:
Monsieur le Président, merci de me donner l'occasion de prendre la parole au nom des gens de la merveilleuse circonscription de Kenora, pour la dernière fois, je l'espère, au sujet de cette mesure législative avant qu'elle ne soit renvoyée à l'autre endroit et ne reçoive la sanction royale.
[Français]
C'est avec fierté que je prends la parole afin d'expliquer à nouveau la nécessité du projet de loi , ainsi que ses nombreux avantages.
Mais d'abord, comme membre du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, je tiens à remercier tous ceux qui ont comparu devant lui durant les récentes audiences. Leur apport a aidé à améliorer et à renforcer cette mesure législative.
Les témoins, tant les Autochtones que les non-Autochtones, qui ont comparu devant le comité ont vanté les mérites du projet de loi , parce qu'ils savent que l'amélioration de la transparence et de la reddition de comptes rendra autonomes les membres des Premières Nations et leurs gouvernements.
[Traduction]
Comme tous les Canadiens, les membres des Premières Nations veulent avoir l'assurance que les fonds publics sont utilisés pour améliorer leurs communautés. Ils s'attendent, à juste titre, à ce que leurs dirigeants élus adoptent de saines pratiques de gestion et à avoir accès à l'information nécessaire pour veiller à ce que ces derniers agissent dans leur intérêt et dans le respect de leurs priorités. Le projet de loi met tout simplement en place des règles en matière de transparence financière semblables à celles auxquelles sont déjà assujettis les autres ordres de gouvernement au Canada. Pourquoi les Premières Nations devraient-elles s'attendre à moins ou avoir droit à rien de moins?
Par ailleurs, le fait de donner à la population accès à l'information accroîtra la confiance des investisseurs et créera un climat d'affaires qui favorisera davantage les investissements du secteur privé dans les réserves. Ces investissements multiplieront forcément les débouchés économiques, qui contribueront à créer des conditions propices à l'amélioration de l'état de santé des Premières Nations et de leur autonomie.
Le chef Darcy Bear de la Première Nation dakota de Whitecap a très bien résumé la situation en disant ce qui suit:
Quand on vient dans ma communauté, on voit que les routes et les rues sont asphaltées, que mon peuple jouit d'une bonne qualité de vie [...] Voilà ce qu'une bonne reddition de comptes apporte à une communauté.
Il convient de noter que le projet de loi est tout à fait conforme à la résolution qui a été adoptée en décembre 2010 par les dirigeants des Premières Nations lors de l'Assemblée extraordinaire des chefs de l'Assemblée des Premières Nations. Les chefs se sont alors engagés à « Choisir de prêcher par l'exemple et de démontrer aux autres ordres de gouvernement l'existence de processus de reddition de comptes », notamment ceux qui suivent:
Divulguer publiquement les salaires, les honoraires et les dépenses associées aux activités du chef et du conseil;
Veiller à ce que l'information au sujet des finances et de la prise de décisions des collectivités soit facilement accessible et disponible sur Internet, s'il y a lieu.
C'est très similaire au libellé, à l'esprit et à l'objet du projet de loi.
Actuellement, il n'y a aucune exigence législative obligeant les dirigeants des Premières Nations à faire preuve de transparence et à rendre des comptes. Dans le cadre des ententes de financement actuelles, les membres des communautés des Premières Nations peuvent demander des renseignements financiers sur leur bande à leurs dirigeants élus, mais ces derniers ne sont pas tenus par la loi de les divulguer. Nous savons que de nombreuses Premières Nations choisissent déjà de rendre leurs renseignements financiers accessibles au public. Nous nous en réjouissons. Je pense que cela contribue à réduire les soupçons et les troubles politiques dans les communautés. Toutefois, toutes les communautés des Premières Nations ne font pas preuve d'une telle ouverture.
Les particuliers qui se voient refuser des renseignements par leur conseil de bande demandent souvent au ministère des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien de leur divulguer ces renseignements. C'est ce qu'ont affirmé divers témoins qui ont comparu devant le comité permanent. Certains bureaux régionaux du ministère reçoivent, chaque année, de 25 à 30 demandes non officielles de membres des Premières Nations voulant obtenir ces renseignements de base, qui seraient facilement accessibles à tout autre électeur ou Canadien.
Au comité, Phyllis Sutherland, présidente de la Peguis Accountability Coalition, a décrit la situation dans sa communauté. Elle a affirmé que les membres de cette dernière ne pouvaient pas obtenir d'information sur les salaires des représentants élus de la bande, ainsi que d'autres renseignements financiers sur eux. Elle a même parlé de plusieurs cas où des membres avaient fait l'objet d'intimidation. Elle a insisté sur le fait que ce type de comportement devait prendre fin et que les personnes au pouvoir devaient être tenues responsables.
Des préoccupations du même ordre ont été émises dans le témoignage de Joseph Quesnel, analyste des politiques au Frontier Centre for Public Policy. M. Quesnel a présenté des données tirées de l'indice de gouvernance autochtone mis au point par le centre, selon lesquelles 77 % des membres des Premières Nations interrogés estiment que les renseignements sur la rémunération des représentants élus devraient être rendus publics et être accessibles. Toutefois, 25 % ont déclaré que cette information n'était pas mise à la disposition des membres de leur bande.
Outre les demandes d'accès à des documents, le ministère reçoit des allégations et des plaintes concernant la mauvaise gestion ou le détournement potentiels des fonds de la bande ainsi que la rémunération des représentants élus. Depuis janvier 2011, 1 450 plaintes de cet ordre ont été présentées.
[Français]
L'important ici n'est pas le nombre de demandes d'information sur le salaire qui sont adressées tous les ans au ministère, bien que ce nombre soit élevé, mais plutôt le fait que toute demande, du point de vue du gouvernement, est une demande en trop. Qui plus est, les membres doivent individuellement s'adresser au ministère pour obtenir de l'information qui devrait provenir directement des dirigeants de leur propre Première Nation. Le ministre préférerait s'abstenir de se mêler de questions qui devraient être réglées par la communauté elle-même.
Le projet de loi garantit à tous ceux qui le souhaitent un accès facile à cette information financière, et met ainsi le ministre hors de cause dans de tels cas. Il crée une chaîne de responsabilité directe entre les dirigeants de la Première Nation et ses membres.
[Traduction]
La reddition de comptes est non seulement importante pour le gouvernement et les membres des Premières Nations, elle l'est aussi pour les investisseurs, que l'absence de données financières fiables peut parfois dissuader. Le projet de loi aiderait à régler le problème en obligeant les gouvernements des Premières Nations à publier, pour chaque exercice, les états financiers consolidés vérifiés ainsi que l'annexe des salaires, des rémunérations et des dépenses des chefs et des conseillers. La publication claire et uniforme prévue par le projet de loi fournirait aux investisseurs potentiels un aperçu de la situation financière d'une communauté donnée et pourrait ouvrir la voie à d'autres possibilités de partenariat et d'investissement.
L'opposition, qui s'oppose aux efforts du gouvernement visant à stimuler la croissance économique, l'investissement et la création d'emplois en accroissant l'obligation redditionnelle et la transparence des gouvernements, fait circuler de l'information erronée au sujet du projet de loi. J'aimerais saisir l'occasion pour dissiper certains malentendus et expliquer ce qu'implique le projet de loi .
Premièrement, le projet de loi ne fixerait pas de niveaux de rémunération pour les chefs et les conseillers. Il incombera toujours aux Premières Nations de fixer un niveau de rémunération adéquat pour leurs représentants élus. La loi proposée garantirait simplement la divulgation des renseignements financiers au public. Ainsi, les membres des bandes disposeraient de l'information nécessaire pour exiger des comptes de leurs dirigeants et déterminer si les fonds sont dépensés de manière avantageuse pour la collectivité et si les niveaux de rémunération sont raisonnables et appropriés.
Deuxièmement, il faut savoir que la loi n'obligerait pas les entreprises qui appartiennent à une bande de publier leurs états financiers détaillés. En effet, le projet de loi exigerait seulement que les Premières Nations publient leurs états financiers consolidés vérifiés. Cette exigence ne viserait que les entités dont, conformément aux principes comptables généralement reconnus, les états financiers doivent être consolidés avec ceux de la Première Nation, y compris la plupart des entreprises qui appartiennent à une bande. Cependant, les renseignements sur les entreprises gouvernementales seraient fortement regroupés et ne révéleraient aucun détail qui pourrait nuire à leur compétitivité.
[Français]
Je tiens à souligner que c'est là un principe comptable reconnu. Cette règle s'applique à toutes les autres sociétés d'État du Canada. Nous demandons aux communautés des Premières Nations précisément la même chose qu'à toute autre entreprise ou communauté.
[Traduction]
En tant que députés, nous rendons publics tous les détails concernant nos salaires et nos allocations spéciales, comme l'exigent la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi sur les traitements. Qui plus est, la Loi fédérale sur la responsabilité de 2006 a également facilité l'accès du public aux renseignements sur les activités du gouvernement et de ses membres. Quiconque s'intéresse à ces données peut y avoir accès sans même avoir à le demander. Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont adopté des lois semblables, et la plupart d'entre eux ont des lois qui exigent des administrations municipales qu'elles publient, elles aussi, ces documents.
Chose tout aussi importante, aucune disposition de ce projet de loi n'aurait pour effet d'alourdir le fardeau administratif des gouvernements des Premières Nations. Ces derniers présentent déjà des états financiers consolidés annuels, qui sont vérifiés par des vérificateurs professionnels indépendants accrédités. Il s'agit d'une exigence prévue dans leurs ententes de financement avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada.
[Français]
Cette mesure législative garantit simplement que le public pourra désormais consulter certains des documents essentiels qui sont déjà remis au ministère dans le cadre d'un accord de financement avec une Première Nation. Le projet de loi n'exige rien de nouveau, sauf la transparence au profit des membres.
[Traduction]
Soyons clairs, le projet de loi ne ferait qu'exiger que les gouvernements des Premières Nations répondent aux mêmes normes que les autres. En effet, ce sont les seuls gouvernements au Canada qui, à l'heure actuelle, ne rendent pas publics ces renseignements de base. Par conséquent, le projet de loi permettrait de combler cette lacune sur le plan législatif.
Comme les députés peuvent le constater, nous ne proposons pas de mesures radicales, ni d'exigences supplémentaires pénibles en matière de rapports. Nous n'avons ménagé aucun effort pour qu'il soit plus facile pour les Premières Nations de se conformer à cette mesure législative.
Par exemple, certains ont souligné que les Premières Nations n'ont pas toutes un site Web. Or, le projet de loi prévoit une solution complète à ce problème. Les Premières Nations ne seront pas tenues d'avoir leur propre site Web en vertu de cette mesure législative. Si une Première Nation ne peut pas publier électroniquement l'information, elle pourra demander à une autre organisation dont elle est membre de le faire en son nom. De même, la Première Nation pourrait demander à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada de publier les renseignements en son nom.
Il faut bien sûr comprendre qu'on ne peut pas limiter l'obligation qu'ont les Premières Nations de communiquer leurs états financiers à leurs membres à la publication de ces documents dans un site Web. Comme je l'ai dit, bon nombre d'entre elles s'acquitte déjà de cette obligation en distribuant des documents imprimés dans les foyers ou en rendant l'information publique dans leurs bureaux. On nous a dit au comité que certaines communautés autochtones tiennent, en quelque sorte, une assemblée générale annuelle pendant laquelle ces documents sont examinés.
Je tiens aussi à souligner que nous avons eu maintes occasions de discuter de cette mesure législative et de l'améliorer. Nous avons d'abord pu le faire dans le cadre du projet de loi d'initiative parlementaire qui a été présenté lors de la dernière législature, le projet de loi , puis dans le cadre du projet de loi , dont nous sommes actuellement saisis.
Pendant l'examen du projet de loi au comité, certains témoins s'inquiétaient de la façon dont certaines dispositions de la mesure législative pourraient être interprétées. Ces réserves portaient sur deux aspects importants: premièrement, la nécessité de publier séparément les renseignements relatifs à la rémunération et au remboursement des dépenses; deuxièmement, la façon de traiter les organismes qui relèvent de la bande. J'ai le plaisir de dire que nous avons tenu compte des questions soulevées par les Premières Nations. Nous avons présenté au comité des amendements qui règlent le problème en précisant le libellé du projet de loi.
Le texte initial regroupait la question des salaires et des dépenses dans un seul aspect, celui de la rémunération. Certains témoins nous ont dit que cette façon de procéder pouvait laisser entendre, à tort, qu'on ne pourrait divulguer que le total de ces deux chiffres. Pour plus de clarté et de certitude, les amendements définissent séparément ces deux concepts aux fins du projet de loi. Dans le projet de loi, l'annexe des rémunérations a donc été renommée « annexe des rémunérations et des dépenses ».
En ce qui concerne les entreprises détenues par les bandes, le projet de loi a toujours eu pour objet d'inscrire dans la loi les mêmes exigences pratiques que celles actuellement en place dans les ententes de financement. Nous croyons que ceux qui consultent les états financiers, en particulier les membres des Premières Nations, devraient avoir accès à des états sommaires qui rendent compte des activités de leur gouvernement et de leurs élus.
On déterminera les entités qui seront visées et la façon dont leurs renseignements financiers seront présentés en fonction des normes établies par le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public de l'Institut canadien des comptables agréés. Ainsi, les normes qui s'appliquent aux entreprises détenues par d'autres administrations au pays s'appliqueront également aux gouvernements des Premières Nations.
Le gouvernement n'a pas ménagé les efforts pour que le projet de loi soit rédigé dans un langage à la fois clair et précis et tienne compte de concepts comptables complexes. Le comité a adopté une version modifiée de la définition des états financiers consolidés qui explique clairement ces aspects. Ces améliorations ont donné lieu à d'autres modifications mineures, sans toutefois changer l'objectif d'origine du projet de loi. Nous avons seulement modifié le libellé pour le rendre plus clair et compréhensible, et pour éliminer toute confusion.
[Français]
Les membres des Premières Nations attendent depuis longtemps les mesures proposées dans le projet de loi . On ne doit pas leur demander d'attendre plus longtemps que cette loi entre en vigueur.
Il y a eu amplement de temps pour discuter des opinions et préoccupations au sujet de cette mesure législative, déposée pour la première fois le 23 novembre 2011. Elle a été débattue pendant près de six heures en deuxième lecture avant d'être renvoyée devant le comité, qui s'est réuni à sept reprises pour étudier le projet de loi et en discuter.
Durant tout ce temps, le comité a entendu 21 témoins appartenant à 13 organisations différentes, entre plusieurs autres, l'Assemblée des Premières Nations, la Canadian Taxpayers Federation, l'Association des agents financiers autochtones du Canada et des représentants de communautés individuelles des Premières Nations.
[Traduction]
À l'étape du rapport, la Chambre a débattu ce projet de loi pendant plus de six heures. Même si pas moins de 20 députés néo-démocrates sont intervenus, aucun nouveau point n'a été soulevé par l'opposition pendant tout ce temps. En fait, nous avons entendu un député d'en face dire qu'il voulait une seule règle pour tous. J'étais enchanté qu'un député néo-démocrate dise cela puisque c'est exactement ce que vise ce projet de loi.
Pour que cette mesure législative puisse être appliquée au prochain exercice, elle doit entrer en vigueur au plus tard le 31 mars 2013. Cette mesure législative est attendue depuis longtemps et mettra les gouvernements des Premières Nations au diapason de tous les autres gouvernements au Canada. Le gouvernement croit que les membres des Premières Nations ont assez attendu. Nous pensons que cette mesure législative devrait s'appliquer au prochain exercice, 2013-2014, ce qui signifie que les états financiers ainsi que les salaires et les dépenses des Premières Nations pourraient être publiés dès juillet 2014.
Je suis très fier de cette mesure législative. Je crois fermement que les Premières Nations méritent le même degré de transparence et de responsabilité que tous les Canadiens et qu'elles s'y attendent. La Loi sur la transparence financière des Premières Nations le leur donnerait.
Le projet de loi rassurera également les investisseurs potentiels, qui sauront qu'ils peuvent participer sans risque à des accords financiers, à des coentreprises et à des projets commerciaux avec les Premières Nations. Les emplois et la croissance économique qui en découleront contribueront à des améliorations socioéconomiques qui se répercuteront dans la vie, les moyens de subsistance et les collectivités des membres des Premières Nations.
En bref, le projet de loi est un projet de loi historique qui mérite l'appui de tous les partis. Je recommande vivement à tous les députés de l'appuyer et de voter à l'unanimité en faveur de ce projet de loi.
:
Monsieur le Président, avant de commencer mon discours, j'aimerais commenter certaines des observations du secrétaire parlementaire. Premièrement, l'une des difficultés auxquelles la Chambre est confrontée, c'est que le gouvernement conservateur ne reconnaît pas l'existence d'une relation de gouvernement à gouvernement. C'est un principe fondamental sur lequel s'appuie l'opposition au projet de loi.
Le député a parlé de consultation. Toutefois, si les conservateurs appuyaient réellement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, comme ils le prétendent, ils consulteraient l'article 19, qui parle d'un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Les Premières Nations de partout au pays soutiennent qu'il n'y a pas eu de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause dans le cas de ce projet de loi.
Cela soulève un autre point important. Je suis tout à fait d'accord pour dire, comme tous les députés de la Chambre et les Premières Nations, que la reddition de comptes et la transparence sont essentielles. Mais il faut s'y prendre correctement, c'est un point crucial de cette conversation. Une fois encore, le gouvernement a imposé unilatéralement sa vision de la reddition de comptes et de la transparence.
Le secrétaire parlementaire a cité une résolution adoptée en 2010 par l'Assemblée des Premières Nations. J'aimerais citer un document de 2006, dans lequel l'Assemblée des Premières Nations demandait au gouvernement conservateur de travailler avec les Premières Nations de partout au pays à développer ce genre de transparence et de reddition de comptes. L'Assemblée des Premières Nations avait un exposé de position détaillé, qui proposait notamment ceci:
Les Premières Nations ont besoin d'institutions qui leur sont propres et qu'elles dirigent elles-mêmes, car les membres des Premières Nations doivent disposer des pouvoirs nécessaires pour obliger leur propre administration municipale et le gouvernement du Canada a leur rendre des comptes. Il faut notamment créer un bureau de l'ombudsman pour que les gens puissent avoir recours à une institution indépendante et digne de confiance qui s'occupera des questions de reddition de comptes. Il faut aussi créer la fonction de vérificateur général des Premières Nations, qui pourrait, d'une part, aider les administrations des Premières Nations à rendre des comptes et, d'autre part, améliorer parallèlement la reddition de comptes en proposant des solutions aux problèmes qu'il mettrait à jour.
Les Premières Nations avaient une solution à cette question en 2006. Six ans plus tard, nous ne devrions pas avoir à débattre d'une mesure législative qui nous est imposée de façon unilatérale par le gouvernement.
Je ne passerai pas en revue tous les détails du projet de loi, car nous en avons déjà parlé plusieurs fois à la Chambre. Toutefois, ce projet de loi exigerait essentiellement la publication annuelle des états financiers consolidés vérifiés; d'une annexe séparée des rémunérations versées à la Première Nation et à toute entité contrôlée par celle-ci, à son chef et à chacun de ses conseillers; d'un rapport de vérification concernant les états financiers consolidés; et d'un rapport de vérification touchant l'annexe des rémunérations.
De plus, comme certains députés l'ont déjà indiqué, des peines sont prévues si une Première Nation manque à cette obligation. Tout membre de cette Première Nation peut demander une ordonnance à la Cour supérieure; toute personne, y compris le ministre, peut demander une ordonnance à la Cour supérieure; et le ministre peut élaborer un plan d'action approprié pour remédier au manquement, par exemple en retenant des fonds qui devraient être versés à la Première Nation ou en résiliant un accord de financement conclu avec elle.
J'ai omis de préciser d'entrée de jeu que nous continuerons de nous opposer farouchement au projet de loi. Nous avons proposé des amendements pour tenter de l'améliorer, notamment en supprimant certaines des dispositions les plus exagérées du projet de loi, mais ces amendements ont été rejetés.
Dans un article intitulé « La transparence et les vaines promesses du gouvernement [...] » publié sur le site Web iPolitics, l'auteure a affirmé que « [...] l'appel du gouvernement à une plus grande transparence financière sonne creux vu que le gouvernement manque lui-même de transparence ». Nous nous sommes bien entendu réjouis que le secrétaire parlementaire affirme que tout le monde devrait faire preuve de transparence. Le gouvernement divulguera peut-être enfin les détails des dossiers dont il est question plus loin dans l'article.
L'article se poursuit ainsi:
Malheureusement, sur la Colline, le gouvernement fédéral se révèle être bien plus opaque que responsable.
En 2011, le vérificateur général par intérim [...] a fustigé les conservateurs pour les dépenses engagées dans le cadre des sommets du G8 et du G20. Voici des propos qu'il a tenus et qui ont été cités dans le National Post: « Des règles ont été enfreintes. Il serait très intéressant d'entendre des avocats débattre de la question de savoir si des lois ont été violées. » [Le vérificateur général par intérim] a critiqué le gouvernement pour le manque de documents justificatifs en ce qui a trait à 32 projets menés dans la circonscription [où le kiosque a été construit].
En 2012, le vérificateur général, Michael Ferguson, a rappelé à l'ordre le gouvernement parce que ce dernier n'avait pas divulgué le véritable coût d'acquisition des 65 avions de chasse F-35. Selon M. Ferguson, si l'on tient compte de la durée de vie de 20 ans de ces avions, leur coût d'acquisition s'élèverait à 25 milliards de dollars et non à 15 milliards comme l'avançait le gouvernement.
Cette estimation se rapprochait davantage de celle faite en 2011 par le directeur parlementaire du budget, Kevin Page. Après la publication du rapport de M. Ferguson, M. Page a dit à Evan Solomon de la radio de CBC que tout indiquait que le ministère de la Défense nationale avait un jeu de livres et que le gouvernement avait présenté autre jeu de livres au public « à des fins de communication [...] ».
M. Page a, bien entendu, de nouveau défrayé les manchettes lorsqu'il a présenté une demande de renvoi à la Cour fédérale du Canada afin d'avoir accès aux détails des mesures d'austérité mises en oeuvre par le gouvernement fédéral, ce qu'on lui a toujours refusé.
Voilà donc le contexte dans lequel nous nous trouvons. D'une part, le gouvernement demande aux chefs des Premières Nations et aux conseils de bande de rendre des comptes à un degré plus élevé que pratiquement tous les autres gouvernements du pays. D'autre part, il refuse de produire des documents fondamentaux pour que le public canadien puisse savoir comment l'argent des contribuables est dépensé. Il me semble que nous devons remédier à cette incohérence avant de poursuivre l'étude du projet de loi .
Je voudrais citer une professeure de droit, Mme Judith Sayers. Je sais que ses propos intéresseront beaucoup de gens, car elle a déjà été chef de sa nation amérindienne. Elle est aujourd'hui titulaire de la Chaire nationale sur le développement économique autochtone au Canada et professeure adjointe de droit des affaires à l'Université de Victoria. Compte tenu de ses fonctions antérieures de chef, elle a une très bonne idée de la situation des Premières Nations.
Dans la lettre qu'elle a adressée au comité permanent le 20 novembre 2012, elle écrit ceci:
Pour veiller à ce que les membres des Premières Nations obtiennent les états financiers, on pourrait inclure des dispositions prévoyant cette obligation dans les accords de financement entre les Premières Nations et le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord.
Elle propose une solution de rechange au projet de loi . Elle pense que de telles dispositions pourraient être incluses dans les accords de financement. Elle écrit en outre ceci:
On pourrait aussi établir un mécanisme permettant à tout membre d'une Première Nation n'ayant pas obtenu les états financiers dans un délai de 120 jours après la fin de l'année de se rendre au bureau du vérificateur pour en avoir des copies. La Première Nation aurait l'obligation de prévoir ce mécanisme dans la lettre d'engagement du vérificateur et, le cas échéant, de rembourser au vérificateur le coût des copies des états financiers vérifiés. Il n'est pas nécessaire d'adopter une loi pour prévoir ce mécanisme quand on dispose déjà d'accords de financement entre les Premières Nations et le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord, accords qui peuvent continuer d'être l'instrument privilégié à cet égard.
Dans la suite de sa lettre, Mme Sayers indique qu'adopter une loi obligeant les Premières Nations à fournir leurs états financiers à leurs membres « ne rapprochera pas ces nations de l'autonomie gouvernementale et ne les rendra pas plus responsables, mais les forcera simplement à respecter davantage les exigences. » Voilà un argument clé pour répondre au gouvernement, qui continue de prétendre qu'un miracle se produira lorsque les Premières Nations seront obligées d'afficher sur un site Web leurs états financiers consolidés. Tout à coup, elles connaîtront un essor économique sans précédent, et la reddition de comptes sera extraordinaire. Ce ne sera tout simplement pas le cas.
Mme Sayers ajoute que le problème vient en partie du fait qu'il ne s'agit pas seulement de l'argent du gouvernement fédéral, mais aussi de celui provenant des propres sources de revenus des Premières Nations, comme les subventions versées par divers organismes, les gouvernements provinciaux et différentes autres entités.
Le gouvernement fédéral n'a aucun pouvoir sur l'argent provenant d'autres sources et ne peut obliger une Première Nation à divulguer cette information au public.
Elle parle du pouvoir législatif qui autoriserait le gouvernement à exiger qu'une entité juridique divulgue ses états financiers au public. Voici ses mots exacts:
Selon moi, le gouvernement fédéral n'a pas le pouvoir d'obliger, par la voie législative, une entreprise, une société ou une personne morale constituée aux termes d'une loi provinciale à communiquer ses états financiers aux membres de la Première Nation dont elle relève ou, pire encore, au grand public.
Elle cite ensuite le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle, qui précise que le gouvernement fédéral a autorité législative sur les Indiens et sur les terres réservées pour les Indiens.
Le projet de loi C-27 prétend que le gouvernement a autorité sur les « entités », ce qui revient à dire sur les sociétés, les partenariats, les coentreprises ou tout autre type d'association ou d'organisation non constituée en personne morale. Les « entités » constituées aux termes d'une loi provinciale, que ce soit à titre de société, d'entreprise ou de coopérative, deviennent une entité juridique à part entière; elles ne peuvent donc plus être considérées comme des entités « indiennes » sur lesquelles le gouvernement aurait autorité.
Il s'agit d'un point important, parce que le gouvernement s'apprête à empiéter sur un territoire sur lequel, de l'avis de nombreuses Premières Nations, il n'a absolument aucune autorité. Mme Sayers poursuit ainsi:
Si les Premières Nations constituent leurs entreprises aux termes d'une loi provinciale, comme elles le font presque toujours, le gouvernement fédéral ne peut pas aller à l'encontre de ladite loi provinciale.
Les lois provinciales n'exigent pas des sociétés qu'elles fournissent leurs états financiers à quiconque sauf à leurs directeurs et actionnaires. En Colombie-Britannique, leur divulgation aux actionnaires est en outre assujettie aux conditions énoncées dans les statuts constitutifs de chaque société. En l'occurrence, si les membres sont actionnaires de leur bande, ou font affaire avec un administrateur qui gèrent leurs actions pour eux, les lois provinciales font en sorte qu'ils auront automatiquement accès aux états financiers.
Je considère donc que le gouvernement fédéral ne peut pas définir les états financiers consolidés d'une Première Nation comme étant ceux « des entités qu'elle contrôle, présentés comme ceux d'une entité économique unique » si ces entités sont juridiquement constituées en société, entreprise, coopérative, partenariat ou coentreprise aux termes d'une loi provinciale.
Je rappelle que le gouvernement exigera désormais des chefs et des conseils qu'ils divulguent tous les revenus provenant de ces entités et qu'ils incluent toutes ces entités dans leurs états financiers consolidés. Nous avons ici une professeure agrégée de droit qui nous dit que le gouvernement outrepasserait alors ses compétences.
Dans sa conclusion, Mme Sayers dit:
À mon avis, le projet de loi C-27 n'est pas nécessaire; s'il est adopté, il faudra le remanier entièrement pour en limiter la portée aux domaines de compétence fédérale. Les Premières Nations contesteront cette mesure en cour, démarche peu souhaitable étant donné le fait qu'AADNC dépense plus que tout autre ministère fédéral en frais juridiques.
Voilà une opinion selon laquelle la loi n'est pas nécessaire et outrepasse les domaines de compétence fédérale.
J'aimerais faire quelques observations à propos du témoignage de M. Harold Calla, président du Conseil de gestion financière des Premières Nations, devant le comité, le mercredi 24 octobre. Il a abordé le sujet important de la vérification. Il a dit:
Tout d'abord, une vérification est un regard en arrière. C'est un aperçu historique après coup qui n'est pas destiné à éclairer et à appuyer les décisions futures. Bien que la vérification soit nécessaire et qu'elle soit un élément important du système de gestion financière dans son ensemble, il y a bien d'autres éléments qu'il ne faut pas perdre de vue dans ce débat.
Tous les paliers de gouvernement sont tenus de rendre des comptes. Au sein du système fédéral, la nécessité de mettre davantage l'accent sur la surveillance pour ce qui est de l'établissement de budgets et des prévisions budgétaires a été reconnue comme une pratique exemplaire avec la création du poste de directeur parlementaire du budget. C'est un exemple de l'évolution du monde et une idée des pratiques et normes qui devraient faire partie du système de gestion financière dans son ensemble. De bonnes pratiques de gestion financière ne doivent pas être définies uniquement par les objectifs politiques. Une bonne gestion financière doit être motivée par les besoins de toutes les parties prenantes et devrait contribuer à les éclairer.
Dans le cas des Premières Nations, cela doit englober les résultats financiers des transactions effectuées pour assurer la prestation de programmes ou de services que la Première Nation a le mandat de livrer. Bien qu'une vérification ne contienne pas de notes, ces notes permettent généralement d'éclaircir des faits financiers. Une vérification ne fait pas d'observations d'ordre qualitatif ni de recommandations, et ne donne pas non plus d'indication d'orientation future.
M. Calla a ensuite parlé du rapport annuel. Comme il l'a mentionné, un état financier consolidé est un examen rétrospectif. Il reflète les dépenses faites, ventilées en catégories, mais ne fait pas état des résultats obtenus grâce à ces dépenses. Le gouvernement prétend qu'il multipliera les occasions de développement économique, mais pour pouvoir donner un aperçu financier, il faut analyser les dépenses et les résultats obtenus.
Le projet de loi ne parle pas du genre de ressources que le gouvernement fédéral fournit aux Premières Nations pour les aider à renforcer leurs capacités, et cette question n'a presque pas été abordée dans les discussions. Récemment, les conseils tribaux et d'autres organisations autochtones — celles-là même qui contribuent au renforcement des capacités et fournissent du soutien — ont subi des compressions. On augmenterait le fardeau administratif des Premières Nations alors que le gouvernement a sabré dans les services et les programmes de soutien qui les aideraient à développer leur capacité économique, même si tout le monde sait que c'est la première étape pour sortir les Premières Nations de la pauvreté.
M. Calla a ajouté:
L'objectif de mesures qui appuient la reddition de comptes en matière financière, la responsabilité et la transparence devrait être de susciter un climat de confiance chez tous les groupes de parties prenantes quant à la capacité [...] financière de l'entité et de donner une indication de leur capacité financière. Il est toujours mieux que les groupes de parties prenantes, dans ce cas nos communautés, soient en mesure d'établir le cadre de reddition de comptes et de transparence qu'ils souhaitent établir pour leur communauté.
Il est préférable que les communautés adoptent leurs propres lois et acceptent le contrôle indépendant d'une tierce partie. C'est la notion sur laquelle repose la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières Nations et c'est la voie qu'explorent actuellement 58 des quelque 100 Premières Nations inscrites à l'annexe de cette loi.
Je le répète, certaines Premières Nations font un travail exemplaire et des organisations les soutiennent.
J'aimerais citer John Paul, de la Première Nation de Membertou, qui participait à la même réunion. Il a déclaré ceci:
Les Premières Nations fournissent déjà à AADNC tous les renseignements prévus par le projet de loi, conformément aux accords de financement en vigueur depuis des années et des décennies. Or, cette question n'a commencé à attirer l'attention que l'année dernière et voilà qu'un projet de loi obligera toutes les Premières nations à se conformer à ces règles, faute de quoi le ministère divulguera [...] l'information et, en dernier ressort, retiendra le paiement de tous les fonds.
M. Paul se demande si on s'est penché sur les répercussions d'un retrait du financement alors que de nombreuses communautés des Premières Nations fournissent à leur population des services essentiels comme l'eau, le logement et l'éducation. Cette question n'a pas été examinée.
Dans un courriel appuyant l'agent financier, l'AAFA déclare:
Cela dit, la grande question, ici, c'est que simplement en énonçant les mots « Premières Nations » dans le projet de loi C-27 et en leur donnant une définition conforme à la Loi sur les Indiens, le gouvernement se trouve à traiter différemment un groupe particulier de Canadiens. C'est inquiétant, parce que les Premières Nations sont tenues de divulguer davantage de données financières, notamment les échelles salariales, les honoraires, les allocations de déplacement et d'autres formes de rémunération. On en demande plus aux Premières Nations qu'aux autres groupes de Canadiens. Si les Premières Nations ne sont pas reconnues comme des gouvernements, pourquoi les compare-t-on aux entités qui le sont? Et même si elles étaient reconnues comme des gouvernements dans la loi (ce qui n'est pas le cas), le projet de loi exige davantage d'elles.
C'est intéressant, parce que le secrétaire parlementaire et d'autres personnes ont dit que la même norme s'applique à tout le monde. Je citerai le Code régissant les conflits d'intérêts des députés. Bien que nous devions déclarer si nous avons des intérêts dans un autre organisme ou en recevons une rémunération, l'article portant sur le contenu de la déclaration précise que le sommaire doit comporter « [...] une mention de la source et de la nature, mais non de la valeur, du revenu et des éléments d’actif et de passif indiqués dans la déclaration du député déposée conformément à l’article 20 ».
S'agissant des contrats ou des sous-contrats, il en décrit l'objet et la nature. Il dit: « Ne sont pas mentionnés dans le sommaire: la source de revenu de moins de 10 000 $ durant les douze mois qui précèdent la date considérée. » Encore une fois, dans le cas présent, on demandera aux Premières Nations de fournir de l'information que les députés n'ont pas à fournir.
Dans une analyse du projet de loi qu'elle a réalisée, l'Assemblée des Premières Nations a indiqué que plusieurs gouvernements provinciaux n'avaient pas le même genre d'obligations redditionnelles.
En Nouvelle-Écosse, les sommaires des dépenses des ministres sont mis à la disposition du public à la Bibliothèque législative. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ne publie que les dépenses de déplacement des ministres et n'exige pas la publication des salaires des élus ou des hauts fonctionnaires. Ni le Yukon ni l'Île-du-Prince-Édouard ne divulguent les salaires de leurs élus.
Il est tout simplement faux de prétendre que les Premières Nations devraient se conformer aux mêmes règles que tous les autres ordres de gouvernement au Canada.
Des questions ont été soulevées au sujet de la protection des renseignements personnels. Lorsque la commissaire à la protection de la vie privée s'est présentée au Comité des affaires autochtones, le 31 octobre, elle a indiqué qu'il y avait quatre grandes questions à se poser: Premièrement, est-il démontré que la mesure est nécessaire pour répondre à un besoin précis? Deuxièmement, la mesure est-elle susceptible de répondre efficacement à ce besoin? Troisièmement, la perte de la vie privée est-elle proportionnelle au besoin à combler? Et quatrièmement, y a-t-il un moyen moins envahissant de parvenir aux mêmes fins?
C'est chose sérieuse, car nous demandons aux chefs et aux conseils des Premières Nations de fournir de l'information que bien d'autres entités n'ont pas à fournir. On n'a jamais répondu de manière satisfaisante à ces quatre questions fondamentales sur la protection des renseignements personnels. Il n'appartenait pas à la commissaire à la protection de la vie privée de commenter une mesure législative en particulier dont était saisi le Comité des affaires autochtones, mais ce sont là des questions très sérieuses auxquelles il faut apporter une réponse.
Plusieurs questions n'ont pas été réglées: le fait qu'il n'y ait pas eu de consultations appropriées, qu'on se demande sérieusement si, en demandant des états financiers consolidés qui incluent les entités qui appartiennent à la bande, le gouvernement n'outrepasse pas son pouvoir, que les questions de protection des renseignements personnels n'aient pas été étudiées comme il se doit et que la capacité de se conformer ne soit pas prise en considération pour aider les Premières Nations à fournir cette information à leurs membres. Aucune n'a été réglée. À la lumière de tout cela, les néo-démocrates s'opposeront au projet de loi à l'étape de la troisième lecture.
:
Monsieur le Président, comme je l'ai déjà mentionné ici, la transparence et la divulgation proactive sont des objectifs importants pour tous les gouvernements, y compris ceux des Premières Nations, et l'opposition libérale appuie ces objectifs. Toutefois, les conservateurs ont l'obligation de collaborer avec les Premières Nations à l'amélioration de la reddition de comptes mutuelle et ils ne peuvent pas tout simplement leur imposer une loi conçue à Ottawa.
Les Premières Nations sont prêtes à collaborer pour régler les questions de gouvernance, mais le gouvernement doit arrêter de les traiter comme des adversaires. Il doit mettre fin au paternalisme. Il doit cesser d'imposer des mesures législatives aux Premières Nations sans consultation préalable. Il doit cesser de traiter les Premières Nations comme si elles étaient des enfants qui ont besoin de discipline ou de la surveillance d'un adulte. Le gouvernement doit revenir à l'interprétation originale d'une relation de gouvernement à gouvernement, telle qu'énoncée dans la Proclamation royale, dont nous célébrerons le 250e anniversaire l'an prochain.
L'absence totale de consultation relativement au projet de loi est une insulte. Le gouvernement a signé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui insiste sur le consentement libre, préalable et éclairé. Or, le gouvernement considère maintenant ce principe comme un simple objectif. Il n'a mis en place aucun mécanisme afin de donner suite à cette déclaration dans les ministères, y compris le ministère des Affaires autochtones et du développement du Nord. Il est vraiment triste de constater que nous sommes encore en train de lutter contre le genre d'approches paternalistes qui ne contribuent aucunement à renforcer la capacité des Premières Nations au pays. Encore une fois, c'est un exemple déplorable de comportement insultant.
Nous sommes très préoccupés par l'origine du projet de loi et de son prédécesseur, qui semblent être liés au rapport controversé publié par la Fédération canadienne des contribuables, dans lequel les salaires des chefs des Premières Nations étaient présentés en détail. En fait, nous devrions plutôt parler de chiffres « trompeurs ». Par ailleurs, comme nous nous en sommes rendus compte avec les amendements, le fait de lier le salaire, les dépenses et la rémunération dans le cas des entreprises appartenant à une bande visait à créer volontairement un choc qui alimente les stéréotypes et qui crée beaucoup de tort à la réputation de toutes les Premières Nations. C'est particulièrement insultant pour les Premières Nations qui prennent des initiatives et qui lancent des entreprises prospères.
Le rapport sensationnaliste renfermait des chiffres gonflés et des calculs trompeurs de la rémunération des représentants élus des Premières Nations. À titre de médecin en Ontario, cela me rappelle l'époque où l'on publiait les honoraires des médecins sans tenir compte du fait que nous devons payer un loyer, rémunérer des employés et assumer d'autres frais liés à l'exercice de notre profession. Ces chiffres étaient trompeurs, parce qu'ils étaient présentés comme le revenu direct des médecins.
L'Association du Barreau canadien s'est dite préoccupée par le fait que:
[...] les débats axés sur de telles questions rendent difficiles une analyse éclairée de la véritable situation des gouvernements des Premières Nations.
L'association a ajouté ce qui suit:
Plutôt que de mettre l'accent sur une loi qui détourne l'attention des problèmes plus urgents auxquels font face les gouvernements des Premières Nations, nous encourageons un dialogue de nation à nation à la lumière des principes constitutionnels.
L'Assemblée des Premières Nations a exprimé son inquiétude quant au fait que le gouvernement fédéral semble de plus en plus déterminé à concevoir les mécanismes de gouvernance des Premières Nations à Ottawa, même s'il est fondamental que les Premières Nations effectuent elles-mêmes ce travail pour qu'il soit légitime. Comme la députée de l'a expliqué, l'Assemblée des Premières Nations avait très bien réussi à faire cela au cours d'une discussion sur la gouvernance et la reddition de comptes en janvier 2006. Nous partageons les mêmes inquiétudes au sujet du projet de loi .
Malheureusement, la décision du gouvernement d'éliminer le financement du Centre national pour la gouvernance des Premières Nations et de sabrer celui des conseils tribaux et d'autres institutions, qui visent à renforcer les capacités des Premières Nations, mine davantage les capacités des Premières Nations d'élaborer et de mettre en oeuvre des mesures de reddition de comptes. Le CNPGN devra fermer ses portes au début de l'année prochaine. Il est hypocrite de légiférer la reddition de comptes et la transparence tout en éliminant le financement d'organismes comme ce centre, dont le mandat consiste à appuyer le processus de reconstruction et d'autonomie gouvernementale des nations. Comment le gouvernement peut-il justifier l'imposition d'obligations additionnelles en matière de reddition de comptes, tout en supprimant les ressources dont disposent les Premières Nations pour satisfaire à ces exigences?
Bien que le projet de loi vise à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des gouvernements des Premières Nations envers leurs citoyens, le fédéral a manqué à son devoir constitutionnel de consulter les Premières Nations au moment de la rédaction de la mesure et de l'étude des amendements du gouvernement au comité. Malheureusement, comme il n'y a pas eu de consultation, le projet de loi comporte plusieurs lacunes fondamentales. Le gouvernement doit travailler de concert avec les peuples autochtones, pas seulement en leur nom, comme nous l'avions promis dans les traités d'origine et comme le prévoit la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Le gouvernement a, au-delà de l'obligation juridique de consulter, le devoir moral de veiller à ce que les Premières Nations participent au processus d'élaboration d'une bonne politique qui sera efficace pour elles. Avec ce projet de loi toutefois, le gouvernement conservateur imposerait d'importants changements aux exigences relatives aux rapports financiers des Premières Nations, sans tenir au préalable d'importantes consultations avec ceux qui devront les mettre en oeuvre. Un des témoignages les plus renversants que nous ayons entendu au comité portait sur le fait que, lorsque le gouvernement s'est rendu à la Première Nation de Whitecap Dakota pour y présenter le projet de loi, le chef Darcy Bear et ses conseillers n'ont pas été autorisés à le voir dans sa forme finale. Le chef Darcy Bear a même écrit à son député conservateur le 11 décembre 2011 pour lui faire part de ses préoccupations. Voici ce qu'il a écrit:
Je tiens à souligner que, lorsqu'on nous a demandé d'appuyer le nouveau projet de loi, le 22 novembre 2011, on ne nous a fourni que le document d'information. Nous n'avons reçu copie de l'ébauche du projet de loi que lorsqu'il a été présenté au Parlement le 23 novembre 2011, et après la conférence de presse que nous avons tenue ce même jour. Nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner et d'analyser le projet de loi C-27 [...]
Le chef a aussi écrit ceci:
Je tiens à souligner que nous avons donné notre appui au nouveau projet de loi C-27 en nous fondant sur l'appui que nous avions accordé à l'ancien projet de loi C-575, et ce pour les raisons susmentionnées.
Il est ensuite question de sérieuses réserves quant à la portée et à la mise en oeuvre du projet de loi . Comment un tel leurre, au sujet d'un projet de loi sur la reddition de comptes de surcroît, permettra-t-il d'améliorer la confiance des Premières Nations et de faciliter les partenariats avec celles-ci?
[Français]
Le gouvernement a eu recours à la même approche défaillante pour gérer tant le dossier de l'eau potable que celui des biens immobiliers matrimoniaux. Il ne tient aucune discussion sur les détails de ces projets de loi avec les intervenants, et encore moins avec l'opposition, avant de les déposer.
L'approche du gouvernement viole le devoir constitutionnel selon lequel l'État doit consulter les Premières Nations avant d'apporter des changements aux lois et aux politiques qui touchent aux peuples, aux institutions et aux droits des Premières Nations.
[Traduction]
Le gouvernement a continué dans la même veine au comité, rejetant du revers de la main tous les amendements de l'opposition et refusant de procéder à de vastes consultations au sujet des quelques amendements qu'il a proposés.
Le gouvernement libéral précédant avait travaillé avec les Premières Nations en vue d'établir un cadre de reddition de comptes mutuel, exhaustif et à vaste portée. Ce cadre était inclus dans l'accord de Kelowna, que les conservateurs ont déchiré en 2006. Il était innovateur, et c'était la voie à suivre pour renforcer la reddition de comptes et la transparence.
À l'heure actuelle, les accords de financement avec les Premières Nations sont assujettis à des allocations annuelles, à des paramètres de programme variables et à des obligations en matière d'établissement de rapports, ainsi qu'à une restructuration unilatérale, à des réductions et à des modifications. Tout effort visant à améliorer la reddition de comptes et la transparence doit être mutuel et devrait inclure un engagement du gouvernement fédéral de rendre des comptes sur ses dépenses dans les programmes destinés aux Premières Nations.
Comme je l'ai mentionné, les libéraux appuient sans réserve le principe d'une divulgation proactive des renseignements financiers, qui doit être faite par les chefs et les conseils de bande des Premières Nations à l'intention des membres de la bande. De toute évidence, il est inacceptable que des membres des Premières Nations se voient refuser l'accès à ces renseignements. Nous devons toutefois déterminer quelle relation de reddition de comptes est appropriée dans ce contexte.
Le gouvernement d'une Première Nation doit rendre des comptes à ses propres membres, c'est-à-dire aux gens qui l'ont élu. Les exigences en matière de rapports doivent viser avant tout à ce que les membres de la Première Nation aient accès aux renseignements pertinents qui leur permettront de demander des comptes à leurs élus. Par conséquent, les dispositions de la loi relatives à la divulgation proactive devraient seulement s'appliquer aux Premières Nations. Les Premières Nations qui ont déjà une gouvernance solide ont mis en place des modèles qu'il serait possible d'adopter. À titre d'exemple, certaines bandes publient déjà leurs états financiers sur des sites Web protégés par des mots de passe. Voilà le genre de solutions novatrices auxquelles on peut arriver grâce à une véritable consultation bilatérale.
Le projet de loi s'applique aussi aux Premières Nations qui ont adopté des lois sur la gestion des finances en vertu de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations, ce qui pourrait créer de la confusion si les exigences en matière de divulgation diffèrent. Le gouvernement a reconnu que la divulgation des salaires et des dépenses aurait pu porter à confusion. Ce point a été amendé, mais les dirigeants des Premières Nations doivent encore inclure la rémunération qu'ils reçoivent à titre personnel. Cette exigence suscite des inquiétudes concernant la protection des renseignements personnels et risque en outre d'induire en erreur les gens qui consultent les données sur la rémunération des dirigeants des Premières Nations.
Encore une fois, le gouvernement a refusé d'écouter les experts qui ont témoigné devant le comité. Il a balayé du revers de la main tous les amendements de l'opposition qui portaient sur ces points.
[Français]
Le projet de loi ne fait rien pour alléger le fardeau de reddition de comptes écrasant actuel, surtout pour les Premières Nations de petite taille dont les capacités administratives sont réduites.
[Traduction]
À différentes reprises, le Bureau du vérificateur général a demandé au gouvernement de prendre des mesures concrètes pour réduire les exigences en matière de rapports imposées inutilement aux Premières Nations parce qu’elles doivent y consacrer une partie des ressources limitées qui devraient servir aux programmes communautaires. Dans son rapport de 2002, la vérificatrice générale avait formulé la recommandation suivante:
Le gouvernement fédéral devrait consulter les Premières nations lorsqu'il effectue son examen régulier des exigences en matière de rapports, afin d'établir les besoins en information quand de nouveaux programmes sont mis en place.
Pourtant, en juin 2011, le Bureau du vérificateur général était encore d’avis que les progrès réalisés par le gouvernement en vue de cette rationalisation nécessaire étaient insuffisants. En effet, le gouvernement n’a pas fait de progrès sensibles dans ce domaine.
Les Premières Nations produisent au minimum 168 rapports financiers différents à l’intention des quatre principaux ministères et organismes qui les financent: Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Santé Canada, RHDCC et la SCHL. Cela fait en moyenne trois rapports par semaine. La majorité des communautés autochtones ont une population de moins de 500 personnes. À lui seul, AADNC reçoit chaque année plus de 60 000 rapports provenant des Premières Nations, dans le cadre des exigences prévues dans les ententes de financement en vigueur.
Les mesures législatives qui imposent aux Premières Nations de nouvelles exigences en matière de rapports devraient aussi tenir compte du lourd fardeau des exigences existantes, qui sont souvent désuètes et inutiles. Les exigences pratiques du projet de loi pourraient bien imposer un fardeau excessif aux Premières Nations. Par exemple, beaucoup de communautés se trouvent dans des régions éloignées, ce qui a des répercussions aussi bien sur les services qu’elles reçoivent que sur leurs dépenses de fonctionnement. La plupart des communautés ne disposent pas des fonds nécessaires pour établir l’infrastructure dont elles auraient besoin pour accéder à Internet ou créer leur propre site Web. Encore une fois, le gouvernement a rejeté les amendements proposés par l’opposition pour assurer aux bandes une certaine flexibilité en matière de production de rapports.
Je voudrais également signaler que les discours paternalistes sur la responsabilité sont particulièrement insultants lorsqu’ils viennent du gouvernement conservateur. Le fait l’objet d’une enquête sérieuse des autorités électorales indépendantes du Canada à cause d’irrégularités touchant ses dépenses électorales, tandis que le est soupçonné d’avoir fait des dépenses douteuses lors de la dernière campagne électorale. Les deux ont conservé leur emploi. Quel exemple de responsabilité!
Qu’en est-il de la transparence? Le gouvernement a fait adopter à toute vitesse le , projet de loi omnibus de 425 pages modifiant plus de 70 lois différentes, sans amendement, après un minimum de débat. Cet automne, le gouvernement a déposé un autre projet de loi omnibus massif de 443 pages dans lequel il a entassé d’innombrables modifications touchant tous les domaines, depuis l’exemption du pont Detroit-Windsor de l’application des lois environnementales au changement de la liste des cours d’eau navigables, en passant par la modification de la définition des pêches autochtones et des règles régissant la propriété des terres autochtones. Tout semble indiquer que le gouvernement compte aussi faire adopter cet énorme projet de loi sans la moindre modification.
Les Premières Nations n’ont rien à apprendre du gouvernement au chapitre de la responsabilité et de la transparence quand le directeur parlementaire du budget, dont les fonctions ont été inscrites dans la Loi fédérale sur la responsabilité de 2006, est obligé de s’adresser aux tribunaux pour obtenir les renseignements dont il a besoin afin de s’acquitter de ses fonctions et d’être en mesure de présenter aux Canadiens, aux députés et aux sénateurs des renseignements sur les dépenses du gouvernement.
Le projet de loi est incompatible avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ainsi qu’avec l’engagement pris par le , lors de sa rencontre avec les Premières Nations, de repenser les relations entre le Canada et les peuples autochtones.
[Français]
Cela fait fi de la nouvelle approche pour gérer les relations entre le gouvernement du Canada et les Premières Nations qui aurait dû découler des excuses présentées en 2008 concernant les pensionnats indiens.
[Traduction]
Comme je l’ai dit, les libéraux appuient l’objectif sous-jacent du projet de loi, mais nous sommes très inquiets de la façon dont il a été présenté à la Chambre. Nous sommes persuadés que le manque de consultation et de collaboration à l’étape de son élaboration a abouti à une mesure législative fondamentalement viciée.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de parler de ce projet de loi.
Certains prétendent qu'il n'est pas nécessaire d'inclure dans la loi des dispositions sur la transparence et l'obligation redditionnelle à l'égard des transactions financières des Premières Nations. Ces gens semblent être d'accord pour qu'on laisse les représentants des Premières Nations décider s'ils veulent publier les renseignements indiquant comment ils dépensent l'argent de la population. Ils semblent vouloir que ce genre de décisions soient prises au hasard. Les plaintes soumises par certains membres des Premières Nations au sujet de leurs dirigeants semblent en effet confirmer cette observation, du moins dans certains cas. Cependant, je rappelle à la Chambre que nous avons entendu des histoires troublantes au sujet de certains abus de pouvoir.
Par exemple, le Québécois Michael Benedict, membre de la coalition de citoyens abénaquis pour un gouvernement juste, transparent et responsable, a déclaré ceci:
Mon épouse et moi avons été harcelés, ma maison a été vandalisée, et des membres de l'organisme local responsable de la reddition de comptes ont été intimidés pour avoir parlé.
M. Benedict a ajouté ceci:
Les élus locaux avaient peur qu'on permette aux Abénaquis de dénoncer les cas d'abus de pouvoir, de détournement de fonds publics et d'information non disponible. Le projet de loi C-27 contribuera à accroître la transparence.
Nous avons aussi entendu parler de problèmes semblables dans d'autres régions du pays. Par exemple, voici ce qu'a déclaré Bev Brown, de la Première Nation de Squamish:
Lorsque des gens ordinaires demandent des renseignements financiers au conseil de bande, on les menace souvent de leur retirer l'aide de la bande et ils sont ostracisés par la communauté [...].
Comme Michael Benedict, Mme Brown croit que:
[le] projet de loi C-27 aidera les membres des bandes parce qu'il leur permettra de consulter les documents en ligne de façon anonyme.
Voici le coeur du problème. Même si les membres de la communauté demandent des détails sur la rémunération de leur chef et de leurs conseillers, rien ne garantit qu'ils y auront accès, à moins que ces derniers décident de divulguer ces renseignements.
Il ne faut toutefois pas sauter aux conclusions et penser que c'est la norme. Il va sans dire que bon nombre de Premières Nations déploient tous les efforts nécessaires pour fournir ces renseignements aux membres de leur communauté. Le conseil mohawk de Kahnawake, qui divulgue ce type de renseignements d'ordre financier, en est un excellent exemple. Il ne fait aucun doute que certains conseils de bande publient ces documents sur leur site Web alors que d'autres envoient ces renseignements par la poste ou les affichent dans leurs bureaux. Il faut les féliciter pour ces initiatives.
Il semble toutefois que ce ne soit pas tous les conseils de bande qui ont recours à cette pratique. En fait, le gouvernement fédéral reçoit chaque année des plaintes de membres de Premières Nations qui affirment être incapables de connaître ni la rémunération de leur chef et de leurs conseillers ni le travail qu'ils ont fait pour y avoir droit. Il n'y a pas non plus de reddition de comptes quant au remboursement des dépenses engagées pour des activités au sujet desquelles les membres des communautés ne savent parfois absolument rien. Dans certains cas, les membres des Premières Nations n'ont aucunement accès aux états financiers consolidés vérifiés de la communauté.
Dans ces cas, il se peut que tout soit en règle et que les dirigeants des Premières Nations méritent entièrement leur rémunération et leurs avantages sociaux. Cependant, à moins que les livres soient ouverts et que les membres des communautés puissent en juger par eux-mêmes, il n'y a tout simplement aucun moyen de savoir si c'est vrai.
Des témoins qui ont comparu devant le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, auquel je siège, ont parlé, plus tôt cet automne, du projet de loi et ils ont dit que les exemples que j'ai donnés ne sont pas des cas isolés. Des données tirées de l'indice de gouvernance des Autochtones publié par le Frontier Centre for Public Policy ont révélé que 25 % des Premières Nations ne divulguaient pas à leurs membres les renseignements financiers portant sur la rémunération et les dépenses.
Il faut admettre que ce n'est pas la majorité, mais tous les partis conviendront sans doute — du moins, il faudrait qu'ils conviennent — que le quart des Premières Nations, c'est énorme. Un seul cas, c'est déjà trop dans un pays qui se targue d'être une démocratie.
Les données sur la rémunération sont des renseignements de base auxquels on a facilement accès dans toutes les autres administrations publiques du Canada. Les chefs autochtones du Canada ont admis qu'il fallait se montrer plus ouverts, mais un trop grand nombre de dirigeants des Premières Nations refusent toujours de communiquer ces renseignements à leurs membres.
Je rappelle aux députés que, lors de l'assemblée spéciale des chefs qui a eu lieu en décembre 2010, les chefs de l'Assemblée des Premières Nations ont adopté une résolution sur la divulgation des renseignements financiers. Ils ont déclaré qu'il fallait communiquer à leurs membres l'information concernant les salaires et les dépenses. Ils ont aussi convenu de publier, s'il y a lieu, les renseignements financiers sur Internet.
À peine un peu plus de la moitié des Premières Nations, dont le nombre dépasse 600, ont un site Web. Par contre, très peu ont publié en ligne l'information sur les salaires et la rémunération. Il ne faut pas en déduire que celles qui ne l'ont pas fait ont quelque chose à cacher, mais on peut en conclure que les bonnes intentions ne se traduisent pas nécessairement par des résultats concrets. Le caractère facultatif de la formule actuelle ne permet pas toujours de respecter le droit à l'information des membres des Premières Nations.
Dans une démocratie comme la nôtre, les membres des Premières Nations devraient pouvoir s'attendre au minimum à ce que leur gouvernement régional soit transparent et responsable. Les membres des Premières Nations veulent que leurs représentants élus fassent preuve de transparence et qu'ils leur donnent de l'information concrète sur leurs salaires et leurs dépenses. Voilà ce qu'ils veulent et ils y ont droit.
Le projet de loi prévoit des garanties écrites, juridiques et contraignantes que l'information financière sera librement et régulièrement communiquée à la population locale par les gouvernements des Premières Nations. Il n'y aurait plus matière à interprétation pour ce qui est de la communication de l'information financière. La loi mettrait fin aux pratiques discutables de certains chefs, qui ne pensent pas devoir justifier ni leur salaire, ni leurs dépenses, ni leurs décisions financières. Les gouvernements des Premières Nations sont les seuls pouvoirs publics du Canada à ne pas être tenus actuellement de publier cette information financière de base. Le projet de loi qui nous est soumis a pour but de corriger cette lacune.
Une fois adopté, le projet de loi exigerait de toutes les Premières Nations ne bénéficiant pas d'un accord d'autonomie gouvernementale qu'elles publient chaque année les salaires et les dépenses de leur chef et de leurs conseillers. Elles seraient ainsi tenues de faire connaître les salaires de base, les commissions, les primes, les honoraires, les dividendes ainsi que les avantages non monétaires dont bénéficient les chefs et les conseillers. L'obligation comprendrait toute rémunération leur étant versée, que celle-ci provienne du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord ou d'ailleurs. Elle comprendrait aussi toutes les dépenses, notamment le transport, l'hébergement, les repas et les frais de réception. Toutefois, je souligne que le projet de loi s'applique uniquement aux chefs politiques des Premières Nations. Il ne s'applique ni aux représentants nommés, ni aux hauts fonctionnaires.
Le projet de loi va plus loin que le projet de loi d'initiative parlementaire , dont il est dérivé. Mon collègue se souviendra que ce projet de loi est mort au Feuilleton lors du déclenchement des dernières élections. Le nouveau projet de loi repose sur les mêmes principes fondamentaux que le projet de loi précédent, mais va plus loin. II prévoit que le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord aurait l'obligation de publier les états financiers consolidés vérifiés des Premières Nations du Canada de même que la rémunération de leurs représentants élus, dès que cette information est disponible.
L'information devrait être également disponible dans les bureaux et sur les sites Web des conseils de bande. Mais comme les Premières Nations n'ont pas toutes un site Web, à ce que je sache, elles pourraient demander à un autre organisme, comme un conseil tribal, un organisme des Premières Nations ou même le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord lui-même, de mettre l'information en ligne pour elles.
De plus, la nouvelle loi exigerait que les états financiers consolidés vérifiés des gouvernements des Premières Nations soient préparés chaque année et communiqués aux membres de la collectivité et au public. Les états financiers consolidés vérifiés comprendraient des renseignements propres aux entités qui, selon les principes comptables généralement reconnus, doivent être intégrées dans les états financiers de la Première Nation, comme les entreprises appartenant à la bande.
Je tiens à rétablir les faits avant qu'on laisse entendre que cela pourrait nuire à la compétitivité de ces entreprises. Le projet de loi n'exigerait pas que chaque entreprise appartenant à la bande publie ses états financiers détaillés. Tout ce que le projet de loi exige, c'est la publication des états financiers consolidés vérifiés de la Première nation dans son ensemble. Cela comprendrait les entités qui, selon les principes comptables, font partie de la Première Nation, y compris les entreprises appartenant à la bande. Ce sont en fait des pratiques comptables courantes. Ces mêmes principes et règles s'appliquent déjà aux entreprises appartenant au gouvernement, partout au Canada.
Il importe de souligner que les données figurant dans ces états financiers sont regroupées. Par conséquent, elles ne révéleraient aucun renseignement commercial de nature exclusive susceptible de nuire à la compétitivité d'une entreprise d'une Première Nation ou de ses partenaires. En fait, en réponse aux préoccupations exprimées par les témoins qui ont comparu devant le comité permanent, le libellé du projet de loi a été modifié afin qu'il respecte cet esprit et cette intention.
Je tiens aussi à être très clair au sujet d'un autre aspect. Nous ne tentons pas d'imposer d'autres formalités administratives qui pourraient dissuader les collectivités de vouloir attirer des entreprises sur leur territoire. Le projet de loi a été conçu de façon à ce qu'aucun nouveau rapport ne doive être produit. Je le répète, aucun nouveau rapport ne devra être produit. N'oublions pas que les Premières Nations doivent déjà produire chaque année des états financiers consolidés, qui sont vérifiés par des vérificateurs professionnels accrédités indépendants. De plus, elles doivent déjà rendre compte de la rémunération et des dépenses des chefs et des conseillers, dans le cadre de l'entente de financement conclue avec le gouvernement fédéral.
Tout ce qui changera lorsque le projet de loi sera adopté, c'est que les Premières Nations auront maintenant l'obligation légale de communiquer ces renseignements aux membres de leur bande. Comme je l'ai déjà souligné, bon nombre d'élus des Premières Nations rendent déjà compte de leurs activités avec transparence. Bien sûr, il s'agit d'une exigence prévue dans les ententes d'autonomie gouvernementale, ce qui explique pourquoi les collectivités qui ont déjà conclu de telles ententes ne seront pas visées par la loi. Cela dit, les Premières Nations qui ne se sont pas encore montrées disposées à rendre compte de leurs activités à leur collectivité et à leurs membres doivent être assujetties aux mêmes critères que les autres. C'est ce que garantira la Loi sur la transparence financière des Premières Nations.
Toutes les inquiétudes que les membres d'une Première Nation donnée pourraient avoir concernant la manière dont leur argent est géré par leur communauté se dissiperont d'elles-mêmes si le gouvernement de la Première Nation en question respecte ces nouvelles normes. Peu importe la manière dont on l'envisage, cette mesure législative n'a que des avantages pour toutes les parties. Ce qu'il faut retenir, c'est que le projet de loi garantirait aux membres des Premières Nations le droit de consulter les données dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées au sujet de leurs dirigeants et de leur avenir collectif. C'est l'essence même d'une société démocratique.
Cette mesure législative permettrait en outre de renforcer la confiance de l'ensemble des Canadiens dans les gouvernements des Premières Nations. Mais par-dessus tout, elle donnerait l'assurance aux investisseurs potentiels que c'est sans crainte qu'ils peuvent conclure des ententes financières conjointes avec les Premières Nations et se lancer en affaires avec elles. Voilà qui pourrait améliorer les aspects sociaux et économiques de la vie des membres des Premières Nations. Quand les entreprises font de bonnes affaires, ce sont tous les membres de la Première Nation visée qui profitent des emplois et des débouchés économiques qui en découlent, deux éléments qui peuvent faire toute une différence.
Comme le disait le Winnipeg Free Press dans l'éditorial qu'il a consacré au projet de loi le 23 novembre:
La loi sur la transparence ne déclenchera peut-être pas une révolution, mais elle améliorera certainement la reddition de comptes. Elle pourrait également inciter d'aucuns à réclamer les réformes qu'il faudra absolument mener si l'on souhaite faire augmenter le niveau de vie des peuples autochtones du Canada.
Voilà qui résume bien le projet de loi dont nous sommes saisis. Celui-ci jettera les bases législatives qui permettront aux Premières Nations de consolider leurs acquis et de se refaire une santé économique, bref d'améliorer la qualité de vie de ceux qui vivent dans les réserves. On parle ici de débouchés, de perspectives commerciales, de croissance économique et d'emplois. Les membres des Premières Nations, et à vrai dire l'ensemble des Canadiens, ont besoin du projet de loi , car grâce à lui les membres des Premières Nations sauront que leurs dirigeants les gouverneront en se fondant non pas sur leur passion, mais sur la loi et la raison. Ils auront l'assurance écrite qu'ils pourront leur demander des comptes.
Honnêtement, je ne vois pas comment on pourrait s'opposer à une mesure législative aussi sensée et aussi raisonnable. Personnellement, je suis fier d'appuyer cette loi progressiste, qui mettra fin à des pratiques qui privent trop souvent les Premières Nations des mêmes libertés financières fondamentales que celles dont jouissent les autres Canadiens. Grâce à la Loi sur la transparence financière des Premières Nations, les membres des Premières Nations auront les mêmes droits démocratiques que tous les autres Canadiens.
Comme je l'ai déjà mentionné, beaucoup de Premières Nations fournissent déjà ces renseignements à leurs membres. C'est le même type d'information qui est accessible à tous les citoyens canadiens. Les salaires des députés et des sénateurs sont divulgués en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada et de la Loi sur les traitements. Cette dernière loi prévoit une formule transparente pour calculer notre salaire. Elle prévoit la publication des détails sur les salaires de base et les indemnités spéciales qui y sont ajoutées dans le cas des députés auxquels incombent des responsabilités supplémentaires. Ces renseignements sont également visés par la législation sur les conflits d'intérêt et l'éthique.
Le gouvernement du Canada n'est pas le seul au pays à exiger la divulgation de ces renseignements. Beaucoup de provinces canadiennes ont des exigences similaires en matière de transparence et de reddition de comptes. Par exemple, Terre-Neuve-et-Labrador a une loi sur la gestion des finances publiques, qui permet à son assemblée législative provinciale de déposer des comptes publics chaque année. Il y a des lois similaires à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick.
L'Ontario, la Saskatchewan et l'Alberta ont des lois qui définissent l'obligation des municipalités de rédiger et de publier des états financiers annuels. Les gouvernements des territoires respectent, eux aussi, les mêmes règles. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest rend ses états financiers annuels facilement accessibles sur son site Web. La Loi sur la gestion des finances publiques du Nunavut exige du gouvernement qu'il rende des comptes publiquement sur les dépenses de l'année précédente en déposant les comptes publics à l'Assemblée législative.
Le libellé exact des lois sur la transparence et la reddition de comptes varie évidemment d'une province à l'autre, mais il reste que les lois garantissent à presque tous les contribuables canadiens qu'ils peuvent avoir accès à l'information financière de base leur permettant de demander des comptes à leurs élus quant aux décisions et aux mesures prises. Je pense que c'est ce à quoi on peut s'attendre dans une démocratie.
La Loi sur la transparence financière des Premières Nations permettrait de garantir que les habitants des Premières Nations disposent des mêmes droits démocratiques que tous les autres Canadiens. Le projet de loi serait bon pour les communautés des Premières Nations. Il serait aussi bon pour les entreprises et pour la démocratie. Pour toutes ces raisons, j'encourage chaque parti à appuyer sans réserve cette mesure législative.
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Monsieur le Président, je précise d'entrée de jeu que je partagerai mon temps de parole avec ma collègue de .
J'ai l'insigne honneur de me prononcer contre le projet de loi portant sur la transparence financière des Premières Nations, à l'étape de la troisième lecture. C'est un privilège de pouvoir le faire, parce que cela me permet de prendre un certain recul.
La semaine dernière, je me suis exprimé sur ledit projet de loi, et une certaine couverture médiatique y a été associée. D'ailleurs, j'ai été appelé à donner quelques entrevues à des médias nationaux et régionaux. J'ai aussi entendu certains de mes confrères s'exprimer sur le sujet. D'ailleurs, c'est à se demander si certains d'entre eux ne sont pas des marionnettes mécanisées que l'on peut mettre à niveau à l'aide d'une clé USB. Bref, certains de mes confrères se sont exprimés de façon machinale, assez froide, inhumaine et déshumanisée sur le sujet, sans même froncer les sourcils ou battre des paupières.
J'ai fait une analyse générale, c'est-à-dire une analyse des diverses interventions qui ont eu lieu à la Chambre et dans les médias. C'est ici que mon bagage de juriste criminaliste de la défense entre en jeu. Cette analyse m'a permis de déceler certaines failles qui sont visiblement irritantes puisque l'on tente de calfeutrer et d'apaiser le tout. Lorsqu'il y a, dans les médias, des interventions de la part de conservateurs, on met tout de suite en avant ces failles et on tente tout de suite de les colmater afin de dissiper tout doute et même d'induire certaines instances en erreur.
Ce que je fais aujourd'hui, c'est attaquer. C'est un principe qui m'a été inculqué très tôt. Au risque de me répéter, je dirai qu'en 2007, lorsque j'ai rejoint le bureau d'aide juridique, je travaillais sur des dossiers criminels. Je me déplaçais avec la cour itinérante. En 2007 seulement, j'ai traité près de 400 dossiers criminels et quelques dossiers en psychiatrie. Puisque je travaillais du côté de la défense, j'ai appris très tôt à déceler les failles de l'argumentaire de mes opposants, c'est-à-dire les procureurs de la Couronne de la Côte-Nord, qui sont d'ailleurs très bons. À Sept-Îles, ils forment une équipe de six ou sept, et font du très bon travail. Cela m'a permis de m'exercer au fil des années.
En contre-interrogatoire, puisque le procureur introduisait la poursuite et qu'il avait les premiers mots lors d'une poursuite, cela me permettait de prendre des notes et d'analyser son propre argumentaire et le témoignage de son témoin afin d'y déceler des failles.
Ici, il y a visiblement des failles. Fidèle à mon habitude et aux principes que m'a inculqué mon employeur de l'époque, François Wuellart — M. Wuellart, bonne journée — , du bureau d'aide juridique aujourd'hui situé à Baie-Comeau, je vais appliquer les principes qui m'ont été d'un grand secours jusqu'à maintenant, et je vais abonder dans le même sens.
À la Chambre, la montée graduelle de la tension est palpable lorsque les matières propres à la reddition des comptes des Premières Nations entrent en jeu. Le caractère désordonné des sorties officielles du gouvernement sur la question ainsi que le choix discutable des messagers sélectionnés qui livrent, de manière mécanique, les points de discussion édictés par les hautes instances conservatrices m'amènent à entrevoir certaines failles affligeant de manière claire l'initiative législative qui est devant nous.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, mes premiers réflexes sont de relever les failles. Et là, je les ai relevées. Je me suis déjà un peu avancé, lorsque j'ai posé une question à mon confrère, il y a quelques minutes. La faille, ici, réside bien dans les organes économiques de nos communautés et dans les véhicules corporatifs.
Les règles qui s'appliquent aux véhicules corporatifs doivent être homogènes à la grandeur du pays, simplement d'un point de vue concurrentiel. Mes confrères devraient d'ailleurs abonder en ce sens, puisqu'ils martèlent que l'essor économique est primordial au Canada. Ils doivent donc savoir que les règles de droit applicables aux véhicules corporatifs se doivent d'être homogènes à la grandeur du pays. Autrement, on s'expose à des poursuites substantielles qui ont de très grandes chances de réussite. C'est ce que je vais faire valoir aujourd'hui.
Je suis assez sûr que les communautés d'un peu partout au pays, et surtout leurs procureurs, prennent des notes en ce moment. D'ailleurs, je suis assez persuadé que les procureurs de qualité qui travaillent dans certaines communautés sont en mesure de l'avoir décelée et préparent déjà leur poursuite en ce sens, dépendamment du fait que l'on adopte ou non ces mesures.
On ne peut pas extrapoler non plus. En revanche, je sais pertinemment qu'un argumentaire est en train de se former. Je ne fais que donner des munitions.
Je ne sais pas si cela s'est fait à huis clos au préalable, mais pour avoir discuté avec certains journalistes, il faut comprendre que, lorsque les conservateurs se sont présentés devant les médias, ils ont tenté d'assurer aux journalistes que ce projet de loi, cette initiative législative, n'aura aucune incidence et qu'il n'y aura pas de divulgation des états financiers propres aux véhicules organisationnels, aux entités organisationnelles dans lesquelles un conseil de bande pourrait avoir certains intérêts. Les conservateurs leur ont assuré que cela n'entrera pas en jeu et que les entreprises, qui sont une propriété ou dans lesquelles les dirigeants de la communauté pourraient avoir une certaine participation, ne seront pas dérangées.
En fait, si l'on regarde bien ce que dit le libellé du projet de loi tel qu'il nous proposé, on se rend compte que c'est bien une reddition de comptes — et j'insiste — qui ne s'applique pas nécessairement et simplement à la communauté, mais à l'ensemble de la population canadienne. C'est ce que je vais démontrer dans mon argumentaire. On parle de transparence pour les Premières Nations. Or, en vérité, ces mesures visent de manière détournée à exposer les entités organisationnelles des communautés.
Les communautés ont dû, par la force des choses, élaborer des schèmes et des processus qui leur sont propres, en totale autarcie, parce qu'elles ont été isolées du reste du monde. Les nations aborigènes au pays ont été laissées pour compte pendant très longtemps. C'est la raison pour laquelle des initiatives novatrices et alternatives ont été mises en avant dans ces communautés pour répondre non seulement aux besoins de la population, mais aussi au caractère hostile de la vie comme aux subtilités propres à la vie dans les réserves.
C'est pourquoi le schème des entreprises et entités présentes dans les communautés diffère sensiblement du schème appliqué dans le pays tout entier. Ces entreprises et entités ont une dynamique qui leur est propre. C'est tout à notre avantage, puisque ça fait preuve de la diversité économique ainsi qu'elle doit s'observer véritablement au Canada.
Cependant, c'est un irritant pour les conservateurs et autres gouvernements qui étaient là avant, car au final, très peu d'agent du gouvernement peut entrer dans les communautés: on est assez réfractaire à de l'ingérence étatique de façon maladroite et brusque. C'est la raison pour laquelle on les observe donc de loin. Au cours de l'année passée, on a même montré que des agents d'information avaient infiltré les communautés afin d'y soutirer quelques bribes d'information. Ça donne une idée sommaire du climat qui y règne et du caractère hermétique de la vie dans les communautés.
Je crois avoir une opinion étayée de bons points sur ce qu'on tente de faire avec ce projet de loi: on veut permettre à des groupes ayant des intérêts particuliers au Canada de jeter un oeil sur la dynamique économique telle qu'elle s'observe dans les communautés. C'est assez déplorable et répréhensible, car on dit ici que, pour l'ensemble des véhicules organisationnels dans le pays tout entier, le gouvernement canadien est lié à ces informations financières et doit rendre des comptes quant à ses sociétés d'État et autres.
On voit sur le terrain que ce n'est pas aussi facile qu'on le pense. Des vérificateurs, qui ont été affectés par le gouvernement, ne sont même pas en mesure d'obtenir ces informations financières. Il ne me reste qu'une seule minute, et c'est une première, moi qui ne prends toujours que huit minutes.
En conséquence, il m'est aisé d'orienter le tir de manière à exposer le gouvernement sur l'aspect qui, selon ma propre analyse, se révèle être le plus hasardeux lorsqu'il est analysé d'un point de vue strictement judiciaire. J'aimerais revenir brièvement sur un point.
Au cours des deux années où je travaillais en tant que conseiller juridique pour mon propre conseil de bande, Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam, j'ai vu de manière graduelle une tentative d'ingérence des autorités, tant provinciales que fédérales, dans la vie quotidienne des communautés et dans ses processus économiques. C'est fort répréhensible. C'est pourquoi le gouvernement s'expose à des recours substantiels à l'heure actuelle, et je vais appuyer ces recours.
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Monsieur le Président, je ressens une vive impression de déjà vu en prenant la parole pour participer au débat sur le projet de loi , dont j’ai déjà eu l’occasion de parler à l’étape de la deuxième lecture. Néanmoins, j’interviens une fois de plus, après mes collègues, pour parler d’un projet de loi qui est imposé de force, de l’incapacité de consulter correctement les Premières Nations et de s’attaquer aux problèmes profonds auxquels elles et tous les Canadiens voudraient qu’on s’attaque. Le projet de loi est un moyen de plus que le gouvernement utilise pour semer la division et faire oublier le fait qu’il manque à ses responsabilités envers le groupe le plus marginalisé de notre pays. Il utilise ce même moyen pour nous diviser, nous et les communautés. Voilà un triste constat sur l’orientation que le gouvernement donne à notre pays.
Je vais parler d’abord à titre de députée de Churchill, car j’ai l’honneur de représenter 33 Premières Nations, dont certaines ont des difficultés énormes à surmonter. En réalité, elles ont toutes des difficultés redoutables à affronter, qu’il s’agisse de l’accès aux services de santé, du logement, des services d’éducation, des infrastructures ou de l’emploi. La liste est interminable, et tout cela concourt à créer une situation qui, selon un grand nombre d’entre nous, est digne du tiers monde.
Au lieu de travailler en partenariat avec les Premières Nations pour parvenir à éliminer ces conditions de vie dignes du tiers monde et à dissiper les vraies difficultés que les Premières Nations éprouvent au Canada, le gouvernement a préféré une fois de plus imposer sa propre approche autoritaire. Son approche est solidement ancrée dans une mentalité coloniale: le gouvernement a raison, il est inutile d’entendre le point de vue des Premières Nations, la capacité et les ressources humaines et financières importent peu. Tout ce qui importe, plutôt, ce sont les communiqués incendiaires et la politique de division qui fait oublier les vrais problèmes. Voilà qui me semble foncièrement injuste et indigne de ce que le gouvernement fédéral du Canada devrait faire.
Je voudrais signaler ici que la question de l'obligation redditionnelle est très pressante pour tous les Canadiens: Premières Nations, Métis, Inuits et Canadiens non autochtones. Chose certaine, lorsqu’on se rend chez les Premières Nations que je représente, on voit clairement que les gens veulent que les fonds soient correctement utilisés, que les investissements soient judicieux. Mais nous savons tous au fond que la solution, c’est d’écouter comment les Premières Nations aborderaient au mieux la question de la reddition de comptes.
J’ajouterais que cette discussion sur la reddition de comptes ne se déroule pas en vase clos. Nous avons constaté que le gouvernement fédéral écarte la notion même d'obligation redditionnelle lorsqu’il s’agit de lui-même. Nous nous souvenons des jus d’orange à 16 $ et du recours aux services de la Garde côtière pour des voyages qui n’avaient strictement rien à voir avec une situation d’urgence. Nous sommes au courant des enquêtes qui ont eu lieu ou se poursuivent toujours sur les irrégularités électorales concernant les dons. Nous avons entendu parler de ministres et de députés qui refusent de répondre franchement à des questions graves de l’opposition sur les utilisations des ressources financières. Le meilleur exemple est sans doute celui des projets de loi budgétaires fourre-tout. Si le gouvernement tenait tellement à la reddition de comptes et à la transparence, pourquoi ne nous laisserait-il pas étudier les changements profonds qu’il y propose? S’il voulait vraiment être un modèle de responsabilité pour tous les Canadiens, il aurait avec lui-même la même attitude intransigeante en matière redditionnelle.
C’est l’ironie de la situation à laquelle nous sommes confrontés. Une fois de plus, le gouvernement conservateur tient à pointer du doigt les Premières Nations et à leur imposer de manière patriarcale des mesures alors que cette approche n'est pas appropriée pour un gouvernement fédéral après tout ce que nous avons appris au cours des dernières décennies. Les conservateurs reviennent en arrière et ne traitent plus les Premières Nations de façon équitable dans le cadre d’une relation de gouvernement à gouvernement. Cette situation cadre mal bien entendu avec les excuses, qu'il a prétendu sincères, que le lui-même a présentées aux survivants des pensionnats indiens. Il avait à cette occasion parlé d'une nouvelle ère, d'une nouvelle façon de faire. Le gouvernement n'a cependant pas tenu cet engagement, cette promesse, et les Premières Nations sont les premières à le constater.
Les néo-démocrates croient que le projet de loi doit être examiné dans le contexte du rapport de juin 2011 de la vérificatrice générale dans lequel elle conclut que même si plusieurs vérifications au cours de la dernière décennie ont conduit à recommander de nombreuses réformes, le gouvernement fédéral n'a absolument rien fait pour remédier à la détérioration des conditions de vie des membres des Premières Nations. En particulier, la vérificatrice générale a noté que le fardeau imposé aux Premières Nations en matière de reddition de comptes s'était alourdi au cours des dernières années. Elle a recommandé à plusieurs reprises de réduire ce fardeau, car elle comprenait parfaitement ce que cela représente pour les Premières Nations et elle savait que bon nombre de ces rapports ne sont même pas accessibles.
Tout cela pour dire que, si le gouvernement avait tenu compte du rapport exhaustif de la vérificatrice générale il y a un peu plus d'un an, nous ne serions pas dans cette situation. Cependant, il est clair que le gouvernement est en désaccord avec les mandataires que le Parlement devrait consulter. Nous pouvons le constater dans d'autres domaines. Le gouvernement ne s'intéresse pas aux faits et aux conclusions fondées sur des données probantes.
Il choisit plutôt de soulever la colère des Autochtones au lieu de régler les problèmes. Il préfère diviser les gens en leur imposant une obligation de rendre des comptes qu'il ne respecte pas lui-même. C'est tout à fait hypocrite.
Le NPD n'appuie pas ce projet de loi. Nous croyons que le projet de loi ne fait rien pour accroître l'obligation qu'ont les gouvernements des Premières Nations de rendre des comptes à leurs membres. Il prévoit également des normes plus strictes que celles auxquelles sont soumis les élus de bien d'autres ordres de gouvernement. C'est un point très important que de nombreux Canadiens ignorent du fait de la campagne de désinformation du gouvernement dans le cadre de ce projet de loi.
Le gouvernement va sûrement me critiquer et dire que je m'oppose au projet de loi sans préciser pourquoi nous, au NPD, rejetons cette mesure législative, car il ne s'embarrasse pas des faits. Il a plutôt adopté une politique fondée sur la division, le manque de respect et, ce qui est tout à fait honteux, la haine.
Il faut réfléchir au fait que le gouvernement applique une politique de deux poids deux mesures en exigeant que les dirigeants des Premières Nations respectent des normes plus élevées que les autres élus. Je demande aux députés conservateurs d'y réfléchir. Ils devraient s'attarder fondamentalement sur la nécessité de collaborer avec les Premières Nations pour relever les grands défis auxquels elles sont confrontées, notamment le désir qu'ont leurs membres d'une meilleure reddition de comptes, selon des modalités appropriées, et pour remédier aux conditions de vie dignes du tiers-monde des Autochtones du Canada.
C'est ainsi que le gouvernement fédéral devrait jouer son rôle de chef de file et si les conservateurs ne sont pas prêts à le faire, les néo-démocrates pourront alors les remplacer.
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Monsieur le Président, les pères fondateurs du Canada s'y connaissaient en reddition de comptes. Les gens se souviennent-ils de la formule « pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement »? Il s'agit des objectifs fondamentaux des institutions gouvernementales du Canada qui sont inscrits dans la constitution canadienne. Les Pères de la Confédération ont suivi l'exemple des autres pays du Commonwealth de l'époque, dont l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud et l'Irlande, qui s'étaient aussi fixés ces objectifs.
Depuis la Confédération, les provinces et les municipalités du Canada ont aussi adopté ces valeurs et ces principes parce qu'elles ont compris qu'il est nécessaire et utile d'avoir un bon gouvernement. Grâce à la mesure législative dont nous sommes saisis, les membres des Premières Nations peuvent maintenant compter sur ces valeurs et ces principes, qui leur sont garantis. Les provinces, les territoires et, partant, les municipalités, qui relèvent de ceux-ci, ont tous admis que la transparence et la reddition de comptes sont nécessaires, car elles sont le fondement d'un bon gouvernement. C'est pourquoi les membres des Premières Nations du Canada ont besoin du projet de loi .
Les députés conviendront sans doute que la reddition de comptes exige de la transparence, ce qui fait actuellement défaut dans certaines communautés autochtones. Certains dirigeants refusent actuellement de divulguer des renseignements — des renseignements auxquels la plupart des Canadiens s'attendent naturellement à pouvoir consulter —, ce qui empêche les membres des Premières Nations d'avoir accès à des renseignements essentiels sur les questions touchant leur collectivité. Ils ignorent donc combien gagnent leurs chefs et leurs conseillers et ils se demandent pourquoi leurs dirigeants ne divulguent pas ces renseignements à la population. Les membres des Premières Nations sont en droit de s'attendre à mieux. En effet, ils méritent qu'on fasse preuve de la même reddition de comptes et de la même transparence à leur endroit qu'à l'endroit des autres Canadiens qui ont assurance d'avoir accès à l'information sur les activités du gouvernement puisque c'est prévu par la loi.
Comme le l'a dit à la Chambre, le gouvernement veille à ce que les Canadiens aient accès à l'information dont ils ont besoin pour juger les actes des parlementaires. Grâce à la Loi fédérale sur la responsabilité, première mesure législative que nous avons présentée en 2006, les contribuables canadiens sont mieux en mesure de surveiller la manière dont les deniers publics sont dépensés. En plus de publier des comptes publics indiquant la façon dont tous les fonds publics sont dépensés chaque année au fédéral, nous divulguons les salaires des députés en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada et de la Loi sur les traitements.
Ces deux lois présentent une formule transparente pour calculer les salaires. Elles prévoient aussi la publication des détails sur les salaires de base et les indemnités spéciales qui y sont ajoutées dans le cas des députés qui acceptent des responsabilités supplémentaires. De même, l'information sur les autres revenus et les autres dépenses est visée par la législation sur les conflits d'intérêts et l'éthique. Le salaire des fonctionnaires est également connu puisque les échelles salariales des employés fédéraux sont affichées sur le site Web du Secrétariat du Conseil du Trésor et que tous les hauts fonctionnaires sont tenus de divulguer d'eux-mêmes, tous les trimestres, l'intégralité de leurs frais de déplacement et de représentation.
Le gouvernement du Canada n'est pas le seul au pays à être obligé de publier les états financiers consolidés vérifiés et les salaires. Mes collègues de Terre-Neuve-et-Labrador vous confirmeront que leur province s'est dotée d'une loi sur la responsabilité financière qui oblige l'Assemblée législative à déposer les comptes publics chaque année. La loi de cette province sur la transparence et la responsabilité précise que les ministres doivent rendre des comptes chaque année au nom des organes de l'État dont ils sont responsables, dans un rapport annuel qui comprend les états financiers consolidés vérifiés et une comparaison de ceux-ci avec les crédits autorisés par l'Assemblée législative.
En outre, la loi sur les municipalités de Terre-Neuve-et-Labrador exige que les dirigeants locaux rendent publics les états financiers et les rapports de vérification de leur administration. L'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick ont des lois semblables. Les assemblées législatives de ces deux provinces sont tenues, en vertu de leurs lois respectives sur l'administration financière, de rendre des comptes sur les dépenses publiques de l'exercice précédent. De plus, les lois sur les municipalités de ces deux provinces précisent les types d'information issue des administrations municipales qui doivent être mis à la disposition du public.
De la même manière, l'Ontario, la Saskatchewan et l'Alberta ont des lois qui définissent l'obligation des municipalités de préparer et de publier des états financiers annuels. Les gouvernements territoriaux sont eux aussi assujettis à une norme rigoureuse en la matière. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest rend ses états financiers annuels facilement accessibles sur son site Web. La Loi sur la gestion des finances publiques du Nunavut exige du gouvernement qu'il rende des comptes publiquement sur les dépenses de l'année précédente. Il doit déposer les comptes publics à l'assemblée législative. Le libellé des lois sur la transparence et la reddition de comptes varie évidemment d'une province à l'autre, mais il reste que les lois garantissent à presque tous les contribuables canadiens qu'ils peuvent avoir accès à l'information financière de base leur permettant de demander des comptes à leurs élus quant aux décisions et aux mesures prises.
De plus, de nombreuses administrations divulguent les salaires des élus, qu'ils soient premiers ministres, députés d'arrière-ban, maires ou conseillers municipaux. Dans bien des assemblées législatives provinciales, les salaires des députés sont établis par la loi et communiqués à la population. La divulgation des autres revenus et des dépenses est souvent prévue dans la loi sur les conflits d'intérêts ou sur l'éthique.
La loi de la Nouvelle-Écosse concernant la divulgation des renseignements sur la rémunération dans le secteur public s'applique autant au secteur public qu'aux organismes sans but lucratif qui reçoivent plus de 500 000 $ en fonds publics. Ces groupes sont tenus de publier dans leur site Web les renseignements concernant la rémunération des employés touchant 100 000 $ ou plus. S'ils n'ont pas de site Web, ils doivent publier l'information dans un site Web public.
Par ailleurs, au Manitoba, la Loi sur la divulgation de la rémunération dans le secteur public oblige les organismes publics à publier la rémunération annuelle qu'ils versent à leurs dirigeants et à leurs employés gagnant 50 000 $ ou plus. En outre, la Loi sur l'Assemblée législative du Manitoba exige que la rémunération, les allocations et les pensions versées aux députés soient établis par une commission. Elle exige aussi des députés qu'ils publient des comptes rendus de leurs dépenses dans le site Web de l'assemblée législative. Par ailleurs, en plus d'être assujetties aux lois provinciales ou territoriales, un certain nombre de municipalités ont adopté, en guise de pratiques exemplaires, des règlements exigeant la publication de la rémunération des maires et des conseillers. De toute évidence, nous ne demandons rien de plus aux dirigeants des Premières Nations que ce qui est attendu des autres pouvoirs publics du pays.
Comme l'a dit Colin Craig, directeur pour les Prairies de la Fédération canadienne des contribuables:
En fin de compte, tout politicien canadien, qu'il oeuvre à l'échelon fédéral, provincial ou municipal ou au sein d'un gouvernement autochtone, devrait être obligé d'informer le public de sa rémunération.
Nous ne leur demandons certainement pas la lune. En fait, à certains égards, les Premières Nations auraient moins de comptes à rendre que d'autres ordres du gouvernement ailleurs au pays. Le projet de loi les obligerait uniquement à divulguer la rémunération versée aux dirigeants politiques des gouvernements des Premières Nations, mais pas celle versée aux employés nommés ou aux cadres supérieurs.
Je rappelle à la Chambre que les Premières Nations autonomes sont déjà tenues, aux termes de l'entente sur l'autonomie gouvernementale, de préparer de tels états financiers et de les mettre à la disposition de leurs membres. C'est pourquoi elles sont exclues du projet de loi.
Pourquoi devrait-il en être autrement pour les membres des autres Premières Nations? Il suffit de consulter les livres d'histoire pour savoir que le développement de communautés plus saines et durables a toujours reposé sur une bonne gouvernance démocratique. C'est encore vrai aujourd'hui. Lorsque nous allumons notre télévision, nous voyons des personnes, partout dans le monde, qui vivent dans des pays moins démocratiques et qui manifestent dans la rue pour exiger ce droit. Nul besoin toutefois de tourner notre regard vers l'étranger pour voir des personnes qui demandent aux gouvernements d'améliorer la transparence et la reddition de comptes. Les membres des Premières Nations, des personnes qui vivent au Canada, sont souvent ceux qui le demandent le plus énergiquement.
Les membres de la Première Nation Squamish en Colombie-Britannique, de la Première Nation Peguis et d'autres Premières Nations du Manitoba ont rencontré le ou ont comparu devant le comité permanent — que je préside — et ont demandé les mêmes choses. Tous ont exprimé leurs préoccupations au sujet du manque de reddition de comptes à leurs membres.
Je vais citer certains propos que nous avons entendus.
Phyllis Sutherland, de la Peguis Accountability Coalition, a critiqué le salaire annuel non imposable de 220 000 $ que touche le chef de sa bande. Elle a parlé de ceux qui ont demandé plus de détails sur ce salaire ou sur les comptes de la bande, ce qui leur a valu d'être harcelés ou congédiés.
Voici ce qu'a déclaré Mme Sutherland:
Le projet de loi C-27 est important pour les membres ordinaires de la bande, car il leur permettra de connaître le salaire du chef et des membres du conseil sans crainte de menaces ou de représailles. Si les Premières Nations veulent s'auto-gouverner, elles devraient rendre des comptes et être transparentes, à l'instar de tous les autres ordres du gouvernement qui publient leurs salaires.
Solange Garson, membre d'une Première Nation du Manitoba, est une conseillère élue. Elle a fait écho à ces propos lorsqu'elle a déclaré ceci:
Je veux que toutes les Premières Nations du Canada rendent des comptes. Nos politiciens doivent eux aussi rendre des comptes [...] Beaucoup de membres ordinaires [des Premières Nations] appuient le projet de loi C-27. Comme tout le monde, nous voulons de la transparence.
Ce n'est certainement pas trop demander dans un pays qui est fier d'adhérer aux principes de paix, d'ordre et de bon gouvernement. Il est tout à fait scandaleux de priver les Premières Nations de ces normes élevées de gouvernance, dont tous les autres Canadiens bénéficient et auxquelles ils s'attendent. Adopter ce projet de loi juste et raisonnable s'impose afin d'assurer la transparence, d'améliorer la reddition de comptes et de favoriser la gouvernance efficace au sein des communautés des Premières Nations.
Au cas où certains l'auraient oublié, j'aimerais rappeler brièvement l'objet du projet de loi et expliquer en quoi celui-ci constituerait une nette amélioration par rapport au statu quo.
Premièrement, le projet de loi permettrait aux membres des Premières Nations d'avoir facilement accès aux renseignements dont ils ont besoin pour évaluer le rendement de leur gouvernement, pour lui demander des comptes et pour faire des choix éclairés au moment des élections.
Le projet de loi continuerait de renforcer l'obligation des Premières Nations de rendre des comptes à leurs membres. Les états financiers seraient fournis directement aux populations locales des communautés, plutôt que par l'entremise du ministre, comme c'est actuellement le cas lorsqu'un conseil de bande décide de ne pas divulguer ces renseignements.
Il convient de noter que tous les Canadiens auront facilement accès à ces renseignements, comme c'est le cas actuellement lorsqu'il s'agit des autres ordres de gouvernement au Canada.
La publication d'états financiers sur le site Web des Affaires autochtones pourrait faciliter la tâche des analystes. En outre, des comparaisons pourraient être faites par un nombre beaucoup plus grand de personnes qui pourraient inclure des membres d'autres ordres de gouvernement, des universitaires, des journalistes, des économistes, des investisseurs et des Canadiens intéressés. Cette amélioration se traduirait non seulement par une définition plus claire des responsabilités des dirigeants des Premières Nations, mais elle créerait aussi un environnement permettant d'avoir des gouvernements plus forts et plus compétents qui attireraient les investissements et les partenaires de l'extérieur, de façon à favoriser le développement des communautés.
En plus de respecter les principes démocratiques et de bon gouvernement qui régissent déjà la vie de la majorité des Canadiens, cette transparence accrue accroîtrait la confiance dans les gouvernements des Premières Nations au sein des autres gouvernements et parmi les investisseurs. Elle leur permettrait de nouer des liens plus forts et ainsi de créer un environnement plus propice au développement et aux investissements.
Il est très important pour les investisseurs potentiels d'avoir la certitude que le gouvernement applique des méthodes comptables normalisées et de saines pratiques de gestion. La transparence favorise la confiance, qui est essentielle à la création de liens forts. C'est précisément parce que les autres ordres de gouvernement sont ouverts et transparents que nous jouissons de la confiance et de l'appui du milieu des affaires.
Nous voulons reproduire ce genre de succès dans toutes les communautés des Premières Nations. Une fois que la mesure législative aura été adoptée et que la façon dont les communautés gèrent leur argent et rendent compte de leurs dépenses sera claire, les entreprises seront plus enclines à créer des partenariats. Elles seront plus portées à considérer les Premières Nations comme un partenaire fiable.
Il existe plusieurs bonnes raisons d'appuyer le projet de loi , comme je viens de le mentionner et comme d'autres députés l'ont expliqué aujourd'hui. L'une des raisons les plus convaincantes est le fait que notre pays se fonde sur la notion fondamentale de bon gouvernement, qui est inscrite dans la législation de tous les ordres de gouvernement du pays. Une fois le projet de loi adopté, les communautés et les membres des Premières Nations se retrouveront en bonne compagnie. Ce sera une évolution heureuse aux yeux d'un grand nombre de membres des communautés qui nous ont demandé d'agir et de le faire dès maintenant.
J'exhorte tous les partis à appuyer sans réserve cette mesure législative fort utile. Faisons en sorte que les citoyens des Premières Nations jouissent des mêmes droits et des mêmes privilèges que tous les autres Canadiens d'un océan à l'autre.
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Monsieur le Président, à titre de rétrospective, tous les quatre ans, le Canada, comme tout pays membre des Nations Unies, subit un examen sur son comportement en matière de droits de l'homme, lors duquel il se soumet aux commentaires de ses pairs. C'est étrange d'ailleurs d'entendre mes collègues parler justement de transparence et de réputation internationale.
Je poursuis. Le dernier examen, qu'on appelle Examen périodique universel, a eu lieu en 2009. Il faut le lire pour constater que les mêmes commentaires reviennent encore et encore de divers pays membres, concernant les conditions de vie des Premières Nations, la situation des femmes et des filles autochtones, l'accès à l'éducation et l'accès à l'eau potable. C'est épouvantable.
Alors que les pays membres de l'ONU dénoncent cette situation très gênante sur la scène diplomatique internationale, la réponse du gouvernement canadien est d'exiger des Premières Nations des reçus pour des indemnités journalières. On détecte un malaise de temps en temps de l'autre côté, peut-être même un remords — et franchement je l'espère — envers des erreurs qui leur sont propres, telles que leur propre incapacité à gérer les problèmes politiques, économiques et humanitaires des peuples autochtones.
On aurait raison de constater un tel remords après la parution du rapport de la vérificatrice générale en 2011, un rapport qui faisait suite à 16 autres rapports de vérification qui sont demeurés, pour la plupart, sans conséquence et sans suivi. Ce rapport de la vérificatrice générale a rappelé que les conditions de vie de base des Premières Nations se détériorent constamment. Il faisait état d'une détérioration qui se poursuivra aux dépens des prochaines générations.
Nous parlons de conditions de vie de base, comme l'accès à une alimentation saine, au logement ou à l'eau potable. Nous sommes ici, au Canada, dans un pays du G8. J'ai mon voyage! C'est une honte que nous ne pouvons plus garder pour nous-mêmes et encore moins oublier. Aujourd'hui, cette situation invraisemblable a été diffusée dans le monde entier. Le drame d'Attawapiskat qui a fait le tour du monde, c'est aussi le drame, le fardeau, la honte de tous les Canadiens. Il y a de la place dans cette pièce pour 308 responsables, parce que c'est ce que nous sommes. Nous sommes des parlementaires et nous pourrions nous assurer que le Canada n'est pas considéré, aux yeux de la presse internationale — comme l'évoquait tout à l'heure mon collègue — comme un pays qui accepte une pauvreté strictement indécente.
J'espère même que certains députés sont mal à l'aise car c'est une question d'humanité et de responsabilité. Nous sommes tous responsables des innombrables erreurs des derniers siècles, des dernières décennies. Aujourd'hui, cependant, les membres du gouvernement, y compris ceux qui sont présents devant nous aujourd'hui, doivent reconnaître leur responsabilité pour le fait que ces dernières années, les conditions de vie des Premières Nations n'ont pas eu le statut de priorité absolue qu'elles méritaient. Cette même négligence, qu'a soulignée Sheila Fraser, c'est celle qui a conduit, entre autres, à Attawapiskat.
Accepter cette responsabilité, ne signifie pas la rejeter sur les autres, surtout pas la rejeter sur les Premières Nations elles-mêmes. Ne prenons pas les victimes pour les bourreaux.
Je remercie mon collègue qui me rappelle que je dois vous annoncer que je partagerai le temps dont je dispose avec la députée de .
Au lieu d'accepter les recommandations de l'ONU et celles de la vérificatrice générale, au lieu de reconnaître que nous vivons un problème grave mais résoluble, les députés du gouvernement choisissent, en proposant et en adoptant le projet de loi , de rejeter la faute sur les communautés autochtones, sous prétexte d'exigences sur la transparence que, par ailleurs, leurs propres ministres ont de la difficulté à respecter, c'est le moins qu'on puisse dire.
Au lieu de lire les innombrables rapports émis au Canada et sur la scène internationale relativement à la situation des Premières Nations, le gouvernement se saisit effectivement d'informations anciennement repêchées par un groupe de pression — portant sur un salaire d'administrateur dans une communauté —, et il en fait un projet de loi qu'il considère digne d'un programme de gouvernement. Un incident exagéré par des médias en mal de scandale — et pourtant, ce ne sont pas les scandales qui manquent ici — s'est transformé en politique du gouvernement canadien. Ce serait une drôle manière de gouverner si les conséquences n'étaient pas si tristes.
Les exigences que propose ce projet de loi sont inutiles, parce qu'elles existent déjà sous forme utile et suffisante; elles sont nuisibles parce qu'elles imposent un pesant fardeau sur les communautés, un fardeau que peu d'autres juridictions ont à supporter.
Elles portent en bouche le goût amer du colonialisme, de l'esprit de la Loi sur les Indiens. On note l'absence de consultation et de concertation valable avec les Premières Nations. Pourquoi? C'est sans doute parce qu'on fait ça pour leur bien, comme le veut la tradition.
On lit ce projet de loi et on constate le paternalisme dans tous ses détails. On donne au ministre le pouvoir de retenir les fonds destinés aux communautés, des fonds nécessaires à l'amélioration des conditions de vie des résidants. Ou encore, toute personne, issue de la communauté ou non, a le droit de s'adresser à la Cour supérieure pour demander qu'on divulgue les états financiers d'une communauté. Il y a également l'obligation de publier les états financiers en ligne, alors que seulement la moitié des foyers autochtones sont branchés sur Internet.
Pour ce qui est des familles dont le revenu est sous le seuil de pauvreté et dont la majorité des membres vivent dans les réserves, on trouve que 36 % des foyers ont accès à Internet. On se demande bien à qui est destinée une telle mesure. Est-ce vraiment pour veiller à ce que les Premières Nations soient plus transparentes et imputables à leurs ressortissants? Ne serait-ce pas plutôt pour faciliter le travail d'un recherchiste de Sun News affecté de nouveau à la chasse au scandale dans les communautés autochtones?
Ce projet de loi est une façon de détourner l'attention encore une fois. On cherche des chefs de bande corrompus, la caricature ultime, pour cacher les erreurs de ce gouvernement et de ses prédécesseurs.
Le plus étonnant dans toute cette initiative est de constater que les pouvoirs de vérification existent déjà sans qu'on ait besoin d'une nouvelle loi. Les Premières Nations sont déjà assujetties à de multiples obligations de divulgation financière prévues par la Loi sur les Indiens — quel beau titre! — comme par une brochette de lois et de règlements reliés.
Le gouverneur en conseil a déjà le pouvoir de permettre aux Premières Nations la possibilité de gérer leurs revenus. Il peut émettre des règlements pour rendre cette permission effective. Le Règlement sur les revenus des bandes d'Indiens exige déjà la vérification annuelle des états financiers et l'affichage du rapport du vérificateur dans un endroit bien en vue.
Encore, les accords de financement que le ministère signe avec chacune des Premières Nations comprennent déjà des exigences de toutes sortes, comme les montants des rémunérations des élus et des non-élus, leurs honoraires, leurs frais de déplacement. Le tout est examiné par un vérificateur indépendamment. La plupart des accords de financement existants sont conditionnels à la livraison de ces données vérifiées avec intervention du ministère, au besoin. Par ailleurs, le ministère cherche, ces jours-ci, à mettre l'accent sur « la prévention et la viabilité durable », plutôt que sur l'intervention dans les affaires des Premières Nations.
La vérificatrice a déjà fait savoir dans son rapport de 2011 qui, en réalité, fait le point sur les 16 rapports précédents que le fardeau imposé aux communautés en matière de déclaration était déjà trop lourd au cours des dernières années. En 2002, la vérificatrice générale recommandait déjà formellement au gouvernement fédéral de — attention, cela va être difficile — « consulter les Premières Nations », parce qu'il examine les exigences des rapports demandés pour rétablir vraiment des besoins en information.
A-t-on vraiment besoin de ces données?
À l'époque, le gouvernement fédéral exigeait des communautés autochtones quelque 200 rapports annuels, dont un grand nombre étaient mis au recyclage avant même d'être utilisés. En 2010, le fédéral exigeait toujours des dizaines de milliers de rapports annuellement, et le nombre va en croissant.
À cette énorme opération de production et de recueil de données, le gouvernement propose aujourd'hui d'en rajouter, contrairement à toutes les recommandations depuis 10 ans.
Ce zèle, cette verve vérificatrice, qu'on devrait peut-être songer à adopter au bureau de circonscription du président du Conseil du Trésor la prochaine fois qu'il organisera un sommet international, ne s'arrête pas aux activités et aux prestations d'une Première Nation. Elle s'étend aux entités réputées être sous son emprise. On parle ici de partenariats, d'entreprises, d'associations, de projets, des organismes qui souvent ne reçoivent pas de fonds du fédéral et pour qui nous n'avons aucune affaire à vérifier ou à réglementer.
Cette obligation créera des problèmes sérieux de compétitivité pour ces entités qui, sans être des organismes publics, seraient soumises à des vérifications publiques. On a donc l'intention, dès qu'une entreprise est liée administrativement à une Première Nation, tout en ne recevant pas un kopeck de fonds fédéraux par l'intermédiaire du financement de la Première Nation, de l'obliger à livrer les détails de ses finances sur Internet, au bon plaisir de la concurrence qui n'en demandera pas moins.
En créant un tel désavantage pour les entreprises des Premières Nations, assurément, on installe un climat impossible pour la création d'initiatives et d'emplois, de même que pour le développement économique dans les communautés autochtones.
Toute partisanerie à part, qu'on me permette d'inviter mes collègues d'en face, pour qui l'économie et la création d'emplois sont devenues le mantra, à reconsidérer cette mesure qui ignore la forme que peuvent prendre les différentes initiatives dans les Premières Nations.
Je leur soulignerais respectueusement qu'on menace des emplois en zone économique défavorisée avec ce genre de mesure. Je ne leur dirais pas, surtout en tant que député de Longueuil—Pierre-Boucher, que je mérite un poste de spécialiste des questions autochtones. Cependant, comme la plupart de mes concitoyens, j'écoute les médias, je lis les journaux et je constate des inégalités devant lesquelles la plupart des Canadiens ressentent un malaise très profond.
Notre relation avec les Premières Nations est malade. Elle a besoin de soins. Actuellement, on dirait que le gouvernement cherche à nous faire remplir un formulaire pour être bien sûr que nous avons la carte d'assurance-maladie quand nous sommes à l'urgence.
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Monsieur le Président, depuis quelques mois, je travaille de très près avec les Atikamekw de Manawan, dans mon comté, afin de les aider à se sortir d'une situation inextricable.
Comme toutes les réserves, Manawan connaît des problèmes graves qui ne se règlent pas en agitant une baguette magique. Je pourrais énumérer jusqu'à demain matin la liste des besoins des Premières Nations auxquelles j'ai été sensibilisées.
Toutefois, pour ne pas abuser du temps qui m'est imparti, je vais me contenter de dire ce dont ils n'ont vraiment pas besoin: le projet de loi . Les Premières Nations n'en veulent pas et n'en ont vraiment pas besoin, car c'est un projet de loi injuste, inutile et contradictoire. Le gouvernement conservateur est tellement préoccupé par son programme idéologique, et tellement limité par son étroitesse d'esprit, qu'il serait tentant de croire qu'il ne comprend pas à quel point ce projet de loi est injuste.
En janvier 2012, le déclarait vouloir collaborer avec les Premières Nations lors du rassemblement de la Couronne et des Premières Nations. Comment peut-il imposer unilatéralement un projet de loi aussi vil quelques mois seulement après cette déclaration? Si ce n'est pas de l'incompétence, c'est de l'ignorance.
Voici la définition du mot « collaboration » selon le Petit Larousse: « Action de collaborer, de participer à une oeuvre avec d'autres ». Au cas où cela éclairerait mes collègues d'en face, voici maintenant la définition du mot « autre »: « Distinct, différent des êtres ou des choses de même catégorie ». Eh bien, de toute évidence, les conservateurs ne comprennent ni l'un ni l'autre de ces deux mots. Alors, pour leur gouverne et au bénéfice de l'érudition générale, voici la définition du mot « coercition »: « Action de contraindre », comme dans la phrase « le projet de loi C-27 est lancé dans un esprit de coercition au détriment de la collaboration ».
Qu'on m'entende bien: je suis en faveur de la transparence. Par contre, alors que ce projet de loi prétend la renforcer au bénéfice des Autochtones, pourquoi le gouvernement donne-t-il la possibilité à n'importe quel Canadien d'en bénéficier? Le projet de loi permet à n'importe qui de se lever un beau matin et de dire que, puisque les Autochtones doivent se soumettre à la loi, on peut demander une ordonnance qui permette de voir leurs salaires. Ce n'est plus de la transparence, c'est du voyeurisme.
Pour comprendre ce geste du gouvernement, il faut savoir que le projet de loi provient du projet de loi , qui était basé sur une histoire fallacieuse portée par la Fédération canadienne des contribuables. C'est bien d'écouter les groupes de pression de la société civile, mais il faut aussi avoir l'honnêteté de regarder les faits sans succomber au télescopage.
Ce projet de loi n'aurait jamais vu le jour si on n'avait pas abondamment répété la fausse information selon laquelle les chefs autochtones gagnaient un plus gros salaire que le . Ce ragot, répandu avec la force du racisme, s'est muté en un projet de loi ignorant les faits: le salaire moyen des chefs est de 60 000 $ et les conseillers gagnent autour de 30 000 $. Il n'y a pas de quoi s'affoler.
J'imagine que les faits réels en ce qui concerne les Premières Nations ont peu d'importance aux yeux des conservateurs, comme ce qui concerne les changements climatiques et ce qui concerne la santé démocratique de ce pays. Quand on leur pose des questions, ils ne font que radoter la même phrase non pertinente, tel un vieux disque qui saute.
Si au moins ce projet de loi avait une quelconque utilité, nous pourrions convenir que les modalités de son application sont à revoir. Or ce n'est pas le cas. Le projet de loi est parfaitement inutile, aussi parfaitement que la Terre est ronde, aussi véritablement que la glace fond, à moins bien sûr que son utilité réelle soit de nuire aux Premières Nations. Cela ne serait pas surprenant, puisque c'est précisément ce à quoi travaille le gouvernement canadien depuis sa création en 1867.
Le projet de loi demande aux Premières Nations de rendre encore plus de comptes. Or ce sont des comptes qu'ils rendent déjà à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Est-ce bien utile de produire des rapports que personne ne lira? Non.
Et c'est un fait: les documents produits par cette loi ne seront utiles à aucune instance. La raison en est fort simple, soit que la fonction publique n'a aucun intérêt pour des documents déjà produits. Les Autochtones rendent déjà assez de comptes et il faut cesser de les infantiliser.
Parmi les besoins des peuples autochtones, on retrouve entre autres l'éducation, la santé, l'alimentation, le logement, les services sociaux et l'eau potable. Le projet de loi doit être considéré à la lumière des conclusions de juin 2011 de la vérificatrice générale. Celle-ci rappelait qu'en dépit des vérifications répétées recommandant de nombreuses réformes au cours de la dernière décennie, le gouvernement a lamentablement échoué à s'attaquer à l'aggravation des conditions de vie des Autochtones. Toutefois, pour un gouvernement qui est en voie d'être traîné en cour par son vérificateur général, j'imagine que cela n'a pas beaucoup d'importance.
Plus encore, tout cela aurait les apparences d'une triste comédie si, au moins, ce projet de loi avait une quelconque cohérence. Mais, dans les faits, ce projet est si mal ficelé qu'il ne mérite même pas une telle mention.
Depuis leur arrivée au pouvoir, les conservateurs ont tout fait pour tenir la transparence loin de leur gouvernement. On ne répond plus aux journalistes, on ne donne plus d'information au vérificateur général, on coupe dans les postes importants de vérification. Après, on ose demander aux Premières Nations d'en faire plus que tous les autres Canadiens, alors qu'elles n'ont ni l'expertise ni les moyens nécessaires pour remplir autant de paperasse.
En fait, ce projet est si parfaitement contradictoire qu'il viole même d'autres lois. Peut-on logiquement permettre à un projet de loi d'empiéter sur d'autres lois aussi facilement? Ou peut-être les conservateurs nous diront-ils que les Autochtones n'ont pas les mêmes droits que tous les autres?
Je sais qu'on se répète, mais je pense que cela vaut la peine de le faire, encore et encore. Bien que l'objectif avoué du projet de loi soit d'accroître la transparence des citoyens des Premières Nations, l'obligation de publier sur un site Internet des Premières Nations, de même que sur le site Internet de AADNC, tout comme le fait que toute personne, pas seulement un membre d'une Première Nation, soit habilitée à demander à une cour supérieure de divulguer des états financiers et des rapports sur les salaires, comporte une portée beaucoup plus large que celle du projet de loi.
Je le répète, le projet de loi est injuste, inutile et contradictoire. Mais comme ce gouvernement possède les mêmes qualificatifs, je ne m'attends pas à ce qu'il change d'avis. Alors, à mes frères et soeurs autochtones, je dirai simplement ceci: les néo-démocrates vont collaborer avec eux pour améliorer leur autogouvernance et les aider à régler les problèmes qui les touchent vraiment.
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Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi .
Le projet de loi, comme son titre l'indique, vise à préciser très clairement aux membres de la communauté qui, au sein du conseil de bande, reçoit un salaire, et pour quelle raison, ainsi que tous les autres avantages qui se rattachent à ces fonctions. La mesure législative prévoit que les chefs des Premières Nations et les conseillers du conseil de bande devront divulguer leur salaire et leurs dépenses. Les résidants des réserves pourront ainsi déterminer en toute connaissance de cause si leurs élus leur en donnent pour leur argent.
Le projet de loi aurait tout aussi bien pu s'appeler « Loi des citoyens en faveur de la reddition de comptes », car son principal objectif est d'accroître l'obligation redditionnelle et de veiller à ce que les chefs politiques aient à rendre des comptes à leurs électeurs au sujet de leurs décisions en matière de rémunération.
Dans l'expression « reddition de comptes », on trouve le mot « comptes ». Par reddition de comptes, on entend l'obligation qu'a une personne ou un organisme de rendre compte de ses activités, d'en assumer la responsabilité et d'en divulguer le résultat de façon transparente. Cette obligation s'applique également à la responsabilité de l'argent et des autres biens confiés. Il s'agit en définitive de comptabilité au sens classique du terme.
On demande carrément aux dirigeants des Premières Nations d'ouvrir leurs livres pour que les résidants locaux puissent savoir comment les deniers publics sont dépensés. Plus précisément, le projet de loi exigerait des gouvernements des Premières Nations qu'ils publient annuellement leurs états financiers consolidés et vérifiés. Il convient d'ajouter que cela comprend la divulgation de toutes les sources de financement.
Outre les transferts provenant de divers ministères et organismes du gouvernement fédéral, les Premières Nations ont d'autres sources de revenu. La nature et l'ampleur de celles-ci varient d'une Première Nation à l'autre. Il peut s'agir de financement provincial et territorial, de frais imposés aux utilisateurs de services comme la collecte des ordures, de droits de mouillage, de revenus de location, d'impôts fonciers, ainsi que d'autres revenus générés par le développement économique.
Je fais remarquer à mes collègues que les conseils de bande produisent déjà des états financiers annuels consolidés. C'est une des conditions de leurs ententes de financement avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada.
Aux termes de ces ententes, non seulement les gouvernements et les membres des Premières Nations doivent rendre des comptes, mais les conseils de bande doivent également préciser si les fonds ont été utilisés aux fins prévues et si les programmes et services ont été offerts conformément aux modalités des ententes de financement. Les états financiers demandés, auxquels sont annexés les rémunérations et les dépenses d'une Première Nation, doivent être vérifiés par des vérificateurs professionnels, indépendants et agréés. La communication d'information financière est un processus crédible lorsqu'elle se fonde sur des normes comptables indépendantes.
Aux termes du nouveau projet de loi , les gouvernements des Premières Nations seraient tenus de divulguer ces états financiers aux membres de la communauté et au grand public. Quiconque s'intéresse aux états financiers ne sera plus tenu de soumettre une demande dans l'espoir que les membres du conseil de bande y accéderont. Les membres des Premières Nations auraient l'assurance que les données détaillées seraient publiées tous les ans.
Si les membres des Premières Nations s'interrogent au sujet des finances de leur communauté ou de la façon dont l'argent est dépensé, la nouvelle norme de reddition de comptes leur donnerait des mécanismes pour aborder ces préoccupations.
Les rapports financiers comprendraient des renseignements sur tous les avoirs de la bande, données qui, selon les principes comptables généralement reconnus, doivent être inclus dans les états financiers de la Première Nation, quoi qu'au niveau de regroupement le plus élevé.
Cela comprendrait la plupart des entreprises détenues par la bande. Je tiens à préciser que nous ne nous attendons pas à ce que chaque entreprise publie des états financiers détaillés. Ce projet de loi n'exige que la publication des états financiers consolidés vérifiés de la Première Nation dans son ensemble. Cela comprendrait toutes les entités qui, selon les règles comptables, doivent être intégrées dans le périmètre de consolidation de la Première Nation, les entreprises détenues par la bande par exemple.
Comme ces états financiers sont regroupés, ils ne révéleraient aucun renseignement commercial de nature exclusive pouvant nuire à la compétitivité d'une entreprise ou de ses partenaires. Je tiens à le répéter, car il est très important que l'opposition l'entende. Comme ces états financiers sont regroupés, ils ne révéleraient aucun renseignement commercial de nature exclusive pouvant nuire à la compétitivité d'une entreprise ou de ses partenaires.
En outre, pour la première fois, le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord publierait les états financiers consolidés vérifiés, y compris la rémunération de tous les représentants des Premières Nations, dès que les renseignements seront disponibles. Comme d'autres députés l'ont indiqué, ces nouvelles exigences sont conformes aux pratiques comptables reconnues utilisées par toutes les autres administrations, qu'elles soient fédérale, provinciales, territoriales ou municipales. Tous les ordres de gouvernement du Canada publient régulièrement des états financiers consolidés vérifiés et divulguent les salaires versés. Une fois ce projet de loi adopté, les salaires des politiciens des réserves seront rendus publics de la même façon que le sont ceux des autres représentants élus du pays.
Je peux assurer à la Chambre que les dispositions de ce projet de loi concernant la reddition de comptes vont au-delà de la comptabilité. Comme le vérificateur général du Canada l'a indiqué, la reddition de comptes est une relation fondée sur l’obligation de faire la preuve du rendement, de l’examiner et d’en assumer la responsabilité, soit à la fois des résultats obtenus à la lumière des attentes convenues et des moyens employés. Faire en sorte que la loi oblige les chefs et les conseillers des Premières Nations à ouvrir leurs livres, c'est améliorer la communication. C'est une mesure qui permet d'accroître la confiance et l'appui de la part des Premières Nations à l'égard des conseils de bande, et d'accroître la confiance de tous les Canadiens envers les gouvernements des Premières Nations.
Personne n'est obligé de me croire sur parole. La Banque mondiale, une autorité reconnue, a avancé le même argument dans un rapport récent sur la reddition de comptes et la communication:
En tant qu'intervenant du secteur public, l'État doit rendre compte de sa façon d'offrir des services aux citoyens. En retour, les citoyens donnent de la légitimité à l'État en faisant valoir leur opinion. L'État et les citoyens disposent de processus et d'outils de communication permettant de demander des comptes [...] L'utilisation efficace des structures et des processus de communication aux fins de la reddition de comptes peut améliorer les relations entre l'État et les citoyens, la gouvernance et, à long terme, l'efficacité des efforts de développement [...]
J'aimerais finalement parler de l'aspect fondamental du projet de loi dont nous avons été saisis. Le projet de loi vise essentiellement à faire en sorte que les membres des Premières Nations puissent exercer pleinement leurs droits démocratiques. Cette nécessité est clairement établie dans le rapport intitulé « L'information financière des Premières Nations », publié par un groupe d'étude de l'Institut canadien des comptables agréés. Le rapport indique que les pratiques comptables et les exigences en matière de présentation de l'information financière sont déterminées par la situation sociale, politique et économique, ainsi que par les relations redditionnelles qui en découlent.
Le rapport indique clairement que les gouvernements des Premières Nations doivent rendre des comptes à trois niveaux différents. Premièrement, ils doivent rendre des comptes aux membres de la Première Nation qui résident à l'intérieur ou à l'extérieur de la réserve et qui ont le droit de choisir leurs dirigeants. Deuxièmement, ils doivent rendre des comptes aux ministères fédéraux qui versent du financement aux Premières Nations, de même qu'aux gouvernements provinciaux et territoriaux qui ont tissé des liens juridiques ou économiques avec les Premières Nations. Et troisièmement, ils doivent rendre des comptes à ceux qui fournissent du capital, c'est-à-dire aux investisseurs.
En plus de ces trois groupes avec lesquels ils ont des liens directs, les gouvernements des Premières Nations doivent aussi rendre des comptes aux gens qui résident sur les terres des Premières Nations et y paient des taxes, par exemple ceux qui ont un bail, qu'ils soient membres de la Première Nation ou non. Ils doivent aussi rendre des comptes aux divers organismes avec lesquels ils ont des liens contractuels qui exigent des rapports financiers; aux partenaires commerciaux actuels et futurs qui ont besoin de ces renseignements pour prendre des décisions; aux promoteurs qui sont actifs dans le secteur résidentiel, industriel ou commercial ou participent à d'autres projets d'investissement; et aux organismes de réglementation et aux agences qui supervisent les Premières Nations.
D'autres intervenants peuvent aussi s'intéresser à la situation financière d'une Première Nation. Les agences d'évaluation du crédit, les analystes financiers, les médias, les groupes d'intérêt public et la population dans son ensemble pourraient souhaiter avoir accès aux rapports financiers des Premières Nations. C'est pourquoi le projet de loi indique que les données financières annuelles des conseils de bande doivent être divulguées non seulement à leur communauté immédiate, mais aussi à la population canadienne en général puisque, comme le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public de l'Institut canadien des comptables agréés l'a souligné dans son rapport, un gouvernement a pour objectif de fournir des services et de redistribuer les ressources, et non de faire des bénéfices.
Le budget établi par un gouvernement reflète la politique publique; il présente une estimation des revenus, des dépenses et des besoins en matière de dépenses et de financement, et il occupe une place importante dans le cycle de reddition de comptes du gouvernement. En termes simples, des pratiques et des procédures uniformes peuvent favoriser la reddition de comptes et la transparence parmi les gouvernements des Premières Nations et elles peuvent aussi accroître la fiabilité et l'efficacité des services offerts par les gouvernements.
Voici un autre aspect tout aussi important: le fait d'ouvrir les livres et de prouver que l'on a de saines pratiques comptables favorise les affaires. Le rapport du conseil l'a clairement révélé, et l'expérience pratique acquise au sein des communautés renforce ce constat. La mise en pratique des principes comptables généralement reconnus entraîne certitude et prévisibilité, ce qui est sans contredit un atout de taille lorsqu'on veut attirer des partenaires du secteur privé. Il est très important pour les investisseurs potentiels d'avoir la certitude que le gouvernement d'une Première Nation respecte les normes comptables établies et adopte de saines pratiques de gestion. En appliquant les nouvelles mesures de reddition de comptes prévues dans le projet de loi, les conseils de bande pourront démontrer que leur gestion des finances respecte les pratiques exemplaires, ce qui est crucial pour créer un environnement favorisant la création d'emploi et la croissance économique.
Si un conseil de bande inspire la confiance d'éventuels investisseurs, il peut alors attirer des projets de développement économique, ce qui confère aux membres des Premières Nations une plus grande autonomie et une meilleure qualité de vie; ce qui correspond justement à l'objectif ultime du projet de loi. Dans tous les discours du Trône depuis 2006, nous avons répété qu'il s'agissait de l'un de nos objectifs et nous l'avons confirmé dans le discours du Trône de 2011, dans lequel le gouvernement du Canada s'est engagé à favoriser la transparence dans les communautés des Premières Nations en exigeant de leurs chefs et de leurs conseillers qu'ils rendent publics leurs salaires et leurs dépenses. Je suis fier de dire que le projet de loi nous permet de respecter cet engagement.
La Loi sur la transparence financière des Premières Nations s'ajoute à une série de lois et de politiques que nous avons élaborées pour favoriser développement économique dans les réserves, et la plus récente est la Loi sur les élections au sein de premières nations. Ces deux mesures législatives sont les pierres d'assises qui permettront aux Premières Nations de se doter de mécanismes de gouvernance efficaces. L'amélioration du système électoral et de la reddition de comptes permettra aux gouvernements d'être plus stables et plus solides, ce qui favorisera la prospérité des communautés. Si les gouvernements des Premières Nations sont plus solides, ils pourront alors plus facilement gagner la confiance de partenaires d'affaires qui seraient prêts à faire des investissements fermes. Ces investissements, à leur tour, stimuleraient le développement économique et la création d'emplois dans les Premières Nations. Qui peut contester cette affirmation?
Quiconque examine objectivement les faits que je viens d'exposer, qui sont d'ailleurs confirmés par les sources externes que j'ai citées, peut seulement en venir à la conclusion que le projet de loi est aussi nécessaire que bénéfique. Cette mesure législative répond aux besoins des membres des Premières Nations. Elle permet en outre de défendre les intérêts des dirigeants locaux, d'autres gouvernements, du secteur privé et, au bout du compte, de tous les Canadiens. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, le projet de loi vise autant à accroître la transparence qu'à renforcer la reddition de comptes et à défendre la démocratie. Tous les Canadiens, qu'ils soient Autochtones ou non, ont ces principes à coeur.
Tous les partis sont sûrement capables de voir les mérites de ce judicieux projet de loi et voteront en sa faveur.