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Monsieur le Président, c'est avec plaisir que j'amorce le débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi .
Je suis heureux de constater que ce projet de loi a été adopté par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, dont je suis membre. J'aimerais faire remarquer à la Chambre que le projet de loi a été amendé à l'étape de son examen en comité et que la plupart des amendements ont été proposés par des députés du Bloc québécois et du NPD. Je suis heureux de constater que ces députés ont travaillé d'arrache-pied et qu'ils sont parvenus à proposer des amendements constructifs, lesquels ont été adoptés par le comité.
Le gouvernement du Canada est conscient que les infractions graves liées aux drogues, dont celles concernant les installations de culture de marijuana et les laboratoires clandestins de production de méthamphétamine, continuent de présenter une menace pour la sécurité de nos rues et de nos collectivités. Le projet de loi s'inscrit dans notre stratégie de lutte contre ce problème. Il propose des modifications visant à renforcer les dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances relatives aux sanctions prévues dans le cas des infractions graves liées aux drogues, en veillant à ce que les auteurs de ces infractions écopent de peines minimales obligatoires. En proposant ces modifications, nous montrons que nous sommes résolus à améliorer la sécurité des collectivités d'un bout à l'autre du pays.
Pendant son étude du projet de loi, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a entendu les témoignages du , de représentants du gouvernement, y compris du ministère de la Justice, ainsi que de représentants des autres parties concernées, notamment des organismes d'application de la loi. Les représentants des organismes d'application de la loi qui ont témoigné, de même que d'autres intervenants, appuient le projet de loi, qui ne jouit cependant pas d'un appui généralisé, comme mes collègues de l'opposition ne manqueront pas de le souligner, j'en suis sûr.
Comme on l'a dit, le gouvernement reconnaît que ce ne sont pas tous les auteurs d'infractions liées aux drogues ni tous les trafics de drogues qui présentent le même risque de violence et le même danger. Le projet de loi tient compte de cela. C'est pourquoi il propose une approche ciblée. En conséquence, les nouvelles peines ne s'appliqueront pas aux infractions liées à la possession ni aux infractions liées à tous les types de drogues. Le projet de loi cible les infractions les plus graves liées aux drogues les plus dures. De manière générale, les propositions représentent une approche sur mesure pour l'imposition de peines minimales obligatoires pour les infractions graves liées aux drogues, comme le trafic, l'importation, l'exportation et la production.
Pour les drogues énumérées à l'annexe 1, donc pour les drogues telles que l'héroïne, la cocaïne et la méthamphétamine, le projet de loi propose une peine minimale d'un an d'emprisonnement pour le trafic ou la possession dans le but du trafic quand il y a certaines circonstances aggravantes.
Ces circonstances aggravantes sont les suivantes: la personne a commis l'infraction au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle ou en association avec elle; la personne a eu recours ou a menacé de recourir à la violence, ou a utilisé ou menacé d’utiliser une arme; la personne a déjà été reconnue coupable d’une infraction désignée au cours des dix dernières années. De plus, si l'infraction est commise en présence de personnes mineures ou dans une prison, la peine minimale passe à deux ans d'emprisonnement.
Dans les cas d'importation, d'exportation et de possession dans le but de l'exportation, la peine minimale est d'un an si ces infractions sont commises à des fins de trafic.
Je dois souligner que ce passage du projet de loi a été amendé en comité par le gouvernement afin de faire en sorte d'imposer une peine minimale d'un an d'emprisonnement à la personne qui, en perpétrant l’infraction, a commis un abus de confiance ou un abus d’autorité, ou qui avait accès à une zone réservée aux personnes autorisées et a utilisé cet accès pour perpétrer l’infraction. De plus, la peine passe à deux ans si l'infraction concerne plus d'un kilogramme d'une substance inscrite à l'annexe 1.
La durée de la peine minimale applicable à une infraction liée à la production d'une substance inscrite à l'annexe I est de deux ans. Elle passe à trois ans en présence de circonstances aggravantes liées à la santé et à la sécurité. Ces circonstances sont les suivantes: l’accusé s’est servi d’un immeuble appartenant à un tiers pour commettre l’infraction, la production constitue un danger potentiel pour la sécurité ou la santé d’enfants se trouvant à l’endroit ou dans les environs de l’endroit où l’infraction a été commise, la production constitue un danger potentiel pour la sécurité du public dans un secteur résidentiel ou l’accusé a tendu un piège.
Dans le cas des substances inscrites à l'annexe II, annexe qui regroupe des drogues dites douces telles que la marijuana et la résine de cannabis, la peine minimale obligatoire proposée relativement au trafic et à la possession en vue du trafic est d'une année d'emprisonnement s'il y a des circonstances aggravantes telles que le recours à la violence, la récidive or le bénéfice du crime organisé. Des circonstances comme le trafic en présence de jeunes fait passer la durée minimale à deux ans, ce qui est très bien.
En ce qui concerne l’importation ou l’exportation et la possession de marijuana en vue de l’exportation, la peine minimale serait d'une année d'emprisonnement, si l'infraction est commise à des fins de trafic. L'amendement proposé par le gouvernement que je viens de mentionner s'appliquerait également au contrevenant qui a commis un abus de confiance ou d’autorité ou profité de l'accès qu'il avait à une zone réservée aux personnes autorisées pour perpétrer l'infraction, et la peine minimale applicable serait également une année d'emprisonnement.
Pour ce qui est de la production de marijuana, le projet de loi amendé propose des peines obligatoires dont la durée est calculée en fonction du nombre de plants en cause. La production de 5 à 200 plants cultivés en vue du trafic serait passible d'une peine d'emprisonnement de six mois. Le nombre minimal de plants a été porté de un à cinq après qu'un amendement en ce sens eut été présenté et vivement débattu au sein du comité.
La production de 201 à 500 plants serait passible d'une peine minimale obligatoire d'une durée d'un an et celle de plus de 500 plants, de deux ans, tandis que la production de résine de cannabis en vue du trafic serait passible d'une peine minimale d'emprisonnement d'un an.
La durée des peines minimales applicables à la production de substances inscrites à l'annexe II augmenterait de moitié en présence d'une ou de plusieurs des circonstances aggravantes liées à la santé et à la sécurité que je viens d'énumérer.
La peine maximale pour avoir produit de la marijuana serait doublée et passerait de 7 à 14 ans d'emprisonnement.
Les amphétamines, ainsi que les drogues appelées « drogues du viol », comme le 4-hydroxybutanoate (ou GHB) et le Rohypnol, passeraient de l'annexe III à l'annexe 1, ce qui permettrait aux tribunaux d'imposer des peines maximales plus lourdes pour des infractions mettant en cause ces deux drogues trop souvent utilisées. Des personnes à qui elles sont administrées à leur insu sont ensuite victimes de viol.
Le projet de loi, tel que modifié par le comité, donnerait aux tribunaux le pouvoir d'imposer une peine autre que le minimum obligatoire à une personne condamnée pour une infraction grave liée à la drogue et qui a suivi avec succès un programme judiciaire de traitement. J'affirme que cette manoeuvre de diversion est l'un des points forts du projet de loi et je sais que tous les membres du comité l'appuient.
Enfin, je ferai remarquer que ce projet de loi a été amendé pour qu'y soit ajoutée un nouvel article. Selon l'article 8.1 proposé, un comité parlementaire ferait un examen détaillé des dispositions de ce projet de loi et des conséquences de leur application deux ans après son entrée en vigueur.
Pour conclure, je doit dire que suis heureux que le projet de loi ait fait l'objet d'un examen approfondi et d'un débat rigoureux au sein du Comité de la justice et que nous approchions rapidement de notre but, qui est de voir cette mesure législative adoptée.Le projet de loi a été amendé par le comité, tant par des députés ministériels que par des députés de l'opposition, et, à mon avis, ces amendements respectent l'esprit de ce projet de loi et sont conformes à ses objectifs.
Le projet de loi s'inscrit dans l'engagement continu du gouvernement de prendre des mesures pour protéger les Canadiens et rendre nos rues et nos villes plus sûres. Nous entendons constamment de nos électeurs que les Canadiens veulent un système de justice doté de lois claires et strictes qui dénoncent et découragent les crimes graves, y compris les infractions graves liées à la drogue. Ils veulent des lois qui imposent des peines qui reflètent la gravité de ces crimes. Ce projet de loi permettrait d'atteindre ce but louable.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part au débat à l'étape de la troisième lecture sur le projet de loi. Oui, nous avons étudié le projet de loi en comité. Je tiens d'ailleurs à remercier tous les membres du comité pour un débat très intelligent sur les lois de lutte contre les drogues.
Il est intéressant et plutôt rafraîchissant de voir dans les journaux un reportage qui est exact. Il a été question aujourd'hui du projet de loi. On mentionne notamment ceci au sujet des infractions prévues dans le projet de loi:
Ce sont des infractions de trafic, elles visent des gens qui font commerce de drogues. Si vous êtes condamné pour trafic de drogues, je crois que vous devriez purger toute la peine prévue dans le projet de loi.
C'est une citation qui m'a été attribuée dans une nouvelle nationale et je suis heureux que le journal m'ait bien cité parce que c'est exactement mon sentiment au sujet du projet de loi.
L'opposition au projet de loi est plutôt étrange. Les autres partis de l'opposition n'ont peut-être pas été bien cités, cela nous est tous arrivés, mais, selon les seules véritables citations exprimant le point de vue de l'opposition, nous adoptons la voie suivie par les États-Unis et elle a été un échec.
J'ai été attentif lors des nombreuses heures de débat que nous avons consacrées à ces questions en général et je n'ai vu aucune citation et je n'ai entendu aucune déclaration à la Chambre nous présentant des éléments de preuve établissant clairement qu'une personne condamnée pour trafic de drogue ne devrait pas aller en prison.
C'est important parce que, à l'occasion, nous perdons de vue le fait qu'il existe une brique appelée le Code criminel où sont définies les infractions. Qu'est-ce que le trafic? Il est très important que la population n'ait pas l'impression que nous voulons mettre en prison les personnes prises en possession de petites quantités de drogues, particulièrement de marijuana. La population ne serait pas prête à accepter que la nouvelle loi envoie en prison pour six mois une personne prise avec un seul joint. Mais ce n'est pas le cas.
Nous avons entendu des fonctionnaires du ministère nous dire ce que même le gouvernement admettrait, soit que ces fonctionnaires n'approuvent pas toujours tout ce qui est décidé. Ils ont déclaré très clairement que ce ne serait pas le cas.
Ce sont des questions qui portent sur le trafic. L'infraction de trafic prévue à l'article 5 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances a été interprétée de diverses façons par les tribunaux. La Cour d'appel du Nouveau-Brunswick a dit par exemple « ...la distribution signifie la répartition entre plusieurs personnes et il ne peut donc pas y avoir distribution s'il n'y a qu'un seul acquéreur. »
Un autre tribunal a également établit que « ...lorsque le transport d'un stupéfiant par l'accusé ne sert que son utilisation personnelle du stupéfiant et qu'il est distinct du transport relié à une transaction impliquant d'autres personnes, il ne s'agit pas d'une infraction de trafic. »
Comme l'a indiqué mon collègue de , avec toutes ses années d'expérience, il est loin d'être facile de déclarer une personne coupable de trafic de stupéfiants. Pour pouvoir prouver qu'il y a eu trafic, même pour ce qui est de la marijuana, il faut pouvoir prouver qu'une personne vend la drogue dans le but d'en tirer un profit commercial, qu'elle tente d'accroître la consommation de drogues.
Ce projet de loi porte sur un sujet que me touche de très près. Les jeunes de notre collectivité vont à l'école et vivent dans un environnement bien différent de celui que j'ai connu à mon époque et certainement aussi très différent de celui que le député de a connu quand il allait à l'école, ce qui est bien avant mon temps. Les temps ont changé et les drogues sont au coeur des dangers auxquels les enfants font face au quotidien. Ils se rendent à l'école à pied. Ils traversent des terrains de jeu. Ils risquent souvent de se voir entraîner dans le cercle de la consommation de drogues qui peut ruiner des vies, des familles et même les moeurs de la collectivité en général.
Je réfléchis à mes paroles et je me demande si les gens me considèrent comme un conservateur enragé? Suis-je devenu un intervenant dans ce cirque républicain dont nous sommes témoins ici depuis trois ans? Je connais suffisamment le député de pour savoir que c'est un homme dévoué à sa famille et un pratiquant. Je sais également qu'il accorde de l'importance aux bonnes moeurs. Je dois donc en conclure que ce n'est pas une personne qui croit utile de permettre aux trafiquants de retrouver la rue pour pouvoir continuer de corrompre nos jeunes et notre société en général.
Voilà où nous établissons la distinction entre nos amis qui ont une attitude libérale à l'égard de la consommation, de la vente et du trafic de la drogue, et les conservateurs qui disent, si George Bush l'a fait, c'est bon. Voilà pourquoi nous formons le parti du centre, le parti de la responsabilité, et nous disons qu'il s'agit d'un bon projet de loi.
Ce projet de loi cible le trafic de la drogue. Pour la première fois peut-être, les conservateurs font bien les choses. Ils disent que si nous voulons éviter à quelqu'un une peine minimale obligatoire d'emprisonnement, nous devrions lui accorder la possibilité de participer à un programme de réhabilitation en le faisant plutôt passer devant un tribunal de traitement de la toxicomanie. Il s'agit d'excellents outils que les démocraties occidentales utilisent abondamment depuis un certain temps.
Nous avons critiqué la stratégie nationale anti-drogue du gouvernement. Celle-ci consiste à placer devant une caméra de télévision un tas d'affiches bleues en néoprène, qui disent que le gouvernement à une stratégie anti-drogue.
Où est le financement pour les tribunaux de traitement de la toxicomanie? Pourquoi n'y a-t-il pas un plus grand nombre de ces tribunaux dans l'ensemble du pays? J'habite à Moncton, au Nouveau-Brunswick, qui est une des provinces du pays. En fait, elle a été l'une des provinces fondatrices de ce pays. Il n'existe aucun tribunal de traitement de la toxicomanie au Nouveau-Brunswick, et c'est bien dommage.
En appuyant le projet de loi, nous demandons aux conservateurs, pendant la durée de leur gouvernement, et nous espérons tous que ce dernier ne durera pas trop longtemps, d'augmenter le financement des mesures de substitution, notamment les établissements de traitement et les institutions comme les tribunaux de traitement de la toxicomanie.
L'autre chose que les conservateurs commencent à comprendre à force de se l'être fait répéter au Comité de la justice depuis des années est qu'il est important de soumettre régulièrement des rapports au comité et au Parlement sur l'incidence de la loi. C'est ce qui est prévu au paragraphe 8.1(1). La présentation de rapports au Parlement sur l'impact de la mesure serait un pas dans la bonne direction.
Le Comité de la justice a tenu une série d'audiences à Vancouver. Les membres ont été étonnés d'apprendre que la marijuana — qui est parfois perçue, par certains parlements populaires, comme une drogue à usage récréatif qui apaise les gens — est en fait la monnaie d'échange du crime organisé dans l'Ouest du Canada et probablement ailleurs au Canada. Elle pose un grave problème.
Il faut trouver un moyen d'inclure la marijuana. Les autres partis de l'opposition n'ont pas indiqué que ce serait acceptable s'il était question de méthamphétamine. Ces députés veulent se montrer sensibles à l'égard de la consommation modérée de marijuana. On a tort de penser que la marijuana et son trafic font partie de la culture canadienne. C'est faux. La marijuana est un moyen de financement pour le crime organisé.
Nous avons assez débattu de la mesure. Il est temps de l'adopter et de talonner le gouvernement. Sa stratégie antidrogue ne doit pas se résumer à une simple conférence de presse tenue à 17 heures.
Cela dit, j'aimerais conclure mon discours en proposant, avec l'appui du député de :
Que la question soit maintenant mise aux voix.
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Monsieur le Président, je voudrais faire un commentaire bien amical, avant de débattre sur le fond du projet de loi qui est extrêmement important parce qu'il met en oeuvre la stratégie du gouvernement conservateur en matière de lutte contre les drogues.
Quand je suis arrivé en cette Chambre, on disait que lorsque les libéraux étaient au gouvernement, ils gouvernaient comme des conservateurs et que lorsqu'ils étaient dans l'opposition, ils parlaient comme le NPD. Aujourd'hui, en écoutant mon collègue s'exprimer sur le projet de loi , j'ai appris que les libéraux sont hantés par les politiques conservatrices, qu'ils soient au gouvernement ou dans l'opposition.
Cela étant dit, c'est un projet de loi extrêmement important et extrêmement décevant. D'abord, énormément de démagogie a été exercée par certains députés, ce qui nous pousse à penser que, si on veut avoir une approche quelque peu alternative aux peines minimales et à la répression un peu bébête, on est complaisant face au crime organisé dans nos communautés. Ce genre d'insinuation rend extrêmement pervers le débat politique.
Le Bloc québécois est contre les peines minimales. Nous avons tenu ce discours depuis le début de notre existence, et j'expliquerai pourquoi. Nous sommes contre ces peines, contrairement à certains partis qui disent être contre ces peines minimales, mais qui ont voté pour le projet de loi . J'imagine que mon collègue du NPD souhaitera s'expliquer lorsque viendra son tour de parler, qui sera imminent.
Nous sommes contre les peines minimales, et j'expliquerai pourquoi. Toutefois, nous n'avons pas de leçons à recevoir en matière de vigilance contre le crime organisé. J'ai moi-même été le premier député à déposer en cette Chambre un projet de loi antigang lorsque les bombes explosaient à Montréal, que les groupes criminels s'affrontaient et que des députés et fonctionnaires, du gouvernement de l'époque, disaient ne pas avoir besoin de droits nouveaux et disaient pouvoir démanteler le crime organisé en utilisant les dispositions concernant le complot.
Cela dit, c'est également le Bloc québécois qui a réussi à faire adopter en cette Chambre le retrait du billet de 1 000 $ qui était évidemment un outil privilégié pour les grands réseaux liés au crime organisé. C'est l'ex-député bloquiste de Charlesbourg, M. Richard Marceau, qui avait convaincu le gouvernement, dans les derniers jours du gouvernement Martin, d'adopter un projet de loi concernant le renversement du fardeau de la preuve pour les biens acquis criminellement. C'est moi-même qui ai déposé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, une motion nous permettant de trouver la voie nous menant à l'interdiction des groupes les plus criminels —, en ce qui concerne bien sûr les Hells Angels.
Nous avons donc une feuille de route éloquente qui fait bien état de notre engagement, de notre vigilance et de notre volonté de toujours mettre en échec le crime organisé et d'actualiser les législations en conséquence. Car on sait que le crime organisé est quelque chose de profondément évolutif.
Le problème de ce gouvernement, c'est qu'il a un entêtement idéologique tel, qu'il est incapable de nuancer les phénomènes. Malheureusement, les libéraux les rejoignent sur ce sujet.
Bien sûr, lorsqu'on parle de grands réseaux de trafiquants de drogue, personne en cette Chambre ne sera sensible au fait qu'il puisse y avoir des peines sévères. J'y suis favorable, et je suis convaincu que c'est la cas de tous mes collègues. Si un individu se livre à la criminalité organisée à grande échelle et qu'il soit dans l'importation et l'exportation de drogues, cela a des effets néfastes sur l'économie légale, dans nos communautés et auprès des gens qui seront en contact avec les substances. Or on est d'accord pour qu'il y ait des peines les plus sévères possible.
On croit cependant que, dans l'administration de ces peines, un phénomène existe: une juge appréciera le contexte et aura toute la liberté de rendre sa décision en ayant les preuves en tête, en ayant entendu des témoins et, bien sûr, en ayant le texte de loi devant lui. Et ce phénomène s'appelle la discrétion judiciaire.
Le problème de ce gouvernement est que, pour des raisons essentiellement idéologiques, il s'est abandonné à la logique des peines minimales obligatoires. Quand le est venu devant le comité, ma collègue de Vancouver et moi lui avons demandé si, au-delà du fait que les peines minimales obligatoires sont inscrites dans la plateforme électorale des conservateurs, quelqu'un de son ministère en avait évalué les conséquences. Autrement dit, y a-t-il une corrélation entre le fait que l'on inscrive les peines minimales obligatoires dans le Code criminel, et l'effet dissuasif qui en est attendu et éventuellement observé? La réponse est non. Pourtant, depuis qu'il est ministre de la Justice, tout comme son prédécesseur, il a été incapable de déposer des études attestant du caractère probant des peines minimales obligatoires.
Non seulement les peines minimales obligatoires sont des chimères sur le plan idéologique, mais elles sont aussi néfastes sur le plan de l'administration de la justice. Pourquoi sont-elles néfastes? On s'est fait expliqué par un ancien juge de Vancouver, du nom de Paradis mais qui ne parlait pas un mot de français, que, lorsqu'il était sur le banc et qu'il avait à entendre des causes se rapportant à la justice, les peines minimales obligatoires le rendaient mal à l'aise. Il disait également que lorsque les procureurs qui ont à porter des accusations sont convaincus qu'il y aura une peine minimale obligatoire et que cela liera inutilement les mains des juges, ils préfèrent choisir d'autres chefs d'accusation.
Ce n'est pas le Bloc québécois qui a dit cela, ni le député d'Hochelaga ou les collègues du NPD, mais un ancien juge à la retraite qui a comparu devant ce comité.
J'espère que nous verrons le jour où le gouvernement conservateur mettra fin à ce dogme idéologique. Pourquoi ne pas donner davantage d'outils aux policiers? Chaque fois que notre formation politique en a eu l'occasion, elle a appuyé le fait qu'il y ait plus de policiers dans les communautés, que l'on prolonge l'écoute électronique et que l'on donne des mandats d'enquête plus sophistiqués aux policiers. Nous sommes d'accord pour dire qu'il faut combattre et qu'il faut avoir un certain nombre d'outils pour lutter contre le crime organisé. Ce n'est toutefois pas par le biais de peines minimales obligatoires que nous atteindrons cet objectif.
Dans le projet de loi qui nous est soumis, on parle de trafic. Il faut tout de même savoir qu'il existe un trafic facilement condamnable, soit celui où, par exemple, des gens sont organisés en réseaux d'importation ou d'exportation de drogue et où il y a des saisies de cocaïne ou de substances contrôlées par dizaines de kilos. On sait évidemment qu'il s'agit de gens liés au crime organisé, comme les Hells Angels ou d'autres groupes de même nature qui veulent s'enrichir illégalement et corrompre notre société. Par contre, si on est dans une fête où quatre étudiants célèbrent leur fin de session, que l'un d'eux se retrouve avec un joint et le cède à autre étudiant, pour les fins de l'article de la loi, nous sommes en présence d'une infraction de trafic de drogue.
Tout un mécanisme de peines minimales obligatoires peut alors être enclenché. Par exemple, pour le trafic de drogue, nous avons réussi en comité, merci à Dieu et aux députés qui ont appuyé l'amendement, à éliminer la peine minimale obligatoire pour le trafic de substances contrôlées en-deçà de cinq plants. S'il y a entre 5 et 201 plants, une peine minimale obligatoire de six mois s'applique toutefois. On est évidemment en présence de quelque chose d'excessif. Une fois que l'on est contre les peines minimales obligatoires, on voit qu'il n'est pas vrai, parce que trois étudiants se trouvent en présence d'une petite quantité de marijuana, que l'on doive automatiquement faire jouer cette logique. Cela ne signifie pas que l'on invite nos concitoyens à consommer de la marijuana. Le Bloc québécois ne prétend pas que la marijuana fait partie du Guide alimentaire canadien.
On est conscients que c'est une drogue, qu'elle peut créer un effet de dépendance et que ce n'est pas souhaitable dans la vie. Bien sûr, on souhaite et on appelle de tous nos voeux des campagnes de sensibilisation pour éviter la consommation de quelque drogue que ce soit. Toutefois, ce n'est pas vrai que la logique prohibitionniste est la voie dans laquelle il faut s'engager.
D'ailleurs, à ce même comité, lorsque nous avons étudié le projet de loi , nous avons également entendu des responsables de l'application de la loi des États-Unis, particulièrement de Washington, qui donnaient l'exemple de New York. Lorsqu'on étudie l'exemple américain, les constatations sont frappantes. Sur le plan de l'administration de la justice, les États-Unis ont été les premiers à s'engager sur la voie des peines minimales obligatoires. Or les États qui ont eu recours à ces peines minimales obligatoires ne sont pas ceux qui ont gagné la guerre contre la drogue. Il n'y a pas de corrélation entre les peines minimales obligatoires et la victoire que l'on remporte contre la drogue. Alors, en tant que société, on est mieux de miser sur la sensibilisation lorsque l'on est en présence d'un phénomène qui s'apparente à un trafic de petites quantités.
Rappelons-nous que ce Parlement, au dernier jour du gouvernement de M. Paul Martin, a failli s'engager dans un mode alternatif de sanction concernant la marijuana. Encore une fois, je répète que je n'ai jamais fumé de cigarette ou de marijuana, et cela ne fait pas partie des choses dont je ressens le besoin dans la vie. Toutefois, comme société, faut-il mettre au même niveau de régime d'infractions un phénomène qui concerne le cannabis et la marijuana, et les phénomènes liés au trafic de grandes quantités appartenant à des groupes comme les Hells Angels? C'est là où le projet de loi n'a pas de sens. Nous aurions souhaité que l'on fasse cette nuance.
Par exemple, au dernier jour du gouvernement de Paul Martin, le Bloc québécois avait lui-même présenté cela dans ses instances, et c'est le député de qui avait mené ce combat. Il en a mené tellement! C'est un député très vigoureux et très apprécié de ses électeurs. Il est la conscience verte de notre parti. On peut faire des liens entre sa conscience verte et tous les combats qu'il a menés.
Donc, en présence de petites quantités de marijuana, nous aurions souhaité que l'on s'engage dans un régime d'infractions davantage lié à des contraventions qu'à des sanctions pénales. D'ailleurs, dans quelques jours, nous déposerons un rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne sur la conduite en état d'ébriété. Sans en divulguer les recommandations, qui sont confidentielles, je peux dire que notre comité proposera une logique un peu moins répressive que celle qui existe dans le Code pénal.
Il est dommage que ce gouvernement n'ait pas compris le cri d'alarme lancé par des témoins extrêmement connaisseurs. Je pense par exemple à Mme Line Beauchesne, professeur de criminologie à l'Université d'Ottawa. Elle nous a rappelé que depuis le milieu du XIXe siècle — et cela s'est poursuivi aux XXe et XXIe siècle —, le gouvernement canadien a misé sur une logique prohibitionniste. Il a pensé que, parce que des sanctions étaient inscrites dans le Code criminel, cela dissuaderait les gens. La logique prohibitionniste n'a pas fonctionné.
Évidemment, cela ne veut pas dire que je souhaite que l'on légalise les drogues ou qu'elles soient disponibles dans des points de vente. Cela veut dire qu'il faut apprécier ce phénomène de différentes manières. Ce n'est pas comme si nous avions eu un projet de loi voulant augmenter les peines maximales, par exemple. La hausse des peines maximales ne nous a jamais posé de problème. On aurait dû s'attaquer aux grands trafiquants. L'importation et l'exportation des drogues représente des milliards de dollars.
En 2001, la vérificatrice générale avait clairement établi que tout l'appareil de répression existant, tout l'arsenal et tous les moyens donnés aux policiers — on parle évidemment de plusieurs millions de dollars — permettent de saisir moins de 10 p. 100 de la drogue disponible sur le marché canadien.
Nous sommes favorables à ce qu'on s'attaque à ces grands réseaux que sont évidemment les trafiquants liés aux Hells Angels. C'est d'ailleurs pour cela que je fais un lien avec une motion que j'ai déposée au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. J'espère que l'on vivra avant longtemps dans une société où l'appartenance aux Hells Angels sera en soi une infraction. J'espère qu'on en viendra à avoir une liste. C'est le Bloc québécois qui fait cette bataille et je reconnais que nous sommes appuyés par la majorité ministérielle, par les libéraux et par le NPD.
Maintenant, ce n'est pas avec des peines minimales obligatoires que nous nous attaquerons vraiment au phénomène de la drogue. Les Hells Angels et les autres groupes criminels — il y en a 38 au Canada — vivent, bien sûr, du commerce de la drogue. Maintenant. Si on réussissait à rendre ces groupes inexistants, n'aurions-nous pas réglé une partie du problème?
Un autre amendement a été adopté en comité et oblige les parlementaires à faire une révision. Nous devrons donc réviser le projet de loi. Je ne sais pas quelle sera la composition de la Chambre à ce moment-là et je ne sais pas si j'aurai le plaisir d'y participer. Néanmoins, nous avons adopté un amendement qui stipule que dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du présent article, un examen détaillé de la présente loi et des conséquences de son application, assorti d'une analyse coûts-avantages des peines minimales obligatoires, doit être fait par le comité de la Chambre des communes ou des deux Chambres du Parlement, que le Parlement désigne à cette fin.
Évidemment, c'est de plus en plus courant dans les projets de loi. Je me rappelle que nous avions adopté une telle disposition pour les nouvelles technologie de reproduction. Je pense que les parlementaires l'avaient adopté au moment de l'adoption ou de l'étude de toute la réglementation concernant le tabac. C'est une façon pour les parlementaires d'avoir de la rétroaction et de finalement vérifier l'efficacité d'une loi. On peut évidemment avoir des objectifs comme législateurs, mais est-ce que ces objectifs sont rencontrés une fois le projet de loi adopté? C'est évidemment une toute autre réalité.
Nous aurions été davantage à l'aise avec l'idée de recourir non pas à des peines minimales obligatoires, mais à des circonstances aggravantes. Il y a dans le Code criminel — mes collègues doivent le savoir — l'article 718, qui permet à un juge de tenir compte d'un certain nombre d'éléments liés à un contexte précis et d'imposer une sentence plus sévère.
Nous sommes bien sûr favorables au fait que lorsqu'une infraction est commise au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle que cela devrait donner lieu à une peine plus sévère. Nous sommes favorables avec le fait qu'il y a une circonstance aggravante lorsqu'un individu, qui commet une infraction, a recours ou essaie de recourir à la violence. Nous sommes aussi favorables avec le fait qu'une infraction commise par un individu armé devrait constituer une circonstance aggravante.
D'autre part, nous sommes évidemment favorables au fait que lorsque l'infraction a été commise à l'intérieur d'une école, sur le terrain d'une école ou dans un lieu fréquenté par des jeunes, cela doit bien sûr constituer une circonstance aggravante.
Toutefois, d'aucune manière nous n'aurions souhaité que l'énumération de ces éléments précis ne débouchent sur un mécanisme obligatoire qui ne respecte pas la discrétion judiciaire. On parle, bien sûr, les peines minimales obligatoires. Cela nous semble une erreur.
Voilà les commentaires que je voulais formuler sur ce projet de loi . Nous n'appuierons pas le projet de loi C-15 à l'étape du vote en troisième lecture.
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Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole ici aujourd'hui, à la dernière étape du projet de loi , mais je regrette que nous en soyons rendus là. Je suis très déçue que les libéraux aient déposé une motion afin d'empêcher toute prolongation du débat. Il est évident qu'ils ont agi de façon très consciente, parce que, tout comme les conservateurs, ils veulent que cette mesure soit adoptée. Ils ne veulent pas se pencher sur la controverse qui entoure ce projet de loi, et c'est très décevant. Quoi qu'il en soit, nous en sommes maintenant à l'étape de la troisième lecture, et j'ai des remarques à formuler au sujet du projet de loi. Je vais expliquer pourquoi cette mesure comporte de graves lacunes, ainsi que les raisons pour lesquelles nous nous y opposons.
Je commence en disant que, comme l'a mentionné le député conservateur, je représente une circonscription, Vancouver-Est, où nous sommes aux prises avec un grave problème de drogue. Lorsque j'ai été élue pour la première fois en 1997, je crois que le premier dossier dont je me suis occupée était le grand nombre de personnes qui mouraient de surdoses tout à fait évitables.
Le taux était alarmant. Il était plus élevé que celui des crises cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux, des cancers ou des décès accidentels. Ce taux était attribuable à la consommation de drogues, et plus particulièrement au fait que les toxicomanes achetaient des substances sur le marché noir, comme l'héroïne, le crack et divers cocktails, sans savoir ce que renfermaient ces produits. Parfois, une drogue mortelle faisait son apparition sur le marché, et sept décès pouvaient survenir dans une période de quelques jours. Bref, c'est l'un des premiers dossiers dont je me suis occupée et, à titre de nouvelle députée fédérale, j'ai ressenti le besoin de m'intéresser à ce qui est littéralement une question de vie ou de mort.
Il y a 12 ans, il aurait été très facile d'adopter une telle approche traditionnelle face aux problèmes liés à la consommation de drogues dans notre société, de dire qu'il faut sévir et adopter des lois plus sévères. Toutefois, lorsque j'ai commencé à parler aux gens de ma collectivité, aux médecins et spécialistes de la santé, et même aux consommateurs de drogues — qui sont rarement entendus, parce qu'ils sont dénigrés et vilipendés par notre société — je me suis rendu compte que, dans bien des cas, tout notre système, notamment nos lois sur les drogues et nos mesures d'exécution, cause plus de tort que les drogues elles-mêmes.
La criminalisation constante des toxicomanes, repoussés dans les marges de la société, où ils ne peuvent guère obtenir de l’aide et où ils sont en dehors du système de soins de santé, a aggravé la situation de ces personnes sur le plan de la santé. Le taux de VIH, de sida et d’hépatite C a monté en flèche. C’était le pire du monde occidental. Le problème a pris les proportions d’une épidémie dans le Downtown Eastside de Vancouver, mais toute la collectivité était également touchée à cause de la criminalité et du manque de sécurité. La santé générale de toute la collectivité a été affectée.
C’est alors que j’ai commencé à prendre conscience que l’approche adoptée par le Canada par le passé, très semblable à celle des États-Unis, était un échec. Beaucoup d’entre nous ont commencé à chercher plus loin, à essayer de voir ce qui se faisait en Europe. Nous avons cherché où des stratégies très différentes avaient été mises à l’essai pour lutter contre la toxicomanie, où il y avait, par exemple, des lieux d’injection supervisés et un éventail de services beaucoup plus large pour traiter la toxicomanie surtout comme un problème de santé. Il y avait également des mesures d’exécution de la loi, mais l’accent était mis sur le problème de santé.
L’Europe, par exemple, avait un programme de médication à l’héroïne pour les consommateurs chroniques. Au lieu de se procurer leur héroïne sur le marché noir, les toxicomanes obtenaient une ordonnance et suivaient un programme de réadaptation. Des tonnes d’études ont montré que les pratiques européennes, sur de longues années, avaient un impact fort différent de ce qu’on observait aux États-Unis et au Canada.
J’ai acquis la conviction profonde que la prétendue guerre contre la drogue et l’insistance sur l’application de la loi étaient une stratégie tout à fait déficiente. Comme le député d’ l’a fait remarquer, ce point de vue a été solidement étayé par le rapport de la vérificatrice générale en 1998 ou 1999, qui a montré que 90 p. 100 des dépenses fédérales consacrées à la politique sur la drogue étaient axées sur l’application de la loi, sans aucun effet. Elle s’interrogeait sur la valeur et la justification de ces politiques.
J’ai cru un moment que nous faisions des progrès au Parlement lorsque nous avons adopté l’approche en quatre volets. Elle a commencé à Vancouver, sous la conduite des maires des grandes villes, avec l’ancien maire de Vancouver, Philip Owen.
Larry Campbell, qui lui a succédé, a poursuivi dans la même voie. Il s’agissait d’une approche municipale à partir de la base. Le point de départ était la collectivité locale, car il nous fallait une approche différente de la politique sur les drogues. L’approche en quatre volets, fondée sur la prévention, le traitement, la réduction du préjudice et l’application de la loi, a donc été adoptée, et elle commençait à s’étendre ailleurs au Canada.
J’avais l’impression que nous commencions vraiment à progresser. Les gens commençaient à réclamer un débat honnête au sujet de la politique sur les drogues et à admettre que la prohibition, en soi, était un problème qu’il fallait étudier et auquel il fallait s’attaquer, que la prohibition, comme nous l’avons vu dans les années 1930 dans le cas de l’alcool, faisait le jeu du crime organisé, faisait augmenter une violence qui n’épargnait pas les civils innocents, que c’était exactement la même chose qui se produisait à Vancouver, avec les guerres entre gangs criminels.
Puis, un gouvernement conservateur a été élu et nous nous sommes lancés dans une folle équipée, une lutte contre le crime tellement proche de ce que nous avons vu aux États-Unis que cela donne froid dans le dos. Pour moi, cette démarche ne repose sur aucune analyse sérieuse de la politique d’intérêt public. Elle ne repose sur aucun élément de preuve, mais plutôt sur une sorte d’idéologie. Elle exploite la peur des gens, car la consommation de drogues suscite la peur.
Tous ceux parmi nous qui sont des parents ont peur de voir leurs enfants se faire attirer par des trafiquants quand ils vont à l'école. Nous sommes tous préoccupés par la sécurité dans notre communauté, mais ce que je trouve vraiment dur à avaler, c'est qu'on politise complètement la question et qu'on essaie de faire croire aux gens, pour des raisons politiques, que, en imposant des lois de plus en plus dures, on contribue à régler le problème.
Voilà ce qui ne va pas avec ce projet de loi. Il part du principe que, grâce à l'imposition de peines minimales obligatoires pour les crimes liés à la drogue, on va améliorer la situation au niveau local, on va aider nos enfants, on va aider les toxicomanes, on va s'en prendre aux barons de la drogue, aux gros trafiquants, aux vendeurs de drogue qui inquiètent les gens.
Je crois qu'il nous appartient, en tant que députés, de nous demander si nous sommes vraiment sur la bonne voie, si c'est la bonne marche à suivre.
J'ai commencé par le . Je lui ai demandé de nous montrer des preuves que ces peines minimales obligatoires marchaient, parce que tous les témoignages en provenance des États-Unis disent le contraire. En fait, de nombreux États américains sont en train ou sur le point de supprimer ces peines minimales obligatoires quand ce n'est pas déjà fait.
Je me suis donc dit: si nous avons un gouvernement conservateur qui veut partir sur cette voie, au moins qu'il nous prouve que cela va marcher. Voyons les preuves et les estimations de ce que cela va coûter à la justice. Combien de personnes supplémentaires va-t-on mettre en prison? Quel sera le coût pour les administrations provinciales et territoriales?
Le ministre n'a pas été capable de me répondre. Tout ce qu'il a pu dire, c'est que les Canadiens lui avaient dit que c'était ce qu'ils voulaient.
Cette réponse m'a beaucoup déçue. J'ai trouvé que c'était lamentable et révélateur de la faiblesse analytique et du manque de substance de ce projet de loi.
Au comité, nous avons entendu des témoins remarquables. Il y en a eu 16, dont 13 s'opposaient catégoriquement au projet de loi et aux peines minimales obligatoires. D'ailleurs, le directeur exécutif de la société John Howard a transmis au comité des informations recueillies dans 35 études — et a même été en mesure de nous remettre 17 de ces études — qui montrent que les peines minimales obligatoires ne fonctionnent pas dans ce domaine. Les preuves sont accablantes, on fait complètement fausse route.
Je crois que, au stade où nous en sommes, il est lamentable que ce projet de loi puisse être adopté. J'ai écouté les députés libéraux en me grattant la tête et en me demandant à quoi ils pouvaient bien penser. Pourquoi cherchent-ils à nous raconter des histoires? Pourquoi cherchent-ils à faire croire au public canadien que, en se ralliant aux conservateurs sur ce projet de loi, ils font quelque chose de bien?
Je sais qu'il y en a parmi eux qui n'appuient probablement pas ce projet de loi. Nous venons d'entendre le député d' qui a présenté un projet de loi pour décriminaliser la marijuana, ce que j'approuve pleinement.
Le projet de loi prend une tout autre orientation. Je ne comprends pas comment le député ou d'autres collègues qui, à ma connaissance, ont un point de vue similaire peuvent en toute bonne conscience appuyer une telle mesure.
On sait d'après l'expérience aux États-Unis, contrairement à ce que disent les conservateurs, que le projet de loi ne cible pas les grands barons de la drogue, mais plutôt les petits utilisateurs qui font également du trafic parce que cela fait partie du cycle.
Il est tout à faux de croire que des peines minimales obligatoires auraient un effet dissuasif sur ces utilisateurs. Énormément d'éléments montrent que ces peines n'ont aucun effet dissuasif. Elles serviront uniquement à faire augmenter la population carcérale de gens qui ont déjà des problèmes de toxicomanie et qui ont besoin d'aide médicale et sociale, de traitement et de réadaptation et qui doivent être décemment logés.
Il faut trouver pourquoi les gens deviennent toxicomanes et comment les aider à s'en sortir. Le gouvernement ne peut pas simplement présenter un projet de loi et imposer une peine d'emprisonnement de six mois à un délinquant et une peine de trois ans à un autre. Ces gens seront catapultés dans un système duquel ils ressortiront plus amochés qu'à leur entrée.
Le Réseau juridique canadien VIH/sida a récemment publié un rapport concernant le manque d'accessibilité aux méthodes de réduction des méfaits dans notre système carcéral, que ce soit l'échange de seringues ou le soutien sanitaire, ce qui est vraiment renversant. Les délinquants sont placés dans un milieu d'où ils ressortent nettement plus mal en point qu'à leur arrivée.
Le projet de loi a des conséquences absolument néfastes. Je suis fermement convaincue qu'il faut le rejeter. D'ailleurs, compte tenu de ces conséquences, le NPD dit clairement depuis le début qu'il faut le rejeter.
J'aborde maintenant certaines des questions qui ont été soulevées.
Certains ont suggéré que si on n'appuie pas le projet de loi, aucune mesure d'application de la loi ne sera prise. D'autres ont affirmé que le projet de loi vise à mettre en oeuvre un régime d'application de la loi efficace et que celui que nous avons à l'heure actuelle ne fonctionne pas. Cependant, rien ne prouve la justesse de ces points de vue.
Le projet de loi propose la modification de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Comme je l'ai signalé plus tôt, en vertu de la loi actuelle, le trafic, l'importation et l'exportation ainsi que la production de certaines drogues et autres substances en vue d'en faire le trafic sont déjà passibles de l'emprisonnement à perpétuité.
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances contient déjà tout un ensemble de circonstances aggravantes semblables à celles que l'on retrouve dans le projet de loi . Les tribunaux disposent déjà des moyens juridiques nécessaires pour invoquer des circonstances aggravantes, que ce soit le fait d'avoir porté ou utilisé ou menacé d’utiliser une arme, d'avoir recouru à la violence, de s'être trouvé à proximité du terrain d'une école, d'avoir déjà été condamné ou d'avoir recouru aux services d'une personne de moins de dix-huit ans pour la perpétration d'une infraction mettant en cause une substance désignée ou de l’y avoir mêlée. Ces dispositions figurent déjà dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Je reviens à la question fondamentale à laquelle le gouvernement doit répondre. Pour quelle raison les conservateurs proposent-ils un régime de peines minimales obligatoires alors que rien ne prouve qu'il donnera des résultats? Au contraire, il ne fera qu'aggraver la situation.
Le député conservateur d' a dit au comité, à la suite du témoignage de la Société John Howard et de l'Association des droits civils:
J'imagine que je vais accepter les arguments présentés par la John Howard Society et l'Association canadienne des libertés civiles, qui affirment que ce projet de loi vise les soi-disant distributeurs et revendeurs de bas niveau. Vous avez peut-être raison, il ne sera peut-être pas aussi efficace en ce qui concerne les gros bonnets. Vous avez peut-être raison.
Les députés conservateurs savent de quoi il retourne avec ce projet de loi. Même s'ils disent publiquement que ce projet de loi vise les têtes dirigeantes, qu'il nous mettra à l'abri des dangers, parce qu'il ratisse large et permettra de capturer un grand nombre de personnes, ils savent que ce seront les petits distributeurs, dont bon nombre sont aussi des consommateurs, qui se feront prendre.
J'avancerais que c'est la raison pour laquelle les conservateurs ont inclus, dans le projet de loi, une brève mention des programmes judiciaires de traitement de la toxicomanie. Ils veulent donner l'impression qu'il existe une solution de rechange qui permet aux gens de suivre un programme de traitement de la toxicomanie.
Les maîtres du jeu, les gros trafiquants de drogue, ne vont pas devant un tribunal de traitement de la toxicomanie. Ils ont les ressources pour s'extirper d'à peu près n'importe quoi. Ce sont les plus pauvres parmi les pauvres qui passent devant un tribunal de traitement de la toxicomanie. Ce sont eux que l'on voit sur la rue. La classe sociale a beaucoup d'importance dans cette problématique.
On consomme de la drogue à tous les niveaux de la société, qu'il s'agisse d'avocats ou de professionnels, mais la partie visible de l'iceberg est celle que l'on voit sur la rue. C'est là que les mesures de mise en application sont imposées et c'est la rue qui alimente les tribunaux de traitement de la toxicomanie.
La réussite de ces tribunaux est mitigée. J'entretiens moi-même de sérieuses réserves à leur égard. Si nous estimons que des gens ont besoin d'aide, pourquoi attendre qu'ils soient condamnés pour leur demander s'ils voudraient obtenir un traitement? L'intervention précoce est l'un des volets de tout traitement. Il est passablement ridicule de cueillir des gens au bout du processus judiciaire pour leur dire qu'on veut les aider. L'aide aux personnes qui ont des problèmes de toxicomanie doit être vue comme un processus continu.
Les libéraux ont essentiellement fait leur lit avec ces tribunaux de traitement de la toxicomanie. Ils disent qu'ils veulent les mettre en valeur et qu'il en faut davantage. Cependant, la réussite de ces tribunaux est passablement controversée.
Je tiens également à lire un extrait de ce qu'a déclaré le lors de sa comparution devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale au mois d'avril de cette année. Voici ce qu'il a dit:
Comment se fait-il que nous devons transformer notre système carcéral en un réseau d'hôpitaux psychiatriques? Pourquoi des gens se retrouvent-ils en prison alors qu'ils ne devraient pas être là? Voilà le problème fondamental. Pourquoi ces personnes ne reçoivent-elles pas les soins de santé dont elles ont besoin? Pourquoi n'obtiennent-elles toujours pas de soins de santé adéquats après s'être retrouvées devant les tribunaux?
Il est important de comprendre comment une personne en est arrivée là, car lorsque la gravité de ses actes l'a déjà conduite dans le système pénitentiaire fédéral, il est assez difficile de faire marche arrière. Nous voulons trouver des moyens de régler la situation avant que cela n'ait lieu, ce qui est préférable pour la société. C'est préférable pour l'intéressé; c'est préférable pour les contribuables, c'est préférable pour notre système carcéral.
Il y a tant de contradictions. D'une part, le ministre lui-même se demande pourquoi il y a tant de gens en prison qui ne devraient pas y être. D'autre part, il y a ce projet de loi draconien.
Je l'ai qualifié de radical. Je crois que l'imposition de peines minimales obligatoires est une approche radicale dont l'inefficacité a été prouvée. Notre système de justice pénale sera de plus en plus peuplé par des gens qui ne recevront pas l'aide dont ils ont besoin, pas même du Programme judiciaire de traitement de la toxicomanie.
Le projet de loi sera adopté. Je suis très heureuse que le NPD ait au moins réussi à y apporter quelques amendements, dont un qui exige un examen de la loi dans deux ans. J'espère que suffisamment de députés seront en faveur de cet examen. Je sais au moins que le contingent néo-démocrate sera nombreux. Nous examinerons la loi de façon objective et, comme l'a dit le député de , nous l'abrogerons au besoin. C'est très important. Nous sommes heureux d'avoir réussi à faire adopter un amendement pour exempter les infractions mettant en cause cinq plantes et moins.
En fin de compte, il s'agit sans doute du pire projet de loi de justice jamais présenté par les conservateurs. Il ne repose sur aucun fait concret et n'est motivé que par un dessein politique. Il nuira à bien des gens. Plus de gens iront en prison et les problèmes de toxicomanie dans nos collectivités et dans notre pays ne seront pas réglés. Ce projet de loi nous fait prendre la même orientation que les États-Unis, qui s'est avérée l'échec le plus retentissant qu'on peut imaginer sur les plans économique, politique et judiciaire.
C'est cette direction que le projet de loi nous fait prendre. C'est une grave erreur. Je suis très heureuse que le NPD s'y oppose. Je suis aussi contente que le Bloc vote contre lui aussi, mais j'aurais préféré que les autres partis fassent de même.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi .
Les députés ministériels semblent croire qu'il est suffisant pour eux de venir à la Chambre et de lire les dispositions des projets de loi. Cependant, en agissant ainsi, ils n'expliquent pas les raisons derrière les gestes du gouvernement. Ils ne signalent pas ce que le gouvernement attend des projets de loi. Ils ne précisent pas les opinions divergentes qui ont été présentées. Ils n'indiquent pas si on en a tenu compte ou si on les a ignorées, et les mesures qui ont été prises à cet égard, le cas échéant. Quand les comités examinent les projets de loi, il est essentiel qu'ils puissent expliquer à la Chambre les mesures qui ont été prises dans l'étude de ces questions importantes pour les Canadiens.
Toutefois, ce projet de loi était déficient dès le premier jour parce qu'il a été présenté comme un projet de loi sur la justice. Par conséquent, les députés devraient comprendre que ce projet de loi porte sur des questions de justice, et non sur d'autres éléments importants comme la santé, entre autres. Il a une portée très restreinte parce que le gouvernement l'a seulement mis en place pour pouvoir continuer à prétendre qu'il sévit contre le crime en imposant des peines minimales obligatoires. Si nous écoutons les interventions et que nous lisons la transcription des discours que les députés ministériels ont faits sur ce projet de loi, nous constatons qu'ils continuent de dire que ce projet de loi permettra d'imposer des peines minimales obligatoires et que les gens sont en faveur de ces peines parce que, sans elles, les délinquants ne recevraient aucune sanction.
Bien que j'aie prêté une oreille attentive, je n'ai entendu aucun ministériel mentionner dans son exposé que toutes les infractions visées dans ce projet de loi sont passibles de peines pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité. Les députés le réalisent-ils? Je ne pense pas que beaucoup de gens, parmi ceux qui suivent le débat, en soient conscients. Nous sommes en train de parler d'infractions criminelles très graves. Nous discutons d'infractions graves liées à la drogue et au trafic lié au crime organisé, de l'utilisation d'armes, de problèmes qui infiltrent même les écoles et qui affligent la société. Il s'agit là d'infractions très graves pouvant être passibles de peines allant jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité. Je vais utiliser les mots du projet de loi lui-même. C'est du langage juridique, mais il s'agit ici d'infractions punissables par mise en accusation et passibles de l'emprisonnement à perpétuité. Le projet de loi dit bien « à perpétuité », non pas « pouvant atteindre l'emprisonnement à perpétuité ». Les députés doivent lire le projet de loi. Il est question d'emprisonnement à perpétuité. Il y a discrétion judiciaire.
Nous sommes en train de nous attaquer aux infractions les plus graves qui soient. Nous sommes en train de nous attaquer au crime organisé, à ceux qui sont un fléau pour notre société, qui utilisent l'argent du trafic de la drogue pour financer toutes sortes d'autres infractions criminelles. C'est très grave. Je suppose que quiconque sera poursuivi pour une infraction liée au crime organisé sera condamné à une peine pouvant atteindre l'emprisonnement à perpétuité. Si le gouvernement recommande une peine minimale d'un an, comment cela peut-il être important? Est-ce que cela ne veut pas dire quelque chose? Si une peine minimale obligatoire est prévue, certains délinquants ne reçoivent aucune peine pour cette infraction grave en vertu de la loi existante. Est-ce la vérité? Je ne le pense pas.
M. Brent Rathgeber: C'est vrai.
M. Paul Szabo: Je comprends qu'il puisse y avoir du marchandage de plaidoyers. Dans le monde réel, dans les tribunaux, on constate que, dans certains cas, on évite de poursuivre un sous-fifre pour avoir une chance d'atteindre les caïds impliqués dans une activité criminelle.
Ce sont toutes les sortes de situations qu'on peut voir et les gens doivent le comprendre. Je ne suis pas avocat et je ne suis pas un spécialiste des tribunaux. Mais, en tant que profane, je peux dire que, dans le cas d'un acte criminel passible d'emprisonnement à vie, si nous ajoutons aussi une peine minimale obligatoire d'un an, j'en conclus que l'histoire de la prison à vie n'est pas réelle. Pourquoi les députés ministériels n'ont-ils pas expliqué cela? Ils doivent l'expliquer.
Il y a une raison pour laquelle je veux parler de ce projet de loi. Le député de a dit quelque chose à propos de mon âge et que cela fait un moment que je suis là. Eh bien, cela fait 20 ans, mais j'ai beaucoup appris.
Le 30 octobre 1995, au cours de la 35e législature, j'ai fait un discours de 40 minutes dans cette enceinte. À cette époque-là, les premiers orateurs avaient 40 minutes. Je présidais le sous-comité de la santé qui étudiait le projet de loi C-7 concernant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Ce projet de loi a en fait pris naissance sous l'ancien gouvernement Mulroney, mais on ne s'en est jamais occupé. Il a finalement été proposé au cours de la 35e législature et un sous-comité a été mis en place parce qu'il ne s'agissait pas seulement d'un problème de santé. Il s'agissait aussi de problèmes de justice et de criminalité qu'il fallait régler. La société était aux prises avec toute une série de questions sur la décriminalisation de la marijuana et l'avènement des drogues de confection. Soudain, des gens extrêmement astucieux se mettaient à produire des drogues qui n'étaient même pas encore connues. Elles avaient différentes compositions chimiques et différents noms et elles n'étaient pas incluses dans la liste. Après l'étape de la deuxième lecture, nous avons décidé qu'il fallait élargir la liste.
Un sous-comité a été formé. Le député d' en faisait partie lui aussi. On a reçu des milliers de communications et d'instances ainsi que des dizaines de mémoires et de témoignages sur divers aspects de la question. Une des importantes raisons qui nous motivent est le fait que le Canada, en tant que signataire de nombreuses conventions internationales, avait été montré du doigt pour ne pas avoir respecté ses obligations internationales et être devenu ni plus ni moins qu'un centre d'expédition aux fins d'exportation de drogues vers d'autres pays. C'était très grave. De fortes pressions s'exerçaient sur nous, mais j'y reviendrai.
Une fois nos travaux terminés, il est apparu clairement qu'il s'imposait de se doter non seulement d'une stratégie nationale antidrogue, mais également des outils et des plans d'action nécessaires pour que cette stratégie donne de bons résultats. Une stratégie antidrogue efficace ne sert pas uniquement à punir les personnes reconnues coupables de possession ou de trafic en les jetant en prison. Elle comporte un élément humain, car tous les aspects de la drogue font intervenir le facteur humain. Il y a les consommateurs, les trafiquants, les bailleurs de fonds et tous les intermédiaires, ainsi que les personnes et les familles qui sont affectées.
Comme plusieurs députés l'ont mentionné, il est important d'équilibrer les choses au moyen, notamment, d'une stratégie de réduction des méfaits. Comment aborder ce genre de situation? C'est là qu'interviennent les quatre piliers que sont la réduction des méfaits, la prévention, le traitement et la lutte antidrogue, mais cela ne suffit pas.
Ce projet de loi n'est qu'un moyen indirect pour le gouvernement de dire qu'il sévit contre la criminalité et que ces terribles crimes seront passibles de peines minimales obligatoires. Signalons en passant une chose que le gouvernement oublie de dire: les contrevenants s'exposent déjà à l'emprisonnement à perpétuité. Il n'est pas allé assez loin.
D'ailleurs, les ministériels ont omis de parler dans leurs discours de l'article 8 qui est proposé dans le projet de loi et qui stipule ceci:
Le tribunal n’est pas tenu d’imposer une peine minimale d’emprisonnement sauf s’il est convaincu que la personne accusée a été avisée avant d’enregistrer son plaidoyer qu’une peine minimale d’emprisonnement peut être imposée pour l’infraction qui lui est reprochée et que le procureur général a l’intention de prouver que l’infraction a été commise dans des circonstances entraînant l’imposition d’une peine minimale d’emprisonnement.
Autrement dit, malgré ce que la loi prescrit, le procureur de la Couronne devrait aviser l'accusé avant que celui-ci enregistre son plaidoyer. Si le Parlement adopte ce projet de loi, les tribunaux pourront agir à leur discrétion, même si les députés conservateurs disent que les peines seront obligatoires et que les gens iront en prison. En vertu de ce projet de loi, tout dépendra du tribunal, des avocats de la Couronne, de la négociation de plaidoyers et de tout cela.
Je dois mentionner que c'est le 30 octobre 1995 que j'ai prononcé le discours dont je parle. Ce fut un moment important dans ma vie, ainsi que dans l'histoire du Canada, je crois, parce que le dernier référendum au Québec se tenait ce jour-là. C'est pourquoi beaucoup de gens étaient occupés à autre chose. On m'a alors demandé de faire la première intervention sur le sujet.
À ce moment-là, nous avons tenu le débat, nous en avons discuté, et le comité a pris plus de deux ans à étudier toutes les questions et préoccupations qui avaient été soulevées à l'étape de la deuxième lecture. Le projet de loi avait été renvoyé au comité. Nous avons commencé à obtenir des réactions de nos partenaires internationaux dans le traitement des affaires de drogue, et nous avons appris que le Canada traînait de l'arrière et que nous devions faire quelque chose.
Il est intéressant de constater que bon nombre des points soulevés dans le débat actuel ont déjà été soulevés en 1995.
Nous n'avions pas réussi à inscrire certains de ces éléments dans la loi. Il s'agissait de recommandations du comité. Le comité réclamait, dans son rapport, non seulement que le projet de loi soit remis à l'étude, mais aussi que nous y ajoutions une annexe énumérant les drogues. Nous devions aussi traiter des drogues de confection. Nous devions nous attaquer aux repaires fortifiés, c'est-à-dire au crime organisé. Nous devions aussi nous pencher sur les questions de réadaptation, de traitement et de prévention. Nous n'avons pas pu inscrire tout cela dans le projet de loi, parce que c'était bien au-delà de sa portée, mais nous avons fait rapport de ces préoccupations.
Aujourd'hui encore, la solution à tous les problèmes du gouvernement serait que l'on envoie en prison tous ceux qui commettent une infraction, quelle qu'elle soit. Je présume que c'est acceptable pour certains, mais que se passe-t-il réellement dans les tribunaux où les gens affrontent le système et sont jugés pour les infractions qui leurs sont reprochées?
En 1995, les tribunaux étaient débordés. Il n'y avait pas d'argent pour la réhabilitation et les traitements. Il n'y avait pas suffisamment de ressources pour mettre sur pied des programmes de prévention efficaces. Il n'y avait pas de stratégie globale permettant d'évaluer l'ensemble des problèmes liés aux drogues. Le Parlement a présenté un plaidoyer à cet égard dans les années 1995, mais les mêmes problèmes existent toujours aujourd'hui.
L'industrie qui connaît actuellement l'expansion la plus rapide aux États-Unis est celle de la construction de prisons. Le système américain est basé sur le principe que toute personne qui commet une infraction doit être envoyée en prison. Les Américains veulent empiler les gens dans des prisons, construire de nouvelles prisons et commencer à les privatiser. C'est une industrie en plein essor. C'est l'industrie qui connaît la plus forte croissance aux États-Unis.
Dans une certaine mesure, nous adoptons une approche similaire, c'est-à-dire que lorsqu'il y a crime, nous envoyons les responsables en prison et le problème est réglé. Toutefois, ces gens finissent par sortir de prison et retourner dans la société. Bon nombre d'entre eux sont des récidivistes.
Notre système de justice comprend tout le principe de la réhabilitation, mais dans bien des cas, cela ne fonctionne pas. Si nous n'avons pas de ressources, comment peut-on s'attendre à ce que les gens aient compris qu'ils ont fait quelque chose de mal lorsqu'ils sortent de prison, que ce n'était pas bien, que bon nombre de personnes en ont souffert, que les choses pourront s'arranger et qu'ils pourront obtenir l'aide dont ils auront besoin pour ne pas retomber dans le mauvais chemin?
Cela ne fait pas partie de la philosophie conservatrice. Les conservateurs se disent que ces gens sont des criminels, que nous devons les enfermer et jeter la clé et que c'est ainsi qu'on sévit contre la criminalité.
À mon avis, notre pays sera probablement moins bien servi si nous continuons de jeter les gens en prison sans tenir compte de l'importance de la réhabilitation, du traitement et de la prévention du crime. Qu'en est-il de ces principes?
Le gouvernement fédéral peut adopter des lois modifiant le Code criminel et la législation antidrogue. Mais qui va mettre ces lois en vigueur? Qui en sera responsable? La responsabilité de la lutte contre le crime dans la rue incombe essentiellement aux gouvernements provinciaux. Ils sont responsables de la plupart des tribunaux, des programmes, des prisons. Nous avons des juges fédéraux, mais il y a aussi des juges provinciaux.
Si nous continuons à adopter des lois qui ne font qu’alourdir les responsabilités et remplir les prisons, qui va en payer le prix? Comment les provinces pourront-elles s’acquitter de ces responsabilités que leur refile constamment le gouvernement fédéral?
Nous devons avoir des responsabilités partagées. Pour que le système fonctionne, nous avons besoin d’une stratégie couvrant toutes les approches possibles de la lutte contre les crimes graves, qu’il y ait ou non des possibilités de réadaptation ou des traitements appropriés pour les toxicomanes. Nous devons nous occuper de prévention.
J’ai été élu à la Chambre des communes en 1993. Le premier comité au sein duquel j’ai siégé était celui de la santé. Je me souviens des fonctionnaires qui comparaissaient devant le comité pour nous parler de la situation de notre système de santé au Canada. À l’époque, ils nous avaient dit que 75 p. 100 de l’argent du système servaient à traiter les maladies et que 25 p. 100 seulement allaient à la prévention.
Je ne l’ai jamais oublié. Nous étions quelque 200 nouveaux élus. Les fonctionnaires venus témoigner devant le comité avaient conclu que la répartition du budget de la santé au Canada, avec 25 p. 100 pour la prévention et 75 p. 100 pour les traitements, était intenable. Cela m’est resté après toutes ces années : la valeur de la prévention par opposition à la punition.
Notre système de santé s’est orienté dans cette direction, qui est très difficile. Je crois cependant qu’un dollar consacré à la prévention est beaucoup plus avantageux pour la santé des Canadiens qu’un dollar dépensé en soins destinés à remédier aux problèmes après coup. Nous devons agir d’avance, avant que les problèmes se manifestent. Voilà pourquoi je voulais aborder cette question.
Je veux que les députés du gouvernement sachent qu’au niveau des principes, je n’ai rien contre les peines minimales obligatoires. Si les tribunaux sont incapables de faire leur travail pour une raison ou une autre, il faudrait qu’il y ait au moins une certaine période d’incarcération. Nous devons défendre les principes. Les libéraux ont introduit les peines minimales obligatoires avant les conservateurs. Nous en avions au Canada, mais ce n’était pas dans tous les domaines. Nous n’avons pas d’objection de principe à ces peines.
Toutefois, le gouvernement semble croire qu’il suffit de déposer 10 ou 12 projets de loi prescrivant des peines minimales obligatoires dans tous les domaines pour convaincre tout le monde qu’il s’attaque énergiquement au crime. Tout ce qu’il fait en réalité, c’est remplir les prisons et rendre amers des gens qui finiront par réintégrer la société. La situation ne peut qu’empirer, comme cela s’est produit dans beaucoup de cas, même si certaines des statistiques que j’ai vues ne le confirment pas dans certains domaines et pour certains genres de crimes.
En période de récession et de difficultés économiques, les crimes contre les biens augmentent au Canada. Ils suivent en général la croissance du chômage. C’était le cas au cours de la dernière récession, et ce le sera encore cette fois-ci. Le système sera donc soumis à encore plus de contraintes. Nous devrions tirer les leçons du passé.
Je voudrais conclure en disant que si des députés prennent la parole ici, ils ne devraient pas lire le projet de loi ou en réciter toutes les dispositions. Ils devraient plutôt nous expliquer pourquoi le gouvernement agit ainsi et surtout nous dire la vérité, à savoir que certaines dispositions prévoient des peines de prison à vie.
Toutefois, l’article 8 relatif aux peines minimales obligatoires définit les conditions dans lesquelles le procureur de la Couronne et le tribunal peuvent décider de ne pas imposer une peine minimale. Aucun député d’en face ne l’a mentionné parce que cette disposition ne confirme pas du tout que le gouvernement s’attaque énergiquement au crime. Il ne fait que laisser la décision au tribunal. Le projet de loi n’établit pas de peine minimale obligatoire, déléguant simplement le pouvoir aux tribunaux. Il y a beaucoup d’autres choses qui se passent là. Les députés ne les ont pas abordées. Ils n’ont pas fait leur travail.
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Madame la Présidente, je continuerai sur la lancée du député de et je répondrai au départ de cette plaidoirie qu'il est dommage que le parti qu'il représente en cette Chambre n'ait pas compris la même chose que lui. Si son parti avait compris la même chose que l'honorable député de Mississauga-Sud, on n'en serait pas là aujourd'hui et ce projet de loi ne risquerait pas d'être adopté. Il sera toutefois adopté, et ce, grâce à la complicité du Parti libéral. Ce projet de loi nous apparaît totalement inutile et dangereux. Le collègue de Mississauga-Sud a parfaitement raison. On ne remplira pas les prisons avec les vrais criminels, mais avec des graines de criminels qui risquent de le devenir.
Le Bloc s'est opposé, s'oppose et continuera à s'opposer avec véhémence aux peines minimales d'emprisonnement à cause de quatre points importants. Ce n'est pas moi qui le dit. Tout d'abord, ces peines minimales « ne facilitent pas la réalisation de l'objectif de dissuasion. Des recherches internationales en matière de sciences sociales établissent clairement ces faits ». Les conservateurs et certains libéraux sont forts à cet égard. Ils n'ont qu'à aller voir aux États-Unis où ils ont imposé des peines minimales d'emprisonnement pour se rendre compte aujourd'hui que cela n'a pas réglé le problème de la criminalité et que ce dernier est beaucoup plus profond.
En Nouvelle-Zélande et en Australie, plus particulièrement dans le nord de l'Australie, un institut a produit un rapport intitulé « Mandatory sentencing for adult property offenders ». Ils ont fait l'étude complète et se sont rendus compte qu'une loi adoptée en 1992 imposant des peines minimales d'emprisonnement était inutile et n'avait rien réglé. Non seulement elle n'avait pas diminué la criminalité, mais elle l'avait augmentée. Ce n'est pas la peur de la peine qui empêche l'individu de commettre un délit. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est écrit.
Les conservateurs sont tellement forts et brillants qu'on leur a demandé de nous fournir une seule étude. Le député de peut faire rapport aux membres de sont parti et leur demander s'il est vrai qu'ils n'ont produit aucune étude. La réponse de leur part sera incompréhensible. On leur en a demandé une et ils n'en n'ont pas produit alors que l'on a déposé 12 études. Les libéraux l'ont fait un peu et les conservateurs pas beaucoup, puisqu'ils n'en ont pas, mais le Bloc et le NPD ont invité des témoins experts ayant des études qui démontrent que les peines minimales d'emprisonnement ne servent à rien.
Je demande aux collègues, entres autres au député de , d'écouter ce que ces études ont dit.
Les preuves démontrent que des longs séjours en prison augmentent la probabilité que le criminel récidive [...] En fin de compte, cela compromet davantage la sécurité publique, plutôt que de la renforcer, si « on jette la clé ».
C'est le ministère fédéral de la Justice qui disait cela dans une étude qui s'intitule « Vers une réforme de la détermination de la peine », publiée en 1990. Les conservateurs étaient alors au pouvoir sous un certain Brian Mulroney. Il est vrai qu'à l'époque, on les appelait les progressistes-conservateurs. On a toutefois changé cela et on les appelle maintenant les réformistes-conservateurs. Ce n'est toutefois pas nous qui avons écrit cela. C'est écrit en toutes lettres. Ils ont les études, mais ils continuent à maintenir leurs positions.
Nous tenons également à souligner que les peines minimales obligatoires ont été vivement critiquées dans de nombreuses autres études importantes, y compris le rapport de la Commission de la détermination de la peine au Canada.
Ce n'est pas nous qui le disons. Ce n'est pas les mauvais séparatistes. Ce sont eux, les conservateurs, les réformistes, qui disent cela et ils arrivent avec un projet de loi. C'était le premier point, mais j'en ai trois autres.
En deuxième lieu, le Bloc québécois a toujours été contre, sera contre et se battra avec véhémence contre les peines minimales d'emprisonnement parce qu'elles:
[...] ne visent pas les délinquants les plus notoires ni les plus dangereux, qui sont déjà assujettis à des peines très strictes précisément en raison de la nature de leurs crimes.
Je répéterai pour le député de et certains députés de son Parti qui comprendront peut-être:
[...] souvent, ce sont les délinquants moins coupables qui font l'objet de peines obligatoires et qui sont assujettis à des peines d'emprisonnement d'une très longue durée.
Ce n'est pas nous qui le disons. C'est écrit en toutes lettres dans les rapports et je cite uniquement des rapports. La position du Bloc québécois est basée et articulée selon cela. Il serait intéressant que mon collègue de parle à son groupe du Parti libéral qui ne comprend rien. Le député de Mississauga-Sud et les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne ont compris un peu, mais disent qu'ils n'ont pas le choix.
Ils n'ont pas le choix de quoi? De remplir les prisons?
Une chose est certaine, c'est que les détenus emprisonnés sortiront un jour. Il faudra que nos bons amis conservateurs-réformistes comprennent que les détenus sortiront un jour. Ce sont des délinquants moins coupables qui font l'objet de peine obligatoire et ce sont eux qu'on envoie dans une pépinière de banditisme. Quand on parle de sentence minimale d'emprisonnement, le problème des conservateurs et d'une partie du caucus du Parti libéral, c'est qu'ils ne comprennent pas qu'une personne ayant, par exemple, une sentence minimale d'emprisonnement d'un an est quand même admissible aux libérations conditionnelles. Elle sortira donc après le tiers de sa sentence. On n'aura rien réglé. Les conservateurs-réformistes ne comprennent pas cela. Ils ne comprennent pas que les détenus sortiront.
Généralement, ceux qui travaillent pour le crime organisé — l'objectif du projet de loi porte là-dessus — sont déjà soumis à des sentences très lourdes. On a vu, pas plus tard qu'hier, qu'on intervenait encore dans le dossier des Hells Angels, en particulier au Québec.
Il me reste deux points que je voudrais souligner. En troisième lieu:
Les peines minimales d'emprisonnement ont une incidence disproportionnée sur les groupes minoritaires qui souffrent déjà de pauvreté et de privation. Au Canada, ce sont les collectivités autochtones, qui sont déjà beaucoup trop représentées dans les centres de détention, qui seront le plus durement touchées.
Ce n'est pas moi qui dit cela. C'est un organisme fédéral des réformistes-conservateurs. Juristat, le Centre canadien de la statistique juridique, mentionne expressément que le recours au service correctionnel après la mise en liberté profile des adultes autochtones et non autochtones sous surveillance correctionnelle. On ne parle que de la Saskatchewan, de 1999-2000 à 2003-2004. C'est dans le volume 25, numéro 2, Ottawa, Statistique Canada, 2005.
Je crois que les conservateurs n'ont rien compris. Ils touchent à une partie de la population vraiment pauvre et vraiment désavantagée. On le sait. Je ne veux pas m'étendre plus longuement sur le sujet. Ma collègue du NPD de Vancouver a parlé à plusieurs reprises du problème flagrant en ce qui a trait aux autochtones et aux minorités.
Ce sont eux qui feront les frais d'une loi inique, inacceptable et qui n'a pas de sens. On continuera de s'y opposer. Les peines minimales d'emprisonnement n'ont rien réglé.
Le quatrième point, et non le moindre, est que les peines minimales d'emprisonnement vont à l'encontre d'importants aspects du régime d'imposition des peines au Canada, y compris le principe de proportionnalité et d'individualisation — que le député de ne bouge pas, je vais expliquer que ce veulent dire ces deux grands mots — ainsi que la capacité des juges de déterminer une peine équitable après avoir entendu les faits. La traduction française de cela c'est qu'on est en train de diriger le système judiciaire par des lois qui obligeront les juges à imposer des peines minimales d'emprisonnement.
Ce que les conservateurs réformistes et une partie du caucus du Parti libéral n'ont pas encore compris, c'est que le problème n'est pas à l'entrée de la prison, mais à la sortie.
Les gars — dans les prisons fédérales, 90 p. 100 des détenus sont des hommes — rentrent après que le juge leur ait expliqué pourquoi il leur imposait une sentence de trois ans, par exemple. C'est pour telle et telle raison. Le juge doit traiter de la réhabilitation. Dans certains cas, il peut dire au détenu qu'il n'est pas approprié d'en parler car il y a peu de chance que cela s'applique à lui. Le juge lui dira également que la protection de la société est importante et que, comme il ne semble pas l'avoir compris, il l'envoie dans en prison et lui impose une peine de trois ans.
Quelle n'est pas la surprise du juge lorsqu'après avoir imposé une sentence de trois ans, il voit le gars dans la rue huit mois plus tard. Le juge, surpris, appelle la police et explique qu'il a imposé une sentence de trois ans. On lui répond qu'en prison, c'était un bon gars et qu'il n'a rien fait. Le juge réplique qu'il a fait du trafic et qu'il l'a condamné à une peine de trois ans. Oui, mais il est passé devant le service des libérations conditionnelles, et comme c'était sa première sentence et que ce n'était pas un mauvais diable, on l'a remis en liberté.
Le problème est là, et c'est cela que les conservateurs n'ont pas compris. Il est directement là. Le problème est que les détenus ne purgent pas leur sentence. Il faudra qu'un jour, les conservateurs et une partie du caucus du Parti libéral comprennent que le problème n'est pas à l'entrée, mais à la sortie.
Il faut absolument que l'on respecte les juges. Or ce projet de loi ne respecte pas les juges, il impose des sentences minimales. Il y avait déjà tout ce qui était nécessaire.
Je sais qu'il faut parler d'articles. Eh bien, que les conservateurs aillent voir. Ils n'ont pas lu avec grande attention un article du Code criminel et ils devraient le relire. C'est l'article 718 du Code criminel. Il explique exactement les directives que doit suivre un juge, et il guide le tribunal lors de l'imposition de la sentence. On y trouve les possibilités de réhabilitation, la protection de la société et les risques de récidive. Tous les critères sont là et les juges les connaissent.
Quand un gars passe devant la cour pour trafic de stupéfiant pour la quatrième fois, le juge va-t-il lui donner une peine avec sursis? Voyons donc! Il n'y a que quelques conservateurs pour croire cela.
J'ai plaidé pendant 30 ans, et je peux dire que quand j'arrivais devant un juge avec un client qui en était à sa quatrième offense pour vente ou trafic, il n'était pas question d'obtenir une libération conditionnelle. Le juge parlait à la personne. Il lui expliquait qu'elle n'avait pas compris et pourquoi il allait rendre telle ou telle sentence.
Le respect de la magistrature est extrêmement important, tout comme le principe de la détermination de la peine. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est très clair. La Cour suprême du Canada a reconnu que l'incarcération devrait habituellement — je dis bien habituellement — constituer une sanction pénale de dernier recours, et qu'elle pourrait bien être moins appropriée ou utile dans les cas de délinquants autochtones.
J'en arrive à mon argument de tout à l'heure, et c'est l'arrêt Gladue de la Cour suprême. Les conservateurs n'ont pas compris et ne semblent pas vouloir comprendre qu'il faut absolument respecter le pouvoir discrétionnaire des juges.
Imposer des sentences minimales ne règle rien et ne diminue pas le taux de criminalité. Il n'y a aucune étude, et Dieu sait que j'en ai fait la demande. J'ai tout d'abord posé les questions au ministre, puis aux représentants du ministre et à tous les sous-ministres et représentants du ministère de la Justice, mais aucun n'a pu déposer une étude stipulant que les sentences minimales d'emprisonnement règlent quelque chose.
Le problème en vertu du projet de loi , c'est qu'il a pour effet d'enlever aux juges, qui imposent la peine, le pouvoir discrétionnaire de déterminer efficacement la peine qui permet d'obtenir le meilleur équilibre entre les objectifs fondamentaux de la détermination de la peine.
Voici la traduction française pour quelques collègues conservateurs. Mes bons amis du Parti conservateur ne comprennent rien, et c'est dommage, mais je vais leur parler dans une langue qu'ils comprennent. Plus on va emprisonner, moins on va régler le problème. S'ils n'ont pas compris cela, c'est dommage. Ils peuvent présenter des tonnes de projets de loi. Il n'y a plus de place dans les prisons. Ils n'ont qu'à vérifier. Ce n'est pas difficile. Qu'ils vérifient!
Il y a une prison provinciale dans le coin de Québec et il y en a une dans le coin d'Amos et une autre dans le coin de Hull. Pas besoin d'aller loin, il y en a une juste ici, à côté, et elle déborde! Elle est pleine! On ne sait plus où mettre les détenus en attente de sentences ou de procès. Le problème est qu'on remplit les prisons et qu'on n'offre rien.
Lorsqu'on examine le projet de loi , on constate qu'il s'agit là d'un aspect. On y dit que l'individu pourra avoir une peine moindre — le juge ne sera pas obligé d'imposer une peine minimale d'emprisonnement — s'il suit avec succès un traitement approprié à sa condition. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de centre de traitement. On peut mettre cela dans une loi, mais il n'y a pas de centre de traitement.
Le problème du député de , c'est que premièrement, il n'écoute pas, deuxièmement, il n'entend pas, et troisièmement, il va répéter cela tout de travers. Il n'y a pas de centre de traitement approprié. Ils n'ont pas d'argent. Ils vont envoyer les gens en prison, mais ils ne sont pas capables de lui donner les traitements appropriés. Ils disent cela au pénitencier.
Sait-il comment cela fonctionne? Le député de ne comprend pas encore. En vertu d'une sentence de 3 ans, l'individu est admissible à une libération conditionnelle après le tiers de sa peine, donc 8 X 3 = 24. Ainsi, au bout de 8 mois, il y est admissible.
Cet individu n'a aucun antécédent, c'est sa première sentence et il s'agit de sa première peine en pénitencier. Que se passe-t-il dans ce cas? Cela prend 4 mois avant qu'on s'occupe de lui. Que fait-on? On l'amène au centre fédéral de réception à Sainte-Anne-des-Plaines, on l'assoit dans un coin et on regarde. On va attendre un peu, on va faire des études sur son cas afin de choisir le traitement approprié. Puis, au bout de 3 ou 4 mois, on prend finalement une décision: on l'envoie dans un pénitencier à sécurité minimale ou un pénitencier à sécurité maximale.
Le problème, c'est qu'entre-temps, il n'y a rien. S'il est admissible à une libération conditionnelle au tiers de sa sentence, que se passe-t-il? Il a eu une sentence de deux ans — donc 8 X 3 = 24 —, il lui reste donc 4 mois à purger. Que fera-t-il? Il va aller jouer aux cartes, et on n'aura rien fait avec cet individu. Rien! Il est là le problème que les conservateurs n'ont pas compris. Les sentences minimales d'emprisonnement ne règlent rien.
Je sais que mon temps de parole achève, mais si je pouvais glisser un message à nos amis libéraux, je leur dirais de revoir leur position, de réétudier ce projet de loi qui ne règle rien et qui ne fera pas diminuer le taux de criminalité. Je sais que c'est peine perdue avec les conservateurs qui ne comprendront rien. La seule façon de faire comprendre aux conservateurs que les peines minimales d'emprisonnement ne servent à rien, c'est de les battre lors de la prochaine élection, et c'est la grâce que nous nous souhaitons tous.
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Madame la Présidente, la drogue et le crime organisé suscitent toujours des débats passionnés à la Chambre. Mélangez cela à la politique, et vous avez tout un cocktail.
Tout d'abord, je veux parler de la passion qui saisit tous les députés. Je crois que, derrière les questions litigieuses que soulève le projet de loi , on trouve des intérêts communs qui doivent être stimulés, explorés et étudiés à la lumière du contenu du projet de loi. Je crois que lorsque nous nous entendrons sur ces intérêts communs, même les députés qui appuient le projet de loi et, notamment et surtout ceux qui ne l'ont pas lu, voudront peut-être prendre une pause et reconsidérer leur position. Les effets des mesures prévues se feront sentir très concrètement dans leurs circonscriptions.
L'effet le plus notable visé par le gouvernement et également par le Parti libéral, qui l'appuie, dénote une étrange hypocrisie parce que le projet de loi ne réduira en rien la présence du crime organisé au Canada. Nous devons tous en convenir en partant. En faisant commerce de la drogue, le crime organisé perturbe nos collectivités et pousse certaines personnes à la ruine.
Nous devons abandonner la notion selon laquelle ce problème existe seulement dans les centres urbains du Canada. Dans le Nord-Ouest de la Colombie-Britannique, de même que dans le Nord de l'Alberta, d'où vient notre collègue de Fort McMurray, le crime organisé ne se livre pas au commerce de la drogue seulement à l'intérieur des villes. Le phénomène ne se limite pas aux villes de Calgary, d'Edmonton, de Vancouver, de Toronto ou de Montréal. Il dépasse ces limites. La quantité de drogues qui entrent dans nos collectivités par le biais du crime organisé augmente chaque année.
Certains de mes collègues ont mentionné le fait que nous traversons une période difficile et que les Canadiens consomment plus de drogues en période de ralentissement économique. Toutefois, l'inverse peut également se produire.
Même en période de grande prospérité, lorsque les gens dans des endroits comme Fort McMurray avaient tant d'argent qu'ils ne savaient pas quoi en faire, le commerce de la drogue était aussi florissant que jamais, sinon plus florissant. Nous le voyons dans les bureaux du centre-ville de Toronto, sur Bay Street. Nous le voyons absolument partout dans la société. L'influence du crime organisé dans ce commerce est devenu de plus en plus importante, malgré les efforts des gouvernements qui se sont succédé et qui, à maintes reprises, ont dit à la Chambre qu'ils allaient sévir contre le crime organisé et que tel ou tel projet de loi allait réussir à le faire.
Le gouvernement d'Ottawa croit qu'il a la réponse, qu'il a en quelque sorte découvert la solution magique à ce problème. En fait, il va à l'encontre de beaucoup des voeux de ceux qui travaillent dans les collectivités, dans les rues, dans les cliniques et au sein des groupes de défense d'intérêts publics, qui défendent les intérêts des victimes du crime organisé. Ces gens sont intervenus vivement et se sont plaints de ce projet de loi, avec des preuves à l'appui — j'y reviendrai dans un moment — et le gouvernement choisit de ne pas prendre en compte ces preuves.
Le gouvernement nous a répété à maintes reprises que les lois doivent s’appuyer sur des faits. Cela semble raisonnable. Après tout, nous sommes des législateurs. Nous cherchons à rédiger des lois dont nos tribunaux et procureurs se serviront pour punir les criminels et relaxer les innocents. Quand j’ai réclamé des faits, des études ou des recherches au président du comité, il m’a simplement répondu qu’il suffisait que la loi soit logique. Comme si c’était là un argument pouvant être évoqué au Parlement, un argument voulant qu’au motif qu’un député estime un texte logique, il n’est plus nécessaire d’effectuer des recherches sur le sujet, de l’étudier ou de chercher à le comprendre. Eh bien, ça ne fonctionne pas ainsi. Ce genre de débat n’est pas sérieux et ce n’est pas ainsi qu’on s’y prend pour rédiger une loi. Ce n’est pas ainsi qu’on contribue à protéger la vie des Canadiens innocents.
Les députés, du moins les néo-démocrates, ont beaucoup parlé du concept des quatre piliers dans la lutte contre le crime lié à la drogue, surtout s’il implique le crime organisé. Cette idée a une origine. Elle vient des municipalités qui, année après année, doivent composer avec les ravages du crime organisé. Comme elles ne trouvaient pas de réponse satisfaisante auprès de leur gouvernement fédéral ou provincial, elles ont formulé cette solution.
Le premier de ces quatre piliers est celui de la prévention. Il est question d’éviter que la drogue occasionne des ravages dans un premier temps, ce qui est généralement la façon la plus efficace d’obtenir des résultats. Il est toujours beaucoup plus coûteux de réparer les dégâts après coup que d’éviter qu’ils se produisent.
Le deuxième pilier est celui du traitement et de la compréhension des toxicomanes, souvent aux prises avec une multitude de défis personnels. Ce ne sont pas des gens qui veulent à tout prix et sans raison tout détruire au sein de nos collectivités, malgré ce que disent les publicités que nous envoie le gouvernement par la poste. Les toxicomanes sont aux prises avec toutes sortes de problèmes.
Je continue à croire qu’il reste encore un peu de compassion chez les conservateurs, même si elle est profondément enfouie. Jour après jour, je gratte en quête d’un peu de compassion chez eux, d’une trace de quasi spiritualité qui nous montrerait qu’ils éprouvent de la compassion pour les autres, qu’ils ne se contentent pas de passer des jugements, mais qu’ils savent agir en législateurs et en dirigeants compatissants. Soudain, dans des dossiers comme celui-ci, leur compassion et leur sens de la compréhension s’évanouissent. Les conservateurs se mettent à pousser des cris et à condamner des sociétés et des groupes entiers. On détecte dans leur discours des relents de lutte des classes.
Il demeure que nous sommes toujours en quête de compassion, puisque c’est notre bon côté. Les Canadiens s’en vantent, outre qu’elle permet de réaliser les objectifs que nous avons tous à cœur, soit réduire la criminalité, la misère et la souffrance, de même que le pouvoir et l’influence du crime organisé. Nous sommes tous investis de cette mission, comme il se doit, et il n’y a pas de place pour l’opportunisme politique. Ce n’est pas le moment de chercher à marquer des points et de faire imprimer deux millions d’envois postaux de plus, avant les élections, pour essayer de convaincre les Canadiens que la fermeté face à la criminalité est payante. Tout ce que nous faisons dans ce lieu, avec la meilleure volonté dont nous sommes capables, doit s’appuyer sur des preuves et sur une compréhension des problèmes.
Évidemment, il y a toujours la question des répercussions involontaires. Quand on essaie de faire quelque chose, il peut toujours arriver, même si on est animé des meilleures intentions du monde, qu’on obtienne d’autres résultats que ceux visés.
Heureusement pour le Canada, cette expérience a déjà été vécue aux États-Unis, au sud de la frontière, où toutes les mesures extrêmes à la disposition du gouvernement ont été prises pour s’attaquer à la drogue. Les Américains ont tout essayé et plus c’était au sud, plus c’était excessif, au point où les lois sont devenues tellement draconiennes qu’il n’était pas possible de construire des prisons assez vite pour enfermer tout le monde.
Comment la criminalité reliée à la drogue a-t-elle évolué lorsqu’on s’est servi de toutes les armes imaginables et qu’on a adopté les lois les plus draconiennes possible? La criminalité reliée à la drogue n’a cessé d’augmenter aux États-Unis, à un point tel qu’un certain nombre des principaux États qui ont pris l’initiative d’imposer des peines obligatoires minimales pour ces infractions sont maintenant en train d’abroger ces lois.
Voilà maintenant qu’au Canada, le gouvernement conservateur arrive avec un train de retard et, se basant non pas sur des preuves, mais seulement sur une idéologie, parce que comme c’est logique pour lui, ce doit être vrai, sans présenter de faits ni de preuves, déclare que ce doit être la voie à suivre étant donné que George W. Bush l’a dit, étant donné que c’est ce que pense le Parti conservateur.
Si notre véritable intention est de soulager les souffrances causées par le trafic de drogue et le crime organisé, si nous nous en tenons à ce principe premier pour chercher les solutions sur lesquelles nous pourrons tous être d’accord, nous pourrons parvenir à quelque chose qui ressemblera de très près à notre approche reposant sur les quatre piliers que sont la prévention, le traitement, la réduction des méfaits et l’application de la loi.
Ces quatre piliers sont un peu comme les quatre pieds d’une table. Pour bâtir quelque chose de solide, nous devons faire en sorte que ces pieds soient résistants et de longueur égale afin de pouvoir supporter quelque chose, par exemple une communauté.
Quand nous examinons les dépenses que le gouvernement a faites jusqu’ici pour ces quatre piliers, nous voyons que la réduction des méfaits, un des piliers les plus importants, a obtenu 2,5 p. 100 de la totalité des dépenses. Pour ce qui est de la prévention, pour empêcher que quelque chose de mal arrive à une personne et à la société, elle a obtenu, elle aussi, 2,5 p. 100. Pour la recherche et le traitement, il s’agit de 7 p. 100 et 14 p. 100. Voyons maintenant la grosse dépense, l’application de la loi, qui a droit à 73 p. 100.
La table que le gouvernement actuel et le gouvernement précédent ont construite est tellement bancale qu’on voit mal comment le gouvernement peut s’attendre à autre chose qu’à voir empirer l’ampleur et la gravité de la criminalité reliée à la drogue. Les organisations criminelles se moquent du gouvernement et rient à ses dépens.
Le gouvernement a présenté un prétendu programme de lutte contre la criminalité. Qu’avons-nous vu dans les rues de nos villes et villages depuis que le gouvernement est venu nous dire qu’il allait réprimer sévèrement la criminalité? Cela paraissait bien dans sa publicité. Cela n’a pas bien fonctionné dans la loi et la situation continue de faire du tort aux Canadiens chaque jour qui passe.
Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne parraine pas au moins une ou deux études, quelque chose qui nous permettrait de participer à un débat public, en disant que les peines minimales obligatoires donneraient d’excellents résultats dans certains cas, que le gouvernement a fait certaines recherches et que cela diminue effectivement les effets de la criminalité reliée à la drogue au Canada. Toutefois, le gouvernement ne présente aucune étude. Les ministériels se contentent d’invoquer la logique. Quel genre d’argument est-ce là? Ces députés sont-ils venus ici après avoir promis à leurs concitoyens qu’ils ne feraient pas de recherche, qu’ils ne liraient rien, qu’ils n’amélioreraient pas leur connaissance de la situation pour éclairer le débat et proposer des lois sur lesquelles nous pourrions tous être d’accord?
Au lieu de cela, le gouvernement se concentre sur la division; il cherche à diviser pour mieux régner. Ce parti semble obsédé par le recours aux questions litigieuses comme si l'exercice du pouvoir ne consistait qu'à soulever des questions litigieuses, comme si c'était une manifestation de leadership, comme si cela permettrait de faire progresser le Canada et d'en faire un meilleur pays pour les Canadiens. Le gouvernement se concentre simplement sur une foule de questions disparates qui, croit-il, intéressent la base conservatrice, peu importe ce que cela veut dire, tant que la base s'enthousiasme. Les conservateurs divisent juste assez l'électorat dans le but de s'accaparer le pouvoir absolu et ensuite, attention. Ils feraient alors exactement comme bon leur semble.
À mon avis ce n'est pas une expression de leadership. Ce n'est pas la façon de gouverner. Ce n'est pas non plus la façon de diriger le gouvernement du Canada. Enfin, ce n'est pas une approche dont on peut s'enorgueillir.
Je reviens à la circonscription que je représente, Skeena--Bulkley Valley, qui se trouve dans le Nord-Ouest de la Colombie-Britannique. Les gens de cette circonscription ont vu les deux côtés du cycle économique. Nous avons connu le boom et nous avons vu les gangs arriver avec leurs drogues. Nous avons connu le ralentissement et nous avons encore une fois vu les gangs arriver avec leurs drogues. Les gangs criminels s'organisent en ville et y prennent livraison de la marchandise et de tout ce qu'il leur faut, puis ils s'installent dans les collectivités. La misère suit ce parcours et entraîne, dans les collectivités, des infractions contre les biens, des enlèvements et la prostitution.
Nos collectivités sont tissées serré. Elles sont petites. Elles sont véritablement axées sur la population. On le constate d'ailleurs dans les salles communautaires, dans les églises et, chaque jour, au restaurant du coin, on entend parler de l'enfant de quelqu'un qui est parti à Vancouver ou à Edmonton et dont on n'a plus de nouvelles. Personne ne sait où se trouvent ces jeunes. Personne ne sait ce qui leur est arrivé.
Personne ici ne devrait prétendre qu'un parti est le seul à se préoccuper de ces questions. C'est une insulte à tous les députés. C'est même insultant pour la personne qui tient de tels propos. Parler en mal est bien plus révélateur du manque de compréhension, d'intelligence et de compassion de celui qui s'exprime que des personnes qu'il vise.
Lorsque nous traitons d'un dossier aussi important que celui-ci, le gouvernement doit comprendre qu'il ne peut pas faire fi du travail des municipalités, des intervenants et des groupes communautaires — qui disent qu'il ne faut pas uniquement se préoccuper des mesures d'application de la loi, mais aussi d'autres aspects si nous voulons atteindre les buts visés — et prétendre avoir la solution miracle, à savoir l'imposition de peines minimales obligatoires.
Ce gouvernement est le même qui, dans le passé, tirait fierté de sa gestion budgétaire. De toute évidence, sa réputation à cet égard a subi un dur coup, parce qu'à chaque fois que le ministre des Finances prend la parole, le déficit augmente. Je serais surpris que les conservateurs mènent leur prochaine campagne électorale en parlant de gestion budgétaire, mais nous verrons bien.
Même maintenant, à ce stade-ci, nous demandons au gouvernement de présenter un document, de fournir une estimation des coûts associés au projet de loi, de la même façon qu'il le fait lorsque le NPD et les autres partis à la Chambre présentent des initiatives parlementaires. L'une des premières questions posées par le gouvernement est invariablement: « Combien cela coûtera-t-il aux contribuables? Nous sommes prudents sur le plan financier. Nous sommes des conservateurs. »
Pourtant, lorsque nous lui demandons combien cette mesure va coûter, le gouvernement ne veut pas nous le dire. Pourquoi?
C'est en partie parce que la plupart des coûts devront être assumés par les provinces, étant donné que la majorité des personnes visées par le projet de loi vont se retrouver dans des prisons provinciales. Par conséquent, j'imagine que le gouvernement juge que ces coûts ne le concernent pas, étant donné qu'il représente le niveau fédéral. Mais les contribuables sont les mêmes. Lorsque le gouvernement propose une mesure législative, ils ont le droit de savoir combien celle-ci pourrait coûter.
Nous ne demandons même pas le chiffre exact, seulement un ordre de grandeur, une estimation, une prédiction. Nous demandons un chiffre afin que, lorsque le gouvernement fait de tels choix, lorsqu'il dépense plus des trois quarts de son argent sur un volet tout en ignorant les autres, les contribuables sachent ce qu'il en est des coûts, des motifs et des choix de ce gouvernement.
En fin de compte, diriger un pays et disposer de tous les pouvoirs d'un gouvernement signifie qu'il faut faire des choix. Le gouvernement doit prendre les meilleures décisions pour les Canadiens — pas diviser la population, pas s'occuper seulement de sa base électorale et pas se concentrer sur une question pointue dont il peut se servir pour convaincre les Canadiens qu'il est leur sauveur. Le gouvernement agit ainsi depuis des années, mais les choses ne font qu'empirer.
La question des coûts est importante. On ne peut la laisser de côté. J'attends toujours qu'un député conservateur — ou libéral, puisque les libéraux vont appuyer le projet de loi — prenne la parole et nous dise quels seront les coûts du projet de loi sur lequel nous allons voter. Ce serait raisonnable, honnête et intelligent. Ce serait faire preuve de leadership de nous dire quels seraient les coûts estimés et quelles en seraient les parts du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Les contribuables veulent savoir. Est-ce raisonnable? Est-ce compréhensible?
J'invite mes collègues conservateurs, si nous pouvions passer un instant aux questions et observations, à donner les chiffres, s'ils les connaissent. S'ils ne les connaissent pas, ils peuvent le dire, c'est correct.
Or, ne pas tenir compte des coûts, comme si ce n'était pas un facteur dans l'élaboration d'une loi, est ridicule. Ne pas faire mention des coûts, faire comme s'ils n'existaient pas, ne les feront pas disparaître. J'espère que mes souhaits seront exaucés, mais quelque chose me dit que non.
Nous devons nous demander si les principes fondamentaux s'appliquent encore à chacun d'entre nous, si nous pouvons trouver un petit terrain d'entente dans le cadre de ce débat passionné et acrimonieux. Les questions touchant aux lois sur le crime organisé et les drogues devraient soulever les passions, car c'est pour exprimer nos points de vue, faire preuve d'intelligence et trouver les meilleures façons de procéder que nos électeurs nous envoient ici. Quelques données tangibles sur la possibilité que le projet de loi permette de réduire le crime organisé au Canada au moyen de peines minimales obligatoires nous aideraient beaucoup à trouver un terrain d'entente.
Lors des audiences du comité, on a présenté 18 rapports et on en a cité une quinzaine d'autres. La très grande majorité des témoins ont parlé de la nocivité de ces peines, et surtout de leur inefficacité parce qu'elles ne donnent absolument pas les résultats espérés par le gouvernement.
Quand les représentants de l'Association des chefs de police, si je me souviens bien, ont témoigné, ils ont parlé du projet de loi mais n'ont strictement rien dit sur les peines minimales obligatoires. Si c'était aussi fantastique et si les policiers mouraient d'envie d'avoir un tel outil de travail, on peut imaginer qu'ils l'auraient dit. On peut penser qu'ils auraient dit: « au fait, ça c'est un coup de maître pour le gouvernement », mais ce n'est pas ce qu'ont dit les témoins, bien au contraire.
Tout compte fait, ce n'est pas facile de s'occuper de la criminalité. C'est manifestement très compliqué. Les conservateurs sont arrivés en faisant de la criminalité l'un des principaux piliers de leur action. Ils allaient lutter contre la criminalité, et non s'y adonner, espérons-le.
Mais au cours de cette entreprise, la loi n'a cessé de se montrer inefficace. Cette idée de proposer des peines minimales obligatoires pour réprimer la criminalité liée à la drogue en prétendant qu'on va s'attaquer aux gros bonnets rappelle un peu les premiers temps de la prohibition aux États-Unis quand on s'est dit que la solution logique, et on l'a probablement affirmé au Congrès à l'époque, c'était tout simplement de bloquer le trafic d'alcool, de boucler tout le monde façon Eliott Ness. Cela allait régler le problème et mettre fin à toutes les activités illégales d'Al Capone.
Mais comment les États-Unis ont-ils finalement réglé le problème? En s'attaquant au portefeuille. Ils ont suivi la piste des taxes. Ils ont suivi l'argent et lessivé cette pègre qui trafiquait dans l'alcool, et ensuite ils ont levé la prohibition.
Que font les Italiens de nos jours pour lutter contre la mafia? Passent-ils leur temps à imposer des peines minimales obligatoires? Non, ils s'en prennent au portefeuille. À chaque fois, c'est au niveau de l'argent qu'ils frappent.
À quoi sert le crime organisé? À gagner de l'argent. S'ils pouvaient en gagner autant en vendant des trucs et des machins, ils le feraient sans doute. J'espère que le gouvernement ne va pas interdire les trucs et les machins. On ne sait jamais, il y a peut-être là aussi tout un réseau organisé et cela fera encore d'autres victimes.
Il faut bien comprendre que si le gouvernement veut sérieusement se doter de meilleures lois pour lutter contre le crime organisé lié à la drogue au Canada, il doit faire au moins deux choses pour avoir notre aval. D'une part, il doit présenter des preuves que cela marche parce qu'on l'a déjà fait ailleurs. Deuxièmement, il doit montrer, ce qu'il n'a pas encore dit et qu'il prétend ne pas savoir, que les coûts que cela va entraîner sont justifiés et que c'est un bon choix parmi les quatre piliers.
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Madame la Présidente, en préparant mes notes pour la journée, je me suis remémoré mes années d’université, à l’École de droit de Windsor qui, soit dit en passant, est la meilleure école de droit du pays.
Durant cette période, avant l’entrée en vigueur de la Charte des droits et libertés, le Code criminel contenait une disposition relative à la détermination de la peine qui stipulait que toute personne arrêtée en train d’importer de la drogue était automatiquement condamnée à une peine minimale de sept ans d’emprisonnement.
En ce temps-là, du milieu à la fin des années 1960 ou au début des années 1970, il se consommait beaucoup de marijuana dans cette région du Canada située juste en face de Detroit, au Michigan. On franchissait régulièrement la frontière dans les deux sens. Le poste frontière y est d’ailleurs le plus actif au monde, ou du moins en Amérique du Nord. Familles et amis le traversaient dans les deux sens. Nous allions magasiner des deux côtés de la frontière et, des deux côtés, on trouvait de quoi se divertir.
Des gens se faisaient alors régulièrement arrêter et accuser d’importation de marijuana au Canada. Ils encouraient la peine minimale automatique de sept ans d’emprisonnement et celle-ci a souvent été appliquée. Heureusement, il était fréquent que les procureurs à charge, faisant preuve de bon sens, se montrent disposés à abandonner les chefs d’accusation. Sinon, ils optaient pour des accusations de simple possession. Malgré tout, bien des gens ont vu leur vie ruinée après avoir été condamnés à sept ans d’emprisonnement pour une simple question de possession de marijuana.
Tout cela a pris fin peu de temps après l’adoption de la Charte. Nos tribunaux ont alors simplement estimé que les conséquences et les sanctions étaient grossièrement disproportionnées par rapport à une infraction visée par l’article 12 de la Charte, car les sanctions étaient cruelles et inhabituelles. L’article de la loi a donc été invalidé.
Aujourd’hui, quelque 35 ans plus tard, le gouvernement est en train de nous ramener à cette époque. Il est possible que ça rende ces gens-là heureux, parce qu’ils sont conservateurs, mais ce n’est certainement pas une saine politique gouvernementale.
Même si aucune des peines minimales obligatoires prévues dans le projet de loi n’est aussi lourde que les sept années d’emprisonnement dont je parlais, nous allons constater qu’on va en abuser dans le cas des toxicomanes et des petits trafiquants de marijuana.
D’après ce que nous ont dit à maintes reprises les policiers, y compris lors de témoignages entendus par le comité à propos de ce projet de loi, nous savons que la plupart de ceux qui feront les frais de cette mesure législative, qui se trouveront emprisonnés pour des périodes minimales obligatoires allant de six mois à trois ans, seront de petits consommateurs de drogue, de marijuana ou de drogues plus dures, qui seront tombés dans le cercle vicieux du commerce de la drogue, parce qu’ils se seront mis à trafiquer pour satisfaire leurs habitudes de consommation.
Il convient, je pense, de réfléchir à toute cette question et de comprendre que le crime organisé a fait main basse sur la quasi-totalité du narcotrafic au Canada et dans le reste du monde, dans une grande mesure. Il faut imaginer une pyramide qui est très large à la base, mais dont le sommet n'est qu'une pointe très fine. Les caïds, ceux qui s’enrichissent grâce au narcotrafic, sont une infime minorité au sommet de la pyramide, et en dessous, il y a cette énorme base.
Même si le gouvernement nous a dit que le projet de loi cible les trafiquants et le petit groupe de têtes dirigeantes, ce n’est pas ce qui se passera vraiment. Nous le savons sans l’ombre d’un doute, car c’est exactement le même genre de politique que les États-Unis ont commencé à adopter il y a 20 ou 30 ans. Elle a été appliquée pendant toute une génération. Le but était le même, autrement dit, de s’en prendre aux chefs de bandes, aux vrais dirigeants, à ceux qui tirent vraiment de l’argent de la drogue. À part dans les États qui ont commencé à abroger ces lois, ce qui s’est passé et continue de se passer est que la police a attrapé les petits revendeurs. Ils ont été emprisonnés pendant de longues périodes. Ce sont eux qui ont surpeuplé les prisons, ce qui a soustrait de l’argent à d’autres programmes sociaux au profit des prisons, parce que c’était la seule façon de répondre au besoin.
Comme on l’a dit, il y a quelques petits éléments du projet de loi , tels que le changement à l’égard de la drogue du viol qui prévoit d’inscrire ce type de drogue dans une liste de substances contrôlées pour resserrer la surveillance, qui obtiendraient notre appui et celui, je crois, du Bloc québécois.
Ce projet de loi reflète l’idéologie du gouvernement conservateur. C’est une idéologie selon laquelle si le gouvernement appuie de tout son poids une approche punitive pour lutter contre le trafic de stupéfiants, il réussira. On essaie d’atténuer cela un peu en disant que non, que l’intention du gouvernement est autre, mais en réalité, le gouvernement sait que cela ne marchera pas. Les conservateurs n’ont absolument aucune preuve montrant que cela fonctionnera, tandis qu’ils ont toutes les preuves du contraire.
Lorsque nous entendons le discours démagogique du député de Fort McMurray au sujet des victimes et d’autres conservateurs parler des victimes, il est honteux qu’ils adoptent cette approche. Ils se sont conduits de façon honteuse au cours des dernières campagnes électorales parce qu’ils ont amené le public canadien, qui est victime du crime organisé, à croire que telle est la solution. C’est malhonnête. Cela ne correspond absolument pas à ce que nous savons des solutions permettant de résoudre le problème de la drogue. Les conservateurs continuent de perpétuer le problème et c’est une honte.
Nous savons que, si nous voulons résoudre le problème de la drogue, comme nous avons réglé le problème de la conduite avec facultés affaiblies ou mené la campagne pour réduire le tabagisme, il existe d’autres méthodes, d’autres programmes qui sont efficaces.
Si nous abordons le problème comme nous l’avons préconisé au NPD, en nous tournant vers la prévention et l’application de la loi avant de recourir à des mesures punitives, ce sera efficace. Je peux vous citer bien d’autres pays qui utilisent cette méthodologie pour réduire la consommation de drogue. En fait, même dans ces pays, on estime qu’on pourrait faire encore plus et réduire le problème encore plus efficacement.
Nous pouvons regarder ce qui s'est fait au Canada pour combattre le tabagisme et l’efficacité de ces mesures. Au Canada, le tabagisme est tombé d’un sommet de près de 50 p. 100 à environ 16 p. 100 ou 17 p. 100. Nous n’avons aucune raison de croire qu’il n’est pas possible d’en faire autant pour la consommation de drogues illicites, plus particulièrement la marijuana et le cannabis.
Ensuite, voyons ce qui est fait. Nous dépensons un énorme montant d’argent pour l’application de la loi et les mesures punitives, notamment pour les prisons, et très peu pour la prévention. À cet égard, je voudrais attirer l’attention de la Chambre sur ce qui s’est passé aux États-Unis. En 1986, quand les Américains ont commencé à imposer des peines minimales obligatoires, au niveau national, pour les infractions reliées à la drogue, le Federal Bureau of Prisons dépensait 862 millions de dollars pour les services correctionnels, juste au niveau fédéral. Chaque État a également son propre système carcéral. Deux ans plus tard, cette somme avait grimpé à 1,2 milliard de dollars. Cinq ans plus tard, en 1991, elle atteignait 2,1 milliards de dollars. En 2010, pour l’année à venir, un budget de 6 milliards de dollars a été demandé pour le service correctionnel. Au cours de cette période de 20 ans, si mes calculs sont exacts, ces dépenses ont été multipliées par huit environ.
Nous allons assister ici au même phénomène, mais je dois dire que les provinces vont assumer la majeure partie de cette dépense. Comme je l’ai dit tout à l’heure, la plupart des peines minimales obligatoires infligées seront de l’ordre de 6 mois à 18 mois. Compte tenu de nos relations avec les provinces, toutes ces peines sont purgées dans des prisons provinciales.
Je tiens à insister sur ce qui s’est passé aux États-Unis quand les Américains ont imposé des peines minimales obligatoires au niveau des États et au niveau fédéral. Selon les témoignages que nous avons entendus en comité au sujet de ce projet de loi, dans l’État de New York, pour chaque dollar de plus dépensé pour les prisons et les services correctionnels dans cet État, un dollar a été enlevé du budget de l’éducation. Il y a eu une corrélation directe pour chaque dollar. Nous avons toutes les raisons de croire que c’est ce qui se passera au Canada.
Comme nous allons devoir construire des prisons supplémentaires et accroître l’effectif des prisons existantes, nous manquerons de recettes fiscales pour les programmes sociaux. Que ce soit pour l’éducation ou pour la santé, nous n’aurons tout simplement pas l’argent nécessaire. C’est surtout vrai compte tenu de la crise financière actuelle et de la situation économique générale.
J’aurais également une autre chose à dire à ce sujet. J’ai trouvé intéressante l’analyse du député de , selon laquelle ce projet de loi n’aura aucun effet. J’espère qu’il a raison. J’espère que nous ne verrons pas un afflux important de nouveaux détenus dans nos prisons provinciales et fédérales. Je dois dire, toutefois que je ne partage pas cet optimisme. Je crois que nous allons chercher à appliquer les dispositions de ce projet de loi partout dans le pays, dans la totalité des provinces et territoires.
Quand nous le ferons, selon mon estimation, nous verrons augmenter le taux d’incarcération dans nos prisons provinciales d’au moins 10 p. 100 et peut-être même de 25 p. 100. Ce sera moins au niveau fédéral. Je peux le dire, car nous venons de constater, il y a une semaine, devant le Comité de la justice, l’impact qu’une autre loi aura sur l’augmentation de la population carcérale.
Malgré les affirmations du , en réalité, chacune de nos prisons fédérales est déjà surpeuplée. Cela nous a été confirmé hier, par M. Sapers, qui est l’Enquêteur correctionnel fédéral. Il a dit que toute augmentation importante de la population carcérale au niveau fédéral est dangereuse. Nous n’avons pas suffisamment de programmes pour le moment.
Au Comité de la justice, nous avons entendu dire, il y a une semaine environ, à propos d’un autre projet de loi, qu’il y a dans chaque prison fédérale du pays, des cellules conçues pour une personne qui sont régulièrement occupées par une deuxième personne. Nous en sommes arrivés au point où il y a trois détenus dans des cellules qui n’ont été conçues que pour une personne et la situation va continuer de s’aggraver, à cause non seulement de ce projet de loi, même si ce sera sans doute le principal facteur, mais aussi des autres mesures que le gouvernement a proposées.
Même si nous avons entendu le député de dire que des pénitenciers sont en construction, c'est absolument faux. Il n'y avait pas un cent pour de nouveaux pénitenciers fédéraux dans le budget de cette année ou dans celui de l'année dernière. Il y avait certes une augmentation des dépenses, mais c'était uniquement pour faire face à l'inflation. Il n'y avait pas un cent pour de nouvelles cellules. Les prisons étant déjà surpeuplées, nous allons bientôt voir des cellules loger trois détenus, là où il ne devrait y en avoir qu'un.
Nous avons tellement de retard par rapport aux protocoles internationaux que nous avons signés relativement à l'occupation de nos pénitenciers que nous allons tôt ou tard nous retrouver avec des contestations en vertu de la Charte. Il s'ensuivra peut-être une libération anticipée de certains détenus. Cela va certainement influer sur la détermination des peines et sur ce que les juges vont faire si les plaignants ont gain de cause.
Ce projet de loi ne fera qu'augmenter le nombre de nouveaux détenus. Nous revenons à l'argument selon lequel, en les incarcérant, nous les tenons loin des rues pour un moment. Je l'ai entendu à maintes reprises de la part du au comité. Ce que nous avons aussi entendu à maintes reprises au comité de la part de services de police de partout au pays, c'est que, si nous retirons une personne de la rue, les organisations criminelles ont un tel contrôle sur le commerce de la drogue, que cette personne sera simplement remplacée sur-le-champ. On ne voit pas ce phénomène qu'au Canada; c'est pareil partout sur la planète. Si des organisations criminelles sont mêlées à l'activité, la personne qui va en prison est remplacée au pied levé. Cela ne réduit en rien le commerce de drogues dans notre pays.
Voici une politique qui va faire augmenter le nombre de détenus. Voici une politique qui coûtera très cher, et pas seulement au système correctionnel. Qu'arrivera-t-il à l'aide juridique? En ce qui concerne la magistrature, de combien de juges aurons-nous besoin?
Lorsqu'ils s'exposent à une peine minimale, les contrevenants ne plaident pas coupable. Il est possible qu'ils négocient pour en être exemptés, mais ils ne plaident pas coupable. Déjà 50 p. 100 environ des affaires dont nos tribunaux sont saisis sont liées à la drogue. Cette proportion augmentera énormément, de même que le temps nécessaire pour les procès, du fait que les gens vont cesser de plaider coupable. Ils ne le font que lorsque la peine minimale a été abandonnée, ce qui, par conséquent, rendra le projet de loi inefficace.
Si les tribunaux doivent continuer à insister pour imposer les peines minimales obligatoires, comme je pense qu'ils le feront, le temps nécessaire pour juger ces affaires augmentera énormément. Il nous faudra davantage de juges. Il nous faudra plus d'agents de police dans les tribunaux, pendant plus longtemps. En outre, aucune ressource budgétaire n'a été attribuée à ce titre.
Le système d'aide juridique ontarien fait actuellement l'objet d'un boycott du fait que les honoraires sont insuffisants. Pourtant, il s'agit du plan le plus développé au Canada. C'est un autre problème auquel nous serons confrontés.
Mon collègue, le député de , a parlé de conséquences non voulues. Je voudrais bien croire que les conservateurs n'en savent rien, mais nous les avons prévenus. Notre parti politique les a prévenus. Les conservateurs sont tellement motivés par l'idéologie qu'ils iront de l'avant avec le projet de loi. Les libéraux, à leur grande honte, les appuieront. Je ne comprends pas ce que les libéraux sont en train de faire, sinon de la politique partisane. Ils ne veulent pas qu'on pense qu'ils sont mous envers les criminels. C'est une mauvaise stratégie. C'est mauvais pour le pays.
Bref, ce projet de loi est mauvais et s'inspire d'une mauvaise politique publique. Il n'atteindra pas les objectifs qu'il vise. Il est parfaitement inutile et nous devrions tous voter contre.
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Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi , une mesure qui prévoit l'imposition de peines minimales obligatoires pour les infractions liées aux drogues.
J'ai écouté avec un très grand intérêt mon collègue, le député de , expliquer le raisonnement censément à la base du projet de loi, c'est-à-dire que les peines minimales obligatoires seraient un moyen de rehausser la sécurité publique au Canada, et expliquer comment le projet de loi échoue à cet égard.
Ne nous berçons pas d'illusions. Il y a une chose que nous devrions savoir. Au départ, il y a les infractions prévues dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. On prévoit déjà des peines sévères. La peine maximale prévue dans les annexes I et II de la loi pour le trafic, l'exportation, l'importation et la production de drogues aux fins du trafic est l'emprisonnement à perpétuité.
Sans aucun doute, notre droit criminel considère ce type de crime comme très grave. La loi reconnaît que ce genre d'activité peut nuire gravement aux personnes et à la société. D'où la peine maximale.
En réalité, c'est au juge qu'il revient de décider quelle peine convient dans un cas donné. Le juge exercera son jugement en tenant compte de la loi, des précédents, des faits et des circonstances de chaque affaire pour déterminer la peine. Or, ce que prévoit le projet de loi à l'étude, c'est que le Parlement imposera, sans égard aux circonstances, à la personne, aux faits concernant un crime donné, une peine minimale obligatoire.
Voici ce qu'a dit le juge Gomery au sujet du projet de loi antérieur qui visait les mêmes résultats. Je crois que les parlementaires connaissent bien le juge Gomery et la commission d'enquête qu'il a présidée, concernant le scandale lié aux activités du gouvernement précédent, la Commission d'enquête Gomery. Voici ce qu'a déclaré le juge Gomery: « Cette mesure témoigne d'une méfiance à l'endroit de l'appareil judiciaire en ce qui concerne l'imposition de peines adéquates. »
Cependant, la mesure va plus loin que cela. Elle s'écarte du principe selon lequel nos juges se sont vu confier une tâche importante dans la détermination non seulement de la culpabilité et de l'innocence d'un accusé, mais aussi de la peine appropriée, sous la surveillance des cours d'appel.
Le projet de loi s'écarte d'un principe de gouvernance, selon lequel toute décision doit être fondée sur des preuves. Si les conservateurs prétendent que le projet de loi protégera la population, comme l'ont dit certains intervenants d'en face, alors qu'ils nous en fassent la preuve.
De fait, en 2002, le ministère de la Justice a fait savoir que les peines minimales obligatoires ne semblaient pas avoir d'incidence mesurable sur la consommation de drogue, un aspect qui inquiète les gens, ou sur les crimes liés à la drogue. Ainsi, alors qu'il vise à sévir contre la criminalité, le projet de loi, selon ce qu'en a dit le ministère de la Justice en 2002, n'aura aucune incidence mesurable sur les crimes liés à la drogue.
Où donc est la preuve que le projet de loi réduirait effectivement la consommation de drogue ou les crimes liés à la drogue? Sans ce résultat, qu'avons-nous donc à vouloir faire adopter un projet de loi qui risque non seulement de faire du tort, et j'y reviendrai un peu plus loin, mais d'être coûteux et inefficace pour lutter contre la criminalité ou encore, précisément, pour atteindre l'objectif visé, c'est-à-dire réduire la consommation de drogue?
C'est tout le problème de ce projet de loi.