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Monsieur le Président, il y a deux versions concernant le coût des F-35, ce qui a semé la confusion au Parlement et, par extension, au sein de la population.
En 2011, le directeur parlementaire du budget a présenté un rapport estimant le coût du cycle de vie complet des appareils à 29 milliards de dollars. Le coût du cycle de vie complet est défini, sans beaucoup de détails, au chapitre 3, page 32, du guide d'évaluation et d'estimation des coûts du GAO. Voici ce qui est dit:
On peut considérer le cycle de vie comme une méthode de gestion d'un programme tout au long de sa vie utile, depuis sa création jusqu'à sa mise au rancart. Cela suppose la détermination de tous les éléments du coût du programme, depuis sa conception initiale jusqu'à son abandon en passant par sa mise en place et son soutien.
C'est la définition dont se servent les Américains, le directeur parlementaire du budget, le vérificateur général et d'autres pays. Apparemment, tout le monde se sert de cette définition, sauf le , le , le et la . En se servant de cette définition, le directeur parlementaire du budget a estimé le coût des avions de combat F-35 à 29 milliards de dollars et le vérificateur général l'a estimé à 25 milliards. Le ministère de la Défense nationale a néanmoins deux séries de chiffres: la version du ministre et la version interne. Selon la version du ministre, à l'intention du public seulement, le coût des appareils a été établi à 15 milliards de dollars. Aux fins internes, cependant, le ministère a estimé le coût du cycle de vie complet des appareils à 25 milliards de dollars. Voilà qui explique l'écart de 10 milliards de dollars.
Le 14 juin 2011, en réponse à une question de son propre collègue, le député de , le a déclaré:
Le montant de 9 milliards semble important — et c'est le cas —, mais n'oubliez pas qu'il est amorti sur plus de 25 ans.
Il a même trompé ses propres collègues.
En réponse à une question posée devant le Comité permanent de la défense nationale le 13 mars 2012, le a déclaré ceci:
Je pense que la seule vraie réponse que l'on peut donner à ce moment-ci, c'est que le gouvernement canadien a affecté 9 milliards de dollars pour s'assurer que les hommes et les femmes de l'Armée de l'air et de l'Armée de terre puissent obtenir le meilleur équipement possible pour faire leur travail.
Dans un témoignage livré au Comité permanent de la défense nationale à la réunion du 15 septembre 2010, lors de laquelle le et la ont comparu, le sous-ministre adjoint (Matériels) de la Défense nationale a déclaré ceci:
[...] il est important de constater que le programme de 9 milliards de dollars proposé comprend plus que les coûts de 65 aéronefs. Le montant de 9 milliards de dollars comprend aussi près de deux milliards de dollars en coûts associés aux imprévus et à la fluctuation monétaire, de même que des éléments comme le soutien logistique intégré, les armes, l'infrastructure et les simulateurs, tous des éléments intrinsèques à l'acquisition d'une flotte d'avions-chasseurs.
Le coût a été présenté, semble-t-il, comme un coût global, qui est bien loin des conclusions tirées par le vérificateur général.
Selon le vérificateur général, les faits présentés au Parlement relativement à l'achat des F-35 n'étaient pas, c'est le moins qu'on puisse dire, fidèles à la réalité. Dans son rapport, le vérificateur général exprime clairement son inquiétude quant au fait que les données transmises aux parlementaires étaient incomplètes. À la page 36, au paragraphe 2.76, on peut lire: « Certains coûts n’ont pas été entièrement communiqués aux parlementaires. » C'est vraiment le moins qu'on puisse dire.
Le vérificateur général a confirmé après son témoignage devant le Comité des comptes publics la révélation du selon laquelle il savait que le coût allait être d'au moins 10 milliards de dollars supérieur à ce que le gouvernement avait publiquement annoncé au Parlement. Le Président doit tenir compte de ce fait, car il est directement lié à présente question de privilège.
Selon le vérificateur général, au moment des élections de 2011, des ministres influents du gouvernement conservateur savaient que le coût des appareils avait grimpé à 25 milliards de dollars, mais ils ont décidé de s'en tenir à l'estimation de 15 milliards de dollars.
On peut lire cette déclaration du vérificateur général dans le Toronto Star du 6 avril 2012:
Je ne peux dire qui était au courant, mais il s'agit de renseignements préparés par la Défense nationale, et j'ai la nette impression qu'il s'agit effectivement de renseignements dont aurait disposé le gouvernement.
De plus, lors d'une entrevue accordée à l'émission Question Period de la CBC, le 8 avril dernier, le a déclaré qu'il savait pertinemment que les coûts associés au F-35 étaient en réalité supérieurs de 10 milliards de dollars aux chiffres rendus publics par le gouvernement avant la parution du rapport du vérificateur général. Il convient de noter que le ministre n'a fait aucune déclaration de ce genre à la Chambre ou devant un comité parlementaire avant le 5 avril 2012.
Le gouvernement a, en partie, répondu à cela en affirmant que l'écart dans les chiffres découle d'une différence de procédure comptable. Il prétend que le coût présenté à la Chambre des communes était plus modeste parce qu'il avait tout simplement choisi de ne pas inclure les coûts du cycle de vie complet.
Toutefois, dans le rapport de la vérificatrice générale de l'automne 2010, sur l'achat d'hélicoptères militaires, à la page 46, au paragraphe 6.74, le ministère de la Défense, en réponse à la recommandation, s'est engagé à avoir pour politique d'inclure, à l'avenir, les estimations liées aux coûts du cycle de vie pour l'achat d'équipement militaire. Le MDN s'est engagé à inclure les coûts du cycle de vie complet dans tous ses exposés pour de futurs achats.
Il ne s'agit donc pas d'une erreur d'arrondissement. Il ne s'agit pas d'une simple différence dans les procédures comptables. La politique d'inclure les coûts du cycle de vie était bien comprise par toutes les parties, par le ministère et le ministre. Il s'agissait d'une tentative évidente et délibérée d'induire en erreur les députés de la Chambre.
Si les manoeuvres des ministres ne vous ont pas encore donné le vertige, attendez un peu. À la page 3 du rapport du vérificateur général du printemps 2012, qui se penche sur le gâchis quant à l'achat des F-35, à la partie « Réaction des ministères », on peut lire ceci:
La Défense nationale, Industrie Canada ainsi que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada ont accepté les faits présentés dans ce chapitre. Toutefois, la Défense nationale et Travaux publics et Services gouvernementaux ne sont pas d’accord avec les conclusions formulées aux paragraphes 2.80 et 2.81.
Le ministère est d'accord avec les faits, mais pas avec les conclusions. J'ignore totalement ce que ça veut dire. Si vous n'êtes pas encore aussi dérouté que moi, monsieur le Président, attendez de voir les réponses des ministres.
Le ministre associé de la Défense, le ministre de la Défense et la ministre des Travaux publics ont tous déclaré:
Nous acceptons bel et bien les conclusions du vérificateur général, et nous allons bel et bien mettre en oeuvre ses recommandations.
Le a assuré: « Nous avons dit que nous acceptons ses conclusions. »
Le a affirmé: « Nous acceptons les conclusions du vérificateur général. »
La a soutenu:
Je répète au député que le gouvernement est convaincu de l'exactitude des recommandations et des conclusions du vérificateur général, et qu'il les accepte.
Le a attesté:
Le gouvernement a clairement indiqué, par l'entremise des ministres ici présents, qu'il accepte les conclusions et les recommandations du vérificateur général.
Hier, le leader du gouvernement à la Chambre des communes a tenté d'expliquer cette incohérence en se dissociant de ses propos antérieurs. Il a dit:
J'invite le Président à lire le chapitre 2 du rapport du vérificateur général en entier. Il verra alors qu'il fait une distinction entre, d'une part, les ministères, à savoir la Défense nationale et Travaux publics, et leurs porte-parole, et, d'autre part, le gouvernement ou les ministres.
Cette déclaration a de quoi inquiéter sérieusement tous les parlementaires et même tous les Canadiens ainsi que les organismes gouvernementaux et les ministères. À première vue, le leader du gouvernement à la Chambre, qui parle au nom du et du gouvernement, a clairement décidé que la responsabilité ministérielle a des limites et que le gouvernement conservateur, lorsqu'il se fait prendre à induire en erreur les Canadiens et le Parlement, n'y est pas assujetti.
Le leader du gouvernement aurait avantage à prendre connaissance de la 2e édition, de La procédure et les usages de la Chambre des communes, d'O'Brien et Bosc, publiée en 2009. À défaut de le faire lui-même, il devrait, à tout le moins, demander à quelqu'un de le lire pour lui, parce que la notion de responsabilité ministérielle y est très clairement définie.
On peut lire ce qui suit à la page 32:
Le principe de la responsabilité individuelle veut que les ministres soient comptables non seulement de leurs décisions comme chefs de ministère, mais également des actes de leurs subordonnés. C’est cette responsabilité individuelle qui est à la base de notre système de reddition de comptes. Virtuellement toutes les activités d’un ministère se font au nom du ministre, qui, de son côté, est responsable de ces activités devant le Parlement. Les ministres exercent le pouvoir et ils sont constitutionnellement responsables de l’action et de la conduite du gouvernement; le Parlement les en tient personnellement responsables.
Dans sa décision du 27 avril 2010, à la page 2041 des Débats, le Président Milliken fait référence à une lettre adressée le 9 décembre 2009 au légiste et conseiller parlementaire de la Chambre par une sous-ministre adjointe du ministère de la Justice, qui portait sur l'obligation de soumettre des documents aux comités parlementaires. Dans un des passages de la lettre, la sous-ministre adjointe affirme que les représentants du gouvernement sont des mandataires du pouvoir exécutif. Il est évident que les représentants du gouvernement ne sont pas des agents libres. Ils agissent pour le compte de leurs ministres respectifs.
Je pourrais citer de nombreuses sources pour appuyer cette déclaration, mais je ne crois pas que cela soit nécessaire. Il est intéressant de noter que le gouvernement n'a pas toujours eu cette attitude à l'égard des responsabilités ministérielles.
Je vais citer quelques-unes des déclarations qui ont été faites par le ministre des Affaires étrangères au Comité de l'accès à l'information et de l'éthique le 10 juin 2010. Ces déclarations, qui se trouvent à la page 4 des délibérations, portent sur les efforts déployés par le comité pour faire comparaître des membres du personnel ministériel afin de les questionner sur les allégations d'ingérence illégale dans le processus d'accès à l'information. Voici ce que le ministre dit:
[...] les ministres sont tenus de rendre des comptes au Parlement relativement aux décisions, politiques et activités du gouvernement, alors que les employés ministériels, eux, doivent rendre des comptes à leurs ministres respectifs. Je dirais même qu'on tente d'accroître la responsabilisation en faisant en sorte que les ministres assument la pleine responsabilité des actes du personnel politique qui travaille pour eux.
Sur le même sujet, le 8 juin 2010, le premier ministre a affirmé ceci, qu'on peut lire à la page 3553 des Débats: « [...] dans notre système, ce sont les ministres qui sont responsables au Parlement pour leurs actions. »
Plus tard ce jour-là, le secrétaire parlementaire du ministre de l'époque a dit ce qui suit concernant la responsabilité ministérielle et ce qui se retrouve également à la page 3553 des Débats:
[...] depuis des centaines d'années, le principe de la responsabilité ministérielle est primordiale ici, à la Chambre et dans ses comités. Nous allons continuer à respecter ce principe afin d'améliorer et de bâtir un Canada où les politiciens sont imputables.
Ces fermes convictions et déclarations au sujet du principe de la responsabilité ministérielle ont été exprimées par le même gouvernement dans une tentative flagrante pour soustraire les membres du personnel ministériel à l'obligation de comparaître devant des comités de la Chambre afin de répondre des actes illégaux dont on les accusait.
La citation tirée de l'ouvrage d'O'Brien et Bosc et les déclarations faites par des membres du gouvernement concernant la responsabilité ministérielle vont totalement à l'encontre de l'argument qu'a invoqué le leader du gouvernement à la Chambre le 4 avril dernier quand il cherchait à blâmer les fonctionnaires pour les estimations de coûts erronées associées à l'achat des F-35 et la présentation de renseignements inexacts au Parlement.
Avant qu'on n'y voie plus clair du tout, je vais faire une récapitulation.
Premièrement, la franchise est une pierre angulaire de la démocratie parlementaire.
Deuxièmement, la définition universelle du coût du cycle de vie, du berceau au tombeau, est énoncée dans le Cost Estimating and Assessment Guide du GAO.
Troisièmement, le directeur parlementaire du budget a utilisé cette définition lorsqu'il a présenté son rapport, en 2011.
Quatrièmement, le Comité des finances a réclamé un coût du cycle de vie intégral fondé sur cette définition, ce qui a débouché sur une motion de défiance et la défaite du gouvernement.
Cinquièmement, le vérificateur général a utilisé cette définition.
Sixièmement, le ministère de la Défense nationale s'est engagé à utiliser cette définition en 2010, ce qu'il a fait, mais uniquement pour son propre usage interne.
Septièmement, la Défense nationale, les Travaux publics, etc., sont d'accord avec les faits, mais non avec les conclusions.
Huitièmement, les ministres sont d'accord avec les faits et les conclusions.
Neuvièmement, le leader du gouvernement à la Chambre n'est d'accord ni avec les faits ni avec les conclusions, et rejette le blâme sur le ministère.
Dixièmement, le accepte la prémisse de la responsabilité ministérielle pour son personnel et son ministère.
Qu'y a-t-il à comprendre dans ce salmigondis, dans cet exercice de responsabilisation qui est une vraie farce? Si ce n'est pas trompeur, je ne sais pas ce qui l'est.
Lorsque des renseignements trompeurs, inexacts ou incomplets sont fournis aux députés de la Chambre des communes, il devient difficile, voire impossible, d'exiger adéquatement des comptes du gouvernement. Cela est considéré comme une infraction tellement sérieuse qu'on peut lire ce qui suit à la page 558 de la 34e édition de Halsbury's Laws of England:
Les ministres qui induisent sciemment le Parlement en erreur devront offrir leur démission au premier ministre; en outre, pareille action peut aussi être traitée comme un outrage.
J'estime que le cas dont vous êtes saisi aujourd'hui, monsieur le Président, est l'un des exemples d'outrage les plus sérieux, les plus flagrants et les plus évidents que la Chambre ait jamais vu. Depuis deux ans, non seulement avons-nous vu ministre après ministre, mais aussi le , sciemment et délibérément répéter des déclarations fausses et trompeuses à l'intention de la Chambre des communes et de la population canadienne.
Même après la publication du rapport du vérificateur général, qui confirmait ce que des députés de la Chambre des communes, la presse, des experts des achats et, essentiellement, n'importe qui à l'extérieur du caucus conservateur, savaient déjà, soit que les chiffres avancés étaient faux, le gouvernement a continué d'essayer de semer la confusion dans l'esprit des députés et de les tromper en présentant des réponses contradictoires au rapport.
L'importance de ces agissements ne peut et ne devrait pas être sous-estimée. À la page 201 de l'ouvrage d'Erskine May, on cite une résolution britannique qui définit clairement la responsabilité ministérielle.
Que, de l'avis de la Chambre, les principes suivants devraient régir la conduite des ministres relativement au Parlement:
(1) les ministres doivent rendre compte au Parlement des politiques, des décisions et des actes de leurs ministères [...];
(2) il est de la plus haute importance que les ministres donnent des informations justes et véridiques au Parlement et qu'ils rectifient dès que possible toute erreur faite par inadvertance. Les ministres qui induisent sciemment en erreur le Parlement doivent remettre leur démission au premier ministre;
(3) les ministres devraient être le plus francs possible avec le Parlement [...]
C'est cette résolution qui touche au coeur du problème auquel la Chambre est aujourd'hui confrontée. Monsieur le Président, vous nous demandez — à juste titre — de rendre des comptes si nous qualifions un député de menteur à la Chambre. Vous le faites non seulement pour préserver la dignité et le ton du débat, mais pour éviter les attaques ad hominem. En effet, le débat à la Chambre des communes doit être fondé sur des faits et des preuves, et non la personnalité ou les conjectures.
En outre, nous sommes tenus de nous adresser à vous, monsieur le Président, l'arbitre de cette institution. Il est également attendu que nous disions la vérité par votre entremise, comme le veut la tradition qui est à la base même de notre système, et qui repose sur la confiance et l'honnêteté.
En l'espèce, un certain nombre de ministres ont raconté des histoires d'une fausseté absolue en passant par vous, monsieur le Président, et il n'y a aucune équivoque possible. La question qui se pose alors est la suivante: que doit-on faire? Si on ne peut pas obliger les députés à dire la vérité, alors le socle même sur lequel repose cette institution est érodé. Notre rôle de député est de demander des comptes au gouvernement au nom de nos électeurs, mais si on ne nous donne pas tous les renseignements voulus dans leur intégralité et qu'on nous induit en erreur, comment pouvons-nous remplir notre rôle?
Voici ce que dit La procédure et les usages de la Chambre des communes, à la page 510:
Le Président veille à ce que les réponses respectent les règles relatives à l’ordre, au décorum et au langage parlementaire. Il n’est toutefois pas responsable de la qualité ou du contenu des réponses.
Toutefois, le président Milliken avait rendu la décision suivante lorsqu'une question de privilège semblable avait été soulevée le 10 février 2011:
Toutefois, cela ne signifie pas qu'il ne peut y avoir des situations où la présidence pourrait conclure sur le fondement d'une preuve suffisante que les déclarations faites à la Chambre ont effectivement porté atteinte aux privilèges de celle-ci.
Selon ce que l'on peut lire aux pages 653 et 654 de la troisième édition de l'ouvrage Parliamentary Practice in New Zealand, pour conclure à première vue qu'il y a atteinte aux privilèges et outrage, les conditions sont claires: premièrement, il faut pouvoir prouver que les déclarations faites étaient trompeuses; deuxièmement, il faut pouvoir établir que le député savait à l'époque que la déclaration faite était inexacte; et troisièmement, il faut pouvoir prouver que, en faisant cette déclaration, le ministre avait pour intention de tromper la Chambre.
Le gouvernement savait dès juin 2010 que les chasseurs F-35 coûteraient beaucoup plus cher que prévu et il a pourtant choisi de fournir des renseignements inexacts et incomplets aux députés. Lorsque les députés ont demandé à ce que les chiffres donnés soient précisés, le gouvernement a choisi de ne pas apporter d'éclaircissements. Au vu du rapport du vérificateur général, nous savons que les déclarations étaient trompeuses, mais il est aussi très facile de conclure, après avoir suivi toute cette histoire, que le gouvernement savait que ce qu'il disait était faux et qu'il avait l'intention de tromper la Chambre.
À la suite du dépôt du rapport du vérificateur général, le gouvernement a une fois de plus fait des déclarations fausses et trompeuses. Il a affirmé qu'il avait accepté les recommandations du vérificateur général après qu'il eut été clairement dit dans ce rapport que les ministères n'étaient pas d'accord avec un certain nombre de conclusions. On peut que conclure que le gouvernement, en fournissant des réponses aussi contradictoires, avait l'intention de duper les députés et la population canadienne.
Compte tenu des constats que j'ai établis ici aujourd'hui, monsieur le Président, j'ajoute ma propre voix à celle du député de qui estime qu'il y a de prime abord matière à outrage.
Lorsque des députés sont autorisés à mentir en Chambre, cela avilit non seulement notre réputation et celle du parti qu'ils représentent, mais aussi la vôtre, monsieur le Président, la mienne et la réputation de cette institution en général. Je ne suis pas prêt à tolérer cela pas plus que les Canadiens, et j'espère, et j'en suis persuadé, que vous aussi, vous n'êtes pas prêt à tolérer cela.
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Monsieur le Président, je serai bref. J'ai senti le besoin d'intervenir au sujet de cette question de privilège après avoir écouté, hier, le leader du gouvernement à la Chambre tenter de réfuter les arguments selon lesquels il y aurait matière à question de privilège.
Hier, le leader du gouvernement a tenu les propos suivants à la Chambre, comme on peut le lire à la page 7025 des Débats:
[...] parce que les ministres ont adopté une position différente de celle initialement prise par les bureaucrates au sujet du chapitre 2 du rapport [...] du vérificateur général [...], le Parlement a été induit en erreur.
Je tiens à le dire clairement: le gouvernement, représenté en particulier par le et le , a induit le Parlement en erreur au sujet des coûts associés aux F-35.
J'aimerais rappeler à la présidence une déclaration du à la Chambre, dans laquelle il affirmait avec conviction l'existence d'un contrat et décrivait les coûts associés à l'achat des F-35. Il a déclaré ceci:
Monsieur le Président, voyons le vrai contrat. Le gouvernement du Canada s'est engagé à faire l'acquisition de 65 appareils de la cinquième génération au coût de 9 milliards de dollars. Cela n'inclut pas uniquement les appareils, mais aussi les systèmes de bord, le soutien des infrastructures, les pièces de rechange initiales, les simulateurs de vol et un fonds de contingence. C'est là un investissement magnifique pour les Forces canadiennes.
Cette déclaration se trouve dans les Débats du 13 décembre 2010, à la page 7130.
Monsieur le Président, la déclaration se trouvant à la page 3 du deuxième chapitre du rapport du vérificateur général devrait vous éclairer en ce qui concerne la question de privilège. Voici la déclaration:
La Défense nationale a sans doute sous-estimé les coûts complets sur l’ensemble du cycle de vie des F-35. Les budgets d’acquisition des F-35 (9 milliards de dollars CAN) et de maintien en service (16 milliards de dollars CAN) ont été établis à l’origine en 2008, sans bénéficier d’information complète sur les coûts ou autres aspects. Certains de ces renseignements ne seront pas connus avant des années.
Veuillez noter que le vérificateur général fait référence à l'année 2008. C'est important parce que, le 13 décembre 2010, le a délibérément induit la Chambre en erreur sur le coût total de ces avions. Le ministre occupe ce poste depuis 2007, ce qui veut dire que c'est lui qui était à la tête du ministère responsable pendant toute la période sur laquelle s'est penché le vérificateur général.
Comme j'ai déjà fait partie d'un Cabinet, je crois que le ministre et le gouvernement actuel ont délibérément induit le Parlement en erreur en ce qui concerne les coûts de ces appareils.
Pour ce qui est du , voici ce que j'ai à dire.
Le 3 novembre 2010, à la page 5751 des Débats, le , qui réprimandait l'opposition pour avoir critiqué la façon dont le gouvernement gérait les contrats, a affirmé ceci:
Nous allons devoir remplacer l'avion actuel à la fin de la décennie. Le parti d'en face en est conscient. [...]
Pour nos hommes et nos femmes en uniforme, de même que pour l'industrie aérospatiale, ce serait vraiment une erreur d'annuler ce contrat.
Le a clairement parlé d'un contrat pour acquérir les F-35 en vue de remplacer les CF-18. Il n'a été question d'aucun autre contrat avec qui que ce soit pour autre chose que le remplacement des CF-18.
Pourtant, le 5 avril 2012, à la page 6948 des Débats, on constate qu'après le dépôt du rapport du vérificateur général, le ne tient plus le même discours. Il déclare que le gouvernement « n'a signé aucun contrat ».
L'une de ces déclarations est donc fausse et constitue une violation des privilèges de l'ensemble des députés.
Je sais que beaucoup de temps a été consacré à discuter de ce dossier et je serais enchanté de pouvoir parler de la vision de la responsabilité ministérielle défendue par le leader du gouvernement à la Chambre des communes hier, dans cette enceinte, mais je m'en abstiendrai.
En somme, ce sont le et ses collègues du gouvernement en général qui sont responsables des déclarations faites dans cette enceinte, non les fonctionnaires. Cette responsabilité appartient aux ministres. C'est une réalité plutôt simple à comprendre. Ce que les députés ministériels ont affirmé à la Chambre ne concorde pas avec les constatations du vérificateur général, ce qui signifie qu'ils ont délibérément trompé la Chambre, je crois, sur deux points, soit le contrat et ce dont mon collègue le député de a parlé dans la première question de privilège qu'il a soulevée.