Chambre siège, et lorsque la séance est levée, le Sergent d’armes, qui précède le Président, quitte la Chambre en la portant sur l’épaule. Dans les deux cas, rien ne doit s’interposer entre le Président et le symbole de son autorité, d’où l’interdiction, pour les députés, de passer entre le fauteuil et la masse. En plus de son importance symbolique, cette règle permet d’assurer le décorum et l’ordre prévus en vertu du paragraphe (4), lequel oblige en outre les députés à rester assis lorsque le Président quitte le fauteuil à la fin d’une séance.
Historique de l’article 16(2), (3) et (4)
Bien que la règle interdisant d’interrompre un député pendant son discours (sauf lorsque celui-ci consent à ce qu’on lui pose une question) n’ait pratiquement pas été changée depuis 1867, les députés l’ont régulièrement bafouée dès le début. Les interpellations et le chahut, pour ne pas dire pire, étaient caractéristiques de l’atmosphère bruyante et agitée des débats de la Chambre au XIXe siècle. [2] Avec le temps, le nombre des interruptions a baissé légèrement, au fur et à mesure que les députés ont commencé à s’en plaindre. Ainsi, en 1910, un député a été interrompu plusieurs fois avant qu’il déclare finalement : « je ne sais pas si on m’interrompt afin de me faire perdre le fil de mon argumentation ». [3] Bien que de nombreuses interventions semblables aient été faites et que les Présidents successifs s’en soient plaints, les interruptions ont continué et elles étaient même presque acceptées comme faisant partie de l’atmosphère à la Chambre. Toutefois, en 1982, suite au désir général de pouvoir interroger le député ayant la parole, la Chambre a prévu une période pour les questions et observations après la plupart des discours. Le nombre des questions posées pendant les discours a alors diminué (voir l’article 43 du Règlement). Les interpellations et les chahuts ont continué et, même aujourd’hui, ils attirent encore périodiquement l’attention du Président. [4]
Quant aux députés qui passent entre leur collègue ayant la parole et le fauteuil, on trouve quelques cas, au début de l’histoire de la Chambre, où des députés ont été rappelés à l’ordre pour avoir agi ainsi, bien qu’ils aient sans doute été nombreux à le faire. [5] Pour trouver des exemples où le Président signale aux députés qu’ils enfreignent cette disposition, il faut examiner les sessions plus récentes. [6] De même, bien que le décorum se soit amélioré depuis le début de la Confédération, la règle voulant qu’un député ne puisse passer entre le fauteuil et la masse n’a pas toujours été observée, même dans les temps modernes. [7]
En ce qui concerne l’obligation faite aux députés de rester assis « tant que le Président n’a pas quitté le fauteuil », le comportement du Parlement, en général bruyant à ses tout débuts, nous permet de penser que cette règle a souvent été enfreinte. Ainsi, en 1906, lorsque Sir Wilfrid Laurier a signalé la confusion que créait la sortie précipitée des députés lors de l’ajournement, Robert Borden a vite abondé dans le même sens en ajoutant que « les députés pourraient rester à leur place et accorder cette marque de déférence au Président de cette assemblée ». [8] Même aujourd’hui, il est rare que les députés restent assis jusqu’à ce que le Président et la masse aient quitté la Chambre, même si, par mesure de respect, la plupart des députés marquent un temps d’arrêt, qu’ils soient assis ou debout, pendant que le Président se retire. Dans un cas particulièrement grave d’atteinte au décorum survenu en 1991, un député s’est saisi de la masse pendant qu’on la transportait à l’extérieur de la Chambre à l’ajournement. Le Président a statué qu’il y avait matière à question de privilège et la Chambre a adopté une motion pour convoquer le député à la barre afin qu’il soit réprimandé par le Président. [9]
Les paragraphes (3) et (4), qui existent tous les deux depuis 1867, n’ont jamais été modifiés.
Commentaire de l’article 17
Cette règle énumère trois conditions que doivent respecter les députés qui veulent participer au débat. Il existe également une quatrième exigence, non écrite, qui concerne la tenue vestimentaire des députés.
Les deux premières conditions exigent du député qu’il se trouve à sa place et qu’il se lève lorsqu’il prend la parole. Il s’agit là d’exigences d’ordre pratique qui visent à éviter les difficultés que pourraient éprouver les titulaires du fauteuil pour donner la parole à tel ou tel député, si chacun pouvait s’adresser à la Chambre en changeant de place à chaque fois. On trouve des exceptions à l’application de ces exigences, mais il s’agit toujours de circonstances rares et exceptionnelles, généralement dans les cas où le député est malade, blessé ou handicapé. [1] Cette disposition du Règlement ne s’applique ni en comité plénier, ni durant les débats exploratoires tenus en vertu de l’article 53.1, ni durant les débats d’urgence (article 52), ni durant les délibérations sur la motion d’ajournement (paragraphe 38(5)). [2]
La troisième condition veut que les députés s’adressent au Président pendant le débat. De cette façon, il leur est plus difficile d’amorcer directement des échanges enflammés et des attaques personnelles, puisque leurs propos s’adressent au Président, et non pas à un autre député.
Enfin, il existe aussi une règle non écrite exigeant le port du veston et de la cravate pour les hommes, que les Présidents ont toujours appliquée avec rigueur, quoique avec discernement. [3] Il n’existe aucun code vestimentaire spécifique, même officieux, pour les femmes.
Historique de l’article 17
Cette règle existe sous une forme ou une autre depuis 1867 et n’a été modifiée que récemment. La mesure dans laquelle on applique (et respecte) ses conditions n’a connu que de légères variations. Au cours des premières années de la Confédération, les députés prenaient soin d’adresser leurs propos à la Chambre par l’intermédiaire du Président, en se tenant debout à leur place. Avant la Confédération, au contraire, l’ambiance à la Chambre était beaucoup plus turbulente : on relève un cas où il a été reproché à un député de ne pas s’adresser à la présidence et d’être passé d’un côté de la Chambre à l’autre, pendant son intervention. [4] Néanmoins, il est arrivé que des députés oublient les règles prescrites. En 1881, par exemple, un député s’est plaint de s’être fait retirer la parole parce qu’il avait quitté son siège pour aller chercher un verre d’eau qu’un page tardait à lui apporter. Il prétendit qu’il avait le droit de parler de n’importe quel endroit de la Chambre, même de la tribune. Le Président donna lecture de la règle à voix haute et corrigea brièvement l’affirmation du député; puis le débat reprit, la parole étant donnée à un autre député. [5]
Les députés se sont généralement pliés à l’obligation de se lever avant de prendre la parole. Néanmoins, depuis les origines du Parlement canadien, les Présidents ont dû à maintes reprises rappeler aux députés qu’il leur était interdit d’intervenir en restant assis. [6] Toutefois, cette règle a connu des exceptions pour les députés qui ne pouvaient se tenir debout en raison d’une maladie, d’une blessure ou d’un handicap. [7] Dans un cas, on a même permis à un député de lire des questions pour un de ses collègues présent à la Chambre, mais qui ne pouvait parler à cause d’une bronchite. [8]
La règle qui oblige les députés à n’intervenir que de leur place attitrée a été respectée moins rigoureusement. [9] Souvent, il est arrivé qu’un député se lève brusquement alors qu’il n’était pas à sa place, pour répondre à la remarque d’un député d’en face. [10] Parfois, par étourderie, des députés se sont levés d’une place qui n’était pas la leur. [11] À trois occasions au moins, des députés ont été autorisés par la Chambre à quitter leur place pendant l’heure réservée aux affaires émanant des députés et à se rapprocher du centre de la Chambre afin de mieux se faire entendre. [12] En 2001, on a modifié l’article en question pour que les députés ne soient plus obligés de se tenir à leur place attitrée durant les débats exploratoires, les débats d’urgence et les débats d’ajournement. On a jugé que cette modification assouplirait la procédure et faciliterait les échanges de points de vue entre députés. [13]
La condition la plus souvent enfreinte est celle qui oblige les députés à s’adresser au Président durant les débats. Après 1900, ils l’ont en effet transgressée de plus en plus souvent, [14] et même aujourd’hui, le Président doit régulièrement rappeler aux députés d’adresser leurs interventions à la présidence. [15]
Jusqu’en 1994, cet article prévoyait également un code vestimentaire selon lequel les députés devaient avoir « la tête découverte » pour prendre la parole lors d’un débat. [16] Comme il y a belle lurette qu’on ne porte plus le chapeau à la Chambre, l’obligation de se découvrir faisait figure d’anachronisme. En fait, dès le XIXe siècle, les députés portant le chapeau étaient rares. Sir John A. Macdonald a dit à ce propos : « En Angleterre, la plupart des députés ont l’habitude de garder leurs chapeaux. Dans le Parlement canadien, cette habitude n’est pas aussi commune, et dans l’ancienne province du Bas-Canada, la politesse française ne permettait pas du tout aux députés de rester coiffés ». [17] Pourtant, il est arrivé, ces dernières années, que des députés se coiffent d’un chapeau pour une occasion spéciale, ou pour attirer l’attention sur un problème ou sur une question. [18] Ainsi, en 1983, une députée a pris deux fois la parole sans ôter son chapeau. Elle a expliqué à la Chambre qu’elle voulait simplement se protéger la vue des projecteurs aveuglants de la télévision, mais cet argument n’a pas paru convaincant à la présidence, et la députée a dû se découvrir. [19] Même avec les récentes modifications, le port du chapeau demeure passablement rare à la Chambre. [20]
Dans le domaine vestimentaire, l’obligation qu’ont les hommes de porter la cravate et le veston pour que la présidence leur accorde la parole est plus controversée. Autrefois, la mauvaise ventilation pendant les périodes de canicule a amené certains députés à ôter leur veston; chaque fois, le Président a signalé que le port du veston était obligatoire. [21] Ces dernières années, des lavallières, des kilts, des t-shirts et d’autres vêtements inhabituels ont attiré l’attention du Président, qui les a jugés inacceptables. [22] Si l’on applique rigoureusement le code vestimentaire durant les débats, il est arrivé qu’on autorise les hommes à voter même s’ils ne portaient pas de cravate. [23] Comme elle l’a fait pour l’obligation de se tenir debout pour prendre la parole, la présidence a aussi quelque peu relâché l’application du code vestimentaire pour les députés qui étaient malades ou blessés. [24]
- 18.
- Aucun député ne doit parler irrévérencieusement du Souverain ou d’un autre membre de la famille royale, ni du Gouverneur général ou de la personne qui administre le gouvernement du Canada. Nul député ne doit se servir d’expressions offensantes pour l’une ou l’autre des deux Chambres ni pour un de leurs membres. Aucun député ne peut critiquer un vote de la Chambre, sauf pour proposer que ce vote soit rescindé.
Commentaire de l’article 18
Le présent article du Règlement interdit les propos irrévérencieux ou offensants dans le cours des débats, ainsi que les critiques sur les votes de la Chambre, notamment la reprise d’une question déjà réglée.
La première disposition de cet article interdit tout propos tendancieux contre le Souverain, la famille royale, le Gouverneur général, l’Administrateur (en l’absence du Gouverneur général), la Chambre des communes et le Sénat, en tant qu’institutions, les sénateurs et, enfin, les députés. À cause de l’importance de leur rang et de leurs fonctions, le Souverain, le Gouverneur général ou la personne qui administre le gouvernement du Canada et la famille royale ont droit au respect des députés. De même, il existe une règle non écrite qui, dans le but de préciser l’indépendance de la Chambre, interdit aux députés de faire allusion au Souverain, à la famille royale, au Gouverneur général ou à l’Administrateur lorsque l’allusion semble être visée à infléchir ou à perturber les travaux de la Chambre. [1] Les réflexions irrévérencieuses sur la Chambre et le Sénat, en tant qu’entités du Parlement, sont également inacceptables. Les députés et les sénateurs sont également protégés par cet article du Règlement.
Ce qui est acceptable ou inacceptable dépend largement des circonstances, mais les attaques personnelles, les insultes, les propos obscènes ou les remarques tendancieuses sur l’intégrité, l’honnêteté ou la réputation d’un député ou d’un sénateur ne sont pas de mise. Afin de limiter le plus possible les allusions personnelles, il a été convenu de désigner les députés par leur titre, leur poste ou le nom de leur circonscription. [2] De même, on utilise ordinairement les expressions « l’autre endroit » et les « membres de l’autre endroit » pour désigner le Sénat et les sénateurs, mais en règle générale, on décourage toute allusion aux débats du Sénat et aux sénateurs. [3] En outre, il est de rigueur, depuis longtemps à la Chambre, de défendre le pouvoir judiciaire des attaques irrespectueuses ou offensantes. [4]
Cela étant, les infractions au Règlement se produisent. En pareil cas, la présidence intervient habituellement en demandant au député concerné de rectifier ou de retirer ses propos antiréglementaires, et en le désignant par son nom s’il refuse d’obtempérer. [5]
La deuxième interdiction, qui vise les remarques sur les votes de la Chambre et la reprise d’une question déjà réglée, s’applique à toutes les décisions de la Chambre. Cette règle souffre une seule exception : tout député, en donnant avis d’une motion à cet effet, peut proposer l’annulation d’un vote. Cette procédure permet à la Chambre de réexaminer une résolution ou un ordre adopté antérieurement et, le cas échéant, de revenir sur sa décision. [6]
Historique de l’article 18
Depuis la Confédération, on a systématiquement contrevenu aux dispositions de l’article 18 du Règlement : en tenant des propos discutables sur les personnes et les institutions mentionnées, ou auxquelles la Chambre avait décidé d’appliquer cet article, et également en commentant les décisions de la Chambre. En revanche, on les a rarement invoquées pour demander qu’un vote soit annulé.
Des qualificatifs irrévérencieux ont été employés à l’occasion contre le Gouverneur général et les deux Chambres du Parlement. En 1873, lorsqu’on a prétendu que le Gouverneur général envoyait des dépêches à la Chambre dans un « certain but », le Président a soutenu le premier ministre qui prétendait que personne n’avait droit de porter de telles accusations contre le représentant du Souverain. [7] Quelques années plus tard, la présidence mettait en garde un député qui avait accusé le Gouverneur général d’ingérence dans un différend entre le Canada et la Colombie-Britannique, [8] et plus tard, elle rappelait également à l’ordre un autre député qui avait qualifié le Sénat d’apanage inutile au Parlement, une organisation de partisans. [9] On a également interdit l’usage d’un langage irrévérencieux à l’endroit de certaines personnes dont il n’est pas fait spécifiquement mention dans cet article du Règlement. Par exemple, on a proscrit les critiques contre les juges [10] et aussi, vers la fin des années 1950, les allusions discourtoises envers les Lieutenants-gouverneurs. [11] Depuis 1867, l’usage veut également qu’on ne fasse pas allusion aux délibérations du Sénat, ni même qu’on le désigne par son nom, [12] quoique cet usage soit de moins en moins rigoureusement observé de nos jours. [13]
Les allusions offensantes envers les sénateurs ou les députés ont été beaucoup plus fréquentes. Depuis le début de la Confédération, les députés ne se privent pas de se traiter mutuellement, et de traiter leurs collègues parlementaires au Sénat, d’« outres pleines de vent » et d’« ignorants solennels », ou de s’accuser de menteurs, de pantins et de clowns. [14] Généralement, ils se rétractent très volontiers, mais ils refusent parfois de le faire, obligeant ainsi la présidence à les désigner par leur nom. [15] Il est arrivé aussi que des propos antiréglementaires ne soient pas contestés, comme l’expression « Ce Smith est le plus grand menteur que j’ai jamais vu! », entendue à la toute fin de la session de 1878, ou la comparaison irrévérencieuse entre certains sénateurs et le petit renne du Père Noël, en décembre 1983. [16] Tous les exemples cités plus haut sont monnaie courante, en dépit de l’usage bien établi exigeant que les parlementaires appellent leurs collègues « le député de , le ministre de , le très hon. premier ministre », ou leur donnent tout autre titre de rigueur. [17] Après une série de remarques particulièrement irrévérencieuses prononcées par des députés en 1991, le gouvernement a présenté une motion exhortant le Président à appliquer de manière stricte l’article 18 du Règlement et enjoignant l’ensemble des députés à s’interdire tout propos offensant et abusif. [18] Un groupe consultatif spécial de députés formé à la même époque a recommandé d’imposer des peines plus sévères dans les cas de propos non parlementaires ou discriminatoires, mais aucun changement n’a été apporté. [19]
Les réflexions sur les votes à la Chambre ont été plus rares. Mais en pareil cas, la présidence a toujours réagi rapidement en rappelant les contrevenants à l’ordre. [20]
Enfin, la Chambre n’a pas souvent annulé une décision prise antérieurement. Une motion à cet effet a déjà été présentée en 1868, mais elle a été retirée par la suite. [21] On a suivi une procédure différente, quelques années plus tard, en rayant un ordre de la Chambre, qui souhaitait révoquer une décision prise antérieurement. [22] Des inscriptions dans les Journaux, — l’une concernant une Adresse au Gouverneur général portant production de documents, l’autre une motion portant également production de documents — ont été toutes deux annulées en 1885 et en 1950 respectivement. [23]
- 19.
- Lorsqu’un député qui a la parole est rappelé au Règlement, soit par le Président, de son propre mouvement, soit sur un rappel au Règlement soulevé par un autre député, il doit reprendre son siège pendant qu’est exposé le rappel au Règlement, après quoi il peut s’expliquer. Le Président peut permettre à la Chambre de discuter le rappel au Règlement avant de rendre sa décision, mais le débat doit se borner rigoureusement au point soulevé.
Commentaire de l’article 19
Un député qui a la parole est censé respecter les règles de procédure et les usages de la Chambre. Malheureusement, il arrive, à l’occasion, que le Règlement et la procédure ne soient pas respectés. Lorsque c’est le cas, le Président est tenu d’intervenir immédiatement. [1] Souvent, toutefois, ce sont les députés eux-mêmes qui invoquent le Règlement pour se plaindre des entorses qui y sont faites. [2] Ils peuvent le faire pratiquement à n’importe quel moment des délibérations, à condition que le rappel soit concis [3] et fait immédiatement après que l’irrégularité se soit produite. [4] Naturellement, un rappel au Règlement interrompt le déroulement des délibérations et le député ayant la parole doit s’asseoir pendant le rappel, bien qu’il ait le droit d’y répondre après. Le Président peut autoriser un bref débat sur le rappel au Règlement, mais sa décision, à l’issue de la discussion s’il y en a eu une, est sans appel. Dans les cas litigieux, les points de vue des députés sont généralement entendus et pris en considération avant la prise de décision.
Historique de l’article 19
Comme il faisait partie du patrimoine transmis à la Confédération par l’Assemblée législative de la Province du Canada, l’article 19 — la règle 12 en 1867 — avait un sens et une interprétation déjà connus de nombreux députés de la nouvelle Chambre : tout rappel au Règlement, ou à l’ordre, devait faire l’objet d’une discussion avant que le Président ne prenne sa décision. [5] Cependant, comme le Règlement a été pendant un certain temps rédigé de façon imprécise, il ne confirmait pas cette coutume avec précision et n’indiquait pas non plus qui devait rappeler les députés à l’ordre. [6] En fait, il faudra 40 ans avant que l’on harmonise l’usage et le Règlement, en modifiant l’article en 1906. [7] Comme le disait un député, paraphrasant Shakespeare : « L’ancienne règle s’est plus fait remarquer par les infractions dont elle a été l’objet que par son observance. » [8] On a finalement procédé au changement parce que, selon le premier ministre Laurier : « Nous avons jugé préférable d’inscrire cette pratique dans les règlements de la Chambre, de façon à ce que tout le monde comprenne bien la chose. » [9] La coutume était donc légitimée : les rappels au Règlement continuaient à être discutés et l’on précisait que le Président et les députés pouvaient rappeler un député à l’ordre pour avoir transgressé le Règlement. Toutefois, il ne faudrait pas croire qu’en 1906 un député pouvait en rappeler un autre à l’ordre. L’usage voulait déjà que seul le Président ait cette autorité. Il est vrai que pendant les premières années de la Confédération les députés se rappelaient mutuellement à l’ordre, [10] mais cette façon de procéder avait graduellement fait place au rappel au Règlement, soumis à une décision du Président. Il faudra attendre l’année 1925 pour qu’un comité spécial de la Chambre reconnaisse que « cet article semble dire qu’un membre peut être rappelé au Règlement par un autre membre… ». [11] Le comité recommanda que l’on précise la règle. Sa recommandation fut finalement adoptée en 1927 au cours d’une autre législature. [12]
Après une période de calme relatif, les discussions sur les rappels au Règlement devinrent de plus en plus longues au début des années 80 et la présidence a dû intervenir et même, dans certains cas, refuser de donner la parole à des députés pour des rappels au Règlement. [13] Ces nouvelles façons de procéder ont parfois entraîné de violentes réactions chez les députés, l’un d’eux ayant même été ainsi désigné par son nom, et donc obligé de se retirer de la Chambre. [14] Une autre fois, le chef de l’Opposition officielle était tellement mécontent qu’il a essayé de présenter une motion critiquant la présidence. [15] En dépit de pressions des députés, les Présidents successifs s’en sont tenus de plus en plus au sens littéral de l’article 19 du Règlement et, même s’ils ont permis des discussions, ils les ont limitées considérablement. Un Président disait : « En cas de rappel au Règlement, je dois simplement écouter les explications de celui qui invoque le Règlement… ». [16] Cependant, depuis 1986, la présidence a quelque peu assoupli son attitude.
Bien avant la période difficile des années 80, la présidence avait commencé à limiter les moments où l’on pouvait invoquer le Règlement. Depuis 1975, par exemple, suite à un rapport de comité préconisant ce changement, la présidence a toujours refusé d’accepter les rappels au Règlement pendant la période des questions; cet usage est maintenant consacré dans le Règlement. [17] Il est arrivé également que des Présidents refusent d’entendre des rappels au Règlement pendant les débats sur la motion portant ajournement. [18] De même, on a enlevé la parole aux députés qui essayaient, par des rappels au Règlement, de présenter une motion ou de bloquer leur propre motion. [19]
Le libellé de l’article n’a pas changé depuis 1927, à l’exception de quelques changements de détail apportés en 1927, 1953 et 1982.
Commentaire de l’article 20
À l’occasion, la conduite [1] ou l’élection [2] d’un député, ou son droit de siéger à la Chambre, a été remis en cause. En pareilles circonstances, le député concerné peut réfuter les accusations portées contre lui, et on continue d’appliquer la règle de longue date voulant qu’il soit mis au courant de ces accusations, mais non pas de tous les arguments auxquels elles donnent lieu, qu’il soit entendu, puis qu’il se retire. [3] L’article 20 du Règlement ne fait que confirmer ce principe.
Le Règlement ne fait pas état des circonstances ou des conditions permettant d’invoquer cette procédure (voir l’article 48). Mais la présidence a interprété la notion de conduite comme faisant référence à des comportements qui, s’ils sont formellement établis, peuvent entraîner l’expulsion de leur auteur au motif qu’il n’est pas digne de faire partie de la Chambre, par opposition à un comportement qui obligerait la présidence à le désigner par son nom. [4]
Historique de l’article 20
Depuis 1867, un ordre de la Chambre (l’ancêtre de l’article 20 du Règlement actuel) stipulait que tout député, dont l’élection était remise en question, était tenu de se retirer si la Chambre examinait la validité de cette élection. [5] En 1887, M. Baird, dont l’élection avait été contestée, a fait une longue déclaration et s’est retiré ensuite pendant que la Chambre poursuivait ses délibérations. [6] Quelques années plus tôt, toujours à propos d’une élection, un député n’a pas repris son siège tant que la Chambre n’eut pas statué en sa faveur. [7] D’autres précédents existent à ce sujet, notamment celui d’un député de Montréal accusé, en 1913, de complicité dans une affaire d’usurpation d’identité pendant une élection partielle. Le député concerné a fait une déclaration en règle à la Chambre pour nier les accusations et il s’est retiré pendant que la Chambre délibérait. [8] Il est arrivé aussi, en 1926, que le Président invoque l’ordre de retrait à propos d’une élection, alors que le député en cause était absent. [9]
Cet ordre de la Chambre prévoyait également le retrait des députés quand il y avait double élection (égalité des voix) dans une seule circonscription. [10] En pareil cas, non seulement les intéressés ne pouvaient-ils pas assister aux discussions, mais en plus ils n’avaient pas le droit de siéger tant que la Chambre n’avait pas établi lequel devait être déclaré élu. C’est ce qui est arrivé en 1872, lorsque la circonscription de Marquette, au Manitoba, a envoyé deux représentants aux Communes, Angus McKay et James Lynch. [11] Les deux hommes se sont fait dire, en se présentant au Parlement, de se retirer jusqu’à ce que la Chambre ait statué sur leur sort. [12] Mais cette affaire de double élection n’a pas eu de suites, à cause de la prorogation, puis de la dissolution de la Chambre.
Il n’en demeure pas moins que les questions électorales ne sont pas les seuls motifs de retrait d’un député de la Chambre. En 1876, par exemple, le Greffier de la Chambre a lu, à voix haute, tous les documents portant sur des allégations de faux et d’usage de faux à l’endroit de M. Daoust, qui s’est retiré après avoir plaidé sa cause. [13] Et en 1891, M. Cochrane, député de Northumberland, s’est lui aussi retiré après avoir réfuté les allégations de mauvaise conduite qui pesaient sur lui. [14] D’autres députés ont eu à se défendre contre certaines accusations, notamment en 1894, en 1903, en 1911 et en 1924, mais on ne sait pas si ces députés se sont retirés après avoir fait leur déclaration. [15]
Cet ancien ordre de la Chambre devenu entre temps un article du Règlement [16] a finalement fait l’objet, en 1927, d’une révision en profondeur qui a consacré l’usage suivi dans les cas de mauvaise conduite. Ce nouvel article modifié exige maintenant le retrait d’un député « s’il surgit une question concernant sa conduite ou son élection, ou encore son droit de faire partie de la Chambre » et il a également entériné la tradition permettant au député en cause de faire une déclaration après avoir entendu l’exposé de l’accusation. On a abandonné l’allusion à la question désuète de la double élection dans les dispositions de cet article. [17]
Après la modification de 1927, il n’y a pas eu beaucoup de députés formellement accusés de mauvaise conduite, et la procédure de retrait a donc été rarement invoquée. [18] Mais on trouve tout de même, en 1953, le cas de M. George, député de Westmoreland, qui a été accusé officieusement d’irrégularités dans la présentation de ses demandes d’indemnités parlementaires. Même s’il était absent lorsque ces allégations ont été faites, il n’en a pas moins fait une déclaration quelques jours plus tard, et il s’est ensuite retiré, visiblement afin de permettre à la Chambre de se prononcer. [19] Mais comme la Chambre n’avait été saisie d’aucune motion, l’incident n’a pas eu de suites. Trois ans plus tard, il a été question d’étendre l’application de cet article à un cas de mauvaise conduite d’un député pendant les délibérations du comité plénier. La présidence a rejeté cette éventualité, estimant que cet article du Règlement ne traitait pas à proprement parler de conduite en ce sens et elle a cité l’exemple de 1953 à l’appui de sa décision. [20] Dans un cas plus récent, le député à qui l’on reprochait la conduite est demeuré dans la Chambre durant le débat et a même voté sur la motion. [21]
Il n’est jamais arrivé, depuis 1953, qu’un député dont on contestait la conduite ou l’élection, ou le droit de faire partie de la Chambre, fasse une déclaration avant de se retirer de la Chambre.
Commentaire des articles 21 et 22
Au moment de sa suppression, l’article 21 se lisait comme suit : « Aucun député n’a le droit de voter sur une question dans laquelle il a un intérêt pécuniaire direct, et le vote de tout député ainsi intéressé doit être rejeté ». Quand à l’article 22, il énonçait : « Le Greffier de la Chambre tient un Registre public des déplacements des députés à l’étranger, dans lequel les députés consignent tous leurs déplacements effectués à l’extérieur du Canada en leur qualité de membres de la Chambre des communes, ou liés à leur fonction de membre de la Chambre des communes, lorsque le coût des déplacements en question n’est pas entièrement assumé par le Fonds du revenu consolidé, le député personnellement, une association interparlementaire ou un groupe d’affinité sanctionné par la Chambre des communes et tout parti reconnu, ainsi que le nom du particulier ou de l’organisation qui a parrainé le déplacement en provenance et à destination du Canada. » Comme le contenu de ces deux articles est dorénavant couvert par le Code régissant les conflits d’intérêts des députés, ils sont devenus superflus. [1]
- 23.
-
- (1)
- Le fait d’offrir de l’argent ou quelque autre avantage à un député à la Chambre des communes, en vue de favoriser toute opération pendante ou devant être conduite au Parlement, constitue un délit qualifié de « high crime and misdemeanour » et tend à la subversion de la Constitution.
Commentaire de l’article 23(1)
L’un des privilèges des députés est de pouvoir s’acquitter de leurs fonctions parlementaires en toute liberté, à l’abri de toute mesure d’intimidation ou d’ingérence. Toute tentative de corruption porte atteinte à ce privilège et à l’indépendance des députés, et par voie de conséquence, à celle de la Chambre; elle est assimilée à un outrage au Parlement. À ce titre, cet article du Règlement, qui qualifie la tentative de corruption de « high crime and misdemeanour » tendant à la « subversion de la Constitution », souligne la gravité que revêt cette infraction pour la Chambre.
On trouve peu de cas attestés de tentative de corruption. Dans un cas ancien, un député a déclaré à la Chambre que quelqu’un avait tenté d’acheter son vote. La Chambre a immédiatement ordonné que la personne en cause soit placée en détention, mais le Parlement a été prorogé avant que cette personne n’ait pu être interrogée à la barre, et la question n’a plus jamais été abordée par la suite. [1] Dans un cas plus récent, on a prétendu qu’un député s’était vu offrir une somme d’argent, à la condition qu’il change d’allégeance en traversant le parquet de la Chambre. Le Comité permanent des privilèges et élections fut chargé d’étudier cette accusation et d’en faire rapport; après enquête, il conclut qu’elle était sans fondement, et l’affaire n’eut pas d’autre suite. [2]
Le Règlement ne prévoit pas qu’un député puisse accepter — ni, à plus forte raison, solliciter — de l’argent ou quelque autre avantage en contrepartie de son activité au Parlement, mais une telle situation pourrait être considérée comme une atteinte au privilège. Cela pourrait aussi être considéré comme une infraction au Code régissant les conflits d’intérêts des députés, annexé au Règlement, qui interdit à tout député de favoriser ses intérêts personnels dans l’exercice de ses fonctions. [3] La Loi sur le Parlement du Canada interdit toute tentative de corruption et défend aux parlementaires d’accepter toute proposition de rémunération; elle énonce les peines auxquelles s’exposent ceux qui transgressent ces interdictions. [4]
Historique de l’article 23(1)
On ne signale aucun cas avéré d’infraction à cet article du Règlement. En revanche, des allégations de corruption ont été formulées à deux reprises. Tout d’abord, le 3 novembre 1873, le député de Marquette, M. Cunningham, a déclaré à la Chambre qu’un échevin d’Ottawa, M. Heney, lui avait proposé une forte somme d’argent pour qu’il appuie le gouvernement lors d’un vote imminent. Immédiatement après ces propos, la Chambre ordonna au Sergent d’armes de placer M. Heney en détention. [5] Lorsque le Sergent d’armes se présenta le lendemain avec son prisonnier, la Chambre, qui débattait fiévreusement des accusations portées à l’occasion du scandale du chemin de fer Canadien Pacifique, ordonna simplement que Heney reste en détention jusqu’à sa convocation. [6] Trois jours plus tard, une motion demanda enfin qu’il comparaisse à la barre. À ce moment, le Gentilhomme huissier de la verge noire vint inviter les Communes à entendre un discours de prorogation. Un nouveau gouvernement avait jugé nécessaire de proroger la Chambre à cause du grand nombre de sièges devenus vacants après l’entrée en fonction du nouveau ministère. [7] Peu de temps après, le Parlement fut dissous, et à la reprise, la nouvelle Chambre ne donna pas suite à cette affaire.
Il faut ensuite se reporter à 1964 pour trouver une autre accusation officielle de tentative de corruption. [8] En l’occurrence, un député posa une question de privilège et fit part à la Chambre d’un entretien qu’il avait eu avec un organisateur d’un autre parti. Selon lui, cet organisateur lui offrait une forte somme pour sa caisse électorale s’il traversait le parquet de la Chambre. [9] L’affaire fut remise au lendemain; un autre député prétendit alors que si elle était fondée, cette allégation constituait une tentative de corruption sur la personne d’un député. [10] L’affaire fut renvoyée pour étude au Comité permanent des privilèges et élections, qui déclara n’avoir trouvé aucune preuve de tentative de corruption lorsqu’il en a fait rapport quelques semaines plus tard. [11]
À part ces deux incidents, il y a eu de nombreux autres cas où des députés ont accusé l’un de leurs collègues, dans une motion, d’avoir accepté une rémunération en contrepartie de faveurs ou d’interventions. [12] À cet égard, le Règlement est sans incidence, puisqu’il ne prévoit que l’« offre » de rémunération, et non son acceptation. En revanche, la Loi sur le Parlement du Canada prévoit l’illégalité de certains actes dont certains députés peuvent se rendre coupables. [13] La distinction entre le Règlement et la loi prévaut encore aujourd’hui, c’est-à-dire que la loi s’applique aussi bien à l’offre qu’à l’acceptation d’une rémunération, tandis que le Règlement ne fait référence qu’à la première; en outre, toute forme de corruption dans l’exécution des fonctions d’un député constitue en tout état de cause une atteinte aux privilèges. [14] Outre les dispositions de la Loi, on a annexé au Règlement, en 2004, un Code régissant les conflits d’intérêts des députés. Le Code spécifie, entre autres choses, que les députés n’ont pas le droit de favoriser leurs intérêts personnels dans l’exercice de leurs fonctions. [15]
Le fond de cet article du Règlement n’a pas changé depuis 1867, alors que sa désignation a été modifiée à deux reprises. De 1867 à 1876, il a été adopté au début de chaque session en tant qu’ordre sessionnel. De 1876 à 1906, ce fut un article non numéroté du Règlement; par la suite, on lui a attribué un numéro.
- 23.
-
- (2)
- S’il appert qu’une personne a été élue et déclarée élue député à la Chambre des communes, ou a cherché à l’être, par l’emploi de moyens de corruption ou d’autres tractations malhonnêtes, la Chambre usera de la plus grande rigueur envers tout individu qui aura volontairement pris part à ces manœuvres.
Commentaire de l’article 23(2)
Cet article du Règlement condamne la corruption électorale, réaffirmant ainsi l’un des privilèges fondamentaux de la Chambre, à savoir son droit de régler elle-même les questions qui touchent à la façon dont elle est constituée. Au cours des années, le Parlement a également adopté un certain nombre de lois touchant la corruption électorale et les manœuvres frauduleuses, donnant ainsi aux tribunaux le droit de juger de ces circonstances lorsqu’elles se produisent. [1] Si un candidat s’est prêté à la corruption ou s’est livré à d’autres tractations malhonnêtes pour tenter de se faire élire, il est passible de graves sanctions, notamment de se voir privé du droit de se porter candidat ou de voter lors d’élections subséquentes, ce sur une période de plusieurs années. [2]
Les lois sont tellement détaillées dans leur description de tous les genres de corruption électorale et dans leur définition des sanctions, que la Chambre a toujours beaucoup hésité à enquêter sur des cas de ce genre (voir l’historique). Les décisions de la présidence ont toujours appuyé le point de vue que la Chambre ne pouvait intervenir, puisque la loi applicable, maintenant la Loi électorale du Canada, donne aux tribunaux compétence exclusive pour décider de la validité des résultats d’une élection en cas de contestation. [3] Malgré tout, la Chambre n’a jamais renoncé à son pouvoir d’agir au sujet de questions concernant ses membres, du moment qu’elles ne touchent pas une élection contestée, bien que la Chambre puisse, théoriquement, sanctionner un député coupable par d’autres moyens (l’expulsion, par exemple). De plus, la Chambre peut toujours recevoir des pétitions exposant des griefs et priant le Parlement d’y porter remède, à condition qu’elles ne mettent pas en cause l’élection d’un député. [4]
Historique de l’article 23(2)
Entre 1867, date de l’adoption de cet article du Règlement, et 1873, lorsque fut adoptée la Loi sur les élections fédérales contestées, c’est la Chambre elle-même, par son comité des élections, [5] qui jugeait les cas d’élections contestées et, par conséquent, les cas de corruption ou de fraude électorale. [6] Un peu avant l’adoption de la loi de 1873, une procédure différente fut suivie lorsque l’on eut connaissance d’un grand scandale de corruption.
En avril de cette année-là, il fut allégué que plusieurs ministres et partisans du gouvernement avaient reçu d’importantes sommes d’argent de Sir Hugh Allan, de Montréal, pendant les élections de 1872, pour acheter des électeurs, en échange de quoi il avait été convenu d’accorder à Allan la charte pour la construction du chemin de fer du Pacifique. La motion contenant ces allégations et demandant la création d’un comité d’enquête, composé de députés du gouvernement et de l’opposition, fut défaite. [7] Quelques jours plus tard, le premier ministre présentait à la Chambre une nouvelle motion visant à constituer un comité spécial chargé d’enquêter sur ces allégations et de présenter un rapport. Quelques mois plus tard, après que l’on eut destitué le comité de tous ses pouvoirs et nommé à la place une Commission royale d’enquête, l’opposition, mécontente du déroulement des événements, déposait une motion de censure. [8] Après quelques jours de débat, le gouvernement démissionnait et une nouvelle administration était formée.
L’année suivante, après l’entrée en vigueur de la Loi sur les élections fédérales contestées, le Président refusa d’accepter en une occasion ce qu’il considérait être une pétition électorale, estimant que la question ne pouvait être tranchée que par les tribunaux, tel que prévu par la loi. [9] Ce principe continua à guider la Chambre dans les cas qui se sont présentés par la suite, bien que plusieurs aient constaté avec inquiétude que la Loi sur les élections fédérales contestées ne prévoyait pas l’adoption de mesures spécifiques donnant suite aux rapports des juges sur la corruption lors d’élections. [10] On pallia à cette lacune en 1876, alors que le Parlement adoptait deux lois traitant des enquêtes sur les manœuvres frauduleuses aux élections. [11] En 1879, il y eut une pétition demandant une enquête de ce genre, mais elle fut simplement renvoyée pour étude au Comité des élections et privilèges, qui n’a jamais remis de rapport. [12]
La question de savoir si la Chambre pourrait légalement donner suite à des pétitions concernant des élections contestées n’est toujours pas résolue et plusieurs cas, dans les années 1880 et 1890, n’ont certainement pas éclairci les incertitudes à ce sujet. Ainsi, en 1881, le Président décida que la Chambre ne pouvait pas s’immiscer dans ces affaires et refusa une pétition, [13] tandis qu’en 1887, il en accepta une qui fut renvoyée au Comité des élections et privilèges en vertu d’une motion du ministre de la Justice; celui-ci estimait que, même si le Comité ne pouvait et ne devait pas décider de la validité de l’élection, il était libre d’enquêter sur l’affaire. [14] Il y eut un cas similaire en 1888. [15] En 1892, la Chambre est allée plus loin. À la suite de graves allégations de corruption généralisée dans plusieurs circonscriptions du Québec lors des élections de 1891, non seulement fut-il décidé de faire enquête, mais encore une Commission royale fut nommée à cette fin. Il fut néanmoins établi que la Commission n’aurait pas à émettre un jugement et qu’elle se contenterait de réunir des preuves. [16] Après qu’on eût fait rapport des éléments de preuve réunis, la Chambre se prononça contre la poursuite de l’affaire en rejetant un amendement à une motion des subsides. [17]
En 1901, l’affaire Nipissing suivit un cours légèrement différent. On décida alors que même si la Chambre pouvait renvoyer une question électorale au Comité des élections et privilèges pour enquête si elle le voulait, elle n’avait aucun avantage à le faire, puisque les tribunaux s’en occupaient déjà. [18] Dès 1913, dans l’affaire Coderre, on s’entendit sur le fait que le Comité des privilèges et élections n’avait pas à enquêter sur les irrégularités électorales, [19] et il en fut de même en 1926, lorsque l’élection de Peace River fut mise en cause. [20]
Depuis 1926, personne n’a jamais demandé à la Chambre d’enquêter sur des allégations de corruption ou de manœuvres frauduleuses lors d’élections, bien qu’on l’ait suggéré de temps à autre. [21] Une fois au moins, la Chambre a autorisé un débat d’urgence pour parler de corruption lors d’une élection en particulier. [22]
Par ailleurs, en 1927 et 1942, la Chambre a étudié des rapports de juges relatifs à des manœuvres frauduleuses aux élections, par le biais d’un renvoi au Comité des privilèges et élections. [23] Au fil du temps, la Loi sur les élections fédérales contestées a été modifiée de façon à ce que la Chambre n’ait plus à se préoccuper de corruption ni de manœuvres frauduleuses aux élections. Plusieurs autres lois adoptées ultérieurement par le Parlement touchaient également aux pratiques électorales et prévoyaient une variété de sanctions en cas de contravention. En 2000, l’adoption de la nouvelle Loi électorale du Canada est venue abroger ces diverses lois, en incorporant ou en remplaçant leurs dispositions en un seul et même texte législatif. [24] Néanmoins, cet article du Règlement est resté inchangé depuis la Confédération. [25]